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DOSSIER
BERLIN
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PULSATIONS BERLINOISES
SOPHIE LORRAIN
Berlin est une et multiple après avoir été deux. Elle est désormais une seule
ville, mais par-delà le fossé entre ex-Est et ex-Ouest qui se comble (trop) lentement,
il y a des arrondissements (Bezirke) et les quartiers. Lieux bourgeois
et lieux populaires, lieux de conformité et lieux ou l'anticonformisme qui ne
coûte guère devient à sont tour une conformité, quartiers de villas et quartiers
de Mietskasernen (« casernes » à location, où s'entassent les plus grands
nombres dans des logements trop petits) et encore quartiers doublement
conformistes pour anciens cadres de l'ancien parti quasi unique. Si différente
que soit sa figure dans ces lieux divers le futur fait partout battre les cœurs.
Dans tous ses lieux Berlin-Est est « der Zukunft zugewandt », tournée vers
l'avenir, comme le disait comiquement de cet État dissous dans l'air du temps,
l'hymne national qui le célébra pendant les courtes (et trop longues) décennies
de son existence.
Le spectateur attentif des réalités allemandes ne sait plus où donner de
la tête en ces premiers jours d'octobre, entre des élections au Bundestag
très disputées et la lecture des bilans consacrés au quatrième anniversaire
de la réunification allemande. Le nouveau Bundestag élu pour la
deuxième fois par les Allemands de l'Est et de l'Ouest, dont la composition
viendra sanctionner un premier bilan de la réunification politique et économique
et qui aura pour délicate mission d'organiser la définitive translation du
gouvernement de Bonn à Berlin, inaugurera-t-il une nouvelle ère de l'histoire
de l'Allemagne que certains appellent d'ores et déjà la « République de
Berlin » ? Dans un contexte politique et géopolitique où l'Allemagne redéfinit
ses intérêts et ses positions, Berlin jouera-t-elle à nouveau le rôle d'architecte
d'une identité allemande remodelée, comme elle le fut à maints égards durant
les années 1920 ? En 1932, Jean Giraudoux, dans son ouvrage sur Berlin,
notait à ce sujet : « La nation, dit maintenant l'homme d'État allemand, c'est
une question d'urbanisme. Sur ce point, Berlin a mérité la délégation que lui
avait donnée l'Allemagne. Un peuple composé d'individus qui ont l'aisance de
leurs gestes, aura aussi, tôt ou tard, l'aisance de sa civilisation » (1). A cette
différence fondamentale près que l'Allemagne n'est plus confrontée au choc
(1) Jean Giraudoux, Berlin, Paris, 1932, p. 40.