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<strong>360°</strong> N˚221<br />
Mars <strong>2023</strong><br />
CHF<br />
6.-<br />
L’ABC DE<br />
CATHERINE<br />
D’OEX
Vos combats sont les nôtres !<br />
Nous pouvons être votre voix au Grand Conseil<br />
Nous sommes...<br />
Militant.e.x.s de la gauche genevoise<br />
Membres du Parti socialiste<br />
Personnes concernées du milieu LGBTIQ+<br />
... et nous nous engageons...<br />
En faveur des droits et des libertés des minorités<br />
Contre les discriminations basées sur l’orientation sexuelle,<br />
l’identité et l’expression de genre<br />
Pour la diversité et la protection des groupes vulnérables<br />
Matthieu Jotterand Daphné Villet Florian Schweri<br />
Yolanda Martinez Wahba Ghaly Andrea Villanyi<br />
Rédaction en chef<br />
Robin Corminboeuf<br />
robin.corminboeuf@360.ch<br />
Rédaction textes<br />
AstralAl, Camille Béziane,<br />
Zoé Blanc-Scuderi,<br />
Robin Corminboeuf, Edmée Cuttat,<br />
Aymeric Dallinge, Marius Diserens,<br />
Arnaud Gallay, Princesse GenderFuck,<br />
Line Golestani, Dr. Hazbi, Tal Madesta,<br />
Cathy Macherel, Monokini,<br />
Vagin Pirate, Valerie Reding,<br />
Léon Salin<br />
Photo<br />
RTS / Laurent Bleuze,<br />
Twitter / @CarlaAntonelli,<br />
Tommaso Colognese, Margaux Corda,<br />
Nouchine Diba, Marie Rouge,<br />
Association Presse 360,<br />
U.S. House Office of Photography,<br />
Les Films du Nouveau Monde,<br />
Ali N’ Productions, Snowglobe Film,<br />
Velvet Films<br />
Illustration<br />
Amina Belkasmi, Balmer Hählen,<br />
Monokini<br />
Couverture<br />
Photo : Nouchine Diba<br />
Design : Balmer Hählen<br />
Corrections<br />
Robin Corminboeuf,<br />
Arnaud Gallay<br />
Direction artistique et graphisme<br />
Balmer Hählen<br />
Typographies<br />
Newglyph<br />
Swiss Typefaces<br />
Publicité<br />
Philippe Scandolera<br />
pub@360.ch<br />
Christina Kipshoven<br />
christina@mannschaft.com<br />
Jérémy Uberto<br />
marketing@360.ch<br />
Abonnement<br />
abo@360.ch<br />
Expédition<br />
André, Laurentiù, Giovanni et Jérôme<br />
Editeur<br />
Association Presse 360<br />
Impression<br />
Appi, Gland<br />
360 <br />
36, rue de la Navigation<br />
CP 2217 - CH-1211 Genève 2<br />
Tél. 022 741 00 70<br />
Sommaire N°221<br />
OUVERTURE<br />
Édito<br />
« De temps en temps, une claque »<br />
p. 5<br />
News<br />
L’aQtu<br />
p. 6<br />
SOCIÉTÉ<br />
Anniversaire 25 ans<br />
Il était une fois <strong>360°</strong><br />
p. 8 – 9<br />
Grandeur Mature<br />
Catherine d’Oex<br />
p. 10 – 12<br />
Chroniques<br />
Léon Salin et Princesse GenderFuck<br />
p. 15<br />
Police<br />
Défis LGBTIQ+<br />
p. 16 – 18<br />
Chroniques<br />
Marius Diserens et Dr. Hazbi<br />
p. 20<br />
École<br />
Prévention LGBTIQphobie<br />
p. 22 – 25<br />
CULTURE<br />
Cinéma<br />
Le Bleu du caftan<br />
p. 26 – 27<br />
Cinéma<br />
FIFDH<br />
p. 28<br />
Livres<br />
Sélection de Payot<br />
p. 30<br />
Musique<br />
Billie Bird<br />
p. 32 – 33<br />
CLÔTURE<br />
L’oracul du mois<br />
Drag, réalité augmentée<br />
p. 43<br />
Horoscope<br />
La tête dans les étoiles<br />
p. 44 – 45<br />
Queer’stionnaire de Proust<br />
Bruna Revlon<br />
p. 46<br />
<strong>magazine</strong>_360<br />
<strong>magazine</strong>_360<br />
<strong>magazine</strong>360lgbt<br />
Podcast<br />
Destination Vieillistan<br />
p. 34 – 35<br />
Isabel Jan-Hess Mirko Ondras Patrick Sturchio<br />
Scannez le QR code pour découvrir les 66 candidat.e.x.s<br />
du Parti socialiste genevois au Grand conseil.<br />
groupe lgbtqi+<br />
du PS genevois<br />
psgenevois.lgbtiq<br />
groupe_lgbtiq@ps-ge.ch<br />
Retrouvez toutes les infos<br />
sur 360.ch<br />
TOUTE REPRODUCTION EST STRICTEMENT<br />
INTERDITE POUR TOUS LES PAYS, SAUF AU-<br />
TORISATION ÉCRITE DE 360.<br />
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BTIQ+ ET FRIENDLY DE SUISSE ROMANDE.<br />
360 EST UN MAGAZINE INDÉPENDANT<br />
DONT LE CONTENU RÉDACTIONNEL NE<br />
REFLÈTE PAS NÉCESSAIREMENT LES POSI-<br />
TIONS DE L’ASSOCIATION 360.<br />
Chroniques<br />
Aymeric Dallinge et Dr·e Goudou<br />
p. 36<br />
Lettre ouverte<br />
Aimons-nous ?<br />
p. 38 – 40
DE «<br />
TEMPS<br />
EN<br />
TEMPS,<br />
UNE<br />
CLAQUE »<br />
PAR ROBIN CORMINBOEUF<br />
RÉDACTEUR EN CHEF<br />
Gymnase intercantonal de la Broye, en 2008, deux<br />
intervenants prennent la parole. Ils vivent tous<br />
deux avec le virus du VIH. Leurs témoignages sont<br />
irrévérencieux et émouvants. Une cinquantaine<br />
d’adolescent·e·x·s, aligné·e·x·s sur des chaises,<br />
sont suspendus à leurs mots. J’ai dix-sept ans, je<br />
les écoute avec attention, avec crainte. Pour la première<br />
fois, on parle d’homosexualité à l’école sans<br />
que ce soit un sujet de gêne ou une blague.<br />
Dix ans plus tard, des chaises en cercle,<br />
une vingtaine peut-être. La cloche vient de<br />
sonner, ma collègue intervenante me sourit.<br />
Les élèves s’assoient. « Bonjour, bonjour tout<br />
le monde. Bienvenue. Est-ce que vous savez<br />
de quoi on va parler aujourd’hui ? » Silence.<br />
Une main se lève : « D’homosexualité. »<br />
La réponse dépend de la classe, parfois on n’entend<br />
qu’un rire gêné, parfois un·e·x jeune, tout à<br />
fait au clair sur le genre et la sexualité fait un bref<br />
exposé de ses connaissances, parle de l’association<br />
pour laquelle je travaille alors, Vogay. C’est<br />
limpide, concis. On se dit qu’on n’a rien à faire là,<br />
que c’est à nous d’écouter ces jeunes, qu’iels ont<br />
beaucoup à nous apprendre.<br />
De temps en temps, une claque. On se rend<br />
compte qu’on est venu avec beaucoup de<br />
préjugés face à cette classe d’apprenti·e·x·s<br />
en ferblanterie ou en maréchalerie.<br />
Qu’est-ce que j’attends d’elleux ? Sûrement<br />
de l’homophobie, mais il n’en est rien.<br />
Apprenti·e·x·s : 1, Robin : 0.<br />
D’autres fois, la claque est cinglante. L’homophobie<br />
surgit dans l’entre soi de la classe, soutenue par le<br />
prof qui mobilise ses troupes, comme s’il partait<br />
à la guerre.<br />
Dans ce numéro, nous vous proposons<br />
un article de fond signé Line Golestani<br />
sur la prévention de l’homophobie et de<br />
la transphobie dans les écoles romandes.<br />
Intervenir auprès d’étudiant·e·x·s, faire de<br />
la prévention, c’est aussi le métier de Pascal<br />
Morier-Genoud, alias Catherine d’Oex, qui<br />
fait la couverture de ce numéro de <strong>mars</strong> et<br />
dont le portrait figure en pages 10 – 12.<br />
C’est par ailleurs elle qui animera la 3e édition<br />
du Natathon organisé par H2O Genève et la Ville<br />
de Vernier. Cet évènement sportif et solidaire a<br />
lieu le samedi 25 <strong>mars</strong>, de 15h à 18h, à la piscine<br />
du Lignon. La moitié des fonds récoltés seront<br />
reversés à votre <strong>magazine</strong> préféré. Alors, à vos<br />
plus beaux maillots !<br />
4<br />
RUBRIQUE<br />
SOUS-RUBRIQUE<br />
ÉDITO<br />
5
© Twitter/@CarlaAntonelli<br />
L’AQTU<br />
LGBTIQPHOBIE D’ÉTAT<br />
À l’initiative de la Belgique, un recours a été<br />
lancé contre Budapest devant la Cour de justice de<br />
l’Union européenne. En cause, la loi adoptée en 2021<br />
par le gouvernement de Viktor Orbán, qui restreint<br />
la diffusion d’informations sur l’identité de genre et<br />
l’orientation sexuelle, sous prétexte de protection<br />
des mineur·e·x·s. C’est par un texte analogue que la<br />
répression anti-LGBTIQ+ avait commencé en Russie,<br />
il y a dix ans. La procédure contre Budapest<br />
pourrait être la plus importante engagée en matière<br />
de droits humains au sein de l’UE.<br />
JUSTICE POUR BRIANNA<br />
Des centaines de personnes ont défilé<br />
dans les grandes villes du Royaume-Uni pour<br />
rendre hommage à Brianna Ghey, jeune fille trans<br />
de 16 ans poignardée à mort près de Liverpool, le<br />
11 février. La piste d’un crime de haine était évoquée<br />
par les médias, dans un contexte de tension croissante<br />
autour des parcours trans*. Deux suspects,<br />
un garçon et une fille de 15 ans ont été arrêtés.<br />
SANS PEUR<br />
ET SANS PRÉJUGÉS<br />
Respect pour Jakub Jankto, 27 ans. Ce<br />
footballeur tchèque, 45 fois sélectionné en équipe<br />
nationale, l’a annoncé le mois dernier par une vidéo<br />
sur Instagram : « Je veux vivre ma vie sans peur.<br />
Sans préjugés. Sans violence. Mais avec amour.<br />
Je suis homosexuel et je ne veux plus me cacher. »<br />
Le signe, peut-être, d’un frémissement dans le foot<br />
masculin, après le coming-out de plusieurs pros<br />
d’envergure – mais d’égal courage – tels que Josh Cavallo<br />
en Australie, ou le tout jeune Jake Daniels, en<br />
2e ligue anglaise.<br />
LE DÉLIRE DU MOIS :<br />
LA HONTE DU CONGRÈS<br />
En matière de culot politique, le Républicain<br />
new-yorkais George Santos bat tous les records.<br />
Depuis la découverte de mensonges éhontés<br />
(diplômes et jobs fantômes) dans le CV de l’élu à la<br />
Chambre des représentants, ses diverses élucubrations<br />
remontent sans cesse à la surface: famille<br />
imaginaire de survivants de la Shoah, carrière de<br />
top model et non moins improbables exploits à Hollywood…<br />
Sans parler de ses démêlés bien réels avec<br />
la justice brésilienne pour des fraudes à la carte<br />
bancaire. Seul son coming-out semble encore à<br />
peu près véridique. Une qualité d’homme gai qu’il<br />
a revendiquée, le mois dernier, pour cosigner un<br />
projet de loi visant à bannir des écoles les livres<br />
sur thèmes LGBTIQ+.<br />
« FIN DU CALVAIRE »<br />
C’est ainsi que la députée Carla Antonelli<br />
a décrit le vote final, le 16 février, de la loi permettant<br />
aux personnes trans* espagnol·e·x·s de<br />
changer d’état-civil dès 16 ans, sans tracasseries<br />
administratives (comme c’est le cas en Suisse depuis<br />
l’an dernier). Ce texte emblématique, présenté<br />
par la gauche radicale alliée du gouvernement socialiste,<br />
a donné lieu à un débat particulièrement<br />
violent à droite, mais aussi à des dissensions dans<br />
une partie de la gauche.<br />
6 SOCIÉTÉ<br />
NEWS<br />
© U.S. House Office of Photography<br />
Une société ouverte à<br />
toutes les différences,<br />
où lʼégalité des<br />
chances se concrétise<br />
au quotidien...<br />
...cʼest possible !<br />
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par Cathy Macherel<br />
Après une plongée dans les pages du premier <strong>360°</strong> le mois dernier,<br />
on revient sur les coulisses du <strong>magazine</strong> à ses débuts. Première<br />
rédactrice en cheffe, de 1998 à 2006, Cathy Macherel raconte.<br />
Une longue table, des volutes de fumée, quelques<br />
bières pour la bonne humeur. Nous sommes à l’automne<br />
1997, dans le squat « Chez Brigitte ». Une tripotée<br />
de gens s’y rencontrent chaque semaine, avec<br />
l’idée de faire avancer un projet. L’idée ? Créer une<br />
nouvelle association LGBT+. Le « + » signifiant, ici, que<br />
l’on compte s’adresser à toute personne, quelle que<br />
soit son identité ou son orientation sexuelle, hétéros<br />
et cis (on n’utilisait pas encore ce terme) compris. Il<br />
faut parler d’ouverture, créer des passerelles, plutôt<br />
que de rester cloîtrer dans nos lieux réservés. Ainsi<br />
a été imaginée notre vision à <strong>360°</strong>.<br />
Organiser des fêtes (<strong>360°</strong> Fever), être là pour<br />
offrir soutien et services (Espace 360, nom<br />
du pôle associatif à l’époque), ou monter un<br />
<strong>magazine</strong>, chacun y va alors de son envie et<br />
de son engagement.<br />
Côté presse, à y regarder avec 25 ans de recul, il fallait<br />
être un peu dingue pour se lancer dans une telle<br />
aventure. Certes, à la fin des années 90, les médias<br />
n’ont pas encore subi de plein fouet la révolution<br />
internet, mais tout de même… Combien de titres,<br />
hors des médias mainstream, se sont déjà cassé la<br />
gueule sur ce marché difficile.<br />
ENVIE DE S’AMUSER<br />
Mais de marché, il n’est évidemment nulle<br />
question à <strong>360°</strong>. On ne veut, à l’époque, même pas<br />
entendre parler de subventions pour le pôle social<br />
de l’association… L’équipe du <strong>magazine</strong> se monte<br />
à l’énergie, elle a aussi envie de s’amuser. Tout cela<br />
se fait en même temps que se déroule une Gay Pride<br />
improvisée à Genève, initiative de quelques joyeux<br />
lurons, une première en Suisse romande.<br />
Bientôt, le QG s’établit rue de Lausanne,<br />
dans la cuisine du bureau de notre graphiste,<br />
Chatty Ecoffey. Oui, je sais, ça ressemble<br />
furieusement à du storytelling, mais c’est<br />
bien ainsi que les choses se sont faites. C’est<br />
dans cette ambiance de vieux carrelage et<br />
de chaises en formica que se tiennent nos<br />
séances de rédaction, bières et chips au<br />
