Boxoffice Pro n°465 – 27 mars 2024

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ACTUALITÉS Rezo Films, fin d’un beau chapitre La société de distribution de Jean-Michel Rey, qui a accompagné près de 400 films en 32 ans, a été mise en liquidation judiciaire le 12 mars. Retour sur plus de trois décennies au service de la diffusion indépendante dans les salles françaises. Mauvais signal pour la distribution indépendante… et tristesse pour tous ceux qui, grâce à Rezo Films, ont découvert ou fait découvrir les premiers films d’Abdellatif Kechiche, Pascal Bonitzer, Catherine Breillat, Catherine Corsini, Xavier Dolan, Léa Fazer, Hafsia Herzi, Gaspar Noé, Stéphane Brizé, Jeremy Clapin et tant d'autres, de tous pays. « À ceux-là, à toutes les équipes qui ont travaillé chez Rezo, à tous les talents, producteur·rice·s, réalisateur·rice·s, comédien·ne·s qui nous ont fait confiance, à Nadia Lassoujade mon associée depuis le premier jour, je veux dire ici mes remerciements les plus chaleureux et ma gratitude pour leur confiance tout au long de cette aventure », indiquait dans son communiqué Jean- Michel Rey, très « ému et réconforté » par les innombrables réactions et soutiens reçus depuis. Notamment celle du Dire qui, a salué « l’indéfectible implication » de Jean-Michel Rey, membre fondateur et ex-coprésident du Dire, voyant cet arrêt d’activité un « symbole de la fragilité structurelle d’une profession qui aujourd’hui, plus que jamais, demeure le secteur le plus à risque de la filière cinématographique ». Si le Tribunal de Commerce de Paris a donc prononcé, mardi 12 mars, la liquidation judiciaire de la société de distribution, qui était en plan de continuation depuis 2015, l’entité autonome de Rezo Productions poursuivra son chemin. Parmi ses réalisations figurent, là encore, des premiers films comme des auteurs confirmés, de Bernie d’Albert Dupontel (1996) au plus récent Tropic de Edouard Salier (2023), en passant par Trouble Every Day de Claire Denis (2001). Toujours entouré de ses collaborateurs Henry Jean et Etienne Moreau, Jean-Michel Rey déclare être « toujours animé par le désir de révéler des talents et de produire un cinéma d’auteur ambitieux à vocation populaire. Ollie, premier film d’Antoine Besse dont la postproduction s’achève s’inscrit pleinement dans cette veine. » J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin, Grand Prix Nespresso de la Semaine de la Critique et Cristal du meilleur long métrage à Annecy en 2019 Pour ton mariage du producteur Oury Milshtein, sorti le 20 décembre 2023, aura été le dernier titre distribué en salles par Rezo. ©Xilam Animation ©Iliade et Films-Eagles Team Entertainment-M141 Vipère au poing, production Rezo, et 1,2 million d’entrées en salle en 2004 Côté distribution, Rezo Films a connu de grands succès, comme Mademoiselle de Philippe Lioret (près de 730 000 entrées, 2001) ou Mademoiselle Chambon de Stéphane Brizé (plus de 500 000 entrées, 2009), dépassant par deux fois le million au début des années 2000 avec des films plus grand public, Le Papillon de Philippe Muyl (1,14 M d’entrées, 2002) et Vipère au poing de Philippe de Broca (1,2 M d’entrées, 2004). Après les plus de 225 000 tickets de J’ai perdu mon corps de Jeremy Clapin en 2019, la société a sorti 27 films depuis la crise sanitaire, dont le plus fédérateur aura été Félicita de Bruno Merle (38 000 entrées, juillet 2020). L’un des derniers films distribué par Rezo, Levante de la Brésilienne Lillah Halla, primé à la Semaine de la Critique 2023 et sorti en décembre dernier, a totalisé 6 000 entrées. À voir désormais où est-ce qu’on retrouvera le line-up – Totem de Lila Avilés, qui avait ému la Berlinale en 2023, devait sortir en salles ce printemps – tout comme le reste du catalogue Rezo Films, riche d’environ 150 titres. Ayşegül Algan & Cécile Vargoz En image ©2022 Yellow Flower LLC. The Crow de Rupert Sanders Après avoir adapté le célèbre manga Ghost in the Shell en 2017, le cinéaste s’attaque aux comics gothiques créés par James O’Barr, et déjà mis en scène par Alex Proyas dans son film de 1994, durant le tournage duquel a péri Brandon Lee (fils de Bruce). Alors que lui et sa femme viennent de se faire assassiner par un gang de rue, Eric Draven est ressuscité par un corbeau, et se lance dans une quête de vengeance envers ceux qui lui ont ôté son épouse. Distribué par Metropolitan à partir du 5 juin 2024, The Crow rassemble notamment au casting Bill Skarsgård (Ça, John Wick 4) et la chanteuse FKA Twigs. 6 N°465 / 27 mars 2024
Rachida Dati veut réformer l’audiovisuel public avant l’été, mais ne pas toucher au modèle du CNC Entendue par la commission culture du Sénat le 12 mars, puis celle de l’Assemblée le 19, la ministre de la Culture a confirmé vouloir très vite une gouvernance unique de l’audiovisuel public. Sur le cinéma, elle se dit attachée au modèle du CNC, mais veut renforcer l’accès de tous aux salles à travers les territoires. Alors que l'État a annoncé une coupe de plus de 200 millions d’euros pour la culture en 2024, Rachida Dati a été entendue pour la première fois au Sénat en tant que ministre de la Culture. Tentant de rassurer sur certains sujets – « sur le spectacle vivant et les territoires, il n'y aura pas un euro de moins » –, Rachida Dati a rappelé sa priorité : « l’accès à la culture doit être une réalité vécue par tous et partout ». L’audiovisuel public doit y contribuer, et pour être efficace, la ministre a annoncé que la réforme commencera à être examinée par le Parlement « avant l’été », pour être