PER M-414
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LOISEAU-ROCK<br />
Eh bien oui ! Un nouveau mois, encore. Surprenant<br />
n'est-ce pas ? A peine : c'était prévu. C'est même déjà<br />
passé. Que le lecteur intrépide, a mi quelque part, essaie<br />
,de replonger fin mars, lendemain de bourrée de neige,<br />
ton demi-forum aux trois-quarts plein, un brouhaha<br />
Icompact. Soudain, LYNX, un band canadien, petites<br />
bottes serrées de cuir noir à talons hauts, sexy cliché fifi,<br />
qui garroche des étrons de rock'n roll heavy, d'une composition<br />
grotesque, et abominable. Les lumières s'allument<br />
dans le forum, pourtant le pseudo-show continue,<br />
on hue, ça s'éteint. Quelle atrocité infecte ! Quel<br />
tapioca bourré de moutarde ! La foule hue à débagueuler<br />
coup sur coup, unanimement, blasée. Les gros bands de<br />
lasagne cérébrale de Toronto avec le bidou de la Grosse<br />
Gammick en arrière, leur rock'n roll "cheap", ils peuvent<br />
se l'enfoncer dans le fond du lavabo, à ces dimensions<br />
ça ne leur fera pas mal ! Du simili BUDGIE qui<br />
baragouine des notions de BLACK SABBATH sauce<br />
j1971, pendant cinquante minutes, en poche ! Ils sont<br />
vraiment d'un heavy très très bandit, rétrograde, élémentaire<br />
(mi-la-si), ces mecs Torontois ! Du KISS KISS<br />
pas visuel dépasse qui sonne asphalte et béton de banlieue<br />
banale, oh ! mais qu'est-ce que j'radote ? Mais<br />
c'est l'expression même du Canada, c'est nos petits<br />
voisins, nos petits cousins chéris, nos petits frères tout<br />
mignons, la gang à Margaret Pet, boy ! ça c'est de la<br />
culture !<br />
Puis, hm hm hm... Peter GABRIEL. Début poi<br />
gnant, piano banal, guitare hululante et savante (un<br />
'FRIPP honteux, caché dans un coin sombre et sous<br />
le pseudonyme transparent de Dusty Road, le sentier<br />
Sortons d'ici. Et deux jours plus tard, revenir.<br />
Les mythes descendent de vastes escaliers, qui se décrépissent<br />
petit à petit, très lentement, se'vulgarisent, et<br />
qui jouent désormais sans passion des chefs-d'oeuvre de<br />
routine magistraux et superbes... et le temps passe et<br />
JETHRO TULL, Forum, Montréal, mars 25, 1977, un<br />
spectacle impeccable mais vieillot, fatigué presque,<br />
bourré de hits du temps d'Aqualung (1971), avec un<br />
accent prononcé pour les rocks heavy très sublimes à<br />
l'époque... L'époque, bien sûr, toujours l'époque, on<br />
vieillit. Tout s'est désintégré : plus de théâtralités, plus<br />
d'extravagances surréalistes, plus d'imporivsations et<br />
un. programme dérisoirement mais d'exécution fameuse<br />
limité à quatre pièces du récent pharamineux "Songs<br />
from the woods". Je sors confus, mi-ébloui mi-déçu<br />
(un grand freak de Tull indécis) et... Bon, je ne sais pas,<br />
je suis sûr de rien; nous irons revoir le show question de<br />
ne pas radoter.<br />
Otrawa, le 26 mars 1977. Terne malgré le bleu ciel,<br />
c'est un bled minable, avec d'affreux restaurants rarissimes,<br />
de l'english partout, des passants le look campagnard<br />
ontarien, des asiatiques flegmatiques, des fardés<br />
genre 1960. Rue Banks : camelote, librairies médiocres;<br />
côté disques : les Trebble Clef, assez bien fournis, du<br />
commercial à l'import. Vibrations down.<br />
Civic Center : une salle assez bonne de type aréna encore<br />
au stade ostrogothique de l'admission générale, avec<br />
des foules barbares d'écrabouilleurs hystériques. Personnellement<br />
rien vu d'aussi cannibale depuis novembre 73<br />
(où pour GENESIS, une jambe plâtrée, en béquilles, on<br />
m'avait fait fracasser une vitre du centre sportif de l'UM).<br />
La pagaye a la sauce baroud est si raide ici qu'on ouvre<br />
une heure et demie avant le spectacle, on essaie d'éviter<br />
les meurtres.<br />
On entend parler que de Zeppelin, de Zappa, d'Alice<br />
Cooper, de Jeff Beck; partout ça boit du fort, vodka,<br />
whisky, rhum, c'est "wild country", on se croirait au<br />
stampeede, c'est un public de foire agricole ontarienne,<br />
les pouilleux de Hull je peux pas les voir. Ca boit du Coke<br />