paprika à l’appui. Rien n’est encore sorti de<br />
presse, mais la cuisine déborde de partout à<br />
chaque séance hebdomadaire. Journalistes<br />
avec expérience ou en herbe, idem pour les<br />
photographes qu’amène Ester Paredes,<br />
l’équipe ne cesse de s’agrandir. On décide<br />
que le <strong>magazine</strong> sera un « bimestriel ». « Un<br />
Crédits couvertures : Association Presse 360<br />
quoi ? », demande-t-on souvent à Philippe<br />
Scandolera, qui gère la pub. Ben oui, un <strong>magazine</strong><br />
qui sort tous les deux mois, donc six<br />
fois par an. En format A4, vendu sur abonnement<br />
et en kiosque.<br />
Le premier numéro sort en juillet 1998, pour la Gay<br />
Pride de Lausanne. Les exemplaires sont entassés<br />
dans une charrette, le <strong>magazine</strong> se vend à la criée.<br />
En couverture, un ventilateur arc-en-ciel suggère<br />
un cercle. Résultat d’une règle saugrenue: on se met<br />
pour contrainte qu’une forme ronde, allusion à <strong>360°</strong>,<br />
constituera un élément graphique de chaque « une »<br />
du <strong>magazine</strong>. En couverture des premiers numéros<br />
suivront ainsi un taille-crayon, un bocal à poissons,<br />
une pleine lune, un gâteau… Autant dire qu’on oubliera<br />
vite le concept.<br />
Aux séances de rédaction, numéro après<br />
numéro, idées et envies se bousculent. On<br />
se lance dans des enquêtes de proximité,<br />
à une époque où il y a encore beaucoup à<br />
révéler, à dénoncer: dossier sur une école<br />
peu intégrante, témoignages de flics homos,<br />
enquête sur les effets de la criminalisation<br />
de la transmission du VIH, décryptage sur<br />
comment la pharma fait main basse sur la<br />
sexualité féminine…<br />
Voyez un peu le contexte: dans l’actualité, en 1999, la<br />
Migros subit un boycott d’un parti conservateur parce<br />
qu’elle a subventionné… un concours de Mister Gay !<br />
Et le directeur de la Croix-Rouge à Fribourg s’insurge<br />
de la venue de la Gay Pride.<br />
Au basculement du nouveau siècle, on découvre<br />
à peine le mot « queer », et « transexuel<br />
» fait encore partie du vocabulaire. Un<br />
article sur le coming out des ados en dit long<br />
sur le chemin qu’il faudra encore parcourir<br />
pour gagner reconnaissance et égalité. Il est<br />
titré : « Comment le dire à 16 ans ? »<br />
Le <strong>magazine</strong> donne, comme il se l’est promis, dans<br />
tous les genres, explorant sujets intimes et de société,<br />
ouvrant des portes, jetant des ponts entre<br />
toutes les sexualités.<br />
À ses débuts, <strong>360°</strong> possède une rubrique<br />
de « petites annonces de rencontres ». En la<br />
matière, internet n’a que quelques années de<br />
pratique, et Tinder est encore dans le néant.<br />
En l’an 2000, un dossier est consacré à la<br />
montée en puissance de la drague sur les<br />
chats. On analyse comment la technologie<br />
change nos rapports aux corps.<br />
DÉTOURNEMENTS<br />
Des rubriques classiques de <strong>magazine</strong>s populaires<br />
inspirent, on les détourne. Le <strong>magazine</strong> abrite<br />
ainsi un feuilleton déjanté (Le Bonheur pour tous), une<br />
rubrique sexo totalement fabriquée (Les bons conseils<br />
du Dr Cute) et une chronique culinaire bien à l’ouest.<br />
Un horoscope sans queue ni tête ne propose que<br />
quatre signes par numéro, « parce qu’on n’a pas plus<br />
de place ». Il est signé Snoopy Argenté, pseudo improbable<br />
derrière lequel se cache une journaliste de<br />
renom en Suisse romande.<br />
Parce que c’est aussi ça, <strong>360°</strong> : un espace où<br />
des journalistes viennent s’éclater dans des<br />
genres qui les changent de leur routine, où<br />
des photographes de presse viennent s’exprimer<br />
façon « carte blanche », tout comme des<br />
dessinateurs confirmés. Combien de jeunes<br />
ont aussi utilisé ce <strong>magazine</strong> comme un tremplin,<br />
dont on a revu ensuite les noms dans la<br />
presse qui salarie, sur la couverture d’un roman<br />
ou à l’affiche d’une pièce de théâtre ?<br />
La rédaction gagne bientôt en espace, avec de vrais<br />
locaux pour travailler, partagés avec l’association, à<br />
la rue de la Navigation. Surprise, on est visiblement<br />
lu jusqu’à Paris : en 2003, Têtu veut nous coller un<br />
procès suite à un article critique. Bien plus tard, coup<br />
de fil d’un avocat d’affaires pour nous demander si<br />
l’on veut racheter ce <strong>magazine</strong> français, alors en mauvaise<br />
passe ! On répond qu’on y réfléchit… Scando<br />
en rigole encore.<br />
Pour nous non plus, ce n’est pas tous les jours<br />
faciles. Après 30 numéros, à l’automne 2003,<br />
changement de formule : il faut se rendre à<br />
l’évidence, il n’est pas simple de couvrir nos<br />
frais par les abonnements, même si des fidèles<br />
nous soutiennent. On passe à un format<br />
A5, à dix numéros par an, <strong>360°</strong> devient gratuit,<br />
distribué dans de nombreux lieux à Genève,<br />
et ailleurs en Suisse romande.<br />
La visibilité augmente, la pub aussi, les puristes regrettent<br />
toutefois le grand format et la communauté<br />
d’abonnés. Pour fidéliser l’équipe, on commence à rémunérer<br />
les articles. Y a-t-on perdu un peu notre âme ?<br />
Peut-être. En petit format, toutefois, on s’amuse encore.<br />
Je me souviens en particulier de ce numéro,<br />
en 2004, mettant en scène deux mariées en<br />
robe blanche, façon meringues glacées. Elles<br />
tiennent d’ailleurs encore régulièrement l’affiche<br />
sur le stand du <strong>magazine</strong>, inlassablement<br />
monté pour les fêtes de Fever. À l’époque, on ne<br />
parle pas encore de mariage pour tous, mais<br />
de partenariat enregistré à l’échelle fédérale.<br />
Signe d’embourgeoisement de la communauté<br />
ou progrès social ? Le sujet fait débat.<br />
On sait aussi en rire : <strong>360°</strong> donne dix conseils<br />
pour « se dire oui sans passer pour des tartes ».<br />
Pour évoquer ici quelques morceaux – si peu – de<br />
cette épopée, j’ai relu bien sûr quelques numéros<br />
de l’époque. Le mélange d’engagement et d’humour,<br />
avec beaucoup de fraîcheur, est la marque de ces<br />
débuts. Mais surtout, à l’heure de ce 221 e numéro de<br />
<strong>mars</strong> <strong>2023</strong> (!), il y a la mesure de l’incroyable chemin<br />
parcouru. Depuis 25 ans, ce <strong>magazine</strong>, abordant des<br />
sujets importants mais sans se prendre au sérieux,<br />
a traversé toutes les luttes politiques et sociales de<br />
la communauté LGBTIQ+, tous ses courants. Il en a<br />
été – et continue de l’être – un parfait reflet.<br />
8<br />
SOCIÉTÉ<br />
ANNIVERSAIRE<br />
ANNIVERSAIRE<br />
SOCIÉTÉ<br />
9
Catherine<br />
d’<br />
Icône absolue de la scène LGBTIQ+ romande, Catherine d’Oex nous<br />
parle sans retenue de son parcours et de son art. Portrait<br />
Par Robin Corminboeuf<br />
Photos : Nouchine Diba<br />
O ex<br />
Dimanche de janvier à Lausanne. Le Café Saint Pierre, être leur femme. » En effet, Madame d’Oex met à l’aise,<br />
lieu bien connu des habitant·e·x·s de la ville pentue du et les langues se délient en sa présence : « Mon personnage<br />
est confessionnal, même les gens qui me<br />
bord du Léman, est plein à craquer. Il est 14 heures,<br />
les assiettes du brunch sont vides, les client·e·x·s connaissent et savent qui est derrière Catherine me<br />
repu·e·x·s. Pascal Morier-Genoud, alias Catherine racontent des choses quand je suis travestie qu’ils ne<br />
d’Oex nous attend en sirotant un cappuccino.<br />
me raconteraient pas le lendemain au café. C’est une<br />
Pascal a donné naissance à Catherine d’Oex, richesse absolue. »<br />
son alter ego travesti, en août 2004, à l’occasion<br />
d’un des premiers pacs neuchâtelois.<br />
velo » sociale propose aussi des slogans, à<br />
Celle qui aime se décrire comme une « tra-<br />
Après cette apparition matrimoniale inaugurale,<br />
Catherine reprend du service pour la<br />
le « tout-capote ». Ainsi, son « Ne soyez pas<br />
une époque où la prévention est axée sur<br />
communauté homosexuelle, en faisant de<br />
sages, mais soyez prudents ! », moins moralisateur<br />
que le discours promulgué alors, est<br />
la prévention contre le VIH. Nous sommes<br />
en 2005 et les contaminations augmentent.<br />
repris dans le milieu de la prévention et de la<br />
Il faut donc trouver un moyen de sensibiliser<br />
aux risques liés au virus, surtout dans<br />
réduction des risques.<br />
les lieux de rencontres sexuelles, sans être « METTRE DU DIALOGUE »<br />
moralisateur. « Le sexe était devenu la mort,<br />
puis il y a eu un moment de relâchement À l’opposé d’un drag intouchable, peuplé de créatures<br />
avec l’arrivée des trithérapies », rappelle célestes mais parfois inapprochables, Pascal Morier-<br />
« Voyager<br />
Catherine. Son personnage chic, plantureux, Genoud instille avec une grande délicatesse ses deux<br />
avec colliers de perles et perruque blonde formations de comédien et d’éducateur dans son art.<br />
rencontre un succès immédiat dans cette « L’idée c’est de mettre du dialogue, c’est ma seule ambition<br />
», souligne l’artiste. Cette philosophie, Catherine<br />
période singulière de l’épidémie. Elle souligne<br />
: « Il s’agissait de faire des ponts entre la tient notamment du dramaturge brésilien Augusto<br />
les gens qui avaient connu une période de Boal et de son théâtre de l’opprimé : « Son mot favori<br />
militantisme liée au VIH et à son issue fatale, c’est “ dialogue ”, il dit qu’il faut remettre du dialogue<br />
à l’intérieur<br />
et les personnes qui disaient “ Vous êtes gentils,<br />
mais maintenant on a les thérapies, donc et surtout à l’intérieur de soi-même. Et c’est ce que<br />
entre les religions, entre les hommes et les femmes,<br />
laissez-nous tranquilles ”. »<br />
j’aime faire. Finalement, ça ne change pas grand chose<br />
que je fasse de la prévention contre le VIH, que j’anime<br />
« NE SOYEZ PAS SAGES, MAIS SOYEZ PRUDENTS ! » un spectacle ou que je fasse des ateliers en tant que<br />
Pascal. Tout ça, c’est le même job. »<br />
La dimension rassurante, quasi maternelle de<br />
Alors qu’il passe de manière fluide de<br />
de » soi<br />
Catherine fait mouche et elle touche un public de HSH<br />
Catherine à Pascal, l’artiste confie que la<br />
(hommes qui ont du sexe avec des hommes, sans nécessairement<br />
se considérer comme gais) pourtant<br />
les deux sont moi ! » La chose qu’il n’est pas,<br />
dualité n’existe plus : « Dans ce duo, tous<br />
difficile d’accès : « Dans les saunas, il y a des confidences<br />
qui se sont faites, notamment car j’aurais pu<br />
Deneuve, même si son nom et son style<br />
en revanche, c’est une copie de Catherine<br />
10 RUBRIQUE SOUS-RUBRIQUE GRANDEUR SOUS-RUBRIQUE MATURE<br />
RUBRIQUE<br />
SOCIÉTÉ<br />
11
semblent rendre hommage à l’actrice<br />
que Pascal admire beaucoup : « C’est une<br />
femme que je trouve surprenante, libre,<br />
très libre. Elle a inventé un style, à la fois<br />
provocant et pudique. »<br />
Sur l’expérience du travestissement, celle qui a elle<br />
aussi inventé son propre style en empruntant au féminin<br />
ses attributs est magnanime : « Je conseille à<br />
toutes et tous d’expérimenter une fois dans sa vie les<br />
artifices dédiés à l’autre genre. Pour moi, c’est comme<br />
voyager, explorer d’autres cultures, mais à l’intérieur<br />
de soi-même. Ce soir par exemple, j’accompagne une<br />
amie qui va faire pour la première fois un numéro de<br />
drag king, à 62 ans ! »<br />
« SÉRIEUSEMENT… SANS SE PRENDRE AU SÉRIEUX »<br />
En effet, le soir de notre rencontre, Catherine anime<br />
la 19e Scène du Dimanche au Café Saint PIerre. Alors<br />
que d’habitude l’affiche se partage entre artistes<br />
confirmé·e·x·s, le format de cette édition est un peu<br />
particulier, puisqu’il est inspiré de La France a un<br />
incroyable talent. Six candidat·e·x·s vont se succéder<br />
devant une salle comble, et le ou la gagnant·e<br />
remportera sa place pour la vingtième édition du<br />
souper-spectacle. Les loges grouillent de talents,<br />
entre effeuilleuses et drag queens qui viennent tenter<br />
leur chance. En bonne maîtresse de cérémonie,<br />
Catherine donne le ton : « Ici, on fait les choses sérieusement,<br />
sans se prendre au sérieux ! » lâche-telle<br />
en riant. Et c’est cette philosophie qu’elle partage<br />
avec générosité autour d’elle.<br />
Alors qu’elle s’apprête à monter sur scène, aucun<br />
stress n’est visible sur son visage, même si elle<br />
confie toujours ressentir un peu de trac avant ses<br />
spectacles. Vêtue d’une robe blanche et de talons<br />
psychédéliques, une tenue « inspirée par les présentatrices<br />
de la Rai », Catherine chapeaute la soirée<br />
