Les forêts inondées: trésors du Delta Intérieur du Niger au Mali
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prenantes. Ayant reconnu ce problème dans les années<br />
1980, l’UICN est intervenue pour faciliter les<br />
choses. Cela a eu comme résultats les histoires de<br />
réussite de la gestion et de la rest<strong>au</strong>ration des <strong>forêts</strong><br />
d’Akkagoun et de Dentaka par des comités loc<strong>au</strong>x de<br />
gestion. C’est ce succès qui fonde et justifie le présent<br />
travail sur la rest<strong>au</strong>ration des <strong>forêts</strong> <strong>inondées</strong> par<br />
Wetlands International et l’UICN.<br />
1.5 Valeurs socioéconomiques<br />
des <strong>forêts</strong> <strong>inondées</strong><br />
Par Bakary KONE, Mori DIALLO et Bouba FOFANA<br />
Pour les générations passées et futures des peuples<br />
<strong>du</strong> <strong>Delta</strong> <strong>Intérieur</strong> <strong>du</strong> <strong>Niger</strong>, les <strong>forêts</strong> <strong>inondées</strong> ont<br />
de multiples valeurs socioéconomiques, difficiles à<br />
quantifier. <strong>Les</strong> anciens se souviennent de types variés<br />
de végétations <strong>inondées</strong>, comme les <strong>forêts</strong> régulièrement<br />
<strong>inondées</strong> d’Acacia kirkii mêlé de Ziziphus sp., et les<br />
<strong>forêts</strong> irrégulièrement <strong>inondées</strong>, selon les nive<strong>au</strong>x<br />
des crues, d’Acacia nilotica et d’A. seyal. <strong>Les</strong> valeurs socioéconomiques<br />
de ces <strong>forêts</strong> pour les populations<br />
locales sont liées à leurs fonctions écologiques.<br />
En raison de leur rôle socioéconomique reconnu, les<br />
<strong>forêts</strong> <strong>inondées</strong> <strong>du</strong> <strong>Delta</strong> <strong>Intérieur</strong> <strong>du</strong> <strong>Niger</strong> sont restées<br />
intactes jusqu’à la fin de l’administration Dina<br />
(voir paragraphe 1.6). Le passage <strong>au</strong>x systèmes de<br />
gestion étatique dans les années 1960, les grandes<br />
sécheresses, l’expansion démographique et l’<strong>au</strong>gmentation<br />
<strong>du</strong> nombre d’anim<strong>au</strong>x de pâturage se<br />
sont soldés par la dégradation des <strong>forêts</strong> et leur destruction<br />
quasi-totale.<br />
Malgré cette dégradation, les populations locales<br />
n’ont jamais cessé de citer les valeurs socioéconomiques<br />
des <strong>forêts</strong> <strong>inondées</strong>, en partie parce que l’intérêt<br />
est toujours là, et en partie parce que les généra-<br />
21<br />
tions précédentes leur ont transmis la connaissance<br />
à travers la tradition orale. <strong>Les</strong> <strong>forêts</strong> ayant disparu,<br />
les histoires relatives à leurs valeurs ne sont que des<br />
souvenirs pour les aînés, et des contes de fée pour les<br />
jeunes. Néanmoins, tous groupes d’âges confon<strong>du</strong>s,<br />
il y a un désir de la population d’<strong>au</strong>jourd’hui dans le<br />
<strong>Delta</strong> <strong>Intérieur</strong> <strong>du</strong> <strong>Niger</strong> de faire rest<strong>au</strong>rer les <strong>forêts</strong><br />
<strong>inondées</strong> et rétablir leurs valeurs socioéconomiques.<br />
<strong>Les</strong> fonctions socioéconomiques des <strong>forêts</strong> <strong>inondées</strong>,<br />
d’après les populations locales, sont énumérées<br />
ci-après.<br />
1. Un havre sûr pour les populations en périodes de catastrophe<br />
<strong>Les</strong> anciens racontent comment la plupart des <strong>forêts</strong><br />
<strong>inondées</strong> servaient de refuge <strong>au</strong>x premiers habitants<br />
<strong>du</strong> <strong>Delta</strong> <strong>Intérieur</strong> <strong>du</strong> <strong>Niger</strong>, <strong>au</strong> cours des nombreuses<br />
guerres qui ont eu lieu. Pour cette raison, certaines<br />
<strong>forêts</strong> ou leurs essences (notamment l’Acacia<br />
kirkii), sont vénérées par les populations locales. On<br />
peut citer en exemple la forêt de Pora. Pour les premiers<br />
habitants, l’Acacia kirkii est un arbre sacré qu’ils<br />
ne sont <strong>au</strong>torisés à couper en <strong>au</strong>cune circonstance.<br />
Autrefois, mais <strong>au</strong>ssi <strong>au</strong>jourd’hui, les <strong>forêts</strong> <strong>inondées</strong><br />
ont été reconnues comme un abri contre le vent,<br />
souvent utilisé par les matelots en périodes d’orage,<br />
pour éviter des dégâts matériels ou des pertes de vie<br />
humaine. La forêt d’Akkagoun, stratégiquement située<br />
à la sortie <strong>du</strong> Lac Debo ouvert, a été souvent<br />
citée par les matelots comme un important abri <strong>au</strong><br />
cours des orages.<br />
2. Une banque pour les p<strong>au</strong>vres<br />
‘C’est comme si nous avions des banques locales à<br />
notre disposition, depuis des temps immémori<strong>au</strong>x.<br />
Ce sont les <strong>forêts</strong> <strong>inondées</strong> et les champs de bourgou’,<br />
déclare le président de l’organisation des pêcheurs<br />
d’Akka, un village à la sortie <strong>du</strong> Lac Debo.<br />
Du fait de leur végétation abondante et dense en périodes<br />
de crues, les <strong>forêts</strong> sont des aires principales<br />
de pro<strong>du</strong>ction d’alevins et offrent des conditions de