John Paul Lepers - Dokhandeme - Alain Platel - Michel Raskine - 491
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La galerie Roger Tator nous propose de découvrir depuis<br />
1994 divers aspects de la création orientée vers le design,<br />
notamment vers le numérique et l’interactivité, domaines<br />
peu présents sur la scène artistique.<br />
Elle fêtait en 2008 la 10 e édition de Superflux, programmation<br />
qui inscrit chaque année, le temps de la Fête<br />
des lumières, de multiples œuvres dans le quartier de<br />
la Guillotière. Inaugurée à cette occasion, l’exposition<br />
“Portal” présente jusqu’au 27 février des créations de<br />
James Clar.<br />
D’abord formé au cinéma et à l’animation, ce jeune<br />
créateur américain s’est ensuite tourné vers l’art et<br />
l’architecture. Ce parcours a favorisé une pratique au<br />
croisement des disciplines, mais dans laquelle la<br />
lumière reste le matériau essentiel. En la modelant,<br />
James Clar souhaite mettre en évidence la présence de<br />
l’immatériel dans nos environnements. Coïncidant<br />
Implanté dans le quartier de Saint-<br />
Rambert-l’Île-Barbe, l’espace d’art<br />
contemporain L’Attrape-Couleurs<br />
poursuit une programmation qui<br />
souhaite faire la part belle à la jeune<br />
création. En partenariat avec la<br />
dynamique École nationale des<br />
beaux-arts de Lyon, le centre expose<br />
des artistes récemment diplômés.<br />
Pour sa 1 re exposition personnelle,<br />
Anne-Lise Seusse présente une<br />
nouvelle série qui vient s’insérer<br />
dans l’ensemble d’un travail photographique<br />
exigeant. Dans une veine<br />
anthropologique, l’artiste va depuis<br />
plusieurs années à la rencontre de communautés qui<br />
transitent et requalifient des espaces sans qualité.<br />
Cette entreprise s’élabore dans le temps, car les approches<br />
intuitives qui la nourrissent sont systématiquement<br />
mises à l’épreuve de l’expérience.<br />
Elle s’amorce tout d’abord par un repérage. Des hauteurs<br />
de Google Earth, l’artiste dégage ces zones arides qui ne<br />
nous situent pas dans la densité urbaine, mais dans ses<br />
franges. Prenant le temps d’un rapprochement progressif,<br />
Anne-Lise Seusse parcourt ensuite ces non-lieux pour<br />
en faire une topographie.<br />
En août 2008 débute une nouvelle tentative d’approche,<br />
sur une zone vacante repérée dans le quartier de la<br />
Part-Dieu. Entre une voie de chemin de fer et des<br />
architectures massives, mémoire de l’histoire économique<br />
et urbaine de Lyon, s’étend l’esplanade du Dauphiné.<br />
Dans l’attente d’une probable implantation de nouvelles<br />
Archives, y est installé le Cirque de Rome. Patiemment,<br />
l’artiste noue pendant plusieurs semaines un dialogue<br />
avec des membres de ce microcosme très organisé et saisit<br />
à la chambre photographique les signes qui qualifient<br />
le territoire investi.<br />
Pour l’exposition vient finalement le choix d’une série<br />
d’images dans la vingtaine réalisée. À partir de ces<br />
relevés résiduels, le spectateur tisse des scénarios qui<br />
redonnent à l’esplanade relief et sens. Cette place se<br />
dégage de ses abords en même temps qu’elle nous<br />
Portal - James Clar<br />
En situation<br />
Lux(e)<br />
[expo(s)]<br />
technologies et décoratif, ses réalisations prennent<br />
une dimension métaphorique dans ce passage entre ce<br />
que l’on voit et ce que l’on ne voit pas.<br />
Donnant son titre à l’exposition, Portal partage l’espace<br />
du rez-de-chaussée de la galerie quasiment en son centre,<br />
par de multiples faisceaux lumineux (en fibres optiques)<br />
qui semblent rebondir entre 2 murs opposés. Ce ping-pong<br />
traverse un film plastique qui réfléchit les lignes trajectoires<br />
dans une matière floue. Solide ou diffuse, la lumière s’anime<br />
également de variations colorées au passage des visiteurs.<br />
Si cette installation fait obstacle à notre déplacement<br />
et à notre regard, c’est pour mieux ouvrir un jeu de<br />
perception, du plan à la ligne, de la fixité au mouvement,<br />
de la 2D à la 3D. Cela fait d’elle un “portail”<br />
physique et métaphorique.<br />
Dans l’espace voûté et confiné du sous-sol de la galerie,<br />
2 pièces confirment l’union du technologique au décoratif<br />
dans une proximité plus intimiste. Nous restons captifs<br />
autour du volume 3D Display Cube, matérialisé par de<br />
multiples diodes qui, sous un caisson de verre, donnent<br />
une épaisseur lumineuse à divers motifs et lettres. Et nous<br />
devenons presque contemplatifs devant les douces<br />
variations du prisme coloré dessinant l’opaque surface<br />
de Square Eclipse.<br />
Prenant comme matériau la lumière, les séduisantes et<br />
presque précieuses créations de James Clar ne cessent<br />
de nous en rappeler l’impact dans notre quotidien.<br />
Mais il en dévie la portée communicative pour nouer<br />
avec le visiteur une relation magique. Nous ne nous<br />
étonnerons donc pas de voir le nom de cet architecte<br />
associé à de prestigieuses réalisations, qui, de Tokyo à<br />
Dubaï, témoignent des aspirations humaines vers la féerie.<br />
James Clar, “Portal”, jusqu’au 27 février<br />
à la galerie Roger Tator, 04 78 58 83 12<br />
Florence Meyssonnier<br />
Esplanade du Dauphine, Lyon<br />
Anne-Lise Seusse<br />
invite à les observer. Les architectures environnantes,<br />
brutes et grisâtres, forment une ceinture qui enclave<br />
cette zone, comme un corps étranger. Elles forment<br />
alors les arènes d’une piste désertée. Car, du monde de<br />
la représentation, nous n’observons que les traces<br />
d’une occupation transitoire, des décors et des acteurs<br />
“hors-service”. Cette aire apparaît bel et bien comme<br />
une zone d’attente, à la fois antichambre de l’urbanisation<br />
et du spectacle.<br />
Anne-Lise Seusse dévie ainsi notre regard et le conduit<br />
à focaliser sur des rapports formels signifiants. “Plus<br />
que la dimension paradoxale de l’installation du<br />
cirque sur ce terrain, c’est plutôt la possibilité d’une<br />
résonance, d’une pénétration des ‘motifs’ entre ce groupe<br />
et cet environnement que j’ai tenté de sonder”, écrit<br />
l’artiste. Les costumes et les postures entrent en effet<br />
dans un étrange jeu d’échos avec le décor architectural,<br />
à l’image de ce rapport quadrillé entre l’un des individus<br />
et l’immeuble se trouvant derrière lui.<br />
L’artiste extrait du théâtre de l’ordinaire une signalétique<br />
dans laquelle, du corps urbain au corps social, des<br />
sujets se manifestent dans ce qui les situe.<br />
Anne-Lise Seusse, “Esplanade du Dauphiné, Lyon”,<br />
jusqu’au 28 février à L’Attrape-Couleurs, 04 72 19 73 86<br />
Florence Meyssonnier<br />
...<strong>491</strong> / N° 143 FÉVRIER 2009 [9]