avec une aisance folle et un humour décapant. Pour<br />
départager les concurrent·e·x·s, Nénette, patronne<br />
des lieux et présidente du jury est épaulée par Lily<br />
Taxiss, drag lausannoise pensionnaire de Chez<br />
maman, à Bruxelles, et par Diane Tell (la vraie !), qui<br />
reprend en duo avec Catherine son tube Si j’étais<br />
un homme. Rythmée par les apparitions lunaire de<br />
Ludwika de Mittelsbach, la soirée récompensera<br />
Sydonie Grey, performeuse burlesque, et Crystal<br />
Von der Roederer. On pourra donc retrouver cette<br />
dernière lors de la prochaine édition du spectacle<br />
cabaret au Saint Pierre. L’occasion, pour celleux qui<br />
ne l’auraient jamais vue sur scène, de découvrir en<br />
live les talents de l’incontournable Catherine d’Oex !<br />
12<br />
SOCIÉTÉ<br />
GRANDEUR MATURE
THÉÂTRE DANSE PERFORMANCE<br />
FESTIVAL LES RAVINES<br />
QUATRE VIVIFIANTES PROPOSITIONS<br />
DE LA JEUNE CRÉATION ARTISTIQUE<br />
11-14 MAI <strong>2023</strong><br />
FÉV MAI 23<br />
IMAGE : Z-LO IMAGES / @ZLO_IMAGES<br />
L'humeur de Léon Salin<br />
PARAÎTRE WOKE<br />
Léon est un homme transgenre romand. Il tient les<br />
comptes Instagram et TikTok @salinleon dans lesquels<br />
il lutte pour une représentation positive des<br />
personnes transgenres.<br />
Dans cette chronique, je continue de discuter avec<br />
Julien, un homme cisgenre, hétéro, avec qui je partage<br />
certaines de mes pensées. Il est fictif, sans<br />
être irréel. Julien ça pourrait être toi, moi et/ou nous.<br />
Cher Julien, plus les mois avancent, moins<br />
j’ai l’impression que tu comprends. Lundi matin,<br />
10h13. Je suis dans un nouvel environnement. Je<br />
ne connais personne, je suis aux aguets. 10h14,<br />
tu entres dans la salle : « Ah Léon, quel plaisir de<br />
t’avoir parmi nous. » Soulagé d’entendre ces mots,<br />
je me détends. 10h17, je reçois un message dans<br />
ma toute nouvelle boîte mail. De: Julien, À : Léon :<br />
« En fait Léon, j’espère que tu es heureu·se d’être<br />
parmi nous. Merde, comment dois-je te genrer ? ».<br />
10h18, l’espace autour de moi se transforme en terrain<br />
hostile. Julien, comment oses-tu me demander<br />
ça ? Qu’as-tu entendu à mon sujet ?<br />
Quelqu’un·e t’a probablement juste mentionné<br />
« Le nouveau, il est transgenre» ; et dans<br />
la panique, tu as voulu paraître le plus woke possible<br />
? Ou alors, en ayant vu mon apparence, tu t’es<br />
sincèrement demandé quel était mon genre ? Je<br />
m’efforce à en douter, au vu de mon passing sans<br />
faille. Ma frêle confiance d’homme s’écroule et je<br />
retourne dans les abysses des crises de dysphorie,<br />
des questionnements constants sur mon apparence.<br />
10h19, je me demande si ce sont mes boucles<br />
d’oreilles qui me donnent une apparence de femme.<br />
Absurde. C’est sans aucun doute le manque de<br />
connaissance sur les personnes trans* qui t’ont<br />
amené à me poser une telle question. C’est certainement<br />
l’envie de paraître au courant, plutôt que<br />
la réelle envie de l’être.<br />
SARAH BUCHER<br />
CAMILLE<br />
COLINE BARDIN<br />
LA MÂTRUE – ADIEU À LA FERME<br />
MARION THOMAS<br />
NOUS SOMMES LES AMAZONES DU FUTUR<br />
LUDMILLA REUSSE<br />
RHODODÉAMBULATION / MYRTITINÉRANCE / PINTROSPECTION<br />
Princesse GenderFuck<br />
LE JOURNAL D’UNE PRINCESSE<br />
Au prisme de sa culture québécoise, de ses activités<br />
militantes et artistiques, Princesse GenderFuck<br />
vous partage ses histoires entre son pays d’accueil,<br />
la Suisse, et son pays d’origine, le Canada.<br />
Le 8 <strong>mars</strong> est l’une de ces journées qui m’a permis<br />
de comprendre que j’allais vivre une trajectoire<br />
transidentitaire. La journée de la femme a longtemps<br />
été un espace de revendications et de résistances,<br />
mais également de questionnement sur<br />
mon genre. Toutefois, que ce soit en Suisse ou au<br />
Canada, je ne suis pas encore certain·e de pouvoir<br />
affirmer que ces espaces sont un « safe space ». Non<br />
pas en raison d’organisations problématiques, mais<br />
parce que je me questionne sur l’existence réelle<br />
de ces « safe spaces ». Comment est-il possible de<br />
créer un espace où les personnes se sentent soutenues<br />
et libres de toutes discriminations ou de<br />
toutes autres formes de comportement négatif ?<br />
Comment fait-on pour aplanir tout déséquilibre de<br />
pouvoir dans une société qui, grâce à ces mêmes<br />
déséquilibres, produit pour exister ?<br />
Je crois plutôt aux espaces féministes<br />
queer. C’est-à-dire à nos connaissances, à notre<br />
créativité et à la compréhension de nos besoins et<br />
de la manière dont ils peuvent et doivent être satisfaits.<br />
Je tente de sortir de cette politique identitaire<br />
qui cherche à contrôler en identifiant ce qu’est être<br />
femme, car choisir c’est définitivement renoncer.<br />
Je crois aux espaces où il est possible d’écouter,<br />
de soutenir et d’agir, avec gentillesse. Je crois aux<br />
« kind spaces ».<br />
GRANGE-UNIL.CH<br />
CHRONQIUE<br />
SOCIÉTÉ<br />
15
Une police<br />
mieux<br />
préparée<br />
aux défis<br />
LGBTIQ+<br />
Par Camille Béziane,<br />
responsable de l’association Klamydia’s<br />
La police n’est pas forcément une institution<br />
où les personnes LGBTIQ+ se sentent bienvenues<br />
ou en confiance, mais un gros travail<br />
est engagé pour améliorer la situation.<br />
On fait le point sur ce chantier avec Olivia<br />
Cutruzzolà, de la Police cantonale vaudoise.<br />
Olivia Cutruzzolà<br />
Jeudi 10h. Une fois n’est pas coutume, j’ai rendez-vous avec la Police cantonale vaudoise. J’avais rencontré<br />
l’officière spécialiste Olivia Cutruzzolà en automne dernier dans le cadre associatif. Elle avait<br />
présenté les engagements de la police en faveur des personnes LGBTIQ+ et j’avais été marqué·e tant<br />
par son ouverture que par sa détermination à faire bouger les lignes au quotidien.<br />
Olivia Cutruzzolà, vous êtes<br />
cheffe de la Section prévention<br />
criminelle et relations<br />
avec les citoyennes<br />
et citoyens. Pourriez-vous<br />
vous présenter ?<br />
Je travaille à la police cantonale depuis<br />
14 ans. J’ai étudié les sciences politiques<br />
avant de suivre des études de journalisme,<br />
puis de communication. J’ai ensuite fait<br />
une maîtrise en criminologie, puis le CAS<br />
d’officier·ère, qui m’a permis de devenir la<br />
première femme officière spécialiste de la<br />
Police cantonale vaudoise.<br />
Pour quelles raisons la<br />
Police vaudoise a-t-elle<br />
décidé de s’investir sur<br />
les questions de diversité ?<br />
Y a-t-il eu un événement<br />
particulier qui a motivé<br />
cet engagement ?<br />
Plutôt un constat: la police ne fonctionne<br />
pas en vase clos et interagit au quotidien<br />
avec la société. Cette dernière évolue,<br />
la police aussi. Les enjeux LGBTIQ+ ont<br />
gagné en visibilité et en importance ces<br />
dernières années, ce qui s’est traduit par<br />
un agenda politique au niveau du Conseil<br />
d’État vaudois. Deux postes de déléguées<br />
ont été créés dans ce sens (ndlr: ceux de<br />
Caroline Dayer et Catherine Füssinger).<br />
Parallèlement, sur le terrain, ces thématiques<br />
sont devenues plus présentes. La<br />
société civile nous a offert des défis que<br />
nous avons décidé de relever.<br />
Pourriez-vous nous<br />
donner un exemple de<br />
mesure concrète ?<br />
Cela fait des années que les aspirant·e·x·s<br />
policier·ère·x·s·es sont formé·e·x·s et sensibilisé·e·x·s<br />
par le Pôle Agression Violence<br />
(PAV), notamment aux questions LGBTIQ+.<br />
J’avais à cœur de renforcer cette activité<br />
pour que la police soit outillée pour répondre<br />
quotidiennement aux diverses situations<br />
rencontrées et donc plus en phase<br />
avec la société qu’elle se doit de représenter.<br />
Ces dernières années, nous avons intensifié<br />
ces sensibilisations et une journée<br />
complète est consacrée aux questions de<br />
discriminations (racisme, LGBTIQphobie)<br />
durant la seconde année de formation des<br />
policier·ère·x·s. Nous nous positionnons<br />
catégoriquement en refus de toute discrimination<br />
en appliquant la tolérance zéro,<br />
dans notre institution et en dehors. Nous<br />
plantons ainsi des graines pour que les<br />
choses évoluent.<br />
En quoi les changements<br />
de lois et le travail politique<br />
ont-ils un impact<br />
sur vos pratiques ?<br />
La police applique la loi et c’est la raison<br />
pour laquelle l’évolution des bases légales<br />
a un impact direct sur notre travail de terrain.<br />
Par exemple, lors de l’entrée en vigueur<br />
de la modification de l’article 261<br />
bis du Code pénal (ndlr: prise en compte<br />
de l’orientation sexuelle dans la norme pénale),<br />
nous avons transmis une notice opérationnelle<br />
à tous·tes·x les policier·ère·x·s<br />
du canton. Celle-ci indiquait comment<br />
mettre concrètement en œuvre cette nouvelle<br />
loi, notamment lors de l’enregistrement<br />
des plaintes.<br />
Comment appréhendez-vous<br />
le fait que seule<br />
une partie des victimes<br />
d’infractions, LGBTIQ+<br />
ou non, portent plainte ?<br />
Nous avons tout à fait conscience que le<br />
nombre de personnes qui ne portent pas<br />
plainte reste très élevé. Tout ce qui n’est<br />
pas porté à notre connaissance ne peut<br />
pas être monitoré. Nous savons que nos<br />
chiffres ne reflètent pas la réalité sociétale.<br />
C’est pourquoi il est important que<br />
les victimes soient bien reçues quand elles<br />
font appel à nous et qu’elles n’hésitent pas<br />
à porter plainte si elles le souhaitent.<br />
Certaines personnes<br />
LGBTIQ+ ont eu des expériences<br />
négatives de<br />
la police ou s’en méfient.<br />
La défiance est légitime et il serait malhonnête<br />
de garantir que toutes les interactions<br />
avec nos services se passent toujours bien<br />
en raison du nombre considérable de ces<br />
dernières.<br />
16<br />
SOCIÉTÉ RUBRIQUE SOUS-RUBRIQUE POLICE<br />
POLICE SOUS-RUBRIQUE<br />
RUBRIQUE<br />
SOCIÉTÉ<br />
17
Cela étant, les mauvaises pratiques des employé·e·x·s<br />
ne sont pas cautionnées par la hiérarchie<br />
policière. Nous enjoignons les personnes qui ont eu<br />
de mauvaises expériences à le signaler. Chaque signalement<br />
et chaque doléance fait l’objet d’une analyse<br />
et d’une réponse. Il peut y avoir des sanctions<br />
administratives, voire des dénonciations pénales<br />
si les faits semblent constitutifs d’infractions pour<br />
les employé·e·x·s en cause.<br />
Lors de votre présentation,<br />
en automne dernier, vous<br />
nous avez parlé de la réédition<br />
d’un flyer de la police<br />
vaudoise à l’attention<br />
des personnes LGBTIQ+.<br />
Où en est ce projet ?<br />
Ce flyer a été élaboré suite au travail de mémoire<br />
d’un officier de gendarmerie. Il est<br />
en cours de révision et sera réédité dans<br />
les prochains mois pour être mis à disposition<br />
dans toutes les polices du canton,<br />
auprès de la LAVI et des associations.<br />
Pourriez-vous nous<br />
parler des autres<br />
perspectives à venir ?<br />
Outre les formations de base précédemment<br />
évoquées, nous avons actuellement<br />
un mandat pour mettre sur pied une formation<br />
continue pour tous·tes·x les policier·ère·x·s,<br />
en collaboration avec les associations<br />
communautaires, dont le PAV.<br />
Cette formation devrait être dispensée à<br />
partir de 2024. Le but est d’outiller davantage<br />
les professionnel·le·x·s en partant de<br />
situations vécues.<br />
De plus, les policier·ère·x·s romand·e·x·s et tessinois·e·x·s<br />
suivant le CAS d’officier·ère·x·s de<br />
police participent à une semaine consacrée à<br />
l’éthique professionnelle et aux droits humains,<br />
qui prévoit également un apprentissage à partir<br />
de situations pratiques. En formant et en outillant<br />
nos professionnel·le·x·s, nous souhaitons<br />
créer un espace de confiance et de compréhension<br />
mutuelle sécure pour toutes les personnes<br />
ayant recours à la police, quelles que soient leur<br />
orientation affective, sexuelle et leur identité<br />
de genre.<br />
18<br />
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SOUS-RUBRIQUE
Le mot du mois<br />
VIRILITÉ<br />
Marius Diserens est spécialiste en question de genre<br />
et de diversité, militant queer et élu politique; il partage<br />
avec nous son mot « coups de cœur » du mois.<br />
Oh dear reader,<br />
Lorsqu’on parle de virilité, tout se confond.<br />
Celleux qui souhaitent « faire revenir les hommes virils<br />
», afin de remplacer toutes ces formes de masculinités<br />
aux expressions de genre fluides jugées totalement<br />
dépravées – Harry Styles, Sam Smith, etc. – ne savent<br />
