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John Paul Lepers - Dokhandeme - Alain Platel - Michel Raskine - 491

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Pour s’en réjouir ou pour le déplorer, le spectateur<br />

altermondialisant comme l’irritable tenant de la<br />

pensée unique pourraient trouver <strong>John</strong> <strong>Paul</strong> <strong>Lepers</strong> un<br />

peu… nonchalant ? Trompeuse impression. Cet<br />

homme en chapeau mou, santiags, grand reporter<br />

pour TF1 dans les années 1980 puis journaliste politique<br />

à Canal + (“Le Vrai Journal” de Karl Zéro, “Lundi<br />

Investigation”), ne donne pas dans le genre de mine<br />

compassée de ses collègues. Il est souriant, affable,<br />

aime à s’approcher de celle ou celui qu’il interroge.<br />

Mais s’il refuse l’étiquette d’extrême gauche, trop<br />

rapide en effet, c’est aussi le plus inflexible emmerdeur<br />

du pays. Il vous colle aux basques des puissants<br />

comme un chewing-gum à moitié digéré. Pour preuve,<br />

ce Madâme, enquête sur le clientélisme de<br />

Bernadette Chirac et sa conception personnelle,<br />

voire personnifiée, du pouvoir. Canal +, producteur,<br />

avait alors renoncé à le diffuser, mais, remonté pour<br />

l’Internet après la parution du livre (éd. Privé), il est<br />

aujourd’hui disponible sur le site de LaTéléLibre.fr.<br />

La télévision créée par <strong>John</strong> <strong>Paul</strong> <strong>Lepers</strong> et son équipe<br />

a eu 2 ans le 24 janvier dernier.<br />

©Thomas Haley<br />

<strong>John</strong> <strong>Paul</strong> <strong>Lepers</strong><br />

LaTéléLibre.fr a 2 ans<br />

<strong>John</strong> <strong>Paul</strong> <strong>Lepers</strong>, dans quel esprit avez-vous créé cette télévision ?<br />

Nous sommes une bande de 5 fondateurs, un journaliste, 2 cameramen,<br />

un monteur et une directrice de production. C’est d’ailleurs ce qui<br />

explique que nous éprouvions le besoin de respecter les métiers de<br />

la télévision, de n’en jamais faire l’économie. Par exemple, nous<br />

considérons que le son et les images parlent d’eux-mêmes et ne les<br />

commentons que rarement. Dans l’idéal, un reportage, c’est un<br />

questionnement journalistique, des images et du son. Ensemble,<br />

nous cherchons une écriture libre, personnelle, sensible, avec cette<br />

ambition de laisser parler les gens. Aujourd’hui, nous cherchons<br />

des webmasters, car nous nous interrogeons quant au média<br />

Internet et aux possibilités qu’il offre. D’une manière générale,<br />

nous espérons développer ce formidable outil qu’est le Réseau Pro.<br />

Il est composé actuellement de 350 professionnels, surtout des techniciens,<br />

