07.01.2013 Views

Herman Parret

Herman Parret

Herman Parret

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

toucher la statue pour en saisir la silhouette. Riegl, et Deleuze à sa suite, considère l’art<br />

égyptien comme l’accomplisement suprême du Kunstwollen (“volonté formatrice”,<br />

“impulsion créatrice”), puisque l’art égyptien est l’art tactile par excellence, l’art à être<br />

“tâté du regard”, conçu pour être vu de près (nachsichtige). Suit alors l’art grec, second<br />

grand moment de l’histoire deleuzienne de l’art. L’importance de la matière et les jeux<br />

complexes de profondeur dans la composition de la sculpture grecque contraste avec la<br />

manifestation des essences dans une seule dimension en art égyptien. En art grec, le<br />

rapport n’est plus de proximité physique avec l’essence: il assigne l’aire de la vision<br />

normale (Normalsichtige). La valeur tactile est totalement subordonnée à une vision<br />

optique des formes qui sont données dans un rapport de plus grand éloignement. Vient<br />

ensuite l’art byzantin qui supprime toute référence au tactile pour révéler un espace<br />

purement optique. Règne ici le primat absolu accordé à la manifestation d’une lumière<br />

immatérielle avec laquelle l’oeil de l’esprit entièrement indépendant du corps est seul en<br />

mesure de correspondre. L’art rompt toute attache avec l’expérience de la proximité<br />

esthétique, manuelle et matérielle, en exprimant l’idée abstraite d’une lumière lointaine.<br />

L’art byzantin est l’art optique par excellence, c’est-à-dire l’art ressortissant à la vision<br />

éloignée (fernsichtige).<br />

(Ill. 15) Gloire donc aux Egyptiens, aux bas-reliefs et aux peintures murales de<br />

l’ancienne Egypte. Les bas-reliefs et les peintures murales, qui se présentent comme de<br />

pures silhouettes, y sont conçus en fonction de la vision rapprochée: ils doivent être<br />

regardés de près si l’on veut faire ressortir l’essentiel des choses sur une surface<br />

objective, tactile, sans aucune projection subjective ou illusoire. L’artiste égyptien voulait<br />

absolument éviter de susciter chez le spectateur l’illusion d’une forme qu’il aurait devant<br />

lui, il voulait la lui retirer aussitôt. Objectives sont les figures aux contours très nets qui<br />

les délimitent avec précision, le fond qui les entoure étant traité comme un mal<br />

nécessaire, comme un accessoire inutile. Le fond sert à séparer les motifs les uns des<br />

autres et non comme un facteur qui aurait droit à une existence effective: il n’a pas de<br />

statut manifeste. Riegl indique avec maintes descriptions que l’art des surfaces de<br />

l’ancienne Egypte ne veut pas donner de fond, mais uniquement des reliefs dont la forme<br />

matérielle est éminemment tactile. Chaque figure se présente aussi isolée que possible<br />

dans sa position et dans son mouvement: elles semblent avoir été représentées telles que<br />

17

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!