en réalité pas du tout ce qu’iels convoquent. En appelant<br />
à un « retour à la nature », à une forme transcendante<br />
des rôles de genre, iels prouvent juste que cette virilité<br />
est toujours définie par ce qu’elle n’est pas.<br />
La virilité, c’est un ensemble d’attributs sociaux<br />
qu’on associe aux hommes et au masculin, comme le<br />
courage, la capacité à se battre ou encore le droit à la<br />
violence. La virilité est aussi le principe qui a structuré<br />
l’idée d’État-Nation et de suprématie blanche, justifié les<br />
pratiques barbares de la colonisation, cristallisé l’adage<br />
de l’homme « accompli ». Bref, c’est très dur d’être viril.<br />
C’est si compliqué que beaucoup d’hommes qui le sont<br />
« trop » ne le sont plus ! Et pour cause, ce concept a toujours<br />
été fluide à travers l’histoire. La virilité s’est rapportée<br />
aux robes à l’Antiquité, aux perruques et talons hauts<br />
à la Renaissance, aux crop tops et mini shorts dans les années<br />
70, donc tout sauf ce à quoi les tenant·e·x·s du bastion<br />
de la virilité nous demandent d’aspirer aujourd’hui.<br />
À ces personnes qui ont l’angoisse profonde<br />
qu’on fasse dérailler le monde, nous autres personnes à<br />
l’expression de genre fluide et libre disons : rassurez-vous,<br />
le monde s’est créé autour de cette fluidité. Définissezvous<br />
à travers autre chose que cette binarité qui restreint,<br />
aspirez à plus de félicité et moins d’exemplarité.<br />
Comprenez que vous vivrez plus agréablement – et les<br />
autres aussi – une fois assimilé le fait que l’essence humaine<br />
ne repose pas sur notre correspondance à des construits<br />
indéfinissables mais sur la richesse de nos différences.<br />
DANSE<br />
TARAB REDUX<br />
LAURENCE YADI & NICOLAS CANTILLON<br />
COMPAGNIE 7273<br />
SAMEDI 1 ER AVRIL • 20H<br />
SALLE DU LIGNON<br />
L’humeur de Dr. Hazbi<br />
dans le mariage. Je creuse pour comprendre ce qu’il<br />
veut dire par là et il me demande si c’est moi ou l’autre<br />
qui met des faux ongles. En plus d’un mini-cours sur<br />
le genre, j’ai dû reprendre la base et lui expliquer que<br />
je n’arrive plus à tomber amoureux des mecs et que<br />
du coup je suis célibattante. Ma couz me regarde et<br />
me dit « On a tout fait faux les deux, quelle idée d’être<br />
attirées par les gars ! ». Je me demande ce que le gamin<br />
retirera de cet échange sur le long terme.<br />
UNE D’CES COUCHES !<br />
Dr. Hazbi œuvre dans l’enseignement universitaire,<br />
l’économie, l’art et la politique. Son téléphone est<br />
bourré de réflexions qu'iel s'empresse de retranscrire,<br />
couche par couche.<br />
Couche #66<br />
En rentrant d’une journée au Moléson avec<br />
la famille, le gosse de ma couz me regarde danser<br />
et me demande : « T’es gai toi ? ». Je n’avais jamais<br />
répondu avec autant de légèreté à cette question.<br />
Il me demande ensuite si je suis la fille ou le garçon<br />
Couche #67<br />
Merci aux deux anges qui sont venus m’amener<br />
de la lumière pendant mes sept heures passées<br />
aux Urgences récemment. Un des deux m’était totalement<br />
inconnu et je me souviendrai à vie de son aura.<br />
Couche #68<br />
D’ailleurs, j’ai dû renoncer à certains projets<br />
pour calmer le jeu pour mon corps. Parmi les réactions<br />
de personnes soi-disant bienveillantes et inclusives,<br />
les pires étaient l’énervement et l’ignorance. C’est là<br />
que tu remarques que t’es qu’un pion qu’il faut remplacer<br />
au plus vite et que les milieux alternatifs ont<br />
eux-mêmes des réflexes capitalistes parfois.<br />
Culture et communication<br />
022 306 07 80 • scc@vernier.ch<br />
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Ville de Vernier<br />
© Régis Golay - Federal Studio<br />
20 SOCIÉTÉ CHRONIQUE
PREVENIR<br />
L’HOMOPHOBIE &<br />
LA TRANSPHOBIE<br />
A L’ECOLE<br />
PAR<br />
LINE GOLESTANI<br />
En Suisse, le pourcentage d’ados ne s’identifiant pas<br />
comme hétéro avoisinerait les 17%. La stigmatisation<br />
et les violences que ces jeunes subissent font souvent de<br />
leur parcours scolaire un calvaire. Bien que nécessaire,<br />
la sensibilisation, à travers des interventions spécifiques<br />
auprès des professionnel·le·x·s et dans les classes, n’en est<br />
qu’à ses prémisses. Rencontre avec les acteur·ice·x·s de<br />
terrain romand·e·x·s.<br />
« Les interventions régulières dans les classes permettent de faire<br />
évoluer les mentalités, aussi bien parmi les élèves que dans le corps<br />
enseignant. Les jeunes, si on leur explique qu’il ne s’agit pas d’être pour<br />
ou contre, mais uniquement de respecter les gens qu’iels côtoient,<br />
sont aptes à comprendre ces enjeux. », analyse Aymeric Dallinge,<br />
collaborateur spécialisé auprès de l’Office cantonal de l’égalité et<br />
de la famille du canton du Valais. « Cela donne également un gage de<br />
sécurité aux personnes concernées, en leur signifiant que l’on s’engage<br />
sur ces questions et qu’ielles sont les bienvenu·e·x·s dans leurs<br />
établissements. »<br />
Et l’ex-Chablaisien de poursuivre : « Les enseignant·e·x·s sont<br />
très demandeur·euse·x·s de formations sur ces thématiques, et l’année<br />
passée, une équipe de médiateurices scolaires sur la question<br />
LGBTIQ a été formée. » Malgré ceci, les enseignant·e·x·s valaisan·ne·x·s<br />
font souvent la demande pour qu’une personne spécialisée dans ces<br />
questions puisse accompagner certaines situations ou au moins être<br />
sollicitée, ajoute-t-il.<br />
UNE URGENCE<br />
TROP PEU<br />
PRISE<br />
EN COMPTE 23<br />
« COMPRENDRE COMMENT<br />
FONCTIONNE SON PROPRE CORPS<br />
ET CONNAÎTRE SES DROITS »<br />
En Valais, comme dans les autres cantons, la thématique est en partie<br />
abordée dans les cours d’éducation à la santé sexuelle. Dans ce canton,<br />
ce sont les centres SIPE (Sexualité, Information, Prévention, Éducation)<br />
qui s’en chargent. « Nous faisons allusion de manière large à la question<br />
LGBTIQ dès nos premières interventions en 2 e Harmos (2H), pour<br />
mentionner que chaque personne est unique, avec ses singularités et<br />
différences », explique Zoé Leu, adjointe à la direction et chargée de<br />
projet à la Fédération valaisanne des centres SIPE. « Cela peut sembler<br />
très basique, mais rien que le fait de montrer en image, en 4H, que l’on<br />
peut par exemple avoir deux mamans, expliquer qu'il existe différents
types de familles, et dire que l’on peut être amoureux·se de qui l’on<br />
veut, cela permet aux enfants de prendre conscience de tout cela. »<br />
La chargée de projet basée à Sion reconnaît toutefois que des interventions<br />
spécifiques, qui porteraient sur la prévention des dynamiques de<br />
discrimination en lien avec le genre et l’orientation affective et sexuelle,<br />
seraient souhaitables. « Pour l’instant, c’est plutôt dans chaque cours<br />
[d’éducation sexuelle] que l’on essaie d’amener cela de manière claire,<br />
avec des exemples. On encourage aussi les enfants à ne pas avoir de<br />
comportements discriminants ou violents pour n'importe quelle raison<br />
que ce soit, dont une incompréhension liée à une personne LGBTIQ. »<br />
Zoé Leu insiste aussi sur le fait que chaque classe est différente et a<br />
des questionnements particuliers : « Il arrive que l’on passe moins de<br />
temps sur ces questions, parce qu’il y a eu davantage d’interrogations<br />
sur la puberté, par exemple. L’idée est de comprendre d’abord comment<br />
fonctionne son propre corps, de connaître ses droits et de savoir qu'on<br />
a le droit d'exprimer ce que l'on ressent et qui l'on est. »<br />
Les centres SIPE ont par ailleurs pu récemment distribuer la<br />
brochure de la Fondation Agnodice aux directions d'établissements.<br />
« Il y a de plus en plus de matériel, telle que cette brochure, sur lequel<br />
les enseignant·e·x·s et le personnel éducatif peuvent s’appuyer », se<br />
réjouit l’adjointe à la direction des centres SIPE.<br />
1 <br />
(Ré)agir face à l’homophobie et<br />
à la transphobie, Caroline Dayer,<br />
REISO.org, juin 2022<br />
MANQUE DE VOLONTÉ<br />
POLITIQUE<br />
En Valais, le plan d’action cantonal ne concerne que le Département<br />
de la santé, et pas celui de la formation, ce qui rend notamment le financement<br />
d’interventions spécifiques en milieu scolaire compliqué.<br />
À Genève, celles-ci peuvent toutefois avoir lieu grâce à l'engagement<br />
de la Fédération genevoise des associations LGBT et à des subventions.<br />
Comme en Valais et dans les autres cantons, c’est avant tout<br />
le manque de volonté politique qui empêche l’élaboration de lignes<br />
institutionnelles claires et la mise en œuvre d’un plan d’action.<br />
Pour les élèves, le sentiment d’insécurité et le stress constant<br />
induit par les violences qu’iels subissent ont d’importantes conséquences<br />
en termes d’absentéisme et de décrochage scolaire. Le<br />
malaise permanent nuit par ailleurs au processus de socialisation, à<br />
l’estime de soi et rend le parcours de formation des jeunes LGBTIQ<br />
particulièrement compliqué. Dre Caroline Dayer relève également<br />
que l’homophobie et la transphobie ne touchent pas uniquement les<br />
personnes concernées : « Plus du tiers des élèves se définissant comme<br />
hétéro sont en effet la cible d’homophobie. Les élèves qui ne se plient<br />
pas aux stéréotypes de genre subissent ainsi régulièrement du dénigrement<br />
et des mises à l’écart. » 1<br />
24<br />
PLAN D’ACTION<br />
CANTONAL<br />
Dre Caroline Dayer, déléguée cantonale (Vaud) aux questions d’homophobie<br />
et de transphobie dans les lieux de formation, souligne que le<br />
plan d’action cantonal vaudois se fonde notamment sur les besoins et<br />
les demandes récurrentes des écoles, sur des recherches scientifiques<br />
locales et internationales, ainsi que sur des bases juridiques.<br />
Le plan d’action unique en Suisse, par lequel Vaud se démarque<br />
clairement des autres cantons, met en effet un point d’honneur à outiller<br />
les professionnel·le·x·s en contexte scolaire avant d’entreprendre<br />
des ateliers avec les élèves. « Ensuite, les écoles font une demande<br />
de validation et de financement auprès de l’Unité de promotion de la<br />
santé et de prévention en milieu scolaire (PSPS) pour organiser les<br />
interventions [auprès des élèves], qui sont réalisées par Vogay », explique<br />
Dre Caroline Dayer, qui collabore étroitement avec l’Unité PSPS.<br />
Le plan d’action pour la prévention et le traitement de l’homophobie et<br />
de la transphobie dans les lieux de formation a été présenté le 17 mai<br />
2021. Dre Caroline Dayer relève qu’une mesure relative aux personnes<br />
LGBTIQ est inscrite dans le programme de législature vaudois et que<br />
le développement d’une politique publique interdépartementale et<br />
transversale est en cours.<br />
25<br />
PARALLÈLES ENTRE HOMOPHOBIE,<br />
RACISME ET SEXISME<br />
Manu, co-secrétaire générale chez Vogay, intervient dans les établissements<br />
scolaires du canton de Vaud. Selon elle, les interventions<br />
dans les écoles permettent aussi de lutter contre la discrimination de<br />
manière globale : « Dans les classes où l’on intervient, on fait beaucoup<br />
de parallèles entre homophobie, racisme et sexisme. On parle de la<br />
construction des représentations, des stéréotypes que l’on peut avoir<br />
sur l’autre, et de l’attitude pouvant être adoptée pour casser le cercle<br />
vicieux de la discrimination. »<br />
Alors que les cours d’éducation sexuelle, dispensés par PROFA<br />
dans le canton de Vaud, informent sur les différents façons de faire<br />
famille, de procréer et de s’aimer, les interventions spécifiques s’attaquent<br />
de front aux préjugés et à leurs expressions les plus virulentes :<br />
« On se retrouve parfois face à des élèves ayant des apriori assez homophobes<br />
– on ne parle même pas de transphobie à ce stade – qui<br />
affirment par exemple “ S’il y a un homo dans ma classe je ne m’assois<br />
pas à côté ”. On s’adapte à chaque classe et dans un tel cas, le message<br />
sera qu’une personne homosexuelle mérite d’être respectée et a sa<br />
place dans la société. »<br />
Pour Dre Caroline Dayer, la prévention de l’homophobie et de<br />
la transphobie est bénéfique pour l’ensemble de l’établissement et<br />
au-delà, notamment en développant des pratiques non discriminatoires<br />
et le respect de la diversité. Au niveau fédéral, la création récente de<br />
deux postes liés à l’égalité des personnes LGBTI au sein du Bureau<br />
fédéral de l’égalité entre femmes et hommes constitue également<br />
une avancée. Espérons donc que le modèle vaudois fera des émules,<br />
tant il semble urgent d’agir sur ces questions, dans le milieu scolaire<br />
tout particulièrement.
