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fondamentale et originaire du toucher de la main, et en vérité des doigts, voire de<br />
l’extrémité des doigts. “Le sens du toucher”, écrit Kant dans l’Anthropologie du point de<br />
vue pragmatique, “réside dans les extrémités des doigts et dans les papilles nerveuses<br />
[papillae] dont ceux-ci sont munis pour que, par le contact de la surface d’un corps<br />
solide, il soit possible d’en reconnaître la forme. [...] Ce sens est aussi le seul qui<br />
contribue à la perception externe immédiate, et c’est justement pourquoi il est aussi le<br />
plus important et celui qui nous apporte les enseignements les plus sûrs, tout en étant le<br />
plus grossier” (§ 17). On serait tenté de dire que Kant préfigure, dans les limites de la<br />
psychologie du XVIIIième siècle, le geste de Husserl dans Ideen II. Quoi qu’il en soit,<br />
Husserl et Merleau-Ponty parlent excellemment de la main, de la main du toucher et, en<br />
fin de compte, de la main qui caresse et laisse ainsi ses traces durables.<br />
Toutefois, il convient de distinguer entre deux modalités du toucher: le toucher de<br />
la caresse et le toucher de la touche. (Ill. 5) Souvent la main qui touche fonctionne<br />
comme un pinceau, comme stulos. C’est la danse de la main à la manière des ballets<br />
chinois, à la manière également du dripping de Jackson Pollock. Lacan emploie pour le<br />
geste du peintre le terme de suspension. Peindre est un mouvement comportant des actes<br />
‘suspendus’, c’est-à-dire des actes qui, loin de viser des objets mondains pour les<br />
transformer, veulement seulement ‘donner à voir’ (J. Lacan, Séminaire IX, 104-106, cité<br />
par R. Bernet, art.cit., 44). Les traces de la touche sont toujours en suspens tandis que les<br />
traces de la caresse s’accumulent jusqu’à ce qu’elles deviennent ligne et surface et<br />
constitution d’un corps plein et homogène. Plénitude de la caresse, choc de la touche. La<br />
caresse incorpore le touché, la touche rejette le touché. La caresse tend à la fusion<br />
maximale, la touche à la fonction minimale. Dans la caresse, le non-semblable s’enlève<br />
sur le sol d’un élément commun. La caresse est une sorte de glissemernt, une sorte de<br />
recouvrement (Husserl parle de Deckung) sur le fond du pur flux temporel unifiant les<br />
moments présents successifs dans une seule ligne continue et une surface homogène,<br />
dans un présent incarné. Il est vrai que dans la caresse la chair n’est jamais intégralement<br />
constituée. Il y a de l’inachèvement, il y a l’ouverture infinie d’une constitution qui se<br />
poursuit. Husserl pense cette ouverture sous le concept d’excédent [Überschuss]<br />
(Méditations cartesiennes, § 55). Que le touché de la caresse “signifie” plus que ce qui<br />
est effectivement présent dans la perception est conséquence du fait que ma chair est un<br />
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