John Paul Lepers - Dokhandeme - Alain Platel - Michel Raskine - 491
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Crash Test<br />
La compagnie des Transformateurs, également connue<br />
pour ce qu’elle appelle ses “interventions urbaines”,<br />
entre spectacle de rue et performance scénique,<br />
monte aussi des pièces de théâtre qui sont, chaque<br />
fois, un événement. Parce que Nicolas Ramond, metteur<br />
en scène inventif, sur le qui-vive, est toujours concerné<br />
par la marche du monde et que, en général, il vise<br />
juste. Son travail est un work in progress permanent,<br />
un échange avec les artistes auxquels il s’associe<br />
– les comédiens en premier lieu –, une construction<br />
patiente de sa pièce. Autant dire qu’il n’a pas<br />
l’habitude de monter des textes. Et que c’est<br />
donc aujourd’hui une nouveauté. Crash Test est<br />
signé Marie Dilasser. Depuis 2 ans ils collaborent<br />
à l’élaboration de ce spectacle, lui en laboratoire<br />
avec les comédiens Mélanie Bestel et<br />
Pierre-Jean Étienne, elle en écrivant une<br />
pièce qui, entre temps, a été primée aux<br />
Journées de Lyon des auteurs de<br />
théâtre 2008.<br />
Je rencontre Nicolas Ramond dans<br />
un café lyonnais.<br />
Crash Test est une pièce assez difficile à résumer, tant elle recèle<br />
de rebonds et d’incongruités…<br />
C’est que nous travaillons un thème assez fluctuant, parfois flou, en<br />
tout cas peu en rapport avec la réalité. Le coma. Une sorte de rêve<br />
perpétuel, même si, de temps en temps, une seconde, le réel s’immisce.<br />
Il s’agit en fait de 2 personnages qui ont un accident de voiture. Ils<br />
ont une histoire commune car ils bossent tous les deux dans la<br />
même usine d’abattage de poulets. Lui est un cadre qui vient de<br />
conclure une affaire avec le Japon et s’apprête à y aller ; il sort de<br />
l’usine avec son gros 4x4 Cayenne et sa chienne le poursuit sur la<br />
route. Elle, elle est ouvrière, en Fiat Panda. Et ce jour-là, elle a tellement<br />
envie de travailler qu’elle… roule en marche arrière. Un début qui<br />
me rappelle Piccoli dans Les Choses de la vie, un film culte pour<br />
moi. Il fonce dans un arbre et, l’instant d’après, on l’entend parler,<br />
sans que sa bouche ne se meuve. Dans le spectacle, il y aura un 3e personnage, en fait tous les autres personnages, mais joués par un<br />
unique comédien, Rémi Rauzier. Il sera celui par qui le réel, déformé<br />
par les perceptions abîmées des 2 protagonistes, intervient. Je le vois<br />
un peu comme le geôlier de leur coma, je l’imagine avec de grandes<br />
têtes de carnaval, des grands masques.<br />
Il y a donc une rencontre improbable entre ces 2 personnages,<br />
mais qui produit, comment dire, des étincelles ?<br />
J’ai envie de dire que la rencontre, c’est d’abord celle que j’ai faite<br />
avec une auteure, Marie Dilasser. Notre collaboration fut, je crois,<br />
fructueuse. Par exemple, elle voulait d’abord insister sur le rapport<br />
du patron avec l’ouvrière, avec, peut-être, le danger du règlement de<br />
comptes. Nous nous sommes concertés et elle a travaillé son texte<br />
avec beaucoup de subtilité. Alors, au début, l’homme et la femme se<br />
lancent bien quelques piques. Mais, depuis les 1res secondes, il est très<br />
préoccupé par son billet d’avion pour le Japon. Dans son cauchemar,<br />
il réussit à y aller et il est embauché comme ouvrier. Il ne supporte<br />
pas et propose derechef de faire sauter l’usine. Dans leur monde de<br />
comateux, ils se rencontrent en effet et même ils se confondent, les<br />
paroles de l’un empruntant parfois le corps de l’autre.<br />
...<strong>491</strong> / N° 145 FÉVRIER 2009<br />
[11]<br />
[théâtre(s)]<br />
Comment mettre en scène un coma ou un rêve ?<br />
Les comédiens respecteront des règles de jeu proches de ce que j’ai pu<br />
observer à l’hôpital chez les gens qui sortent du coma, des gestes lents,<br />
des chutes. Tandis que dans la tête tout “fonctionne”. Je voudrais<br />
provoquer des sensations de déjà-vu chez le spectateur. En fait, avant<br />
de m’intéresser spécifiquement au coma, je voulais réfléchir sur la<br />
mémoire, et, pour ce faire, j’avais eu l’idée d’inviter Anne Truche,<br />
dont le métier est de s’occuper des gens qui en sortent. C’est ce témoignage<br />
qui nous a fait comprendre tout l’intérêt de ce nouveau sujet. Nous<br />
n’avons pas pour autant oublié la problématique initiale. Et nous<br />
avons travaillé sur les déclencheurs de la mémoire.<br />
Comme le goût de la madeleine trempée dans le thé de Marcel Proust ?<br />
En effet. Je voudrais que Rémi Rauzier, qui fera d’ailleurs aussi des<br />
bruitages en direct, produise des odeurs. Il essaiera d’éveiller la<br />
conscience d’un des personnages avec un parfum de fleurs d’oranger…<br />
D’une manière générale, je vais faire appel aux sens du spectateur.<br />
L’ouïe, d’abord, puisque les 1res minutes seront dans le noir complet<br />
et que le spectateur sera guidé, alors, uniquement par les voix et les<br />
bruitages, l’ambulance, la police. Et j’ai commandé à Frédéric<br />
Dubois des thèmes musicaux, un peu à la manière d’une BO de cinéma.<br />
Le décor sera plutôt minimal, inspiré du film de Lars von Trier Dogville,<br />
donc très graphique. Un lieu de crash test, tout de même, avec un<br />
rail qui se perd dans un mur, une ambiance entre le laboratoire<br />
scientifique et l’atelier de mécano. Comme un hôpital, quoi.<br />
Les 27 et 28 février au Théâtre de Vénissieux, 04 72 90 86 68<br />
©Bertrand Saugier<br />
Propos recueillis par Étienne Faye