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Les branches des sapins se prennent à revivre<br />
Au souvenir heureux du dernier messidor,<br />
Et <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il, en <strong>le</strong>urs stalactites de givre,<br />
Mire complaisamment son gros disque de cuivre,<br />
Laissant à chaque aiguil<strong>le</strong> une étincel<strong>le</strong> d'or.<br />
Et c'est d'un tel ravissement, qu'on se demande<br />
Quels Sylphes avinés, quels Lutins turbu<strong>le</strong>nts,<br />
Au sortir du Sabbat, passant, joyeuse bande,<br />
Ont, pour se divertir, aux arbres de la lande,<br />
Pendu, la pointe en bas, ces petits cierges blancs.<br />
Mais à considérer cette métamorphose,<br />
Pourquoi l'attribuer aux Esprits clandestins ?<br />
A de tels changements, il faut une autre cause ;<br />
Ce so<strong>le</strong>il est trop doux, cette aurore est trop rose ;<br />
Ce n'est l'oeuvre ni des Sylphes ni des Lutins.<br />
C'est que, tout bonnement, va naître <strong>le</strong> Messie<br />
Ce soir, selon la loi du sublime E;crivain,<br />
Et c'est que la Nature, en veine d'éclaircie,<br />
El<strong>le</strong>-même s'est mise en frais d'orthodoxie,<br />
Afin de mieux fêter l'enfante<strong>le</strong>t divin.<br />
C'est aussi pour fêter Noël, sans aucun doute,<br />
En quelque réveillon joyeux, que sur la route,<br />
Là-bas, ce voyageur au pas pesant mais sûr<br />
Chemine sans arrêt traînant sur <strong>le</strong> sol dur<br />
Le rythme cadencé de son bâton d'épine,<br />
Tandis que <strong>le</strong> refrain qui sort de sa poitrine<br />
Réveil<strong>le</strong> brusquement <strong>le</strong>s échos endormis.<br />
Son costume est celui d'un manant. Il a mis<br />
La tunique de chèvre et <strong>le</strong> bonnet de laine<br />
Que prennent aux grands jours <strong>le</strong>s pâtres de la plaine ;<br />
Sur ses mol<strong>le</strong>ts nerveux, des bandes de drap roux<br />
Fixées par un lacet au-dessous des genoux,<br />
Vont rejoindre, en prenant des allures de guêtre,<br />
La pail<strong>le</strong> qui garnit ses gros sabots de hêtre.<br />
Dans <strong>le</strong> rose matin qui choit du firmament,<br />
Très grand, la tête haute, il marche allègrement,<br />
Portant je ne sais quoi, dans son maintien rustique,<br />
Qui, de loin, vous <strong>le</strong> rend déjà tout sympathique ;<br />
Mais comme il gagne encor, quand on <strong>le</strong> voit de près !<br />
Regardez ces yeux vifs, allumés tout exprès<br />
Pour <strong>le</strong> rire et <strong>le</strong>s jeux ; ces deux lèvres lippues<br />
Faites pour la godail<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s franches repues ;<br />
Ce nez qui semb<strong>le</strong> arder d'un feu surnaturel<br />
Et vouloir à lui seul produire <strong>le</strong> dégel ;<br />
Ces bel<strong>le</strong>s joues enfin dont la cou<strong>le</strong>ur vermeil<strong>le</strong><br />
Dut à <strong>le</strong>ur possesseur coûter mainte bouteil<strong>le</strong><br />
De bon cidre mousseux et de crû bourguignon ;<br />
Tout, en cet homme, indique un joyeux compagnon,<br />
Un de ces braves gars normands de haute lice,<br />
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