opérationnelle au 1 er janvier 2025. À savoir une gouvernance unique – pour ne pas dire une fusion – , de France Télévisions, Radio France et l’INA, qui aille « vers la coopération et la synergie » des acteurs, en « sanctuarisant le financement par la TVA ». Financer des navettes pour que le jeune public aille au cinéma Sur le cinéma, « il n’y a pas de remise en cause de l’engagement du ministère de la Culture. Même si certains veulent remettre en cause le modèle du CNC, je ne veux pas le mettre par terre », a affirmé Rachida Dati, interrogée notamment par le sénateur Jérémy Bacchi, co-auteur de la loi “visant à conforter la filière cinématographique”. Sans indiquer ce qu’elle défendra lors de la prochaine revoyure de la chronologie des médias, « qui assure le financement des films et protège la salle de cinéma pendant les premières semaines d’un film », la ministre considère que « nous avons su préserver un système vertueux, et je suis très fière que nous soyons le seul pays du monde où il y a autant de salles et autant dans la proximité ». Une proximité qu’elle souhaite encourager dans les territoires ruraux de façon générale – « je suis pour la mobilité des œuvres et des spectateurs, comme avec les musées ambulants » –, et pour le cinéma en particulier. « Je souhaite financer des navettes pour que le jeune public aille au cinéma », a ainsi déclaré la ministre au Sénat, consciente des difficultés de transport que ne résout pas le pass Culture. Au sujet de l’outil, elle estime que « le pass Culture marche très bien, mais reste dans la reproduction sociale : celui qui l’utilise sait où il va et ce qu’il cherche ». Rachida Dati souhaite ainsi « renforcer son éditorialisation », et voudrait « élargir sa part collective aux MJC, maisons de quartier et centres sociaux », ainsi qu’aux CFA pour les apprentis. Devant l’Assemblée, la ministre a émis le souhait que cette part collective puisse bénéficier « d'autres sources de financement » pour être élargie, notamment « avec un nouveau fonds de dotation, [...] pour que ce ne soit pas que l'État qui finance ». Plus largement, la locataire de la rue Valois souhaite davantage de collaboration de son ministère avec les acteurs de l’éducation populaire « qui font de la médiation, ce qui est extrêmement important ». Le combat contre les VHSS doit aller plus loin Sur les violences sexuelles dans le secteur, le combat « doit aller plus loin » pour la ministre. « La pédocriminalité, ce n’est pas de l’art, et c’est encore plus flagrant dans le cinéma, lieu où s’exerce la domination. » Au-delà du conditionnement des aides du CNC à la formation pour l’ensemble des métiers de la filière, Rachida Dati souhaite qu’il y ait « un protecteur des enfants sur tous les tournages, pour veiller à ce que la dignité du mineur soit respectée ». Quant au maintien de Dominique Boutonnat à la présidence du CNC alors qu’il est accusé d’agression sexuelle, « entre sa situation lors de sa mise en examen et aujourd’hui, il n’y a pas d’éléments nouveaux : j’attendrai donc l’audience [en juin] », a indiqué l’ancienne magistrate. Le juge n’ayant pas empêché Dominique Boutonnat d’exercer, « ce n’est pas à moi de le mettre en retrait ». Ne pas toucher au droit d’auteur La ministre de la Culture est aussi revenue sur le Printemps de la ruralité, qui doit contribuer à « l’accès à la culture par tous et partout », et le besoin de soutenir davantage les collectivités locales dans leur besoin d’ingénierie culturelle, notamment via les Drac. Parmi les enjeux d’aujourd’hui, Rachida Dati s’est exprimée sur le pluralisme de l’information, sur les aides à la presse qui doivent être maintenues, et sur l’IA générative. « Contrairement à Bercy, je veux préserver le droit d’auteur. » Ce qui relève de l’exception culturelle française, selon la ministre, ne doit pas être remis en cause : « La protection du droit d’auteur, c’est comme le CNC : il ne faut pas y toucher » Cécile Vargoz La commission de l’aide sélective à la petite et moyenne exploitation renouvelée Julia Beurton, maître des requêtes au Conseil d’État, succède à Patrick Raude à la présidence de la commission chargée de soutenir la création et la modernisation de cinémas relevant de la petite et moyenne exploitation, c’est-à-dire réalisant moins de 1 % des entrées annuelles. Pour rappel, ce dispositif sélectif est doté de 7 m illions d’euros par an et bénéficie chaque année à une quarantaine de projets. Auditrice puis maître des requêtes au Conseil d’État, la nouvelle présidente a exercé des responsabilités au Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, en qualité de chargée de mission auprès du directeur général (2015) puis de directrice générale adjointe (2017). Elle a ensuite rejoint le cabinet du Premier ministre, Jean Castex, comme conseillère technique culture et communication (2020), avant de devenir, auprès de sa successeure Elisabeth Borne, conseillère culture, communication et régulation numérique. Lors de ses remerciements à la commission sortante, le président du CNC Dominique Boutonnat a tout particulièrement salué Patrick Raude, « dont l’expertise et le talent pour animer le débat collectif au cours de ses dix années de mandat ont largement contribué à asseoir l’autorité et la réussite de la commission ». Comme de coutume, la nouvelle commission entourant Julia Beurton est composée de représentants de l’exploitation, de la distribution ainsi que d’élus territoriaux. ©JB Eyguesier/Conseil d'Etat N°465 / 27 mars 2024 7
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