mainmise no 70
LOISEAU-ROCK Eh bien oui ! Un nouveau mois, encore. Surprenant n'est-ce pas ? A peine : c'était prévu. C'est même déjà passé. Que le lecteur intrépide, a mi quelque part, essaie ,de replonger fin mars, lendemain de bourrée de neige, ton demi-forum aux trois-quarts plein, un brouhaha Icompact. Soudain, LYNX, un band canadien, petites bottes serrées de cuir noir à talons hauts, sexy cliché fifi, qui garroche des étrons de rock'n roll heavy, d'une composition grotesque, et abominable. Les lumières s'allument dans le forum, pourtant le pseudo-show continue, on hue, ça s'éteint. Quelle atrocité infecte ! Quel tapioca bourré de moutarde ! La foule hue à débagueuler coup sur coup, unanimement, blasée. Les gros bands de lasagne cérébrale de Toronto avec le bidou de la Grosse Gammick en arrière, leur rock'n roll "cheap", ils peuvent se l'enfoncer dans le fond du lavabo, à ces dimensions ça ne leur fera pas mal ! Du simili BUDGIE qui baragouine des notions de BLACK SABBATH sauce j1971, pendant cinquante minutes, en poche ! Ils sont vraiment d'un heavy très très bandit, rétrograde, élémentaire (mi-la-si), ces mecs Torontois ! Du KISS KISS pas visuel dépasse qui sonne asphalte et béton de banlieue banale, oh ! mais qu'est-ce que j'radote ? Mais c'est l'expression même du Canada, c'est nos petits voisins, nos petits cousins chéris, nos petits frères tout mignons, la gang à Margaret Pet, boy ! ça c'est de la culture ! Puis, hm hm hm... Peter GABRIEL. Début poi gnant, piano banal, guitare hululante et savante (un 'FRIPP honteux, caché dans un coin sombre et sous le pseudonyme transparent de Dusty Road, le sentier Sortons d'ici. Et deux jours plus tard, revenir. Les mythes descendent de vastes escaliers, qui se décrépissent petit à petit, très lentement, se'vulgarisent, et qui jouent désormais sans passion des chefs-d'oeuvre de routine magistraux et superbes... et le temps passe et JETHRO TULL, Forum, Montréal, mars 25, 1977, un spectacle impeccable mais vieillot, fatigué presque, bourré de hits du temps d'Aqualung (1971), avec un accent prononcé pour les rocks heavy très sublimes à l'époque... L'époque, bien sûr, toujours l'époque, on vieillit. Tout s'est désintégré : plus de théâtralités, plus d'extravagances surréalistes, plus d'imporivsations et un. programme dérisoirement mais d'exécution fameuse limité à quatre pièces du récent pharamineux "Songs from the woods". Je sors confus, mi-ébloui mi-déçu (un grand freak de Tull indécis) et... Bon, je ne sais pas, je suis sûr de rien; nous irons revoir le show question de ne pas radoter. Otrawa, le 26 mars 1977. Terne malgré le bleu ciel, c'est un bled minable, avec d'affreux restaurants rarissimes, de l'english partout, des passants le look campagnard ontarien, des asiatiques flegmatiques, des fardés genre 1960. Rue Banks : camelote, librairies médiocres; côté disques : les Trebble Clef, assez bien fournis, du commercial à l'import. Vibrations down. Civic Center : une salle assez bonne de type aréna encore au stade ostrogothique de l'admission générale, avec des foules barbares d'écrabouilleurs hystériques. Personnellement rien vu d'aussi cannibale depuis novembre 73 (où pour GENESIS, une jambe plâtrée, en béquilles, on m'avait fait fracasser une vitre du centre sportif de l'UM). La pagaye a la sauce baroud est si raide ici qu'on ouvre une heure et demie avant le spectacle, on essaie d'éviter les meurtres. On entend parler que de Zeppelin, de Zappa, d'Alice Cooper, de Jeff Beck; partout ça boit du fort, vodka, whisky, rhum, c'est "wild country", on se croirait au stampeede, c'est un public de foire agricole ontarienne, les pouilleux de Hull je peux pas les voir. Ca boit du Coke et ça mange des hot-dogs, ça se lance des bouteilles