AIMER<br />
QUI L’ON VEUT<br />
Dans Le bleu du caftan, la réalisatrice marocaine<br />
Maryam Touzani prône la liberté. Elle dépeint un héros<br />
masculin qui cache son homosexualité, passible de<br />
prison, et vit l’essentiel de sa sexualité au hammam.<br />
Par Edmée Cuttat<br />
COMME<br />
ON VEUT<br />
© Les Films du Nouveau Monde - Ali n’ Productions - Velvet Films - Snowglobe<br />
Halim, la quarantaine, est marié depuis longtemps<br />
avec Mina. Tous deux tiennent un magasin de caftans<br />
dans la médina de Salé, où ils perpétuent la tradition<br />
ancestrale du maalem, artisanat en train de disparaître.<br />
Mina, que l’on découvre atteinte d’un cancer en<br />
phase terminale, s’occupe de la boutique, tandis que<br />
Halim s’adonne au délicat travail de tissage.<br />
Très amoureux, ils vivent pourtant dans le<br />
secret, Halim dissimulant depuis toujours<br />
son homosexualité, passible de prison.<br />
L’épuisante maladie de Mina et l’arrivée de<br />
Youssef, un jeune apprenti qui ne laisse pas<br />
son patron indifférent, vont bouleverser ce<br />
fragile équilibre.<br />
OEUVRE INTIMISTE, TENDRE, BOULEVERSANTE<br />
Surfant avec pudeur sur un tabou, Le bleu du<br />
caftan est une œuvre intimiste, tendre, bouleversante.<br />
Elle est magistralement jouée par Lubna Azabal, qui<br />
s’est incroyablement investie dans le rôle de Mina,<br />
pour éprouver à la fois son amour pour son mari, son<br />
immense fatigue, mais aussi l’approche de la mort.<br />
Saleh Bakri, comédien palestinien, s’est également<br />
énormément impliqué. Il lui a fallu du courage pour<br />
interpréter un homme gai dans le monde arabe, à<br />
l’image d’Ayoub Missioui, qui incarne Youssef dans<br />
sa première prestation sur grand écran.<br />
Il s’agit du deuxième film de la Marocaine<br />
Maryam Touzani, qui avait été sélectionné<br />
dans la section Un certain regard au dernier<br />
festival de Cannes. L’idée lui est venue pendant<br />
des repérages dans la médina de Salé<br />
pour son précédent opus, Adam. « J’ai rencontré<br />
un coiffeur pour dames assez âgé qui<br />
m’a beaucoup touchée », nous raconte-t-elle.<br />
« J’ai senti les non-dits qui pesaient sur lui. Et<br />
puis le temps a passé. Parfois je repensais<br />
à lui et, en 2019, j’ai eu envie de me laisser<br />
porter par ce personnage. J’ai imaginé ce que<br />
c’était pour lui et sa femme de vivre dans le<br />
doute, le mensonge, la culpabilité, la honte,<br />
et j’ai décidé de les suivre. »<br />
Le bleu du caftan prône notamment la liberté d’aimer<br />
qui l’on veut, comme on veut, alors que les personnes<br />
homosexuelles marocaines risquent 3 ans de prison.<br />
« L’homosexualité reste donc cachée, explique<br />
Maryam Touzani. Halim est obligé de la vivre lors de<br />
rendez-vous sexuels au hammam. Les gens concernés<br />
le savent. Mais le risque de dénonciation maintient<br />
un climat de peur. Mina va aider Halim à la surmonter,<br />
en lui permettant d’être ce qu’il est. » Un tel film, sorti<br />
au Maroc le mois dernier, peut-il faire changer les<br />
mentalités ? « Il y a encore un long chemin à parcourir.<br />
Mais c’est déjà un pas énorme, estime la cinéaste. En<br />
le réalisant, je souhaitais participer à un débat public<br />
qui pourrait faire évoluer la loi. »<br />
Sortie le 22 <strong>mars</strong><br />
dans les salles de Suisse romande.<br />
CINÉMA<br />
CULTURE<br />
27
SÉLECTION<br />
QUEER AU FIFDH<br />
Lotus Sports Club de Vanna Hem et Tommaso Colognese<br />
Pour sa 21 e édition, le Festival du film et forum international<br />
sur les droits humains (FIFDH) propose,<br />
dès le 10 <strong>mars</strong> à Genève, des films suivis de débats<br />
réunissant activistes, ONG, diplomates, artistes ou<br />
journalistes. Leur retransmission en direct peut être<br />
suivie sur fifdh.org.<br />
Le festival présente deux compétitions (fiction et documentaires)<br />
de longs métrages suisses et internationaux,<br />
en présence de cinéastes et de protagonistes.<br />
Nous en avons sélectionné trois qui abordent des<br />
thématiques LGBTIQ+.<br />
WOLF AND DOG<br />
Mêlant réalité et fiction à travers des images<br />
oniriques, la réalisatrice portugaise Claudia Varejão<br />
propose un portrait fort de la communauté queer de<br />
São Miguel, une des îles des Açores. Ana, élevée dans<br />
une famille formée de ses deux frères, sa mère et sa<br />
grand-mère, se rend compte très tôt que les filles et<br />
les garçons ne sont pas soumis aux mêmes règles.<br />
Avec l’aide de son ami qui assume fièrement sa différence,<br />
elle s’interroge sur les injustices d’une société<br />
qui glorifie une identité de genre strictement binaire.<br />
A ROOM OF MY OWN<br />
Se retrouvant colocataires par hasard, pendant<br />
la crise du Covid, Tina et Megi, portées par un<br />
grand désir d’indépendance, partagent plus qu’un appartement.<br />
Elles se battent farouchement pour leur<br />
émancipation dans la Géorgie d’aujourd’hui encore<br />
trop patriarcale. Avec ce film inspiré de Virginia Woolf<br />
et magnifiquement interprété, le réalisateur Ioseb<br />
« Soso » Bliadze, évoque les questionnements et les<br />
doutes d’une génération qui rejette l’héritage du passé.<br />
LOTUS SPORTS CLUB<br />
Leak et Amas pratiquent leur passion du foot<br />
au sein de l’équipe féminine de Kampong Chhnang,<br />
au Cambodge, sous l’égide de l’entraîneur Pa Vann.<br />
Figure paternelle trans, il offre l’opportunité à ces ados<br />
transgenres souvent victimes de discriminations de<br />
s’épanouir dans leur corps. Réalisé par Tommaso<br />
Colognese et Vanna Hem, ce documentaire est un<br />
exemple d’inclusivité, sur fond de difficile situation<br />
économique et sociale du pays. (E.C.)<br />
À signaler enfin un débat, le 19 <strong>mars</strong> : « Des droits pour<br />
les jeunes trans et non binaires ».<br />
FIFDH, Maison des arts du Grütli, Genève, du 10 au<br />
19 <strong>mars</strong>. Pour plus d’infos : fifdh.org<br />
28 CULTURE CINÉMA<br />
Accueil<br />
Du Lundi au Jeudi<br />
de 14h00 à 18h00<br />
Repas convivial<br />
Les Lundis à 19h30<br />
à PVA-Genève<br />
Peinture thérapeutique<br />
Les Mardis de 14h30 à 16h30<br />
à PVA-Genève<br />
Atelier tricot<br />
Les Jeudis de 14h30 à 17h30<br />
à PVA-Genève<br />
Service social<br />
Les Jeudis de 14h00 à 17h00<br />
sans RDV à PVA-Genève<br />
POURQUOI DOIT-ON ENCORE<br />
PARLER DU VIH/SIDA ?<br />
La matinée de réflexion du 1er<br />
décembre a essayé d’apporter des<br />
réponses à cette question.<br />
Si vous n’avez pas pu assister à cet<br />
événement, vous pouvez voir les<br />
vidéos de la matinée en ligne :<br />
Association Genevoise<br />
des Personnes Vivant Avec<br />
le VIH/SIDA et leurs proches<br />
Rue des Pâquis 35, 1201 Genève - 5ème étage<br />
+41 22 732 44 45 - secretariat@pvageneve.ch - www.pvageneve.ch<br />
« L’infection chronique par le VIH<br />
s’accompagne-t-elle de nouveaux<br />
parcours de santé et de vie ?<br />
Comment l’expérience des personnes<br />
vivant avec le VIH/SIDA<br />
contribue-t-elle aujourd’hui aux<br />
avancées de la recherche médicale<br />
et des traitements ?<br />
Assistons-nous à une redéfinition<br />
des rapports entre soignant-e et<br />
patient-e ? ... »<br />
( Un événement co-organisé avec le Centre<br />
Maurice Chalumeau de l’UNIGE ).
