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Dossier pédagogique de l'exposition Collector - Centre national des ...

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à l’inverse <strong>de</strong> sophie Ristelhueber, Gianni Motti omet<br />

volontairement <strong>de</strong> mentionner les photographes dont il utilise<br />

les reportages. il est dans une démarche d’appropriation. il<br />

revendique par exemple l'explosion <strong>de</strong> la navette Challenger<br />

en 1986, le tremblement <strong>de</strong> terre <strong>de</strong> los angeles en 1992<br />

ou les éclipses <strong>de</strong> lune et <strong>de</strong> soleil <strong>de</strong> 1996. en 2001, il a fait<br />

l’acquisition <strong>de</strong> photos documentaires <strong>de</strong>s combats qui se<br />

déroulent alors en macédoine et au Kosovo auprès <strong>de</strong> l’afp.<br />

il les a choisies parce qu’elles étaient atypiques. les pentes<br />

verdoyantes, les arbres en fleurs et les chalets pimpants<br />

rappellent plutôt les paysages <strong>de</strong> suisse où vit gianni motti.<br />

Certes, <strong>de</strong>s panaches <strong>de</strong> fumées s’élèvent ici ou là mais il n’y a<br />

pas <strong>de</strong> flammes et les maisons sont en bon état, ce qui laisse<br />

à penser que ce sont <strong>de</strong>s feux où l’on brûle <strong>de</strong>s détritus plutôt<br />

que <strong>de</strong>s explosions ou <strong>de</strong>s incendies criminels. l’artiste a en fait<br />

retouché les images d’origine, il les a agrandies et a supprimé<br />

les flammes. À regar<strong>de</strong>r ces images viennent à l’esprit les mots<br />

d’apollinaire « ah dieu ! que la guerre est jolie » 18 .<br />

Cependant la réalité qui se cache <strong>de</strong>rrière ces photos comme<br />

dans le poème est beaucoup plus noire. Par ses interventions,<br />

Gianni Motti détourne le sens <strong>de</strong>s photos. il met en avant le<br />

décalage entre celles-ci et les faits. il amène le spectateur à<br />

s’interroger sur la véracité <strong>de</strong>s images. il pousse la démarche<br />

à son comble puisque non seulement il n’indique pas les auteurs<br />

mais il débaptise aussi leurs travaux. les dix images <strong>de</strong> la série<br />

s’intitulent toutes Paysages (dommages collatéraux). (page 45)<br />

l’une d’elles a été, au départ, prise par mla<strong>de</strong>n antonov le 20<br />

mars 2001 et elle a pour titre Smoke and dust rise after a canon<br />

blast on the hill above the town of Tetovo, some 50 km north-east of<br />

Skopje 19 .<br />

la série <strong>de</strong> gianni motti a été montrée au festival <strong>de</strong><br />

photojournalisme, Visa pour l’image à perpignan en 2002<br />

car, cette année-là, pour la première fois, les organisateurs<br />

du festival voulaient faire appel à un plasticien. mais une<br />

controverse éclate alors. l’afp saisit le tribunal <strong>de</strong> gran<strong>de</strong><br />

instance <strong>de</strong> paris pour violation <strong>de</strong>s droits d’auteur. les<br />

œuvres sont décrochées. le problème <strong>de</strong> fond est <strong>de</strong> savoir<br />

à qui appartiennent les images. le tribunal n’y répondra<br />

pas clairement. motti avait acheté les photos avec « un droit<br />

d’inspiration » comme le spécifie la facture. quelle notion cela<br />

recouvre-t-il ? l’artiste italien s’est approprié les photos dans la<br />

collector p 46<br />

logique <strong>de</strong> sa démarche habituelle et au-<strong>de</strong>là, cela s’apparente à<br />

celle <strong>de</strong> duchamp lorsqu’il place un readyma<strong>de</strong> au musée.<br />

quelques années plus tard, en 2006, The dreadful <strong>de</strong>tails (les<br />

détails épouvantables) d’eric Bau<strong>de</strong>laire a aussi été exposé à<br />

Visa pour l’image. Ce diptyque se distinguait <strong>de</strong>s autres clichés<br />

proposés aux visiteurs par sa gran<strong>de</strong> taille (2 m x 1,8 m), sa<br />

composition en <strong>de</strong>ux parties, le fait qu’une cor<strong>de</strong> empêchait<br />

<strong>de</strong> trop s’en approcher. la scénographie le sacralisait donc.<br />

le sujet, par contre, est commun dans le photojournalisme<br />

puisque ce sont <strong>de</strong>s scènes <strong>de</strong> guerre, plus précisément <strong>de</strong>s<br />

combats <strong>de</strong> rue dans une ville que l’on reconnaît aisément<br />

comme irakienne étant donné l’architecture, les vêtements<br />

<strong>de</strong> ses habitants et que les soldats qui les tiennent en joue<br />

sont manifestement américains. la scène paraît familière,<br />

elle ressemble à celles que l’on voit tous les jours dans les<br />

journaux à propos du conflit irakien. et pourtant tout est<br />

faux. eric Bau<strong>de</strong>laire est allé aux États-Unis sur les lieux du<br />

tournage <strong>de</strong> la série télévisée Over there, une chronique <strong>de</strong><br />

la vie <strong>de</strong>s soldats américains en irak. mais la série était finie,<br />

ne restaient que les décors et les figurants. le photographe<br />

va aller méticuleusement mettre en scène <strong>de</strong>s interventions<br />

<strong>de</strong> l’armée américaine en irak en Californie avec <strong>de</strong>s acteurs<br />

dans <strong>de</strong>s décors en carton-pâte fabriqués à partir <strong>de</strong> photos <strong>de</strong><br />

magazine. en regardant attentivement, quelques détails mettent<br />

la puce à l’oreille. sur la photo <strong>de</strong> gauche, un caméraman est<br />

tranquillement agenouillé en train <strong>de</strong> régler sa machine comme<br />

si l’environnement était paisible. les g.i. sont figés dans leur<br />

mouvement comme s’ils posaient. mais il n’empêche que ce<br />

diptyque a tous les attributs <strong>de</strong> la photo <strong>de</strong> guerre : la fumée<br />

<strong>de</strong>s explosions, les civils impuissants, les soldats lour<strong>de</strong>ment<br />

armés.<br />

en quelque sorte, eric Bau<strong>de</strong>laire a conçu <strong>de</strong>s images<br />

« Canada dry », qui ont la couleur <strong>de</strong> la guerre, le goût <strong>de</strong> la<br />

guerre mais qui ne sont pas la guerre. À perpignan, l’œuvre<br />

a suscité l’indignation. « il faudrait <strong>de</strong>s panneaux prévenant<br />

en grosses lettres que c’est un faux » 20 déclarait, outragé, le<br />

photographe américain elliot erwitt. toutefois les intentions <strong>de</strong><br />

l’artiste sont claires : « photographions une véritable fausse<br />

guerre, pour engager une réflexion sur la nature <strong>de</strong>s images<br />

<strong>de</strong> guerre que nous voyons. interrogeons la notion <strong>de</strong> « vérité<br />

photographique » 21 .<br />

EriC BaudElairE<br />

the dreadful <strong>de</strong>tails<br />

FraC 06-344 (1 à 2)<br />

<strong>Centre</strong> <strong>national</strong> <strong>de</strong>s arts plastiques -<br />

Ministère <strong>de</strong> la Culture et <strong>de</strong> la<br />

communication, paris © adaGp /<br />

Cnap / photo: Eric Bau<strong>de</strong>laire

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