vides, des cartons, des,bidules à étincelles d'un bord à l'autre; un roadie de TULL nous dit qu'Anderson traite les canadiens de "savages", que le début chorale de "Songs from the woods" c'est du lipsing (!) et que les ballons qu'il nous lance c'est pour se moquer la foule. Humour noir ? C'est très loin de De Quincey (1785-1859). boueux, évitant les photographes, sans qui l'ensemble aurait l'air de cacophonie mais qui joue comme un as noyé dans la soupe épaisse) et, washhhh ! ça décolle ! On y va. Un "I will find out" plein d'échos hideux sublime, GABRIEL démentiel à la sauce antan vaguement, showman comme un monstre. Et "Waiting for the big one", le petit fameux disparaît et surgit soudain où ? dans la foule; il descend les esacliers, chantant le souffle maigre dans un micro sans fil strident de feedback, et... vous le savez déjà, saute sur un filanzane énorme tel qu'un pape debout sur sa sedia gestatoria, et se fait porter, pendant qu'Hunter (le guitariste d'ALICE COO<strong>PER</strong>) chie du gros heavy à la LYNX. La voix synthétisée superbe, GABRIEL continue; puis ça tombe dans le farfelu gaga (un sommet dans le genre) l'égotrip ampoulé décadent et ses piètres "Wanna be 'lone", un "Salsbury Hill" charmant, la trame anémique (question de goût toujours) avec des distortions agaçantes, des petits cris très bof ! Ca fait adolescent heavy, la foule a l'air d'aimer beaucoup, c'est commercial, avec un scénario musical usé à la corde, les éclairages accusent d'un manque d'imagination gogo, GABRIEL est un musicien sans envergure (mais quelle voix !) il se prend pour Mick J agger, c'est du niveau de ROXY MUSIC, ça descend même jusqu'à jouer, vraiment pied "All day and all of the nights" des Kinks (du 1968 atroce), ça fait civilisation ketchup, c'est rushé, les chaos matraquent. Un "Back in N.Y. City" de GENESIS défiguré qui sonne assez fond de garage avec plein de cris pitoyables veut flatter et plaît, un second rappel : "Modem love" qu'on rejoue pour la troisième fois ! Vous vous rendez compte ? Non, probablement. Début de show magnétophone identique à hier : du carnavalesque avec sax ténor et flûte qui traîne un quatuor à cordes classique brillant, ça vire orgue et synthé cosmiques, puis menuet synthétisé, Ian Anderson, che veux courts, chapeau melon écarlate arrive... explosion de foule. Un charmant "Wondering aloud", un "Skating away" singulier, un "Jack in the green" délicieux plein des synthés beaux de David Palmer en smoking, un "Thick, as a brick" moins pétant qu'à Montréal, un "Songs from the woods" où Glascock excelle étonamment, un air inconnu très rock progressif à la salade Jethro Tull... avec de la guitare acide de la génération d'Hendrix, un solo de batterie fracassant : du TULL standard quoi, rien qu'une cédille en deçà du show de septembre 75. Anderson vieillit, triste gesticulant, que les flashes de jadis poignardent. "It's been a long time, still shaking my wings, well, I'm a glad bird, I got changes to ring". Le show passe, le temps passe. Absurdité à la Beckett ? "It was a new day yesterday, but it's an old day now". La foule a franchi les barrières et l'on tape du poing sur la scène, c'est très... bof! trouvez-le vous-même. Entracte. On entend du "français" (!) canadien : "la scalier est à drette, man ! La crowd a fouaire dans scalier, tcheck ailleurs!" Ca reprend, "Velvet Green", quelques colons lancent une bombe fumigène qui percute la guitare d'Anderson, ça se casse la gueule dans un coin, le show s'interrompt, c'est très cannibale je vous dis. Au début de "Hunting girl" on lance un cruchon de vin d'un gallon sur la scène, entre Anderson et Glascock, la fin du concert est assez nerveuse. Un "Too old to rock'n roll" très décadent, qui fait cirque