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DOCUMENTS
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Les cendres de Frédéric le Grand et les costumes de Marlene Dietrich sont revenus.
Babelsberg ne produira plus ces grands films d'autrefois qui ont fait la gloire
de l'Allemagne,car les anciens metteurs en scène sont partis en Amérique sauvant
leur judaïté à New York tout comme nos savants de l'École de Francfort
ou de celle du Bauhaus, mais ses studios revivent sous une direction franco-allemande
au nom de Volker Schlöndorff. D'anciens trésors de nos musées restent
introuvables certes, mais l'Ile des Musées existe à nouveau. Schinkel est mort
et avec lui beaucoup de nos monuments, mais pas notre mémoire. Alors de nouveaux
architectes sont venus et se disputent par concours interposés la reconstruction
de cette ville. Le gouvernement reviendra s'installer dans des bâtiments
parfois anciens, parfois rénovés seulement, souvent reconstruits. La Potsdamer
Platz, la Friedrichstraße font l'objet de convoitises multiples. Et comme toute
les grandes villes, Berlin trouve ses mafiosi, avides et sans scrupules. Les Berlinois
votent à nouveau à gauche, s'énervent, protestent, mais y vivent , chacun
fier de son quartier. Le maire Eberhard Diepgen, qui est CDU, s'arrache les cheveux
pour faire face à tous ces problèmes quasiment insolubles. La bataille sera
rude, les investissements nécessaires énormes, la patience du citoyen sera mise
à rude épreuve devant le plus grand chantier du siècle. Mais Berlin vivra ! En
l'an 2000, de multiples casse-tête auront trouvé une solution, comme par miracle,
parce que ni les habitants, ni leurs dirigeants, ni même la population du reste
de l'Allemagne n'auront eu le choix.
Berlin a déjà été et sera de nouveau la capitale de l'Allemagne. Carrefour
entre l'Est et l'Ouest de l'Europe, elle reviendra ce qu'elle a toujours été : ville
artistique, ville de misère du petit peuple si bien décrit dans le livre de Hans
Fallada : Kleiner Mann, was nun ? ville de luxe pour les grands de ce monde
et lieu de pélerinage de tous les touristes de l'univers curieux de voir ou de
revoir cette cité monstre si étalée géographiquement qu'il faut bien quelques
jours pour la sillonner d'un bout à l'autre en dépit d'une infrastructure routière
et ferroviaire impressionnantes.
D'un ordre marécageux et simple de la nature a surgi la régularité forcée
d'une grande ville impatiente de retrouver son unité. Voilà ce que sera Berlin
dans vingt ans, une capitale réparée par la passion de ceux qui y vivront et y
œuvreront pour le meilleur et pour le pire.
D'un monstre bicéphale naîtra une géante aux pieds d'argile, mais les Berlinois
l'ont toujours accepté avec cet humour intraduisible qui est le leur et que l'on
ne trouve nulle part ailleurs.
Berlin, capitale de l'Allemagne ? Mais bien sûr. Notre numéro spécial vous donnera
quelques aperçus des enjeux financiers, artistiques, esthétiques et économiques
que l'avenir réserve à cette ville mais que personne n'osera refuser.
Katharina von Bülow