Les<br />
ouvrages<br />
queer<br />
Chaque mois, Payot Libraire nous propose une sélection littéraire<br />
queer. Au programme, pour ce numéro, deux ouvrages<br />
à découvrir sans plus attendre.<br />
BD<br />
GEORGES & TCHANG,<br />
LAURENT COLONNIER, GLÉNAT<br />
À l’occasion du 40e anniversaire de la mort<br />
d’Hergé, Glénat propose une édition enrichie de la<br />
BD que Laurent Colonnier a consacré, en 2012, à un<br />
épisode énigmatique de la vie du Maître. En 1934,<br />
le jeune Hergé entame un diptyque, Le Lotus bleu et<br />
Tintin au Tibet, dont Tchang sera l’inoubliable petit<br />
héros. Or Tchang a existé, il était cet étudiant des<br />
beaux-arts qui a « appris » la Chine au dessinateur,<br />
participant par ses idéogrammes à la magie des albums.<br />
Et qui, pense Colonnier, a enrichi la vie d’Hergé<br />
d’une amitié amoureuse et artistique fusionnelle qui<br />
a survécu aux aléas de l’Histoire… Notes, indices et<br />
images à l’appui, il bâtit une intrigue si fluide que son<br />
intuition, assumée, mériterait d’être juste. Loin de la<br />
révélation scandaleuse, c’est une ode aux sentiments<br />
qui traverse ces épisodes mi-documentés, mi-imaginés,<br />
avec une crédibilité qui doit beaucoup au naturel<br />
de leur juxtaposition. Entre Hergé le génie et<br />
M. Remy le réac, il glisse le sensible Georges. À ses<br />
côtés la silhouette de Tchong-Jen, son ami venu de<br />
Shanghaï, lui révèle une part de lui-même. Étonnant,<br />
indéfinissable, mais prenant. La ligne floue, c’est<br />
bien aussi.<br />
ROMAN<br />
LA CABANE AUX CONFINS DU MONDE,<br />
PAUL TREMBLAY, GALLMEISTER<br />
Pour les personnes qui préfèrent découvrir<br />
les histoires en format livre avant leur adaptation<br />
cinématographique (Knock At The Cabin, de<br />
M. Night Shyamalan), voici l’histoire de Benjamin<br />
et Eric. Ils n’avaient pas anticipé que leur fille<br />
adoptive ramènerait un jour des copains bizarres<br />
à la maison. Mais elle n’a que 7 ans, et les copains<br />
se sont invités tout seuls... Quatre « cavaliers de<br />
l’Apocalypse » version thriller gore, obsédés à mort<br />
par un dilemme de sacrifice impossible sur fond<br />
de fin du monde. Sous les apparences du scénario<br />
d’horreur bien ficelé, Tremblay pose des questions<br />
complexes (quelle conscience a-t-on d’appartenir à<br />
l’humanité, jusqu’où est-on prêt à aller pour préserver<br />
le monde ?), mais installe également comme une<br />
évidence le couple des pères, qui fonctionne avec<br />
naturel et cohérence en dépit de la situation. Et si<br />
l’écroulement du monde venait justement d’eux, en<br />
rupture avec la tradition conservatrice ? L’écrivain<br />
américain affirme très clairement le contraire – un<br />
« effet Streisand » qui instille donc le doute dans<br />
l’esprit du lecteur, convié ipso facto à faire l’examen<br />
de sa largeur de vues… Machiavélique !<br />
de <strong>mars</strong><br />
30 CULTURE LIVRES
BILLIE BIRD,<br />
FAIRE PARTIE<br />
LA VIE DES GENS<br />
PAR LA MUSIQUE<br />
Le 10 <strong>mars</strong> prochain, l’artiste lausannoise Billie Bird sortira son premier<br />
album, Incendies. Vagin Pirate prend la température avec elle.<br />
© Marie Rouge<br />
Nous rencontrons notre amie, Billie Bird, en fin de<br />
journée, tranquille sur le canapé, en buvant une tisane.<br />
Avant de commencer la conversation, on lui<br />
demande de choisir un vinyle parmi notre collection.<br />
Très rapidement son choix est fait : Motomami, le<br />
dernier album de Rosalia. Ce choix ibérique ne nous<br />
surprend pas, on a l’habitude de l’entendre amuser<br />
la galerie avec son plus bel espagnol !<br />
Pour nous, Billie Bird, c’est une artiste<br />
queer féministe qui n’a pas peur de s’engager,<br />
de donner son avis et d’utiliser sa<br />
voix pour militer pour les causes qui lui sont<br />
chères. Quand on discute avec elle, on se<br />
rend compte que si elle fait tout ça, c’est<br />
pour pallier une urgence de vivre : « Plus<br />
j’avance, plus tout devient urgent. » Cette<br />
urgence, on la ressent à l’écoute de son<br />
nouvel album : les émotions ne se cachent<br />
plus, leur contact est frontal, que ce soit<br />
dans la douleur, la guérison ou la libération.<br />
L’honnêteté est centrale dans sa pratique,<br />
elle n’a pas d’autre choix que de se livrer et<br />
inévitablement, c’est ce qui la rapproche<br />
des gens. C’est peut-être là qu’on se rend<br />
compte que Billie Bird a beaucoup grandi<br />
depuis ses débuts : « Je me suis beaucoup<br />
cherchée par le DE<br />
passé, certains textes<br />
avaient des doubles sens que je ne pouvais<br />
pas exprimer. Par exemple Les Déferlantes<br />
(single paru en 2018) parle de bipolarité, et<br />
quand je chante « On n’arrête pas la mer »,<br />
je parle de ma mère. Ça, avant, je n’arrivais<br />
pas à le dire. »<br />
Se créer une communauté<br />
Billie Bird, nous la connaissons pour sa musique,<br />
sa voix douce et parfois émue et les notes réconfortantes<br />
de sa guitare. Billie Bird, c’est aussi la femme<br />
engagée au sein d’Helvetiarockt en tant que manager<br />
régionale pour la Suisse romande. Cette association<br />
a pour but de renforcer la présence des femmes*<br />
dans l’industrie musicale suisse. L’artiste a rejoint<br />
l’aventure il y a cinq ans : « Je me sentais seule en<br />
tant qu’artiste, j’ai eu besoin de me créer une communauté<br />
pour évoluer dans un espace plus safe. »<br />
Si vous demandez à Élodie, le nom de Billie à<br />
la ville, si la société bouge assez d’un point<br />
de vue inclusivité et égalité, elle vous répondra<br />
« Pas assez. ». Il y a encore bien trop<br />
d’espaces de programmation qui sont inégaux<br />
en termes de représentativité. De<br />
manière plus globale, Billie Bird mesure la<br />
chance qu’elle a d’évoluer dans un milieu<br />
queer et de faire partie de cette communauté<br />
: « Cela me permet d’apprendre énormément<br />
de choses, d’écouter les autres et<br />
de me remettre sans cesse en question. »<br />
Sur la pochette d’Incendies, Billie Bird nous regarde<br />
droit dans les yeux, derrière un voile pailleté : si<br />
proche et si pudique à la fois. Le choix de cette<br />
image est venu comme une évidence lorsqu’elle<br />
travaillait avec sa graphiste, Hélène Bezzola. Elle<br />
détaille : « Mon disque est deep, mais il est lumineux<br />
aussi, et c’est ce que j’ai retrouvé avec ces photos.<br />
Je crois aussi que ça ressemble à ma personnalité. »<br />
En travaillant avec Marie Rouge à Paris pour les<br />
photos, elle avait envie de changer d’esthétique :<br />
on la retrouve lumineuse, en gros plan, posant fièrement<br />
avec à son cou des bijoux de La Brutte et<br />
habillée par l’artiste Flèche Love. « Toute ma team<br />
visuelle, c’est des meufs et j’en suis hyper fière ! Il<br />
y avait une volonté de travailler avec des personnes<br />
La Track ID de Billie Bird<br />
Sa révélation 2022 :<br />
Son boost musical post rupture :<br />
Sa chanson préférée à écouter face à la mer :<br />
Son tube d’adolescence :<br />
Si elle ne devait garder qu’une chanson :<br />
32 CULTURE<br />
MUSIQUE<br />
MUSIQUE CULTURE<br />
dont j’aime le travail, et c’est important pour moi de<br />
pouvoir offrir du travail à des femmes, à des personnes<br />
trans* et non binaires. »<br />
Quand on lui demande si elle a des attentes<br />
quant à la réception d’Incendies, elle dit<br />
qu’elle s’applique à en avoir le moins possible.<br />
Par contre, dans cet album, elle a mis tout son<br />
cœur et espère que les gens y trouveront du<br />
réconfort et peut-être même des réponses.<br />
« Moi ce que j’aime, c’est l’idée de faire partie<br />
de la vie des gens avec ma musique. »<br />
Plus fort que tout<br />
Écouter une chanson de Billie Bird, c’est s’autoriser<br />
à se laisser renverser par ses propres émotions. Ce<br />
n’est pas pour rien que l’album s’appelle Incendies.<br />
Dans ces événements plus forts que tout, elle explique<br />
voir des bouts de sa vie, qu’elle s’applique à<br />
mettre en chanson. « Dans mon parcours d’écriture,<br />
il y a de la guérison, mais aussi de la compréhension,<br />
j’écris pour me raconter. Quelques fois, j’écris<br />
des textes qui devancent ma compréhension. » C’est<br />
ce qui est arrivé avec La fin du monde, l’idée d’écrire<br />
une chanson sur ce sujet-là se transforme en pacte<br />
de paix avec soi-même lorsqu’on n’a pas eu la possibilité<br />
de dire ce qu’on voulait à une personne aimée<br />
disparue, nous détaille la chanteuse. Quant à<br />
« Incertitude, c’est un objet musical et poétique ».<br />
Ce titre, que l’on retrouve en ouverture de l’album,<br />
est percutant et vous emporte dès la première<br />
écoute. On y retrouve un côté très abstrait au niveau<br />
du texte. En effet, il faudra l’écouter plusieurs<br />
fois pour saisir la subtilité des mots de Billie Bird.<br />
Autre chanson que l’on a beaucoup aimée, le single<br />
Indolentia, dans lequel l’artiste chante l’inertie<br />
comme moyen de survie, en attendant de trouver<br />
la force de prendre des décisions difficiles.<br />
On termine ce très bel échange face au soleil<br />
couchant, c’est l’incendie sur le lac, et<br />
comme le dit si bien ce phoenix qu’est Billie<br />
Bird : « Le feu c’est universel et c’est beau ! »<br />
Vous retrouverez Billie Bird sur plusieurs scènes<br />
suisses ce printemps et surtout, agendez la date du<br />
29 avril pour le vernissage de son album au Nouveau<br />
Monde, à Fribourg. Un concert de Billie Bird, c’est<br />
les montagnes russes émotionnelles, les larmes<br />
comme les rires de Billie sont communicatifs, et<br />
ça, ça réchauffe tous les cœurs !<br />
Motomami – Rosalia<br />
Cry – Ashnikko & Grimes<br />
Sodade – Cesaria Evora<br />
Hedonism – Skunk Anansie<br />
La Bamba Triste ou Joyeux Anniversaire<br />
33
Destination<br />
Après Voyage au Gouinistan, Aurélie Cuttat et Christine Gonzalez<br />
s’intéressent à la vieillesse dans la communauté queer. Elles nous<br />
racontent leur projet, dont le premier épisode sort le 13 <strong>mars</strong>.<br />
Vieillistan<br />
Destination<br />
Destination<br />
Destination<br />
Par Tal Madesta<br />
Aux origines du podcast Destination Vieillistan se<br />
trouve, pour Aurélie Cuttat et Christine Gonzalez,<br />
un rapport complexe à la vieillesse. C’est ce qu’explique<br />
Christine : « J’ai 43 ans. Je suis à un âge où je<br />
me demande ce que je veux pour la suite, comment je<br />
vis l’idée de vieillir. Je me suis rendu compte que ces<br />
questions m’habitaient. On a tendance à les mettre<br />
sous le tapis, car on rejette la vieillesse. On a été<br />
construit·e·x·s dans l’idée que c’était un déclin, un<br />
naufrage. » La journaliste parle à ce titre de la « triple<br />
peine d’être femme, lesbienne, et de vieillir ».<br />
Un « naufrage » pour l’ensemble des individus,<br />
mais particulièrement pour les personnes<br />
LGBTIQ+, sujettes à l’isolement, au<br />
rejet et aux difficultés d’accès aux soins.<br />
Vécues tout au long de leurs parcours, ces<br />
violences ont tendance à s’exacerber à<br />
l’approche du grand âge. Il se pose alors la<br />
nécessité de donner à entendre ces trajectoires<br />
de vie invisibles, comme le raconte<br />
Aurélie Cuttat, 36 ans, également journaliste<br />
: « La question du vieillir LGBTIQ+<br />
ne se pose pas pareil pour toutes les personnes<br />
de la communauté. L’idée, c’était<br />
de sortir du monde lesbien et d’ouvrir le<br />
propos aux personnes qui nous parleraient<br />
du vieillir queer avec une perspective, des<br />
problèmes et des enjeux différents. On<br />
part, par exemple, à la rencontre d’une<br />
femme trans lesbienne de 79 ans. »<br />
Imaginaire très déprimant<br />
lesbiennes qui animaient un « quart d’heure<br />
lesbien » dans le cadre d’une émission diffusée<br />
sur une radio pirate dans les années<br />
90 : « On découvre des archives incroyables.<br />
Ce qui était dit et revendiqué à l’époque,<br />
c’étaient les mêmes phrases, les mêmes slogans.<br />
Ça nous a rappelé qu’on a une petite<br />
mémoire, et qu’il était important que l’on<br />
se réapproprie notre histoire. On manque<br />
de connexion intergénérationnelle. »<br />
L’objectif de ces entretiens : réussir à décaler les regards<br />
et à prendre en compte les trajectoires spécifiques<br />
de nos aïeules et aïeux. Aurélie cite l’exemple<br />
de l’injonction au coming-out, qu’elle avait « complètement<br />
intériorisé », avant de déconstruire cet<br />
impératif au contact de personnes âgées qui n’ont<br />
eu le choix que de cacher leur orientation sexuelle<br />
ou leur identité de genre tout au long de leur vie.<br />
Vieillir est une fête<br />
Pour permettre l’émergence de ces nouveaux<br />
récits et de ce lien intergénérationnel,<br />
la dimension d’archivage est<br />
importante dans la démarche des deux journalistes.<br />
Leur souhait : que les personnes<br />
queer qui ont marqué leur communauté à<br />
l’échelle locale soient mises à l’honneur.<br />
« On pense aux animateur·trice·s·x de la vie<br />
queer romande, comme Jacques, patron du<br />
Saxo », le plus vieux bar gai de Lausanne.<br />
Au-delà des portraits d’icônes invisibles de la communauté,<br />
les différents épisodes s’attacheront à<br />
mettre à l’honneur une sorte de philosophie de la<br />
vieillesse queer. C’est ce à quoi aspire Christine :<br />
« Ma quête personnelle avec ce podcast, c’est qu’on<br />
puisse m’expliquer comment me réjouir de la vieillesse.<br />
J’ai intégré théoriquement les réflexions sur<br />