et de 20 correspondants.<br />

C’est un réseau de bénévoles ?<br />

Il n’y a pas de modèle économique viable, aujourd’hui, sur le Net.<br />

Il y a bien le site de mon ami Daniel Schneidermann, Arrêt sur<br />

Images, qui, à l’évidence, a su bénéficier de son passé d’émission<br />

populaire sur France 5, mais nous ne savons pas si les gens, à la date<br />

anniversaire, vont se réabonner. Pour ce qui est de LaTéléLibre,<br />

Dessin de Xavier Lacombe<br />

l’argent vient essentiellement des dons, et avec à peu près 30 000 euros<br />

de rentrées, nous salarions entre 1 et 3 personnes. Les techniciens du<br />

Réseau Pro travaillent tous à côté ou bénéficient du statut d’intermittent<br />

du spectacle ; ce statut a été fait pour ça, pour qu’ils puissent<br />

s’investir dans des créations originales. Au début de cette aventure,<br />

nous avions un documentaire commandé par Canal + et donc aucun<br />

problème financier. À moyen terme, le problème de la rémunération est<br />

toutefois devenu crucial. Bien sûr que nous ne sommes pas rentables.<br />

Quelles sont les perspectives, alors, d’une telle entreprise ?<br />

Avec nos correspondants, nous effectuons un travail de formation,<br />

par exemple avec Jordan Pouille, qui revenait de Chine avec un joli<br />

reportage de 50 minutes sur les ouvriers mingong – mis au chômage<br />

par les baisses de commandes occidentales – qui retournent chez<br />

eux. Nous nous rendons compte qu’il y a un besoin de ce côté.<br />

Alors, pourquoi pas une école populaire de LaTéléLibre ? Nous allons<br />

nous associer avec l’EMI, une école de journalisme qui a 25 ans,<br />

fondée par des anciens de Libé… Et Luc Besson, qui s’intéresse de<br />

près à nous, devrait héberger cette formation dans le mégastudio<br />

qu’il est en train de construire. Nous répondons d’ores et déjà à des<br />

appels d’offres de la région. Cela devrait aller très vite, nous pensons<br />

former la 1 re promotion de LaTéléLibre dès septembre. Avec cette<br />

envie de transmettre notre idée d’un journalisme d’intervention,<br />

sans haine et sans crainte.<br />

Oui, cette formule est intéressante. Elle semble pointer<br />

quelques absences dans les pratiques de la “confrérie”…<br />

Il se trouve que je ne suis pas passé par une école, et c’est peut-être<br />

ce qui fait que ma pratique est un peu particulière. Je suis un<br />

investigateur du réel, du moment présent. J’aime poser les questions<br />

qui me viennent en écoutant la personne qui me parle, réagir, être là.<br />

J’apporte ainsi la contradiction, parce que c’est mon rôle. Je me<br />

souviens de mes 1 res armes comme journaliste politique, aux 4-Colonnes,<br />

à l’Assemblée nationale. Les porte-parole de chaque groupe y<br />

...<strong>491</strong> / N° 145 FÉVRIER 2009 [3]<br />

[télé(s)]<br />

venaient réciter leurs déclarations. Là, il n’y avait pas de journaliste,<br />

que des cameramen et des preneurs de son. Ils ont été surpris de<br />

m’entendre poser des questions, mais j’ai obtenu d’autres réponses.<br />

J’ai d’ailleurs fait école, par la suite ! Après, il y a bien les journalistes<br />

qui entendent des choses et finissent par en rendre compte en les<br />

habillant avec la formule “de source bien informée”… Je ne trouve<br />

pas cela très courageux, d’une part, et puis surtout cela éloigne le<br />

citoyen. Moi, je montre tout ce que je peux.<br />

D’ailleurs, vous êtes également souvent à l’image, dans vos<br />

reportages…<br />

C’est que j’utilise la proximité physique avec mon interlocuteur<br />

lorsque je veux une réponse, donc je la montre aussi. En télévision,<br />

on veut souvent une image bien propre, et en cela on se rapproche<br />

de la fiction, du cinéma. On omet cette évidence que la présence<br />

d’une équipe de tournage influe sur le réel : “Regarde, c’est la télé !”<br />

De même, il faut considérer que la réponse à une question ne peut<br />

être tout à fait comprise en dehors de son contexte, c’est-à-dire de<br />

la question posée. Souvent, l’interrogé reprend une expression<br />

entendue dans la bouche du journaliste, et on voit même très souvent<br />

le journaliste aider son interlocuteur à trouver ses mots. Donc, au<br />

montage, je ne coupe jamais une question.<br />

Intéressante également, la question à laquelle on ne répond pas.<br />

Le silence persistant de Bernadette Chirac, dans le film que<br />

vous lui avez consacré, finit par prendre sens. Madâme a<br />

d’ailleurs été victime d’une censure étonnante par Canal +.<br />

Quel sens faut-il lui donner ?<br />

Canal + a eu peur de diffuser un film critique sur Bernadette<br />

Chirac. C’est de la révérence et de l’autocensure. La persistance<br />

d’une tradition monarchique française. Il s’agit d’une femme qui<br />

exerce un grand pouvoir, et son aura est telle qu’on a cru que je lui<br />

voulais du mal. Or je n’éprouve pas de haine et je crois avoir réalisé<br />

un portrait d’elle certes fort critique, mais tendre, aussi.<br />

N’y aurait-il pas d’autres films à produire aujourd’hui sur le<br />

pouvoir ?<br />

C’est certain. Le problème est que je ne trouve pas d’argent ; les gens<br />

ont peur, manifestement. Je voudrais faire un film sur Jean<br />

Sarkozy, en particulier, et sur toute la famille, en fait. C’est une<br />

très grande et très belle histoire française que celle de Nicolas,<br />

Guillaume, Jean et puis Carla bien sûr. Il ne reste qu’à l’écrire… et<br />

à la financer !<br />

Une adresse : http://latelelibre.fr<br />

Propos recueillis par Étienne Faye<br />

Tournage de l'émission "Le Point Rouge"

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