La Suisse face à la Chine - une continuité impossible ... - SinOptic

Toutefois, la Suisse s'était compromise aux yeux des Alliés surtout à cause des relations
commerciales et financières avec l'Allemagne. 34 Encore en 1944 et 1945, la Banque
Nationale Suisse avait acquis de l'or de la Reichsbank allemande, malgré les
avertissements des Alliés concernant l'or pillé dans les pays occupés. 35 De plus, le Reich
avait obtenu de la Suisse des crédits pour 1,1 milliards de francs dans le cadre des
accords de clearing. Il faut cependant remarquer que, vu l'encerclement auquel la Suisse
était soumise, l'Allemagne pouvait exercer de fortes pressions. La Suisse essaya
également de garantir l'approvisionnement du pays et d'assouplir le blocus et le contreblocus
lors des négociations se déroulant simultanément à Londres et à Berlin. Force est
de constater que la neutralité codifiée au sein de la convention de 1907 ne pouvait faire
face aux contraintes imposées par la guerre totale.
Quant aux autres grandes puissances, l'Union Soviétique arriva même à considérer et
à proposer des mesures punitives contre la Suisse. L'échec de l'établissement des
relations diplomatiques avec Moscou provoqua la démission de Marcel Pilet-Golaz, chef
du Département Politique pendant la guerre. La France adopta aussi une attitude plutôt
agressive envers la Suisse, malgré les actions humanitaires suisses. Le gouvernement
français reprocha à la Confédération son attitude conciliante envers le régime de Vichy.
L'animosité française s'était déjà manifestée en hiver 1944-1945, en refusant l'agrément
du nouveau ministre de Suisse à Paris. 36 Les représentants français à la conférence de
San Francisco proposèrent également d'insérer dans la Charte des Nations Unies un
article contre la neutralité. 37 Seule la Grande-Bretagne gardait une attitude relativement
bienveillante envers la Suisse. Cependant, sa capacité d'influencer le partenaire
américain était limitée.
Ainsi, alors que la deuxième guerre mondiale se terminait, la Suisse se trouvait isolée.
Il fallait donc d'abord améliorer les relations avec les Alliés, car le climat d'hostilité
envers la Suisse n'était pas sans conséquences. Malgré la fin de la guerre, l'afflux de
matières premières restait très restreint. Cette situation alimentait les craintes des Suisses
au sujet de la probabilité d'une récession économique. De plus, les Etats-Unis exercèrent
des pressions sur la Suisse pour qu'elle remette aux Alliés les biens allemands bloqués
par la Confédération. Ce processus aboutit en mai 1946 à l'accord de Washington 38 par
lequel la Suisse s'engageait à liquider les avoirs allemands en Suisse et à verser 250
millions de francs suisses en or en faveur de la reconstruction de l'Europe. En
34 A propos de ces relations, voir Bourgeois D. (1998).
35 Les Alliés avaient eux aussi profité des achats d'or de la Banque Nationale Suisse. Concernant les
transactions sur l'or, voir Commissione Indipendente d'Esperti Svizzera - Seconda Guerra Mondiale
(1998).
36 Lévêque G. (1979), pp. 144-150.
37 Gabriel J. M. (1990), pp. 69-70.
38 Cf. von Castelmur L. (1992), chapitre 2.
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