et ça mange des hot-dogs, ça se lance des bouteilles vides,<br />
des cartons, des,bidules à étincelles d'un bord à l'autre;<br />
un roadie de TULL nous dit qu'Anderson traite les canadiens<br />
de "savages", que le début chorale de "Songs from<br />
the woods" c'est du lipsing (!) et que les ballons qu'il<br />
nous lance c'est pour se moquer la foule. Humour noir ?<br />
C'est très loin de De Quincey (1785-1859).<br />
boueux, évitant les photographes, sans qui l'ensemble<br />
aurait l'air de cacophonie mais qui joue comme un as<br />
noyé dans la soupe épaisse) et, washhhh ! ça décolle !<br />
On y va. Un "I will find out" plein d'échos hideux<br />
sublime, GABRIEL démentiel à la sauce antan vaguement,<br />
showman comme un monstre. Et "Waiting for<br />
the big one", le petit fameux disparaît et surgit soudain<br />
où ? dans la foule; il descend les esacliers, chantant le<br />
souffle maigre dans un micro sans fil strident de feedback,<br />
et... vous le savez déjà, saute sur un filanzane<br />
énorme tel qu'un pape debout sur sa sedia gestatoria,<br />
et se fait porter, pendant qu'Hunter (le guitariste<br />
d'ALICE COO<strong>PER</strong>) chie du gros heavy à la LYNX.<br />
La voix synthétisée superbe, GABRIEL continue; puis<br />
ça tombe dans le farfelu gaga (un sommet dans le genre)<br />
l'égotrip ampoulé décadent et ses piètres "Wanna be<br />
'lone", un "Salsbury Hill" charmant, la trame anémique<br />
(question de goût toujours) avec des distortions agaçantes,<br />
des petits cris très bof ! Ca fait adolescent heavy,<br />
la foule a l'air d'aimer beaucoup, c'est commercial, avec<br />
un scénario musical usé à la corde, les éclairages accusent<br />
d'un manque d'imagination gogo, GABRIEL est un musicien<br />
sans envergure (mais quelle voix !) il se prend pour<br />
Mick J agger, c'est du niveau de ROXY MUSIC, ça<br />
descend même jusqu'à jouer, vraiment pied "All day and<br />
all of the nights" des Kinks (du 1968 atroce), ça fait<br />
civilisation ketchup, c'est rushé, les chaos matraquent.<br />
Un "Back in N.Y. City" de GENESIS défiguré qui<br />
sonne assez fond de garage avec plein de cris pitoyables<br />
veut flatter et plaît, un second rappel : "Modem love"<br />
qu'on rejoue pour la troisième fois ! Vous vous rendez<br />
compte ? Non, probablement.<br />
Début de show magnétophone identique à hier : du<br />
carnavalesque avec sax ténor et flûte qui traîne un quatuor<br />
à cordes classique brillant, ça vire orgue et synthé<br />
cosmiques, puis menuet synthétisé, Ian Anderson, che<br />
veux courts, chapeau melon écarlate arrive... explosion<br />
de foule.<br />
Un charmant "Wondering aloud", un "Skating away"<br />
singulier, un "Jack in the green" délicieux plein des<br />
synthés beaux de David Palmer en smoking, un "Thick,<br />
as a brick" moins pétant qu'à Montréal, un "Songs from<br />
the woods" où Glascock excelle étonamment, un air<br />
inconnu très rock progressif à la salade Jethro Tull...<br />
avec de la guitare acide de la génération d'Hendrix,<br />
un solo de batterie fracassant : du TULL standard quoi,<br />
rien qu'une cédille en deçà du show de septembre 75.<br />
Anderson vieillit, triste gesticulant, que les flashes de<br />
jadis poignardent. "It's been a long time, still shaking<br />
my wings, well, I'm a glad bird, I got changes to ring".<br />
Le show passe, le temps passe. Absurdité à la Beckett ?<br />
"It was a new day yesterday, but it's an old day now".<br />
La foule a franchi les barrières et l'on tape du poing sur<br />
la scène, c'est très... bof! trouvez-le vous-même. Entracte.<br />
On entend du "français" (!) canadien : "la scalier est<br />
à drette, man ! La crowd a fouaire dans scalier, tcheck<br />
ailleurs!"<br />
Ca reprend, "Velvet Green", quelques colons lancent<br />
une bombe fumigène qui percute la guitare d'Anderson,<br />
ça se casse la gueule dans un coin, le show s'interrompt,<br />
c'est très cannibale je vous dis. Au début de "Hunting<br />
girl" on lance un cruchon de vin d'un gallon sur la scène,<br />
entre Anderson et Glascock, la fin du concert est assez<br />
nerveuse. Un "Too old to rock'n roll" très décadent, qui<br />