l’âgisme. Mais je suis encore très effrayée à l’idée<br />
de vieillir. Je suis convaincue que c’est parce que je<br />
manque de narrations, et que ces rencontres-là vont<br />
me permettre à moi autant qu’à nos auditeur·trice·s·x<br />
de trouver une voie vers la sérénité. J’aimerais qu’on<br />
me raconte que vieillir est une fête. »<br />
Aurélie Cuttat indique enfin ne pas vouloir<br />
s’adresser qu’aux personnes LGBTIQ+ : « Le<br />
vieillissement est une expérience commune<br />
à tout le monde. Cette thématique nous réunit.<br />
On veut créer un sentiment d’appartenance<br />
et d’unité. Que les gens se disent :<br />
“ Mais c’est trop bien de vieillir ! ” ». Une belle<br />
manière de montrer que les enjeux queer<br />
peuvent eux aussi toucher à l’universel.<br />
Destination Vieillistan vise ainsi à conjurer le manque<br />
de représentations, dans une société où la vieillesse<br />
est ignorée, lorsqu’elle n’est pas taboue. Avec des<br />
conséquences dommageables chez les individus,<br />
surtout lorsqu’ils se trouvent déjà à la marge. « Pour<br />
moi, avant les rencontres effectuées dans le cadre du<br />
podcast, vieillir lesbienne c’était vieillir seule, sans<br />
enfants, dans la tristesse… Il y a tout un imaginaire<br />
très déprimant. Ça empêche des potentiels de projection<br />
», regrette Christine Gonzalez.<br />
Le maître-mot des deux femmes : recréer<br />
du lien intergénérationnel, dans une perspective<br />
de mémoire communautaire et<br />
militante. « On a parcouru beaucoup de<br />
médias avec Aurélie en disant qu’on était<br />
le podcast qui célèbre<br />
fières d’être lesbiennes. On a envie de donner<br />
la parole à celles grâce à qui on peut<br />
le dire aussi librement, et qui par la force<br />
des choses sont aujourd’hui senior. » Elles<br />
le vieillir LGBTIQ+<br />
racontent à ce titre leur entretien avec trois<br />
34<br />
RUBRIQUE SOUS-RUBRIQUE PODCAST<br />
SOUS-RUBRIQUE<br />
RUBRIQUE<br />
CULTURE<br />
35<br />
RTS / Laurent Bleuze
L’humeur d’Aymeric Dallinge<br />
C’EST LA VILLE !<br />
Aymeric Dallinge s’amuse des mots et crée des ambiances<br />
saisies dans l’instant.<br />
Je suis un citadin novice. À l’évocation du terme, le<br />
souvenir d’un dessin animé de mon enfance resurgit.<br />
Je n’arrive plus à situer complètement le contexte<br />
mais mon esprit, lui, se souvient d’un échange entre<br />
deux personnages, où l’un d’eux se faisait injurier :<br />
« Citadin ! » Leur querelle et son refus de porter cette<br />
étiquette m’avait alors marqué, sans pour autant faire<br />
écho. Moi qui grandissais en courant dans les fourrés<br />
Dr·e Goudou<br />
QUESTIONS SEXO POUR<br />
LES PERSONNES À VULVES<br />
J’ai des sextoys et je ne suis pas sûre de savoir comment<br />
les entretenir…<br />
Merci de nous avoir invité·e·x·s dans le monde fascinant<br />
des sextoys !<br />
Que tes jouets sexuels soient en verre, en bois,<br />
en silicone, en forme de canne, de canard, de dauphin.e.x<br />
ou de taupe (si si, ça existe !), ils nécessitent certaines<br />
précautions d’entretien. Ces dernières figurent dans<br />
la notice d’utilisation que tu as peut-être conservée.<br />
sur le chemin de l’école, je ne distinguais pas le poids<br />
de la comparaison.<br />
Depuis quelques semaines, j’ai déballé mes<br />
cartons en plein centre-ville. C’est fou la proximité que<br />
vous y retrouvez alors que vous avez grandi dans un hameau<br />
où les vaches dépassaient le nombre de foyers.<br />
Aujourd’hui, il me suffit de descendre la rampe d’escalier<br />
de mon bâtiment pour me jeter sur des petits pains<br />
encore chauds. Je vous promets qu’il s’agit d’un fait<br />
exceptionnel quand, jusqu’à présent, il fallait compter<br />
une demi-heure de marche et passablement de sueur<br />
sur le front pour en croquer une morce.<br />
Paradoxalement, j’ai trouvé plus de calme<br />
mental en m’installant en ville. Je n’ai plus besoin d’anticiper<br />
chaque fait et geste. Tout est plus intuitif et je<br />
crois que cela correspond bien à ce dont j’ai envie.<br />
J’ouvre un nouveau chapitre. Celui de la priorisation<br />
personnelle et du développement d’idées qui ne demandent<br />
qu’à bourgeonner.<br />
La lune de miel passée, peut-être que je chercherai<br />
l’exil auprès des champs, mais pour le moment,<br />
j’inspire pleinement l’air doux d’un coucher de soleil<br />
sur les berges du lac.<br />
Contrairement à ce que l’on entend souvent, le savon<br />
ne nettoie pas bien les toys et peut même en endommager<br />
certains. Pour bien les entretenir, le mieux est<br />
d’utiliser un désinfectant adapté pour les sextoys que<br />
l’on trouvera notamment dans les sex-shops, certaines<br />
drogueries ou en ligne. Après la désinfection, il est<br />
important de rincer le toy à l’eau avant de s’en servir<br />
(sinon ça risque de piquer et de déstabiliser la flore locale).<br />
L’autre possibilité, en l’absence de désinfectant,<br />
consiste à recouvrir le sextoy d’un préservatif à remplacer<br />
à chaque changement d’orifice et de partenaire.<br />
De plus, le meilleur allié du toy est souvent le<br />
lubrifiant, car il contribue au confort des muqueuses et<br />
permet d’éviter les lésions qui augmentent le risque d’infection.<br />
Une fois ces précautions prises, à toi de jouer !<br />
Oh, et encore deux petits conseils pour celleux<br />
qui nous ont confié qu’iels lavaient leur sextoy dans le<br />
lave-vaisselle : n’oubliez pas d’enlever les éventuelles<br />
piles et de le sortir avant de recevoir vos parents...<br />
Camille Beziane,<br />
responsable de l’association les Klamydia’s<br />
Zoé Blanc-Scuderi,<br />
sexologue et directrice de SexopraxiS<br />
36 CULTURE CHRONIQUES<br />
En <strong>2023</strong>, la coti c’est toujours la vie !<br />
Soutenez l’association 360 : cotisation annuelle<br />
de CHF 55.- ou 100.- pour les couples !<br />
IBAN CH50 0900 0000 1759 6500 6<br />
Les prochaines<br />
rencontres des groupes<br />
Groupe Trans*<br />
◗ Mercredis 1 er et 15 <strong>mars</strong> et Mercredi 5 avril<br />
Groupe de rencontre et de discussion de 19h à<br />
21h30 au local de 360.<br />
◗ Infos, conseils et entretiens<br />
w :association360/trans<br />
e : trans@association360.ch, t : 078 322 34 60<br />
Pôle Familles LGBTQ+<br />
◗ Rencontres à venir : consultez l’agenda sur notre<br />
site https://association360.ch<br />
◗ Infos, conseils et entretiens : association360.ch/<br />
homoparents, familleslgbtq@association360.ch<br />
t : 079 236 03 58<br />
Groupe Tamalou<br />
◗ Pour les sorties, suivez le programme des Tamalou<br />
sur leur Facebook : https://www.facebook.com/<br />
groups/tamalou360<br />
◗ Tous les mardis dès 17h30 : rencontre conviviale en<br />
ville ! Pour intégrer le groupe WhatsApp : envoyer un<br />
courriel à andr.lauper@yahoo.com<br />
◗ Renseignements et inscription : t : 022 741 00 70<br />
Groupe les Babayagas<br />
◗ Mercredi 14 <strong>mars</strong>, rencontre conviviale<br />
au local de 360 !<br />
◗ Restez en contact avec les membres des<br />
Babayagas grâce à son groupe WhatsApp !<br />
Pour participer, veuillez adresser un courriel à<br />
babayagas@association360.ch<br />
◗ Infos, conseils et entretiens t : 079 544 94 30<br />
Groupe BiPan+<br />
◗ Vendredi 17 <strong>mars</strong>, dès 20h, réunion conviviale<br />
mensuelle au local de 360 !<br />
◗ Infos, conseils et entretiens<br />
e : bipanplus@association360.ch, t : 079 632 70 48<br />
Gay International Group (GIG)<br />
◗ Friday 10 march : monthly pot-luck dinner – buffet<br />
canadien mensuel au local de 360 de 19h à 23h<br />
◗ Friday 24 march : monthly after work mensuel<br />
de 18h à 21h au Nathan, Avenue de Frontenex 34<br />
◗ Plus d’infos : 079 79 773 60 08<br />
Service Juridique<br />
Je 9h – 13h et 14h – 18h<br />
Ve 14h – 18h<br />
« Uniquement sur<br />
rendez-vous »<br />
juri@360.ch<br />
022 731 42 13<br />
Permanence Trans<br />
au 078 322 34 60<br />
du lu au ve, 10h à 12h et<br />
14h à 17h30<br />
Infos, conseils et<br />
entretien sur RDV<br />
Perm. d’accueil au local<br />
Lu au Ve 14h – 18h<br />
Association 360 | 022 741 00 70 | association360@360.ch<br />
Rue de la Navigation 36 | 1201 Genève<br />
Et bien plus encore sur<br />
www.lestime.ch<br />
Agenda<br />
VENDREDI 3 MARS<br />
Crêpes Party<br />
Savoureuses recettes salées puis sucrées, cédons<br />
à toutes les tentations... Stef vous attend !<br />
Participation CHF 10.– par pers | Les boissons sont proposées<br />
par Lestime<br />
19 h à 22 h | *Mixité choisie : femmes, lesbiennes, personnes trans,<br />
non binaires, intersexes<br />
VENDREDI 17 MARS<br />
Soirée jeux<br />
Venez vous amuser, interagir et rigoler tout en jouant<br />
au Pictionary, Jass, et tout autres jeux de société que<br />
vous souhaitez apporter. Nous en avons quelques-uns<br />
à Lestime.<br />
19 h à 21 h | *Mixité choisie : femmes, lesbiennes, personnes trans,<br />
non binaires, intersexes<br />
VENDREDI 31 MARS<br />
Buffet canadien<br />
Soirée « Carte blanche »<br />
à Joana et Erin<br />
A l’occasion de la Journée<br />
internationale de la visibilité<br />
transgenre ou TDoV (Trans Day of<br />
Visibility), Joana et Erin vous accueille pour<br />
un repas canadien dans une ambiance conviviale et<br />
chaleureuse. Vous pouvez simplement amener quelque<br />
chose de sympa, même très simple, salé ou sucré,<br />
à partager.<br />
Pas de réservation.<br />
Les boissons sont proposées par Lestime | 18 h 30 à 21 h 30<br />
*Mixité choisie : femmes, lesbiennes, personnes trans,<br />
non binaires, intersexes<br />
Consultation en santé sexu-elle pour les femmes<br />
qui ont du sexe avec les femmes.<br />
Contact : entre.nous.consult@lestime.ch<br />
Devenez membre en vous inscrivant sur notre site<br />
Faire un don : CCP 17-177538-7<br />
Lestime, communauté lesbienne<br />
5, rue de l‘Industrie | 1201 Genève | Tél. 022 797 27 14<br />
info@lestime.ch | www.lestime.ch
AIMONS-<br />
NOUS ?<br />
Une lettre<br />
ouverte<br />
à notre<br />
communauté<br />
Ce qui suit s’appuie sur le travail de bell hooks, Angela Davis,<br />
Ching-In Chen, Dulani, Leah Lakshmi Piepzna-Samarasinha, Bessel<br />
Van Der Kolk et Margeaux Feldman. Ce texte est nourri par mon<br />
expérience personnelle en tant que personne blanche, assignée<br />
femme à la naissance, queer et pan.<br />
« COMMENT C’EST POSSIBLE QUE TU TE<br />
COMPORTES DE FAÇON SI VIOLENTE AVEC MOI<br />
MAIS PAS AVEC TES POTEXS ET TA FAMILLE ?<br />
C’EST NORMAL CAR JE T’AIME. PLUS QUE TOUT !<br />
ET AVEC ELLEUX C’EST DIFFÉRENT. » 1<br />
C’EST QUOI L’AMOUR ?<br />
Il n’y pas de sujet plus au centre des chansons,<br />
textes et films que nous consommons.<br />
La culture pop, les media et notre société capitaliste,<br />
raciste, validiste, sexiste et cis-hétéronormative<br />
nous gavent d’images mystifiées de l’amour<br />
comme étant une passion dévorante que personne<br />
ne peut contrôler ni comprendre. Le sacrifice, la dépendance,<br />
la jalousie et la possessivité sont perçus<br />
comme les preuves mêmes de l’intensité des<br />
sentiments des amoureusexs. On nous fait croire<br />
que l’autre doit nous compléter, satisfaire tous nos<br />
besoins affectifs et sexuels et donner du sens à notre<br />
vie. Dans ce jeu amoureux, tous les moyens sont<br />
permis, au nom de l’amour. Mais qu’est-ce qui se<br />
cache derrière cette représentation du grand love ?<br />
Si nous ôtons nos lunettes roses, il s’agit<br />
d’une vision transactionnelle de l’amour<br />
qui valide, romantise et célèbre des comportements<br />
destructeurs envers autrui et nous-mêmes. Du point<br />
de vue queer-féministe, nous sommes touxtes d’accord<br />
pour lutter contre toute forme d’oppression<br />
sociale. Or, quand il s’agit de relations interpersonnelles<br />
et amoureuses, les comportements de domination<br />
sont souvent minimisés et ignorés sous<br />
prétexte qu’ils appartiennent à la sphère privée.<br />
Pourtant, dans nos intimités, nous ne sommes pas<br />
à l’abri des rapports de force et autres pathologies<br />
sociales comme la masculinité/féminité toxique,<br />
l’individualisme, le narcissisme… Si nous voulons<br />
créer une société juste et bienveillante, où chacunex<br />
aurait les mêmes droits, protections, libertés et opportunités,<br />
il ne suffit pas de remettre en question<br />
la domination au niveau socio-politique. Il faut la<br />
questionner sur le plan personnel également.<br />
C’EST QUOI L’ABUS ?<br />
Bien que #MeToo ait ouvert une conversation<br />
publique sur le sexisme et les abus<br />
sexuels dans des contextes professionnels, la violence<br />
domestique reste un sujet tabou, chargé de<br />
honte et de culpabilité. Sur les médias sociaux,<br />
nous utilisons facilement les adjectifs « toxique »<br />
et « abusif » pour cancel des personnes aux comportements<br />
problématiques. Mais au fait, c’est quoi<br />
exactement l’abus au sein d’une relation ?<br />
L’abus décrit une situation relationnelle asymétrique<br />
où une personne est en position<br />
de domination au détriment d’une autre, qui est<br />
maintenue dans un climat de vigilance et de peur<br />
constantes. Toutes les actions – positives ou nocives<br />
– de la personne abusive sont soumises à une<br />
volonté consciente ou non d’établir et de maintenir<br />
le contrôle sur l’autre personne afin de satisfaire<br />
ses propres besoins sexo-affectifs ou ses aspirations<br />
personnelles. Les violences plus ou moins visibles<br />
peuvent être psychologiques, émotionnelles,<br />
verbales, sexuelles ou physiques. Les stratégies<br />
abusives comprennent le minage ou non-respect<br />
