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dans la réalité? (Ill. 1) L’attouchement (1768) de Jusepe de Ribera illustre<br />
exemplairement ce questionnement: l’aveugle palpe une tête sculpté et c’est ainsi qu’il<br />
exerce sa compétence esthétique. D’ailleurs les psychologues de cette époque prônaient<br />
que l’aveugle a une expérience plus intense de l’artistique que le voyant, que le toucher<br />
plus que la vue nous met en contact avec l’essence du réel, voire de l’univers artistique.<br />
C’est bien ce genre de questionnement détrônant la primauté et l’autonomie de la vue, qui<br />
nous guide vers le thème de l’exposé d’aujourd’hui.<br />
L’oculocentrisme est certainement l’épistémologie toute puissante de la<br />
Renaissance. Della pittura d’Alberti en est l’expression la plus systématique. Le premier<br />
chapitre de Della pittura est consacrée à la justification de la peinture perspectivale et<br />
Alberti inaugure ainsi un épisode grandiose de l’histoire de l’art occidental. La<br />
perspective y est conçue comme la technique privilégiée exploitant la puissance de “l’oeil<br />
qui voit”. “L’oeil qui voit” construit géométriquement une pyramide visuelle vu que la<br />
distance de l’observateur reste fixe et la lumière stable. On se rappelle la phrase célèbre<br />
d’Alberti: “le tableau est une fenêtre ouverte par laquelle on peut voir l’istoria (le récit,<br />
l’événement représenté)”. Théorie du voir pur, un voir sans aucune interprétation, sans<br />
aucun engagement subjectif. (Ill. 2) La représentation de la tridimensionalité ou l’ajout de<br />
la troisième dimension est la grande découverte du quatrocento florentin. Ce rêve du voir<br />
pur a été exemplairement exploité par les peintres du quatrocento, comme dans cette<br />
Annonciation de Domenico Veneziano où la profondeur est représentée symétriquement,<br />
proportionnellement, géométriquement. Rien d’extraordinaire que tant d’Annonciations<br />
exploitent la technique de la perspective, et Daniel Arasse a formulé une hypothèse<br />
puissante à ce propos: qu’il y aurait un rapport indéniable entre la technique perspectivale<br />
et le signifiance profonde d’une Annonciation. La perspective suggère une dimension<br />
d’éternité et d’invisibilité. Dans une Annonciation l’Incarnation est annoncée: il est<br />
annoncé que le Dieu éternel et invisible se manifestera dans l’Homme fini et visible.<br />
Evocation de l’invisible par ma mise en perspective d’un voir pur. Mais la possibilité<br />
même d’un voir pur et, par conséquent, la possibilité de la réussite d’une présentification<br />
de l’invisible par la perspective, peut être mises en doute. Est-il possible d’isoler le voir<br />
de son contexte interprétatif? Peut-on voir sans regarder, peut-on neutraliser totalement<br />
l’engagement subjectif de homo aestheticus? Alberti lui-même semble en douter puisqu’il<br />
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