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DOCUMENTS
DOSSIER
BERLIN
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CAPITALE…DU CRIME
Née à l’Est, une jeune maison d’édition
renouvelle la littérature policière
de l'Allemagne réunifiée
FAUSTO GIUDICE
Faute de place nous n'avons pas parlé de Berlin, ville d'éditeurs. Fausto Giudice
y a cependant découvert un petit bijou, les éditions Monade, qui ont placé
le polar sous l'invocation du philosophe Leibniz.
La chute du Mur et la réunification allemande ont enclenché un processus
qui verra, à terme, Berlin restaurée dans son statut de capitale politique.
Cela prendra encore du temps. En attendant, Berlin est déjà
devenue la « capitale du crime », en tout cas littéraire. Une nouvelle vague
d'auteurs de littérature noire est en effet apparue : ils ont tous en commun de
prendre l'ancienne « Athènes de la Spree » comme cadre, comme personnage
même, de leurs romans. Et c'est une jeune maison d'édition née à l'Est qui est
à l'origine de ce renouvellement du genre. S'il est encore trop tôt pour évaluer
l'impact des petits volumes à bande jaune de la série « Berlin Crime », on peut
déjà affirmer qu'il n'est pas du tout marginal. Au-delà du succès commercial
avéré des éditions Monade, l'enjeu est important : il s'agit de réunifier l'imaginaire
social et de forger une nouvelle identité collective berlinoise. Et une littérature
populaire peut être un ingrédient décisif dans cette délicate alchimie.
La littérature policière allemande, mal connue en France, est riche et diverse,
en tout cas d'une qualité que ne laissent pas supposer les séries télévisées
allemandes d'une médiocrité affligeante, qui sont infligées au public français
(Derrick, Le Renard, Schimansky, Soko). Sans doute la méconnaissance de
cette littérature, de ce côté-ci du Rhin, s'explique-t-elle aussi par l'impression
laissée par ces indigestes produits télévisés.
Cette littérature était jusqu'à présent à l'image de la réalité fédérale, polycentrique
et « murée » vers l'Est. Polycentrique, parce que sans capitale : Bonn
pouvait difficilement exciter l'imagination littéraire et Berlin-Ouest était une île.
Les auteurs plantaient donc leurs décors entre Hambourg, Francfort, Cologne,
la Ruhr et Berlin-Ouest. Aveugle à l'Est à cause du Mur et de la Guerre froide,
et aussi parce que le modèle exclusif, pour la littérature policière européenne
de l'après-guerre était exclusivement anglo-américain, alors que l'imaginaire
de la société ouest-allemande faisait son deuil des racines culturelles situées
à l'Est de l'Elbe.
Il était une fois, dans Leipzig en ébullition, trois garçons qui avaient l'âge du
Mur. Ils étudiaient le théâtre à l'Université, étaient férus de philosophie et