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Tout chacun répondrait : « Non, non, ce sont des contes ! »<br />

Et c'est bien, n'est-ce pas, là-dessus que tu comptes,<br />

Toi qui, d'un pas agi<strong>le</strong> et <strong>le</strong>vant haut ton front,<br />

Vas fêter aujourd'hui la Noël à Domfront ?<br />

Parb<strong>le</strong>u ! Depuis un an qu'il n'a fait de fredaines,<br />

A ton coeur l'exil pèse aux gorges des Andaines ;<br />

Oui, bien sûr, tu tes dit, après ces douze mois,<br />

Qu'il t'agréerait assez d'avoir d'autres émois,<br />

Et, de ton val rocheux, lorgnant <strong>le</strong>s tristes mousses,<br />

Qu'à la vil<strong>le</strong> il était d'autres gorges plus douces,<br />

Qu'un lit d'herbes coupées à la bel<strong>le</strong> saison<br />

Est dur aux reins l'hiver et que la venaison,<br />

Nourriture d'ail<strong>le</strong>urs rare depuis l'automne,<br />

A la longue devient un mets bien monotone.<br />

Et puis, la soif. terreur des palais aux abois,<br />

Fait, bien mieux que la faim, sortir <strong>le</strong> loup du bois.<br />

Or la grotte où, trompant <strong>le</strong>s limiers de Talloynes [8],<br />

Tu portais en secret <strong>le</strong> vieux vin des bons moines,<br />

Est vide, et de la Vée [9], onde boisson d'enfer,<br />

L'eau, sur la langue, laisse un mauvais goût de fer.<br />

Peut-être t'es-tu dit aussi, sous tes feuillages,<br />

Que sont certe oubliés tes vols et tes pillages,<br />

Tes gueux ayant tous, au gibet, <strong>le</strong>s sacripants !<br />

Au Diab<strong>le</strong> rendu <strong>le</strong>urs âmes de chenapans ;<br />

Que ton arrêt de mort n'est plus qu'un vieux grimoire,<br />

Et que, tout compte fait, puisque de ta mémoire<br />

Toi-même, avec <strong>le</strong> temps, tu <strong>le</strong>s éliminas,<br />

[p 24]<br />

Nul ne se souvient plus de tes assassinats.<br />

C'est possib<strong>le</strong>, après tout : en France on n'aime guères<br />

Se rappe<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s maux soufferts au temps des guerres<br />

Et, pour nous, nul Léthé ne vaut la douce Paix.<br />

]e craignais pour tes jours. Allons ! je me trompais ;<br />

Humb<strong>le</strong>ment je l'avoue, et c'est toi qui, sans doute,<br />

As raison. Marche donc, mon gars ; poursuis ta route !<br />

Mais voici que l'homme soudain,<br />

Ses pas ayant atteint <strong>le</strong> haut de la colline,<br />

S'est arrêté. Tourné vers l'horizon lointain<br />

Que sa silhouette domine,<br />

La main aux yeux, il examine,<br />

Uniformément blanche au so<strong>le</strong>il du matin,<br />

L'admirab<strong>le</strong> campagne où son humeur badine<br />

A mis plus d'un deuil, c'est certain.<br />

A gauche, c'est Perroux ; à droite, c'est Mortain ;<br />

Dans ce fouillis de bois, Collière se devine ;<br />

Tout en face de lui, c'est <strong>le</strong> Mont Margantin,<br />

Où, dans ses jeunes ans, en dévot pé<strong>le</strong>rin,<br />

S'imposant des Pieds-Nus la rude discipline,<br />

Derrière un lot de gars battant du tambourin,<br />

Il suivait <strong>le</strong>s processions de la Holine [10].<br />

Voici Lucé, Torchamp, Saint-Gil<strong>le</strong>s et Saint-Front ;<br />

Et, là, ces joyeuses fumées,<br />

Derrière ces sapins mués en cheminées,<br />

Marquent la place de Domfront.<br />

***

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