des limites de l’autre, les mensonges, l’intimidation<br />
(lever le ton, éclater de rage, briser des objets), le<br />
chantage affectif, les menaces (abandonner l’autre,<br />
se faire du mal à soi-même ou à autrui), les projections<br />
(faire de fausses accusations, dépeindre l’autre<br />
comme la cause et responsable des actes violents),<br />
l’antagonisme (constamment critiquer l’autre, s’opposer<br />
à la résolution de conflits), les insultes (souvent<br />
déguisées comme de l’humour ou du souci),<br />
le dénigrement, les triangulations, le gaslighting<br />
(forme de manipulation cognitive qui sert à faire douter<br />
l’autre personne de sa mémoire, de sa perception<br />
du réel et de sa santé mentale), l’isolement (réduire<br />
les libertés de l’autre, lui interdire de parler à des<br />
personnes tierces) ainsi que les actes de violence<br />
physique et sexuelle.<br />
Comment est-il possible qu’une personne<br />
reste volontairement dans une situation<br />
si destructrice, voire mortelle ? Le fait est qu’on<br />
ne tombe pas amoureusex d’une personne qui est<br />
immédiatement et ouvertement abusive. Les comportements<br />
de contrôle et de violence s’installent<br />
en général de façon très lente et subtile, après la<br />
création initiale d’un lien intime de confiance extrêmement<br />
fort, voire fusionnel. Les manipulations et<br />
critiques constantes détruisent au fur et à mesure<br />
la confiance et l’amour-propre de la personne qui<br />
LETTRE OUVERTE<br />
39
subit les abus. L’alternance entre les beaux moments<br />
et les violences créent une addiction physique et<br />
psychique comparable, en puissance, à l’addiction<br />
à l’héroïne. En outre, les personnes justifient souvent<br />
les actes violents par leurs souffrances personnelles,<br />
se peignent comme victimes et misent sur l’empathie<br />
pour empêcher l’autre personne de les quitter.<br />
Dans nos communautés militantes, le sujet<br />
de l’abus au sein de relations intimes est<br />
particulièrement tabou, car il y a la volonté de prouver<br />
que les relations entre personnes queer sont saines et<br />
éthiques, afin de contrer les stéréotypes queerphobes.<br />
Cependant, diverses statistiques montrent que les personnes<br />
queer et trans* ont un plus grand risque d’être<br />
victimes de violence domestique (par exemple 61%<br />
des femmes bisexuelles comparé à 35% des femmes<br />
hétérosexuelles 2 ). Ceci n’est pas surprenant si l’on<br />
considère que la communauté LGBTQIA+ regroupe<br />
des personnes qui ont touxtes accumulé des traumas<br />
à cause de violences interpersonnelles vécues en privé<br />
ou causées par l’expérience d’oppressions systémiques.<br />
Iels peuvent donc les reproduire dans leurs<br />
relations sexo-affectives. En outre, certaines personnes<br />
queer instrumentalisent les discours politiques de<br />
wokeness et du care ou utilisent leurs identités marginalisées<br />
pour justifier leurs actes violents envers autrui.<br />
AIMONS-NOUS !<br />
L’abus dans notre communauté est omniprésent.<br />
Or, les remèdes institutionnels et thérapeutiques<br />
adéquats et sensibilisés aux expériences<br />
spécifiques des personnes queer dans des situations<br />
de violence domestique sont quasi inexistants. Si nous<br />
voulons combattre l’abus et rendre les espaces queer<br />
plus safes pour nous touxtes, il est urgent de réunir nos<br />
forces pour nous organiser collectivement de l’intérieur<br />
et adresser ensemble les questions suivantes :<br />
Comment pouvons-nous créer plus de sensibilisation<br />
pour débanaliser et prévenir la<br />
violence intime ? Que faut-il faire pour que les victimes<br />
d’abus soient crues, validées, protégées et soutenues<br />
dans leur guérison ? Par quels processus collectifs de<br />
justice restauratrice et transformatrice les personnes<br />
à comportements abusifs peuvent être responsabilisées<br />
et accompagnées humainement ? Comment pouvons-nous<br />
reconnaître nos traumas respectifs comme<br />
une vulnérabilité partagée afin de nous tenir mutuellement<br />
responsables de nos comportements ? Comment<br />
ne pas infliger la même violence que nous avons subie<br />
dans nos passés aux personnes que nous aimons aujourd’hui<br />
? Comment pouvons-nous apprendre à nous<br />
aimer les unexs les autrexs - avec bienveillance, courage,<br />
respect, générosité, sans peur et avec tout notre cœur ?<br />
— Valerie Reding<br />
1 Retranscription d’un échange avec unex anciennex partenairex<br />
queer aux comportements psychologiquement et émotionnellement<br />
abusifs<br />
2 Chiffres issus de l’étude An Overview of 2010 Findings on Victimization<br />
by Sexual Orientation, conduite par The Centers for Disease<br />
Control and Prevention (États-Unis) dans le cadre du National Intimate<br />
Partner and Sexual Violence Survey<br />
PUBLICITÉ<br />
Pour l’égalité des droits<br />
depuis 1982<br />
Moon Skewl – Make-up workshop<br />
Le grand retour de nos ateliers maquillage<br />
Le samedi 18 <strong>mars</strong> <strong>2023</strong>, Dialogai organise<br />
un atelier de maquillage drag avec Moon.<br />
L’atelier dure 5 heures, de 12h à 17h, et<br />
coûte 10 CHF. Les inscriptions se font via<br />
le mail santegaie@dialogai.org. Des arrangements<br />
peuvent être trouvés pour<br />
les personnes ayant des difficultés financières.<br />
Cet atelier participatif est ouvert<br />
à toute·e·x·s. Moon donnera des conseils<br />
de maquillage à chaque étape. Les participant·e·x·s<br />
apportent leur propre maquillage<br />
et habits. Des informations plus détaillées<br />
seront envoyées par e-mail après<br />
l’inscription.<br />
Plus d’infos sur www.dialogai.org<br />
Méditation et sophrologie<br />
Tous les lundis, de 18h à 19h, la salle Inside<br />
de Dialogai (rue du Levant 5 aux Pâquis)<br />
accueille un atelier de méditation et de sophrologie,<br />
une activité idéale pour débuter<br />
la semaine en toute sérénité.<br />
Ouvert à toutes et à tous. Prix libre.<br />
Inscription: santegaie@dialogai.org<br />
Gayrandonneurs - S’évader et partager !<br />
Partez à l’aventure avec les Gayrandonneurs<br />
Randonnées gratuites et ouvertes à tou·te·x·s,<br />
inscrivez-vous sur gayhikinggva@gmail.com<br />
ou rendez-vous sur gayoutdoor.ch pour plus<br />
d’infos. Prochaines randonnées:<br />
• Abbaye de Bonmont – 12 <strong>mars</strong> <strong>2023</strong><br />
• Le Salève – 22 avril <strong>2023</strong><br />
• Le Mont Tendre – 28 mai <strong>2023</strong><br />
• Creux du Van – 18 juin <strong>2023</strong><br />
• Euro Games à Berne – 29 juillet <strong>2023</strong><br />
C<br />
M<br />
Y<br />
CM<br />
MY<br />
CY<br />
CMY<br />
K
mai<br />
18<br />
L’ORACLE DU MOIS<br />
DRAG, RÉALITÉ AUGMENTÉE<br />
POLITIQUE DE QUALITÉ<br />
Gouverner un pays efficacement en s’appuyant sur des bases solides.<br />
DU 1 AU 10 MARS<br />
On se dévoile<br />
La vie est morose ?<br />
Il faut amener un peu d’air<br />
frais à la norme mâle<br />
bien frileuse.<br />
On resserre, on ajoure,<br />
on aère, on paillette,<br />
on échancre et on décore.<br />
DU 1 e AU 9 OCTOBRE<br />
Sculptez ces charmes<br />
Paternalisme bien qu’on tempéré. nous interdit d’avoir !<br />
Surtout que rien ne change - gouverné<br />
sous la casquette de la tradition, un pays<br />
reste stable et sa politique efficacement<br />
protégée des influences novatrices<br />
et par trop idéalistes.<br />
2<br />
septembre<br />
10<br />
DU 11 AU 17 MARS<br />
On vise plus grand<br />
La vie est trop étriquée ?<br />
On rehausse les formes,<br />
on étale les chairs,<br />
on sculpte les rondeurs<br />
pour donner plus de reliefs<br />
aux rêves de grandeur.<br />
Montrez ce fessier<br />
que l’on n’osait voir !<br />
DU 10 AU 16 OCTOBRE<br />
Information subtilement anxiogène.<br />
Afin de garder la population dans une<br />
dynamique de groupe maîtrisable,<br />
distiller à intervalles réguliers des marches<br />
à suivre opaques permet de garder sous<br />
contrôle tout mouvement de rébellion<br />
inopportun.<br />
juillet<br />
@shop.monokini.ch<br />
DU 18 AU 24 MARS<br />
On applaudit<br />
La vie est pudibonde ?<br />
On la saisit à pleine<br />
mains, on la masse<br />
avec passion,<br />
on la ravive,<br />
on la caresse<br />
dans le sens du poil<br />
et DU à rebours, 17 AU 23 OCTOBRE<br />
on Esprit la pousse de clocher sur scène, progressiste.<br />
puis Les débats on la porte dans aux l’hémicycle nues ! fleurent<br />
bon les valeurs et le bon sens terriens.<br />
Matez La campagne ces gambettes intime aux développements<br />
plus de société vraies que un rythme nature de ! croisière qui<br />
permet d’atténuer aisément les urgences.<br />
8<br />
avril<br />
DU 25 AU 31 MARS<br />
On se régale<br />
La vie est frugale ?<br />
On la pastiche<br />
à grand renfort<br />
de postiches.<br />
On la déguste,<br />
on la savoure,<br />
on la dévore.<br />
DU On fait 24 la AU nique 31 aux OCTOBRE<br />
L’immobilisme esprits chagrins, dynamique.<br />
Lorsque on tire la la langue situation politique devient brûlante<br />
et aux nauséabonde, âmes bien pensantes. s’attabler résolument autour<br />
d’un plat national communautaire fait fondre<br />
toutes Léchez-nous les dissensions tranquille… dans la bonne humeur.<br />
La fondue est l’opium du peuple.<br />
mai<br />
29
Horoscope<br />
Les grands mouvements de Saturne<br />
et Pluton nous laisseront-ils remonter<br />
la rivière du printemps de ce mois<br />
sous le signe du Poissons ?<br />
CANCER<br />
22 JUIN – 22 JUIL<br />
LION<br />
23 JUIL– 22 AOÛT<br />
VIERGE<br />
23 AOÛ – 22 SEP<br />
BALANCE<br />
23 SEP – 22 OCT<br />
Par AstrAl<br />
POISSON<br />
19 FÉV – 20 MARS<br />
Ta chanson du mois :<br />
Saturn Swallows the Sun, Ghost Twin<br />
Certaines méduses sont immortelles alors qu’elles n’ont<br />
pas de cœur, pas de cerveau, pas d’oreilles, pas d’ami·e·x.<br />
On dit que les fleurs se reproduisent passivement car<br />
elles ne font « que » d’attirer les bons insectes au bon moment.<br />
Le monde tourne autour de toi. Ces affirmations te<br />
laissent perplexe, songeur·euse·x, ou te dérangent-elles ?<br />
Fais-toi belleau, Saturne arrive dans ton signe, tu n’as<br />
pas fini de grandir !<br />
Ta chanson du mois :<br />
Pure Shores,<br />
All Saints<br />
Je connais un petit crabe<br />
qui va avoir envie de faire<br />
son petit baluchon pour<br />
partir faire un petit voyage !<br />
Tes pensées, rêves et<br />
ambitions sont trop à l’étroit.<br />
Besoin de nouvelles perspectives<br />
? Je propose qu’on<br />
organise des groupes<br />
de soutien entre Cancers<br />
voyageur·euse·x·s ne-pouvant-pas-voyager<br />
afin de<br />
mettre en place des débats<br />
dansants ! Il va bien falloir<br />
faire quelque chose de ces<br />
fulminances.<br />
Ta chanson du mois :<br />
Love Like Vampire,<br />
Vogue.Noir<br />
Fier félin à crinière d’or et<br />
de primevères : séduire<br />
le monde entier et tenter<br />
de te donner une illusion<br />
de contrôle sur ta vie par<br />
des intéractions sexuelles<br />
n’est pas toooujours la<br />
solution indiquée. Ni pour<br />
toi, ni pour un monde meilleur<br />
Bruna Revlon,<br />
Mother suisse<br />
Bruna Revlon est danseuse, professeure<br />
de danse et cofondatrice du<br />
4311 Kollective. Pionnière de la scène<br />
ballroom en Suisse depuis plus de<br />
10 ans, elle est la Mother suisse de<br />
l’iconique House of Revlon. Portrait<br />
par elle-même d’une artiste plurielle.<br />
Ma vertu queer préférée<br />
Notre esprit critique. Cette capacité à remettre<br />
en question des aspects de la société qui sont<br />
caduques, problématiques et trop restreints.<br />
Le principal trait de mon caractère<br />
Je suis une personne persévérante. Peu importe<br />
les moments de doute, de faiblesse<br />
ou de démotivation, j’arrive, d’une façon ou<br />
d’une autre, à accomplir les choses que je<br />
souhaite réaliser dans ma vie.<br />
Ce que j’apprécie le plus<br />
chez mes ami·e·x·s<br />
Leur empathie, leur ouverture d’esprit et bien<br />
sûr leur humour !<br />
Mon occupation préférée<br />
Danser et avoir des conversations enrichissantes<br />
qui font réfléchir.<br />
Ce que je voudrais être<br />
Simplement être heureuse avec la vie que je<br />
mène et ce que je déploie autour de moi !<br />
La fleur que j’aime<br />
Les tournesols pour leur côté jovial, et les<br />
roses rouges pour leur côté romantique, passionné<br />
et sensuel.<br />
L’oiseau que je préfère<br />
L’ara, une espèce de perroquet provenant<br />
d’Amérique Latine, et plus particulièrement<br />
de mon pays d’origine, le Brésil. Ces oiseaux<br />
sont super malins et ont un très beau plumage.<br />
Ce que je déteste par-dessus tout<br />
L’hypocrisie, le manque de respect et l’ingratitude.<br />
Comment j’aimerais mourir<br />
Au bord d’une plage au Brésil en sirotant un<br />
bon cocktail !<br />
Ma devise favorite<br />
« Everyday is another chance », comme le dit<br />
Lauryn Hill.<br />
© Margaux Corda<br />
46 QUEER'STIONNAIRE DE PROUST LE MOT DE LA FIN
25 ans!<br />
Festival<br />
Les Printemps de Sévelin<br />
Danse<br />
contemporaine<br />
Lausanne<br />
8—25 <strong>mars</strong> <strong>2023</strong><br />
Gaston Core (ES/ARG)<br />
Ayelen Parolin (BE/ARG)<br />
Amala Dianor (SEN/FR)<br />
Anne-Lise Tacheron (CH)<br />
Viktor Černický (CZ)<br />
Claire Dessimoz (CH)<br />
Natascha Moschini & Marie Popall (CH/DE)<br />
Léo Lérus (FR)<br />
Lorena Stadelmann (CH/GTM)<br />
évo mine lambillon (CH/FR)<br />
Battle All Style<br />
Bal littéraire<br />
Soirée d’anniversaire – 25 Printemps !<br />
theatresevelin36.ch