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compatissant et accommodant –, que je songeai de nouveau à l’extraordinaire générosité de Keckwick,
venu me chercher dès que le temps et la marée le lui avaient permis. Il aurait pu se contenter de hausser
les épaules en se disant qu’il irait me récupérer à la première heure le lendemain matin. Mais non,
soucieux de ne pas me laisser passer la nuit seul dans cette demeure, il avait dû attendre, peut-être même
sans dételer son poney, que les conditions fussent plus favorables. Je lui en étais profondément
reconnaissant, et je me promis de veiller à ce qu’il fût largement récompensé pour sa peine.
Il était plus de trois heures lorsque je me glissai entre les draps, et il s’en écoulerait encore au moins
cinq avant que le jour ne se levât. L’aubergiste m’avait dit que je pourrais dormir aussi longtemps que je
le souhaitais ; personne ne me dérangerait, et un petit-déjeuner me serait servi à mon réveil. À sa
manière, il paraissait tout aussi préoccupé par mon bien-être que Keckwick, même s’ils faisaient l’un et
l’autre montre d’une grande réserve à mon égard, érigeant ainsi contre d’éventuelles questions un rempart
de silence que j’avais eu assez de bon sens pour ne pas essayer de briser. Qui sait ce qu’ils avaient euxmêmes
vu ou entendu, et ce qu’ils avaient pu apprendre sur les événements du passé ? Sans parler des
rumeurs, du qu’en-dira-t-on et de la superstition… Les quelques expériences que j’avais moi-même
vécues me suffisaient amplement, et pour l’heure je n’avais pas la moindre envie de solliciter des
explications.
Telles étaient les pensées qui m’occupaient l’esprit cette nuit-là lorsque je posai ma tête sur l’oreiller
douillet. Je finis par sombrer dans un sommeil agité, hallucinatoire, traversé de silhouettes troublantes, si
bien qu’une ou deux fois je me réveillai presque, criant ou marmonnant des paroles incohérentes ; j’étais
en sueur, je me tournai et me retournai pour essayer de me libérer des cauchemars, d’échapper au
sentiment diffus de danger et de menace qui m’oppressait – et durant tout ce temps, crevant la surface de
mes rêves, résonnaient encore et encore les hennissements terrifiés du poney ainsi que les pleurs et les
cris de l’enfant, alors que je me tenais immobile dans la brume, totalement impuissant, les pieds rivés au
sol, le corps raidi par la tension, conscient de la présence malveillante derrière moi, même si je ne la
voyais pas, de la dame en noir.