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COLLECTION NBL/KHARBINE TAPABOR<br />

Des tirailleurs algériens prisonniers en Allemagne, pendant la Grande Guerre, en train de jouer aux cartes.<br />

pour décrédibiliser les premiers. Vous rappelez<br />

en outre l’usage d’iconographies dégradantes<br />

(comme celle liée au slogan « Y’a bon Banania »,<br />

utilisé jusqu’en 2011). On a ainsi le sentiment que<br />

les tirailleurs n’ont jamais pu contrôler leur image…<br />

L’image du sauvage est utilisée des deux côtés. Berlin accuse<br />

Paris d’employer des Africains contre la « civilisation » européenne<br />

; les Français amplifient sciemment des rumeurs de<br />

colliers d’oreilles et de décapitations au coupe-coupe, afin de<br />

semer la terreur chez les troupes adverses. Mais les autorités<br />

françaises se rendent vite compte des limites de cette propagande<br />

: l’Hexagone est censé avoir colonisé l’Afrique au nom<br />

d’une mission civilisatrice, or, si après quarante ans de présence,<br />

l’Africain demeure un « sauvage », c’est bien que cette<br />

mission a échoué ! L’image véhiculée glisse donc vers le « grand<br />

enfant », domestiqué afin qu’il combatte le « Hun » allemand…<br />

À aucun moment, les tirailleurs n’ont donc été maîtres de leur<br />

image. Après la Première Guerre mondiale, alors que la France<br />

occupe la Rhénanie, des accusations de viols, véhiculées par<br />

les presses germaniques et anglo-saxonnes, alimentent la propagande<br />

nazie : « la honte noire », dont parle Hitler dans Mein<br />

Kampf. Les conséquences en sont terribles : lors de la débâcle<br />

française en juin 1940, les soldats allemands massacrent<br />

entre 1500 et 3000 tirailleurs prisonniers, avec l’approbation<br />

de leur hiérarchie.<br />

« Comme le pensent<br />

leurs descendants,<br />

cette guerre n’était<br />

nullement la leur<br />

et ils n’avaient<br />

rien à y faire. »<br />

Lors de la Première Guerre mondiale, on les retire<br />

du front entre octobre et avril, le climat étant jugé<br />

trop rigoureux. Ils sont alors logés dans des « camps<br />

d’hivernage » dans le Var, sur la Côte d’Azur. Quels<br />

sont leurs rapports avec la population locale ?<br />

Il n’y a eu pas moins de 13 camps à Fréjus et à Saint- Raphaël.<br />

Les tirailleurs nouent des liens avec la population, malgré les<br />

consignes de prudence données par les autorités, qui recommandent<br />

de ne pas approcher ces hommes « à la sexualité<br />

débridée »! Des amitiés et des idylles se créent. La peintre Lucie<br />

Cousturier (1876-1925) sympathise avec certains, leur donne<br />

AFRIQUE MAGAZINE I <strong>429</strong> – JUIN 2022 45

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