25.06.2013 Views

John Paul Lepers - Dokhandeme - Alain Platel - Michel Raskine - 491

John Paul Lepers - Dokhandeme - Alain Platel - Michel Raskine - 491

John Paul Lepers - Dokhandeme - Alain Platel - Michel Raskine - 491

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Crash Test<br />

La compagnie des Transformateurs, également connue<br />

pour ce qu’elle appelle ses “interventions urbaines”,<br />

entre spectacle de rue et performance scénique,<br />

monte aussi des pièces de théâtre qui sont, chaque<br />

fois, un événement. Parce que Nicolas Ramond, metteur<br />

en scène inventif, sur le qui-vive, est toujours concerné<br />

par la marche du monde et que, en général, il vise<br />

juste. Son travail est un work in progress permanent,<br />

un échange avec les artistes auxquels il s’associe<br />

– les comédiens en premier lieu –, une construction<br />

patiente de sa pièce. Autant dire qu’il n’a pas<br />

l’habitude de monter des textes. Et que c’est<br />

donc aujourd’hui une nouveauté. Crash Test est<br />

signé Marie Dilasser. Depuis 2 ans ils collaborent<br />

à l’élaboration de ce spectacle, lui en laboratoire<br />

avec les comédiens Mélanie Bestel et<br />

Pierre-Jean Étienne, elle en écrivant une<br />

pièce qui, entre temps, a été primée aux<br />

Journées de Lyon des auteurs de<br />

théâtre 2008.<br />

Je rencontre Nicolas Ramond dans<br />

un café lyonnais.<br />

Crash Test est une pièce assez difficile à résumer, tant elle recèle<br />

de rebonds et d’incongruités…<br />

C’est que nous travaillons un thème assez fluctuant, parfois flou, en<br />

tout cas peu en rapport avec la réalité. Le coma. Une sorte de rêve<br />

perpétuel, même si, de temps en temps, une seconde, le réel s’immisce.<br />

Il s’agit en fait de 2 personnages qui ont un accident de voiture. Ils<br />

ont une histoire commune car ils bossent tous les deux dans la<br />

même usine d’abattage de poulets. Lui est un cadre qui vient de<br />

conclure une affaire avec le Japon et s’apprête à y aller ; il sort de<br />

l’usine avec son gros 4x4 Cayenne et sa chienne le poursuit sur la<br />

route. Elle, elle est ouvrière, en Fiat Panda. Et ce jour-là, elle a tellement<br />

envie de travailler qu’elle… roule en marche arrière. Un début qui<br />

me rappelle Piccoli dans Les Choses de la vie, un film culte pour<br />

moi. Il fonce dans un arbre et, l’instant d’après, on l’entend parler,<br />

sans que sa bouche ne se meuve. Dans le spectacle, il y aura un 3e personnage, en fait tous les autres personnages, mais joués par un<br />

unique comédien, Rémi Rauzier. Il sera celui par qui le réel, déformé<br />

par les perceptions abîmées des 2 protagonistes, intervient. Je le vois<br />

un peu comme le geôlier de leur coma, je l’imagine avec de grandes<br />

têtes de carnaval, des grands masques.<br />

Il y a donc une rencontre improbable entre ces 2 personnages,<br />

mais qui produit, comment dire, des étincelles ?<br />

J’ai envie de dire que la rencontre, c’est d’abord celle que j’ai faite<br />

avec une auteure, Marie Dilasser. Notre collaboration fut, je crois,<br />

fructueuse. Par exemple, elle voulait d’abord insister sur le rapport<br />

du patron avec l’ouvrière, avec, peut-être, le danger du règlement de<br />

comptes. Nous nous sommes concertés et elle a travaillé son texte<br />

avec beaucoup de subtilité. Alors, au début, l’homme et la femme se<br />

lancent bien quelques piques. Mais, depuis les 1res secondes, il est très<br />

préoccupé par son billet d’avion pour le Japon. Dans son cauchemar,<br />

il réussit à y aller et il est embauché comme ouvrier. Il ne supporte<br />

pas et propose derechef de faire sauter l’usine. Dans leur monde de<br />

comateux, ils se rencontrent en effet et même ils se confondent, les<br />

paroles de l’un empruntant parfois le corps de l’autre.<br />

...<strong>491</strong> / N° 145 FÉVRIER 2009<br />

[11]<br />

[théâtre(s)]<br />

Comment mettre en scène un coma ou un rêve ?<br />

Les comédiens respecteront des règles de jeu proches de ce que j’ai pu<br />

observer à l’hôpital chez les gens qui sortent du coma, des gestes lents,<br />

des chutes. Tandis que dans la tête tout “fonctionne”. Je voudrais<br />

provoquer des sensations de déjà-vu chez le spectateur. En fait, avant<br />

de m’intéresser spécifiquement au coma, je voulais réfléchir sur la<br />

mémoire, et, pour ce faire, j’avais eu l’idée d’inviter Anne Truche,<br />

dont le métier est de s’occuper des gens qui en sortent. C’est ce témoignage<br />

qui nous a fait comprendre tout l’intérêt de ce nouveau sujet. Nous<br />

n’avons pas pour autant oublié la problématique initiale. Et nous<br />

avons travaillé sur les déclencheurs de la mémoire.<br />

Comme le goût de la madeleine trempée dans le thé de Marcel Proust ?<br />

En effet. Je voudrais que Rémi Rauzier, qui fera d’ailleurs aussi des<br />

bruitages en direct, produise des odeurs. Il essaiera d’éveiller la<br />

conscience d’un des personnages avec un parfum de fleurs d’oranger…<br />

D’une manière générale, je vais faire appel aux sens du spectateur.<br />

L’ouïe, d’abord, puisque les 1res minutes seront dans le noir complet<br />

et que le spectateur sera guidé, alors, uniquement par les voix et les<br />

bruitages, l’ambulance, la police. Et j’ai commandé à Frédéric<br />

Dubois des thèmes musicaux, un peu à la manière d’une BO de cinéma.<br />

Le décor sera plutôt minimal, inspiré du film de Lars von Trier Dogville,<br />

donc très graphique. Un lieu de crash test, tout de même, avec un<br />

rail qui se perd dans un mur, une ambiance entre le laboratoire<br />

scientifique et l’atelier de mécano. Comme un hôpital, quoi.<br />

Les 27 et 28 février au Théâtre de Vénissieux, 04 72 90 86 68<br />

©Bertrand Saugier<br />

Propos recueillis par Étienne Faye

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!