Boxoffice Pro n°465 – 27 mars 2024

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DISTRIBUTION DU WESTERN À LA DYSTOPIE, METROPOLITAN POSE LES JALONS POUR L’ANNÉE ©Metropolitan Filmexport Civil War Pour ces prochains mois, le distributeur indépendant arbore un line-up ambitieux, qui compile western, thriller et drame romantique. La convention, qui s’est tenue au Grand Rex, fut l’occasion de le présenter aux exploitants, venus en nombre. L’année 2023 aura été celle du rebond pour Metropolitan Filmexport au regard des nombreux tours de force qui ont jalonné leur exercice : Hunger Games : La Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur et son 1,7 million d’entrées (M), John Wick 4 (1 M), Evil Dead Rise (610 000) ou encore Saw X (611 000) sont autant de succès qui ont permis à la société dirigée par Victor Hadida de se positionner premier distributeur indépendant en France, avec 6 M d’entrées, soit une hausse de 128 % par rapport à 2022. En 2024, le distributeur compte bien réitérer la prouesse, voire la surpasser, avec un line-up ambitieux et éclectique, dont une partie fut présentée lors de sa convention, qui s’est tenu mercredi 13 mars. Des cow-boys, une guerre intestine et une rencontre anodine Les projections, qui ont eu lieu dans l’écrin de la salle Infinite du Grand Rex, ont commencé par Jusqu’au bout du monde, le nouveau long métrage écrit et réalisé par Viggo Mortensen, dont il assure également l’un des rôles principaux. Après avoir brossé le portrait d’un père en peine d’éprouver un semblant d’amour dans Falling, l’acteur continue son chemin derrière la caméra, cette fois-ci avec un western, tantôt brutal, tantôt sentimental, prenant place dans l’Ouest américain des années 1860. Holger Olsen (Viggo Mortensen), immigré d’origine danoise, rencontre Vivienne Le Coudy (Vicky Krieps), une Canadienne francophone, et décident tous les deux de s’installer dans le Nevada. Lorsque la guerre de Sécession éclate, Olsen s’engage et abandonne sa femme à une population brutale, corrompue et imprévisible le temps du conflit. « Je voulais parler de ce que ressentent les femmes quand leur père, leur frère, leur mari ou leur fils partent à leur guerre masculine en laissant tout derrière, mais également du pardon et du changement. Il faut savoir pardonner et se pardonner », formule Viggo Mortensen, qui a honoré la convention de sa présence. Prévu pour le 1 er mai 2024, Jusqu’au bout du monde succédera à Civil War, le 17 avril. Cette plongée dystopique dans une Amérique fracturée et au bord de l'effondrement est un des grands rendez-vous de Metropolitan Filmexport pour 2024, en témoigne la projection sécurisée et réservée aux exploitants dans l’après-midi. Avec un budget de 50 millions de dollars, le long métrage d’Alex Garland (Men, Annihilation, Ex machina) compte notamment au casting Cailee Spaeny, Kirsten Dunst et Jesse Plemons. Enfin, la journée s’est clôturée par Memory, avec Jessica Chastain et Peter Sarsgaard. Sans date de sortie pour l’heure, le nouveau long métrage du Mexicain Michel Franco (Sundown, Después de Lucía) suit une assistante sociale, qui lors d’une réunion d’anciens élèves de son lycée tombe sur une ancienne connaissance. Tout un programme, auquel s’ajoutent les sorties de Black Flies, l'adaptation du roman 911 sur l’enfer quotidien d’ambulanciers new-yorkais, dès le 3 avril, ainsi que Longlegs, un thriller horrifique sur la traque d’un tueur en série insaisissable, le 10 juillet. David Weichert Jusqu’au bout du monde sortira le 1 er mai 2024, sous bannière Metropolitan, sur 300 à 350 copies, majoritairement VO mais aussi VF. 12 N°465 / 27 mars 2024
