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de l'Europe qu'elle était. Depuis le jour même où le Mur « est tombé », Berlin
est entrée dans une crise d'identité urbaine qui n'est autre que le reflet exarcerbé
du malaise des autres villes européennes. « Faire la ville » n'est pas
une des tâches les plus naturelles et des plus consensuelles qui soient. La
fin du millénaire n'est pas à l'euphorie, ni sur le plan de l'économie, ni sur le
plan de valeurs communautaires partagées par tous les groupes d'individus.
D'une façon exagérée, Berlin a été souvent considérée par les intellectuels
d'Europe de l'Ouest comme le miroir des catastrophes de ce siècle. Sans dramatiser
à l'excès, on peut avancer cependant que Berlin représente le cas
extrême des villes européennes, de l'inadéquation des modèles de planification,
des dangers d'exclusion sociale qui menacent certains de leurs quartiers.
Évitant le Potsdamer Platz, où des files de voitures passent au ralenti au
milieu d'un désert urbain asphalté et ponctué d'une forêt de panneaux de circulation
– spectacle burlesque que ces embouteillages au milieu de terrains
vagues en attente de chantier – j'atteins le Tiergarten au rond-point de la
colonne de la Victoire. Piquant tout droit vers le soleil, je rejoins l'Avus au
bout de la Bismarckstraße, à cette heure sans encombre. A la sortie de l'autoroute,
derrière la forêt, enfin la plage de sable fin au bord de l'eau. Rien
ne vaut un pique-nique sur la Havel par un jour d'été finissant. Là me vient
une citation de Giraudoux à la mémoire : « Berlin n'est pas une ville de jardin,
c'est un jardin »…
Nous décidons d'un commun accord avec mes amis, que peu nous importe
ce qui se prépare, du moment qu'il nous reste les lacs, les couchers de soleil
et du vin…(1) ■
(1) Ou, dans la véritable couleur et culture locales, la « Weiße mit Schuß », la légère bière blanche acidulée,
agrémentée d'un « coup » de sirop de framboise. (N.d.l.R.)