PER M-414
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Une vieille maxime zen dit<br />
que si une chose est ennuyeuse<br />
après l'avoir répétée 10 fois,<br />
mieux vaut la répéter 20 fois...<br />
PHILIP<br />
le microscopiste<br />
GLASS<br />
Une autre maxime,<br />
taoïste celle-là,<br />
dit que la parole sans fracas<br />
risque de n'émouvoir que les purs...<br />
On dirait que Philip Glass a voulu tenter de réunir, au<br />
travers de son oeuvre, l'orientation de ces deux maximes.<br />
Philip Glass appartient à cette école de la musique<br />
contemporaine américaine qu'on a nommée "les minimalistes".<br />
A cette école on peut ajouter les noms de<br />
Steve Reich, de Lamonte Young et de Terry Riley.<br />
L'école minimale est une école dont la production<br />
musicale est considérée comme de la musique répétitive,<br />
c'est-à-dire, de longs processus d'expositions de<br />
séquences à l'intérieur desquels des changements s'opèrent<br />
en douce et à la longue. Faire ici un cours sur l'art<br />
minimal serait trop long et pourrait être plutôt le sujet<br />
d'un article élaboré et plus explicatif.<br />
Marc Desjardins<br />
Il est surtout important ici de donner un compterendu<br />
de la production récente de Philip Glass qui était<br />
en nos murs le 27 mars. Philip Glass est intéressé par une<br />
musique exclusivement tonale, rythmique et surtout<br />
très mélodique, mais il est particulièrement fasciné par<br />
la profondeur des textures : par exemple l'usage de<br />
lignes à l'unisson pour créer l'illusion de plateaux musicaux<br />
parallèles.<br />
A cause de la nature harmonique et rythmique de sa<br />
musique, Philip Glass est accessible aux fans du rock. Le<br />
fait également qu'il joue avec un groupe amplifié ajoute<br />
quelquefois au "drive" musical. Philip Glass a également<br />
travaillé avec Ravi Shankar et énonce fréquemment<br />
l'influence qu'a eu sur lui la musique indienne. Il a<br />
récemment collaboré avec le dramaturge/architecte<br />
Robert Wilson en écrivant la partie musicale de l'opéra<br />
"Einstein on the Beach" que nous aurons peut-être le<br />
plaisir de voir à la fin de l'été...???...<br />
Sa discographie à ce jour comprend "Music with<br />
Changing Parts" et "Musique en Quintes", "Solo Music",<br />
"Music in 12 parts. Part 1 and 2" et le plus récent<br />
"North Star" (on signale également les moins connus<br />
"Two Pages" et "Contrary Motion" sur Shandat/Folkways).<br />
LE CONCERT<br />
Le 27 mars, au Plateau (salle à la résonnance infecte)<br />
Philip Glass était accompagné d'un groupe composé de<br />
trois saxistes (incluant le vétéran Dickey Landry), un<br />
claviériste et une vocaliste ainsi que l'ingénieur du son.<br />
Glass joue du piano-orgue Forfise sur scène.<br />
La scène est d'un dépouillement religieux, quelques<br />
chaises, les instruments, les fils, pas de rideau de scène,<br />
un éclairage blanc cuisine. Dans la salle par contre il<br />
y a un public composé de gens de toutes tendances et<br />
qu'on est surpris de voir à un concert Philip Glass et ça<br />
fait une bigarrure humaine intéressante.<br />
Le concert commence et tout de suite Glass attaque<br />
avec une pièce "heavy", "Mon père, mon père" tout de<br />
suite une rythmique pesante sinon rageuse dans laquelle<br />
Glass met en évidence ses structures à micro progressions<br />
d'accords. La pièce est courte, un peu trop peut-être,<br />
suggérant son insertion dans un film. Ce n'est évidemment<br />
pas du Glass du meilleur cru. Glass exige de<br />
longues pièces pour que l'on puisse pénétrer tous les<br />
micro-changements dans les variations harmoniques.<br />
Cependant la présence sonore des pièces qui viennent<br />
de l'album "North Star" réussissent tout de même sur<br />
scène à créer une atmosphère malgré leur brièveté. Ce<br />
sera donc le cas pour les deux suivantes : "Etoile Polaire"<br />
et "Lady Day". Egalement courte mais d'une<br />
facture différente, "Etoile Polaire" est une pièce où<br />
justement les variations de "textures" (Glass organise<br />
ses pièces comme des matériaux parlpables) sont mis<br />
plus en évidence par les rapports voix, flûte et saxophones.<br />
A noter l'éblouissant travail de Jon Gibson<br />
et Dickey Landry sur les flûtes, leur technique de jeu<br />
exigeant un contrôle métrique de la respiration qui soit<br />
absolu et presque sans effort. "Lady Day" est très<br />
"american" dans le sens où Charles Jones l'entendrait,<br />
c'est-à-dire les sonorités ont une consonnance particulièrement<br />
patriotique. Ici c'est la pulsation des cuivres<br />
qui fait songer à ufi "calliope" de foire. On est en<br />
présence, malgré, encore une fois, la brièveté de la<br />
pièce, d'un exemple parfait de touts petits changements<br />
à l'intérieur d'une pièce qui semble la répétition<br />
constante d'elle-même.<br />
Puis c'est la 1ère danse d' "Einstein on the Beach"<br />
qui nous retrempe dans un climat beaucoup plus près de<br />
l'univers de Glass à cause de sa longueur qui permet des<br />
climats évolutifs plus lents. La "1ère danse" est très<br />
enlevée, construite un peu comme les pièces pentatoniques<br />
orientales sur une gamme en fa. La chanteuse,<br />
