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Volume XVII/1 - Congrès ESKA

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L’ISOTOPIE SÉMANTIQUE EN TANT QUE RÉVÉLATEUR DE L’EXOSÉMIE MUSICALE 13<br />

Exemple 5 : Comptine enfantine « Ainsi font, font, font »<br />

Ainsi l’isotopie sémantique permet-elle dans ce cas de dénoter une allusion<br />

adroitement effectuée par un grand maître traditionnel arabe à une musique occidentale<br />

presque imaginaire, de fait, à une contrefaçon finement ciselée, étant donné<br />

que le (pseudo) arpège est réalisé avec des tierces moyennes / neutres et que l’allure<br />

(pseudo) valsante est introduite par une série compacte de triolets.<br />

Loin de toute velléité d’adoption du système harmonique tonal et métrique occidental,<br />

Sami Chawa fait ici un de clin d’œil ludique exotique à l’attention de ses<br />

contemporains avant d’engager l’improvisation d’un taqsīm pleinement autochtone.<br />

Frédéric Lagrange qui a consacré à Sami Chawa une compilation sous le titre<br />

« Prince du violon arabe » l’a affublé, dans le livret joint au CD 25 , du surnom moins<br />

aristocratique de « stakhanoviste de la discographie arabe » pour avoir participé à la<br />

quasi-totalité des publications sonores du Proche-Orient entre 1910 et 1930. Aussi<br />

est-il compréhensible qu’à force de répéter en les variant d’une manière endogène<br />

les préludes traditionnels, le maître se soit amusé une fois en passant à faire semblant<br />

de valser et d’arpéger un dūlāb en guise d’exotisme de bon aloi (et peut-être<br />

de comptine enfantine).<br />

2.3 Allotopie musicale<br />

Tout autre est la propension acculturative systématique des musiciens modernistes<br />

d’Égypte et du Levant, qui, à partir des années 1930, vont réaliser sans aucune<br />

ambiguïté des emprunts syntaxiques clairs au système harmonique tonal et métrique<br />

occidental de grande diffusion. Il s’agit alternativement ou conjointement d’un<br />

usage délibéré de l’ossature diatonique dans le sens tonal occidental, de modulations<br />

artificieuses étrangères aux normes traditionnelles, d’accords brisés ou plaqués,<br />

d’articulations métriques / rythmiques en porte-à-faux par rapport aux paradigmes<br />

métriques traditionnels etc., et ce d’une manière concomitante à l’emploi<br />

d’éléments résiduels autochtones.<br />

Loin de se contenter d’allusions exosémiques au plan du signifié – à base de signifiants<br />

polysémiques – constituant le propre de l’exotisme évocatif occidentalisant<br />

ludique occasionnellement observé chez des maîtres traditionnels comme Sami<br />

Chawa, les tenants de l’école moderniste arabe opèrent des métissages systémiques<br />

ré mineur, à la base du troisième mouvement de sa première symphonie, dite « Titan ». Il reste que la<br />

présente parodie orientale (supposée) de la comptine française réalise le programme textuel de celle-ci,<br />

puisque le dūlāb « fait deux petits tours » ternaires (section introductive et section intercalaire) avant de<br />

revenir dans sa section conclusive à la pulsation binaire classique et de céder la place à une séquence<br />

musicale bien plus sérieuse : l’improvisation d’un taqsīm.<br />

25 Frédéric LAGRANGE, Livret du CD Sami al-Shawwa, Prince du Violon Arabe, Club du Disque<br />

Arabe, Paris, 1999, AAA 107.

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