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Commission d'enquête parlementaire concernant les ... - Rwanda

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des terres peut-elle générer des violences ?<br />

M. Degni-Segui a dénombré trois autres causes de violence :<br />

ð le refus de l'alternance politique et du partage du pouvoir par le gouvernement en place;<br />

ð l'incitation à la haine ethnique;<br />

ð l'impunité (44).<br />

Selon Maton, la rareté croissante des terres produit des violences à partir d'un certain seuil (45).<br />

Celui-ci aurait été dépassé malgré l'adaptation du monde paysan au contexte de forte pression<br />

démographique par l'adoption d'innovations techniques qui lui permettent de repousser <strong>les</strong> limites<br />

du système agricole et la découverte de ressources alternatives en dehors de celui-ci (46).<br />

Selon d'autres économistes et démographes, la rareté des terres considérée comme telle n'est pas le<br />

facteur unique de violence mais, dans ce contexte de pression croissante sur <strong>les</strong> terres et<br />

d'appauvrissement grandissant, <strong>les</strong> inégalités de redistribution des rares ressources économiques<br />

peuvent être aussi sources et causes de tensions socia<strong>les</strong> croissantes (47). La paysannerie<br />

s'appauvrit au détriment d'une classe urbaine de fonctionnaires et commerçants, le dixième de la<br />

population le plus riche. Les termes de l'échange ville campagne se dégradent (48). Au sein du<br />

monde rural apparaît également une classe plus riche, jouissant de revenus extra-agrico<strong>les</strong>. Les<br />

inégalités croissantes engendrent des tensions socia<strong>les</strong>. La rareté croissante des terres et le<br />

développement du marché foncier engendre un processus de marginalisation et d'exclusion à la<br />

terre de certaines catégories de la population (49). Sans développement de secteurs formels et<br />

informels susceptib<strong>les</strong> d'absorber le surplus de main-d'oeuvre de l'agriculture, <strong>les</strong> tensions risquent<br />

de perdurer dans le secteur agricole.<br />

La question des terres a donc, pour tous <strong>les</strong> observateurs, un rôle essentiel au <strong>Rwanda</strong>. Des efforts<br />

ont été menés pour faire baisser la pression sur <strong>les</strong> terres en ralentissant le taux de croissance de la<br />

population laissant entrevoir un abaissement du taux de fécondité. Mais <strong>les</strong> mesures de régulation<br />

des naissances n'ont pas été faci<strong>les</strong> à implanter dans ce pays. Selon le Joint evaluation Report, "<br />

the strong influence of the catholic church against population control measures, as well as the<br />

traditional position of women, are important explanatory factors for the high population growth "<br />

(50). L'opposition de l'Église catholique rwandaise à ces mesures s'est encore renforcée lors du<br />

voyage du pape Jean-Paul II en 1990, qui a condamné l'usage des techniques anti-conceptionnel<strong>les</strong><br />

modernes à plusieurs reprises.<br />

Cette opposition n'est pas sans poids. En effet, l'Église catholique a joué un rôle majeur dans<br />

l'histoire du <strong>Rwanda</strong>, et son influence a longtemps été prépondérante. Elle fut d'abord la pionnière<br />

de la colonisation, et travailla " main dans la main " avec <strong>les</strong> autorités allemandes puis belges.<br />

Après l'indépendance, son poids politique fut déterminant, l'interpénétration entre l'Église et l'État<br />

étant remarquable. Cette influence n'était pas qu'institutionnelle, elle reposait aussi sur le fait que<br />

l'élite politique était formée par <strong>les</strong> éco<strong>les</strong> catholiques et <strong>les</strong> séminaires. Un exemple flagrant de<br />

confusion entre l'Église et l'État rwandais est l'accession, au milieu des années 1970, de<br />

l'archevêque de Kigali, confesseur " officiel " de la femme du président Habyarimana et proche de<br />

l'AKAZU, au comité central du MRND (51). Il ne démissionera qu'en 1990, sous la pression de la<br />

hiérarchie romaine (51). C'est aussi en 1990 qu'une certaine prise de distance a eu lieu de la part<br />

d'une partie de l'Église, à l'initiative du bas-clergé, qui, dans un document rendu public, a mis en<br />

cause le système politique, et l'Église, " inféodée outre mesure aux autorités politiques "(53). En<br />

outre, le nonce apostolique était l'un des moteurs de la démocratisation. Mais <strong>les</strong> autorités tant de<br />

l'Église anglicane que de l'Église catholique sont restés étroitement liées au président et à son<br />

gouvernement pendant toute cette période (54).<br />

2.2.3.3. Une économie de guerre à partir de 1990<br />

Étant donné la pauvreté du pays, <strong>les</strong> experts ont toujours conseillé aux <strong>Rwanda</strong>is de restreindre à<br />

un strict minimum <strong>les</strong> dépenses militaires, ce que le régime a fait (55). Jusqu'en 1989, le<br />

pourcentage de dépenses militaires du <strong>Rwanda</strong> était l'un des plus bas du continent africain. Au<br />

début de la guerre en octobre 1990, le <strong>Rwanda</strong> ne disposait que d'une troupe de quatre à huit mille<br />

hommes (56).<br />

En 1994, <strong>les</strong> effectifs de l'année sont passés à 30 000 ou 40 000 hommes (<strong>les</strong> chiffres précis sont

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