fait cirque mélo dépassé. Sans Anderson, un air sublime<br />
de claviers de style renaissant clownesque à la début de<br />
"Passion play", etc. etc.... (quatre des six derniers morceaux,<br />
rappels compris, datent d'Aqualung) et l'on s'en<br />
va, le pouce encore, et la nuit, aimer la vie, l'aventure et<br />
qui sait ? L'oiseau rock (en passant, c'est pas mon surnom<br />
mais celui de cette page).<br />
Et JETHRO TULL ? Deux shows : il n'y a plus de<br />
doute, le ménestrel panique est essoufflé, c'est toujours<br />
au-dessus des deux-tiers des groupes progressifs mais<br />
pourtant vieillir, marcescent; de studio génial à plateau<br />
flapi. C'est très bon, mais c'est moins bon, l'avant-garde<br />
d'hier, la garde d'aujourd'hui. Gardons-la, c'est loin<br />
d'être mort; mais fouinons ailleurs.<br />
Au Plateau (la salle où l'espace entre les bancs vous<br />
dérotule) le Philip Glass Ensemble, un septuor à saveur<br />
cosmique étonnant, classé dans la "new music" avec<br />
Terry Riley et le superbe Steve Reich. Un concert excellent,<br />
très parti, hors-temps, séquentiel et méditatif<br />
avec des évolutions structurales dosées avec un brio<br />
impeccable et la meilleure voix de femme, Iris Hiskey,<br />
que j'ai entendue de mes pauvres vingt-trois ans, unique,<br />
exceptionnelle.<br />
Moins percutant, bien qu'en quadriphonie, SHANlj<br />
à la salle Pollack de McGill, un trip continu de plus de<br />
deux heures, vogue contemporaine-cosmique flyée,<br />
dont l'auteur nous demande de ne pas briser le charme<br />
d'applaudissements après. Noirceur, rien sur la scène<br />
(un joueur de magnétophone au milieu de nous) et des<br />
bons rushs très décollés, des crescendos sans fin, des<br />
vols planés que brisent malheureusement des bouts de<br />
conversation philosophico-orientalo-snobs et des étirements<br />
qui font songer à des poules "boostées" aux<br />
hormones. Mais bon bravo et enfiru..<br />
TANGERINE DREAM à la P.D.A. deux soirs d'afl<br />
filée (premier soir au banc AA2, second L1), concerts||<br />
surpenamment semblables, mêmes riffs, même brio<br />
même déroulement et dans le même ordre (eh oui<br />
c'est moins improvisé qu'on le croirait), avec des basses|<br />
poignardantes et des guitares garrochées, et des synthés<br />
des synthés, des synthés. Un second rappel meilleur le<br />
dimanche, une première partie supérieure le samedi.<br />
Le light show surprenant (dont quelques sortes de films!<br />
polychromes B.D.) fait pardonner les distortions del<br />
son (en Europe ils ont le courant sur 50 cycles, ici!<br />
eh bien, c'est du 60, alors ? Ajustements trop délicats ?)|<br />
Enfin... Je laisse à Marc Desjardins le soin de vous dé<br />
mêler ces trois concerts cosmiques immanquables<br />
étant quelque peu sorti du rock où l'on me confine|<br />
(mais toujours aux oiseaux !).<br />
Dernier détail : La P.D.A. qui n'aime pas beaucoup<br />
de se truffer de jeunes gens, compte tenu des tapis et<br />
des bancs brûlés, des mégots de joints (vous imaginez<br />
cinémascopiquement • le scandale ?) et autres détails<br />
affoles, la P.D.A. donc, manifeste un mépris singulier<br />
barbelé d'arrogance étonnant à l'égard du québécois<br />
et de la réalité québécoise et se fout notre gueule en<br />
nous remettant un programme assez banal où le texte<br />
anglais consacré à la présentation de TANGERINEf<br />
DREAM fait 99 lignes et en français : 41, calculez vousmêmes<br />
le pourcentage. Le texte français n'est d'ailleurs<br />
qu'un résumé traduit de l'autre, mal fait bien entendu,<br />
où l'on dit qu'ils possèdent quatre disques d'or à leur<br />
crédit en France "comme à travers l'Europe", ce qu<br />
est faux ; ils n'en ont pas huit en tout. Il est décevant<br />
de voir des musiciens de cette classe présentés si misérablement,<br />
c'est grotesque... Mais vous savez, même<br />
"Place des Arts", ce n'est pas français, le terme juste<br />
étant "Cité", aussi, passons... Nous n'avons pas fini de<br />
nous faire insulter encore, et de toute façon vous allez<br />
voter "non" à vous savez quoi... Bonjour chez vous<br />
Clodomir SauvéJ<br />
mainmise no 70