gyri gyri gaga - Naxos Music Library

L’envergure du répertoire de la Renaissance se
déploie du texte méditatif sur l’état du monde à
la description du processus digestif du paysan. La
description d’évènements curieux du quotidien
s’adonne à la fidélité des détails, et la pilule amère
de l’utilisation édifiante religieuse et morale est
plus facile à avaler si elle est revêtue des anecdotes
issues des couvents, de l’église et de la taverne.
C’est la prose brève qui donne à l’auditeur (!)
une vision acérée de l’humain, trop humain. Ici,
la farce convient particulièrement bien avec ses
émotions et ses expériences. La joie du récit ne
se laisse pas brider, sa moquerie épargne bien
peu de choses. L’attaque générale contre tous les
types imaginables de fous vient du contexte du
prêche. Dans la chanson Von Narren, chacun peut
s’identifier ici ou là ! Les récits de tradition orale
jusque là et les sujets considérés désormais comme
dignes de la littérature sont repris du monde rural
ou citadin, qu’il s’agisse de l’appel du veilleur de
nuit (Leonhard Päminger), ou de l’abattage d’une
oie à la Saint- Martin. L’adieu à la ville, à la bienaimée
ou au parent se voit accorder une importance
incommensurable par rapport à notre époque du fait
d’une mobilité encore très réduite alors (Herzlich
tut mich erfreuen). La joyeuse société bien arrosée
à l’auberge agit selon le principe antique du « Carpe
diem », on préfère la beuverie idolâtre à la messe.
Désir de l’amant, plainte conjugale, rendez-vous
sur l’herbe ou actes impudiques au presbytère
- les descriptions médiévales de la vie sexuelle
sont soumises à un processus de transformation
permanent par « l’usage » et la tradition orale. La
poésie amoureuse est élargie (histoire de flagrant
délit), souvent pour ridiculiser ses protagonistes
dans un langage grossier ou euphémique. Les
sentiments humains sont le reflet de la nature. Le
récit est lapidaire et clair, euphémique et grossier ;
on voit, on sent et on ressent la pointe corsée.
L’auteur inconnu sans exception (le compositeur?)
fait bien partie de la couche sociale cultivée
citadine. L’exclamation latine de la chanson –
Audite nova! – renforce la banalité de l’histoire qui
est ensuite racontée. L’auteur se moque des églises
d’ânes (Orlando di Lasso), autrement dit : du monde
paysan, également par des moyens linguistiques : le
« Auwe, ich bin verwundt » ou « faire part de sa
douleur » à quelqu’un s’enracine dans le langage
courtisan, ne convient donc pas aux travailleurs
des champs. La règle d’or est : plus la mélodie
déjà existante est connue, plus on compose de
strophes. Le dialogue en discours direct, le comique
de situation et son sens du réalisme donnent tout
son souffle à la poésie populaire, aux motifs,
aux schémas structurels, richesse sémantique et
formelle ont un impact encore aujourd’hui à bien
des égards. Il naît devant nos yeux un tableau haut
en couleur de la vie quotidienne dans cette société
du début de l’ère moderne, présenté en histoires qui
font rire et pleurer.
Gerhard Hölzle
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