où il devait entrer au service <strong>du</strong> prince d’Eggenberg, qu’il rencontra Johann Heinrich Schmelzer (qu’il retrouverait plus tard à Vienne) qui lui enseigna le violon et la composition. À cette époque, la littérature destinée au violon virtuose était en plein essor et les meilleurs virtuoses d’Autriche et de Bohême passaient inévitablement par l’orchestre que le prince-évêque Karl, comte de Liechtenstein-Kastelkorn avait constitué à Olomouc. Biber en devint donc membre, prenant même la tête de l’orchestre vers 1665. Cinq ans plus tard, cependant, il devait le quitter à la suite d’une querelle avec son employeur et il devint alors membre de l’orchestre de la Cour de Salzbourg, tout en y dirigeant les répétitions <strong>du</strong> chœur de la cathédrale dont il fut nommé Kapellmeister en 1684. Anobli en décembre 1690, il vit sa renommée internationale croître rapidement. En dehors de ses sonates pour violon, Biber laissa un grand nombre d’œuvres de musique sacrée, ainsi que trois opéras et une quinzaine de “drames” à l’usage des écoles dont, malheureusement, il ne subsiste pratiquement rien. Cette pro<strong>du</strong>ction extrêmement diversifiée, cependant, ne devait pas cacher le rôle prépondérant de Biber dans l’évolution <strong>du</strong> répertoire violonistique : au point que Charles Burney put écrire à juste titre : “De tous les violonistes <strong>du</strong> siècle dernier, Biber semble avoir été le meilleur, et ses solos sont les plus difficiles et les plus capricieux de toute musique de cette époque qu’il m’ait été donné d’entendre”. LES 15 SONATES ET LA PASSACAILLE <strong>Les</strong> sonates des “Mystères <strong>du</strong> Rosaire” étaient sans doute déjà composées en 1676. Dédiées au Prince-Archevêque avec ces mots : “J’ai consacré le tout à la gloire des XV Mystères Sacrés que vous honorez tant”, on ne sait toutefois si elles furent le résultat d’une commande spécifique ou si elles répondaient à une initiative personnelle de leur auteur. Par ailleurs, la dédicace rappelle également le fait que ces sonates utilisaient “les quatre cordes <strong>du</strong> 6 violon accordées de quinze manières différentes pour diverses Sonatas, Préludes, Allamandas, Courentes, Sarabandas, Arias, Ciaconas, Variations, etc.”. Et, de fait, le phénomène le plus caractéristique de ce cycle exceptionnel est, sans aucun doute, le recours fréquent au procédé de la “scordatura”. Un terme dont la tra<strong>du</strong>ction littérale pourrait être “désaccordage”, et qui implique la modification de l’accord habituel des instruments à cordes. Avant même Biber, ce procédé était employé par les luthistes et joueurs de viole dès le milieu <strong>du</strong> XVIIe siècle, pour s’adapter aux tonalités. On le retrouvera plus tard aussi bien chez Vivaldi qui en fait usage dans plusieurs de ses concertos pour violon, que chez Jean Sébastien Bach (5è Suite pour violoncelle BWV 1011). Le procédé devait alors pratiquement disparaître, sauf pour être épisodiquement employé bien plus tard par Stravinski (L’Oiseau de feu), Mahler (scherzo de la Quatrième symphonie) ou Bartók (dans le dernier mouvement des Contrastes). Davitt Moroney pense qu’alors que “certaines des Sonates <strong>du</strong> Rosaire semblent avoir été composées à partir d’un programme littéraire singulier et précis (la première, par exemple), d’autres ne paraissent pas illustrer de contenu de programme spécial mais plutôt refléter l’atmosphère générale <strong>du</strong> Mystère en question. C’est là que la scordatura prend toute sa valeur en créant une coloration sonore unique pour chaque sonate. Son utilisation permet non seulement de jouer certains accords impossibles à réaliser sans elle, mais peut, en fonction de la combinaison de notes choisies pour les quatre cordes, augmenter considérablement la résonance de l’instrument ou l’assourdir totalement. Biber exploite ce phénomène au maximum et il n’est pas étonnant que le violon sonne de manière tout à fait différente d’une sonate à l’autre. La musique est notée comme si le violon était accordé normalement. Ceci exige une gymnastique mentale phénoménale, et différente pour chaque pièce, de la part <strong>du</strong> violoniste, la notation musicale ne s’apparentant en aucun cas au son pro<strong>du</strong>it sur l’instrument”.
LES InTERpRETES SINE TITuLO L’Ensemble Sine Titulo s’est créé en 1991 autour d’une passion commune : faire revivre la musique italienne <strong>du</strong> XVIIe siècle. Odile Edouard, Freddy Eichelberger et Alain Gervreau ont tout particulièrement approfondi l’étude des écoles d’Emilie Romane, de Venise et de Milan. Ils ont fait de nombreux concerts en privilégiant toujours la relation et l’échange avec le public. Leur soucis de recherche d’un langage vivant, coloré et authentique les a amenés à se pro<strong>du</strong>ire très souvent avec des orgues historiques. Depuis plusieurs années, l’ensemble Sine Titulo a considérablement élargi son répertoire. Un travail particulier a été effectué sur la théâtralité des sonates <strong>du</strong> Rosaire de Biber, il s’est concrétisé par des représentations avec scénographie associant lumières, machineries et acrobates. 7