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Programme de soirée - Génération danse

Programme de soirée de la pièce Génération danse, présentée du 10 octobre au 18 novembre 2023, au Théâtre La Licorne. Une production de La Manufacture.

Programme de soirée de la pièce Génération danse, présentée du 10 octobre au 18 novembre 2023, au Théâtre La Licorne. Une production de La Manufacture.

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Théâtre La Licorne • <strong>Génération</strong> <strong>danse</strong><br />

REGARDS CROISÉS<br />

AVEC DAPHNÉ B.<br />

© MARIE OUARDIYA ATCHEBA<br />

Donner la parole à une voix extérieure au milieu<br />

théâtral, afin d’approfondir notre réflexion sur les<br />

spectacles présentés entre nos murs, c’est la raison<br />

d’être <strong>de</strong> Regards croisés, une tribune offerte,<br />

par La Manufacture, à un·e libre penseur·euse en<br />

rési<strong>de</strong>nce. Après Martine Delvaux et Fabrice Vil,<br />

La Licorne accueille cette saison l’essayiste,<br />

poète, traductrice littéraire et chroniqueuse<br />

Daphné B, à qui l’on doit notamment l’essai<br />

Maquillée, lauréat du Prix <strong>de</strong>s libraires (2021).<br />

Son <strong>de</strong>rnier recueil <strong>de</strong> poésie jeunesse, La pluie<br />

<strong>de</strong>s autres, a été finaliste au prix du Gouverneur<br />

général. Elle nous offre ici son texte Pas cute,<br />

fruit d’une réflexion sur la pièce <strong>Génération</strong><br />

<strong>danse</strong>. Bonne lecture !<br />

Pas cute<br />

Ce sont les didascalies qui me frappent à la lecture <strong>de</strong><br />

<strong>Génération</strong> <strong>danse</strong> (traduit <strong>de</strong> l’anglais par Maryse Warda),<br />

ces indications que la dramaturge américaine Clare<br />

Barron sème dans son manuscrit pour diriger les artistes<br />

qui feront vivre sa pièce. Comme une cheffe d’orchestre,<br />

elle distribue ses coups <strong>de</strong> baguette avec précision. À<br />

travers ses exigences, j’ai l’impression <strong>de</strong> la voir apparaître<br />

dans toute sa puissance, sa souveraineté d’autrice.<br />

Le « mignon » est proscrit. La sauvagerie païenne et la<br />

férocité sont essentielles, précise-t-elle dans le texte qui<br />

met en scène <strong>de</strong>s adolescentes participant à une compétition<br />

<strong>de</strong> <strong>danse</strong>. En fait, Barron ne fait pas que gouverner<br />

son royaume. En nous transmettant ses intentions par l’entremise<br />

<strong>de</strong>s didascalies, elle nous livre aussi sa vision du<br />

mon<strong>de</strong>.<br />

Les chants <strong>de</strong>vraient être <strong>de</strong>s rituels terrifiants qui<br />

convoquent une puissance véritable.<br />

Tous les personnages […] <strong>de</strong>vraient être incarnés par <strong>de</strong>s<br />

adultes (pour la plupart) âgés entre 12 et 75 ans et même<br />

plus. Voyez ça comme une pièce peuplée <strong>de</strong> fantômes :<br />

les corps plus âgés <strong>de</strong>s acteurs hantent les personnages<br />

<strong>de</strong> 13 ans.<br />

C’est en lisant ces indications que j’ai pensé que je <strong>de</strong>vais ressembler<br />

à l’autrice. Depuis plusieurs années, j’essaie, moi aussi,<br />

<strong>de</strong> lutter contre le cute, l’infantilisation systématique <strong>de</strong> tout ce<br />

qui touche à ma personne ou à mon genre ; le féminin. Quand<br />

je chante dans ma douche, no joke, je hulule parfois, dans<br />

un mélange <strong>de</strong> rituels terrifiants et <strong>de</strong> puissance véritable.<br />

À 33 ans, j’ai le goût qu’on me considère avec sérieux<br />

et qu’on respecte ma liberté, mon intelligence, mon autorité.<br />

Tous les jours, je lutte contre mon désir <strong>de</strong> plaire,<br />

d’être la gentille fée qui saupoudre ses courriels <strong>de</strong> lol et<br />

<strong>de</strong> bonhommes sourire, comme pour m’excuser d’exister.<br />

La vérité, c’est que j’aimerais envoyer les gens chier beaucoup<br />

plus souvent. Dire non. Gueuler. Exiger davantage que<br />

le minimum. Et venger l’enfant qui hante mon corps d’adulte.<br />

Je ne veux plus être la fille qu’on exploite sans hésitation,<br />

celle qu’on taxe <strong>de</strong> « jeune » autrice québécoise, alors même<br />

qu’elle a quatre livres <strong>de</strong>rrière la cravate, <strong>de</strong>ux maîtrises et<br />

l’âge d’avoir <strong>de</strong>s enfants. Je suis tannée d’être celle qu’on<br />

fait travailler gratuitement, celle qu’on traite comme une figurine<br />

Hello Kitty, celle à qui on envoie <strong>de</strong>s pouces bleus. Je<br />

n’en peux plus. L’année passée, sur un minuscule pen<strong>de</strong>ntif<br />

en grain <strong>de</strong> riz que je porte autour du cou, j’ai fait inscrire<br />

mon nouveau pseudo : « chien sale ».

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