Iris Hiskey, autrefois avec l'équipe de Luciano Berio, a<br />
un phrasé épouvantablement difficile à soutenir dans<br />
cette pièce, pendant qu'elle doit chanter le nom des<br />
notes sur un ton constant, et elle s'en tire admirablement<br />
bien.<br />
spectateurs présents. C'est "Another look at harmony,<br />
part 2" avec un peu de la 3ème partie, pièce soutenant la<br />
1ère partie de Einstein on the Beach. L'écriture harmonique<br />
ici est d'une ampleur considérable, révolutionnaire<br />
dans son usage des infrastructures. C'est ici que Glass,<br />
au milieu d'un contexte musical ample, peut donner<br />
toute la mesure de son sens de la microscopie et des<br />
petits changements à l'intérieur des moins petits à<br />
l'intérieur d'autres moins petits et ainsi de suite jusqu'à<br />
ce que la pièce au complet ait fait sa boucle d'un alpha<br />
à un oméga sans que personne ne se soit trop rendu<br />
compte comment. Deux ombres seulement à l'intérieur<br />
de ce concert magistral, la mauvaise sonorisation du<br />
groupe de Glass avec un ingénieur du son sur scène qui<br />
ne peut manifestement pas entendre les rapports accoustiques<br />
dans la salle et la salle elle-même, froide,<br />
impersonnelle, sans âme et dotée d'une accoustique à<br />
faire frémir d'horreur le plus sourd des fans de Kiss...<br />
LE DISQUE<br />
NORTH STAR<br />
Virgin V2085<br />
Ce n'est qu'après l'entr'acte qu'on aura affaire à une Le dernier Philip Glass.sur vinyl est une déception à<br />
oeuvre dont l'inspiration, la structure et l'exécution lais- beaucoup de points de vue. Après le "Einstein on the<br />
seront une empreinte marquante sur l'esprit de tous les Beach" on était en droit de s'attendre à quelque chose<br />
mainmise no 70<br />
d'aussi magistral. Malheureusement cet assemblage de<br />
courtes pièces est très insatisfaisant. D'abord sans doute<br />
à cause du "packaging"; "North Star" est en fait la<br />
trame sonore réordonnée d'un film sur le sculpteur<br />
conceptualiste américain Mark di Surero. Trame sonore<br />
de film signifie donc assemblage pas nécessairement<br />
très cohérent de petites pièces illustrant chacune une<br />
scène, alors qu'à mon avis la musique de Philip Glass est<br />
intéressante dans la mesure où elle a l'espace pour se<br />
développer et le faire en toute subtilité. Ce n'est<br />
peut-être pas nécessairement de la musique très commerciale<br />
mais la démarche est respectée; alors que dans<br />
North Star toutes ces petites pièces ne semblent être que<br />
des objets pleins de "clichés" minimalistes et où seuls<br />
les effets les plus gros (à la Hindemith) ont été conservés.<br />
D'un autre côté la prise de son et le pressage de la copie<br />
canadienne sont d'une qualité déplorable» et fort surprenante<br />
de la part de Virgin-Polydor. Beaucoup de plages<br />
sont marquées de distortion ou de roulage et de phasage<br />
harmonique alors que la première et la dernière plage de<br />
chaque côté du disque sont gâchées par une tête de<br />
gravure dont le contrôle de latéralité était réglé à un niveau<br />
medium-centre comme pour couper un disque de<br />
Chantai Pary...<br />
"Etoile Polaire" fait un usage des pulsions voix claviers<br />
qui en lui-même est intéressant , mais les couches<br />
superposées viennent trop vite. "Vitorio Lament" est<br />
typiquement Glass avec ses insertions et ses rappels à<br />
l'orgue, mais c'est beaucoup trop court. "River Run" a<br />
des apparentements à Music in Twelve Parts, partie 4<br />
mais c'est comme un Polaroid d'un tableau de maître.<br />
"Mon père, mon père" hyper-speedy et presque trop<br />
chargé montre tout de même un Philip Glass dans une<br />
direction différente. "Are Years What" dédiée au peintre<br />
sculpteur-auteur-philosophe Marianne Moore est peutêtre<br />
la pièce la plus intéressante de ce côté avec son<br />
évolution progressive et ses variations harmoniques subtiles,<br />
de même qu'une rythmique impossible et changeante.<br />
"Lady Day" qui amorce le côté 2 a une couleur qui<br />
m'évoque Ives mais je ne sais trop pourquoi, rationnellement<br />
parlant, son écoulement est subtil et intéressant.<br />
Par contre "Ange des Orages" est une pièce ratée malgré<br />
son écriture très intéressante en insertions rythmiques et<br />
en textures, mais le tout se déroule si vite qu'on a l'impression<br />
d'un disque de musique progressivo-cosmique<br />
anglo-allemande. "Ave" est intéressante par son usage<br />
vocal en rapports d'oppositions (contre-temps/contrechants).<br />
"Ik-ook" est fait de recoupements rythmiques<br />
intéressants alors que "Montage" ressemble à une pulsation<br />
pure qui se décomposerait sous l'action de la<br />
chaleur, se terminant sur un chant presque "César<br />
Frankien"... à l'orgue Hammond ...intéressant mais<br />
trop court...<br />
Un disque somme toute très variable dont les éléments<br />
de structures sont valables mais qui souffre de<br />
claustrophobie. Cependant, le disque saurait intéresser<br />
les auditeurs de rock qui aiment Tangerine Dream et<br />
ne découragera personne par la longueur trop répétitive<br />
des pièces. Peut-être était-ce là son but premier...<br />
tenter de vendre Philip Glass.<br />
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