mélo dépassé. Sans Anderson, un air sublime de claviers de style renaissant clownesque à la début de "Passion play", etc. etc.... (quatre des six derniers morceaux, rappels compris, datent d'Aqualung) et l'on s'en va, le pouce encore, et la nuit, aimer la vie, l'aventure et qui sait ? L'oiseau rock (en passant, c'est pas mon surnom mais celui de cette page). Et JETHRO TULL ? Deux shows : il n'y a plus de doute, le ménestrel panique est essoufflé, c'est toujours au-dessus des deux-tiers des groupes progressifs mais pourtant vieillir, marcescent; de studio génial à plateau flapi. C'est très bon, mais c'est moins bon, l'avant-garde d'hier, la garde d'aujourd'hui. Gardons-la, c'est loin d'être mort; mais fouinons ailleurs. Au Plateau (la salle où l'espace entre les bancs vous dérotule) le Philip Glass Ensemble, un septuor à saveur cosmique étonnant, classé dans la "new music" avec Terry Riley et le superbe Steve Reich. Un concert excellent, très parti, hors-temps, séquentiel et méditatif avec des évolutions structurales dosées avec un brio impeccable et la meilleure voix de femme, Iris Hiskey, que j'ai entendue de mes pauvres vingt-trois ans, unique, exceptionnelle. Moins percutant, bien qu'en quadriphonie, SHANlj à la salle Pollack de McGill, un trip continu de plus de deux heures, vogue contemporaine-cosmique flyée, dont l'auteur nous demande de ne pas briser le charme d'applaudissements après. Noirceur, rien sur la scène (un joueur de magnétophone au milieu de nous) et des bons rushs très décollés, des crescendos sans fin, des vols planés que brisent malheureusement des bouts de conversation philosophico-orientalo-snobs et des étirements qui font songer à des poules "boostées" aux hormones. Mais bon bravo et enfiru.. TANGERINE DREAM à la P.D.A. deux soirs d'afl filée (premier soir au banc AA2, second L1), concerts|| surpenamment semblables, mêmes riffs, même brio même déroulement et dans le même ordre (eh oui c'est moins improvisé qu'on le croirait), avec des basses| poignardantes et des guitares garrochées, et des synthés des synthés, des synthés. Un second rappel meilleur le dimanche, une première partie supérieure le samedi. Le light show surprenant (dont quelques sortes de films! polychromes B.D.) fait pardonner les distortions del son (en Europe ils ont le courant sur 50 cycles, ici! eh bien, c'est du 60, alors ? Ajustements trop délicats ?)| Enfin... Je laisse à Marc Desjardins le soin de vous dé mêler ces trois concerts cosmiques immanquables étant quelque peu sorti du rock où l'on me confine| (mais toujours aux oiseaux !). Dernier détail : La P.D.A. qui n'aime pas beaucoup de se truffer de jeunes gens, compte tenu des tapis et des bancs brûlés, des mégots de joints (vous imaginez cinémascopiquement • le scandale ?) et autres détails affoles, la P.D.A. donc, manifeste un mépris singulier barbelé d'arrogance étonnant à l'égard du québécois et de la réalité québécoise et se fout notre gueule en nous remettant un programme assez banal où le texte anglais consacré à la présentation de TANGERINEf DREAM fait 99 lignes et en français : 41, calculez vousmêmes le pourcentage. Le texte français n'est d'ailleurs qu'un résumé traduit de l'autre, mal fait bien entendu, où l'on dit qu'ils possèdent quatre disques d'or à leur crédit en France "comme à travers l'Europe", ce qu est faux ; ils n'en ont pas huit en tout. Il est décevant de voir des musiciens de cette classe présentés si misérablement, c'est grotesque... Mais vous savez, même "Place des Arts", ce n'est pas français, le terme juste étant "Cité", aussi, passons... Nous n'avons pas fini de nous faire insulter encore, et de toute façon vous allez voter "non" à vous savez quoi... Bonjour chez vous Clodomir SauvéJ mainmise no 70