Une héroine qui ouvre de nouvelles frontières en tant que femme, dans une époque et dans un espace dominés par les hommes JUSQU’AU BOUT DU MONDE AVEC VIGGO MORTENSEN Viggo Mortensen, sur la scène du Vox à Avignon, le 21 mars 2024 ©www.photo-avignon.com De Indian Runner au récent Eureka de l’Argentin Lisandro Alonso, du Seigneur des anneaux au cinéma français, et de Cronenberg à ses propres réalisations, l’acteur-cinéaste-scénaristecompositeur américano-danois a fait le tour du monde, et nous emmène cette fois Jusqu’au bout du monde. Rencontre avec Viggo Mortensen, qui après la convention Metropolitan à Paris, est venu échanger avec les exploitants aux Rencontres du Sud, en Avignon ! Jusqu’au bout du monde est votre deuxième réalisation après Falling, sortie en mai 2021 en France. Quel a été le déclic qui vous a fait passer derrière la caméra ? À vrai dire, j’ai toujours cherché à réaliser des films. Il y a 30 ans, j’avais déjà écrit un scénario mais ne trouvais pas d’argent pour tourner. J’ai alors commencé à travailler comme acteur, en continuant toujours à écrire des scénarios. Actuellement, j’en ai peut-être cinq en “bon état”, en attente de trouver des financements. Quelles satisfactions vous procure la réalisation ? J’aime faire le voyage du scénario à l’écran et le travail collectif du cinéma. Ce que j'ai pu observer auprès des réalisateurs et réalisatrices avec lesquels j’ai eu l’occasion ©Metropolitan Filmexport de collaborer est que plus ils restaient ouverts aux suggestions des autres, plus leurs films étaient bons. On ne sait jamais d'où ni de qui peut arriver une bonne idée. D’où vous est venue l’idée de ce personnage de femme libre et forte ? La première image que j’avais en tête est celle d’une petite fille jouant dans une forêt d’érables dans le Nord, inspirée de ce que je sais de l’enfance de ma mère [à laquelle le film est dédié, ndlr.]. Je voulais savoir ce qu'allait devenir cette petite fille, mais en commençant par l’aboutissement de son voyage avant d’en montrer le début. Et le choix de Vicky Krieps, que nous avons eu l’occasion de croiser dans des univers cinématographiques aussi variés que les vôtres, comme partenaire ? Si Vicky, dont je connaissais le formidable travail, avait dit non, Jusqu’au bout du monde aurait été un autre film. J’étais persuadé qu’elle allait pleinement incarner cette femme courageuse et indépendante. Quant au personnage d’Olsen, au départ ce n’est pas moi qui devais tenir le rôle. Mais face au besoin de décaler le tournage d’un ou deux ans, le temps que les acteurs envisagés soient disponibles, j’ai décidé de l’interpréter moi-même, quitte à le modifier un peu, et notamment le vieillir. Pourquoi l’avoir inscrit dans le genre du western, qui devient ici éminemment féministe ? Comme beaucoup de gens de ma génération, j’ai grandi avec et aimé toute une variété de westerns, au cinéma comme à la télévision. Il m’a semblé intéressant d’incrire cette héroïne qui s’ouvre de nouvelles frontières en tant que femme, dans une époque et dans un espace qui étaient dominés par les hommes, et où justement, les frontières étaient ouvertes. Pour autant, Jusqu’au bout du monde n’est pas un western tout à fait comme les autres… Tout en restant dans la tradition des westerns classiques, mais contrairement à la grande majorité du genre, je voulais refléter le plus fidèlement possible la réalité de l’époque. Que les paysages – filmés en partie au Canada et en majorité au Mexique –, le travail du son, le rapport aux chevaux, la multitude de dialectes et d’accents… soient historiquement les plus corrects possible. Et à ce titre, loin des clichés fordiens, vous donnez à voir une Amérique multiculturelle ! Rares sont les westerns qui l’ont montré, mais l’Amérique a toujours été un mélange de langues et de cultures ; c’est la réalité de l’époque comme d’aujourd’hui, celle des États-Unis comme de la France. En parlant de la France, qui est le premier pays où va sortir votre film, quel regard portez-vous sur la place qui y est accordée au cinéma ? J’aime aller au cinéma en France, notamment quand je suis à Paris ; c’est différent, on y fait attention aux films. Ici, le cinéma fait beaucoup plus partie de la culture que dans d’autres pays. Même si on aime le cinéma aux États-Unis, il n’y bénéficie pas du même soutien, que ce soit pour produire les films ou les montrer, et afin qu’ils puissent avoir une relation spéciale avec le public. C’est pour cela que les réalisateurs étrangers aiment tant que leurs films sortent en France. Propos recueillis par Aysegül Algan N°465 / 27 mars 2024 13
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