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Rencontre de l'Est et de l'Ouest

Rencontre de l'Est et de l'Ouest - ELTE Eötvös József Collegium

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118 Christine Ferlampin-Acherlà que vient la sous-évaluation dans l’histoire du roman médiéval <strong>de</strong> l’influencegrecque (même médiatisée par le latin).Si l’on considère généralement que Guillaume <strong>de</strong> Palerne reprend la légen<strong>de</strong><strong>de</strong> saint Eustache, <strong>et</strong> qu’à ce titre, indirectement, il a <strong>de</strong>s points communsavec Apollonius <strong>de</strong> Tyr, il me semble qu’il faut d’une part réévaluer l’apportd’Apollonius, qui est direct, <strong>et</strong> d’autre part ajouter aux prototypes hagiographiquessaint Clément, en tenant compte du fait qu’il existe un ensemble <strong>de</strong>traits récurrents dans l’hagiographie d’origine orientale, ce qui fait que pourle lecteur médiéval l’histoire <strong>de</strong> Guillaume <strong>et</strong> sa famille peut évoquer plusieurssaints <strong>et</strong> plus généralement non un texte précis, mais un ensemble légendaire.Guillaume d’Angl<strong>et</strong>erre doit donc beaucoup à Byzance, à un récit hellénistiquecomme Apollonius (si l’on adm<strong>et</strong> l’idée d’une source grecque perdue) <strong>et</strong>à l’hagiographie orientale 68 : il paraît important <strong>de</strong> ne pas sous-évaluer, dansl’histoire du roman occi<strong>de</strong>ntal, la part <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux sources. Apollonius avaittout pour <strong>de</strong>venir un héros romanesque : à preuve c<strong>et</strong>te variante <strong>de</strong> Guillaume<strong>de</strong> Dole où l’on hésite entre Alexandre <strong>et</strong> Apollonius 69 . Ce qui a peut-être entravéla carrière d’Apollonius, c’est qu’il racontait non <strong>de</strong> jeunes amours enfantines,mais les tribulations d’un couple marié. S’il peut être plaisant d’avoirl’assurance avec Apollonius qu’il y a une vie après le mariage <strong>et</strong> les enfants, lalittérature courtoise, dans sa célébration <strong>de</strong> la jeunesse, a préféré la veine byzantineidyllique <strong>et</strong> ses jeunes amours troublées. Il n’empêche : si la redécouverte<strong>de</strong>s Éthiopiques au xvi e siècle coïnci<strong>de</strong> avec le rej<strong>et</strong> par les Humanistes<strong>de</strong>s romans médiévaux, c’est peut-être parce qu’ils ignoraient à quel point lesauteurs du Moyen Âge avaient été nourris <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te littérature, par l’intermédiairedu latin. Pour paraphraser un titre <strong>de</strong> M. Zink, avec « Apollonius <strong>de</strong> Tyrle mon<strong>de</strong> grec [est] aux sources du roman français » 70 . Guillaume d’Angl<strong>et</strong>erreen est une preuve paradoxale. C’est parce que l’arrière-plan oriental est familierà ses lecteurs qu’ils ont pu apprécier le choix, étonnant, d’un cadre br<strong>et</strong>on<strong>et</strong> d’un héros, Guillaume, Eustache dépaysé en Angl<strong>et</strong>erre. C<strong>et</strong> écart témoigneraitalors d’un proj<strong>et</strong> : masquer, étouffer les gènes orientaux du romanen même temps que l’inceste associé à un univers grec en expansion danstoute la Méditerranée. Ainsi se diraient à la fois la fascination <strong>et</strong> le rej<strong>et</strong> <strong>de</strong> c<strong>et</strong>68L’hagiographie a joué un rôle essentiel dans les transferts entre Orient <strong>et</strong> Occi<strong>de</strong>nt, comme lemontre par exemple la légen<strong>de</strong> <strong>de</strong> Barlaam <strong>et</strong> Josaphat.69Voir R. Lejeune-Dehousse, L’œuvre <strong>de</strong> Jean Renart, Liège Paris, Droz, 1935, p. 141 note 1.70Art. cit., note 4.

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