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Programme de soirée - Génération danse

Programme de soirée de la pièce Génération danse, présentée du 10 octobre au 18 novembre 2023, au Théâtre La Licorne. Une production de La Manufacture.

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Théâtre La Licorne • <strong>Génération</strong> <strong>danse</strong><br />

Ce désir <strong>de</strong> dignité qui ressemble presque à un jappement,<br />

je le retrouve chez Barron. Quand l’autrice proscrit<br />

le « mignon » <strong>de</strong> sa pièce, ce n’est pas parce qu’elle<br />

déteste ce qui est cute, mais parce que le cute porte un<br />

genre, et que l’autrice veut qu’on prenne ses personnages<br />

au sérieux, même si (ou justement parce que) ce<br />

sont <strong>de</strong>s filles, <strong>de</strong>s humaines <strong>de</strong> 11 à 14 ans. Clare Barron<br />

nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> donc <strong>de</strong> les écouter avec l’attention que<br />

comman<strong>de</strong> la conférence <strong>de</strong> presse <strong>de</strong> la prochaine<br />

chimiste à gagner le prix Nobel. On leur doit du respect,<br />

<strong>de</strong> l’attention et <strong>de</strong> la considération. Il me semble que ce<br />

n’est pas sorcier, non ?<br />

Au moment d’écrire Dance Nation, Barron avait à peu<br />

près mon âge: 33 ans. Je clique sur un article paru dans<br />

The Guardian et lis une entrevue dans laquelle elle parle<br />

<strong>de</strong> toute la con<strong>de</strong>scendance qu’elle a suscitée dans sa<br />

carrière <strong>de</strong> « jeune femme ». Elle raconte « cette fois où,<br />

lors d’une remise <strong>de</strong> prix, un critique l’a prise pour une actrice,<br />

puis lui a <strong>de</strong>mandé si elle avait réellement écrit toute<br />

seule la pièce pour laquelle elle avait été sélectionnée ».<br />

Elle poursuit : « Des fois [ton i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> jeune femme] te<br />

freine, pis d’autres fois, grâce à cette chose qu’on fétichise<br />

et qu’on marchandise, on t’offre une opportunité.<br />

Pis ça <strong>de</strong>vient épeurant <strong>de</strong> vieillir. Genre, est-ce que<br />

j’ai une carrière seulement parce que j’étais une jeune<br />

autrice, pis que c’était hot dans le temps ? Ou bien est-ce<br />

que les gens prennent vraiment mon travail au sérieux ? »<br />

Je lis ma peur dans les mots <strong>de</strong> Barron, ma colère, mon<br />

insécurité. Je l’ai déjà écrit dans un livre, moi aussi : « on<br />

me prend cute, pour ici ou pour emporter, on me prend<br />

par la main en me disant c’est incroyable », on me prend<br />

tout sauf au sérieux. Quand on me parle d’écriture, on<br />

me ramène sans cesse à mon sexe, à mon genre. Dans la<br />

sphère médiatique, on s’obstine encore à me cantonner<br />

au féminisme, au rose et au corps, alors que j’étudie les<br />

médias numériques <strong>de</strong>puis dix ans et que j’écris sur la<br />

transformation i<strong>de</strong>ntitaire, le <strong>de</strong>uil et la sociologie. Si je<br />

suis féministe, ce n’est pas par choix, mais par nécessité.<br />

Similairement, on relègue souvent les personnes racisées<br />

aux enjeux raciaux, les personnes trans aux enjeux trans,<br />

etc., bien qu’on <strong>de</strong>vrait pouvoir parler <strong>de</strong> vie, <strong>de</strong> mort,<br />

d’économie, <strong>de</strong> philo, <strong>de</strong> sports, <strong>de</strong> sciences, <strong>de</strong> socio,<br />

d’environnement, d’histoire, d’éthique et <strong>de</strong> politique en<br />

transcendant la case réductrice <strong>de</strong> notre i<strong>de</strong>ntité.<br />

Ainsi, <strong>de</strong>puis quelques années, je travaille à me transformer<br />

en chienne sale, à répliquer quand on me marche<br />

sur les pieds, à parler. Évi<strong>de</strong>mment, ça ne plaît pas à tout<br />

le mon<strong>de</strong>. C’est dur, c’est insécurisant et ça me nuit. La<br />

<strong>de</strong>rnière fois que je me suis enflammée sur les réseaux<br />

sociaux parce qu’on venait <strong>de</strong> me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> donner<br />

un cours <strong>de</strong> presque <strong>de</strong>ux heures aux HEC sans être<br />

rémunérée, les gens que j’ai dénoncés se sont empressés<br />

<strong>de</strong> m’écrire un courriel : on me disait <strong>de</strong> me comporter<br />

avec davantage <strong>de</strong> respect, <strong>de</strong> civilité. Mais comment<br />

puis-je respecter ceux et celles qui n’ont aucun respect<br />

pour moi, pour la valeur <strong>de</strong> mon travail, pour ma survie ?<br />

Dans une autre didascalie, Clare Barron décrit les adolescentes<br />

qui exécutent une chorégraphie. On dirait <strong>de</strong>s<br />

bébés robots sexy.<br />

Elle précise l’image : [Elles ressemblent à] <strong>de</strong>s robots<br />

sanguinaires qui veulent détruire le mon<strong>de</strong> et le fourrer<br />

après sa mort.<br />

Elles sont à peine vêtues. Elles caressent leurs corps.<br />

Grincent <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nts — elles ont toutes <strong>de</strong>s crocs à présent.<br />

Des <strong>de</strong>nts pointues et acérées.<br />

Une musique se fait entendre. Sexuelle et perverse.<br />

La rencontre <strong>de</strong> déesses <strong>de</strong> vidéos <strong>de</strong> musique et <strong>de</strong><br />

gremlins lubriques.<br />

À mes yeux, cette didascalie contient l’essence <strong>de</strong> ma<br />

chienne sale intérieure. C’est une force qui refuse d’être<br />

cute, mais qui se sait aussi vivante, désirable et désirante.<br />

Une déesse gremlin lubrique. Je me regar<strong>de</strong> dans<br />

le miroir, je checke mes crocs, mes petites <strong>de</strong>nts croches.<br />

Je me caresse les cheveux roses, je jappe. Puis je finis <strong>de</strong><br />

lire l’article dans The Guardian où ma nouvelle héroïne<br />

narre son parcours.<br />

À la fin <strong>de</strong> l’entrevue, la dramaturge offre un conseil à tous<br />

ceux et celles qui souhaiteraient écrire sur les filles et les<br />

femmes, et je vous le livre ici : « Faut qu’il y ait <strong>de</strong> l’âme.<br />

Que ça soit big. Prenez ça au sérieux. »<br />

Mais surtout : « Don’t make it cute. »<br />

Daphné B.<br />

Causerie avec DAPHNÉ B. et SOPHIE CADIEUX<br />

Le jeudi 16 novembre, après la représentation <strong>de</strong> <strong>Génération</strong> <strong>danse</strong>, La Manufacture vous invite<br />

à une discussion avec Daphné B. – libre-penseuse en rési<strong>de</strong>nce à La Licorne cette saison – et<br />

Sophie Cadieux, metteure en scène <strong>de</strong> la pièce. Animé par Alexandre Cadieux, cet entretien sera<br />

l’occasion d’approfondir les thèmes abordés dans cette œuvre <strong>de</strong> Clare Barron.<br />

La causerie sera suivie d'une <strong>soirée</strong> dansante animée par DJ Flip Phone.<br />

Événement gratuit - Tous les détails ici.

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