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Yvon MOGNO et Bruno DUTOUR - Gestion et Finances Publiques ...

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<strong>Yvon</strong> <strong>MOGNO</strong> (1) <strong>Bruno</strong> <strong>DUTOUR</strong> (1)<br />

Directeur des relations contractuelles<br />

de VEOLIA Eau<br />

QUELQUES ÉLÉMENTS<br />

DE DÉFINITION<br />

Le « partenariat public-privé », tel que défini par le Livre vert que la Commission<br />

européenne lui a consacré le 30 avril 2004, est un « phénomène »<br />

(§ 8) assez fréquent caractérisé par une « coopération » (§ 1).<br />

Le rôle qu’y joue la partie privée n’est pas secondaire voire accessoire :<br />

la Commission insiste sur « le rôle important de l’opérateur économique,<br />

qui participe à différents stades du proj<strong>et</strong> (conception, réalisation, mise<br />

en œuvre, financement) » (§ 2).<br />

Le partenariat public-privé n’est pas une catégorie juridique (un certain<br />

type d’acte institutionnel ou un certain type de contrat), mais une situation<br />

à laquelle on ne peut donner une qualification juridique familière qu’après<br />

en avoir analysé le détail précis.<br />

Une telle situation de partenariat m<strong>et</strong> toujours en jeu une relation contractuelle<br />

entre la personne publique <strong>et</strong> l’entreprise privée. Le contrat correspondant<br />

mérite selon le cas la qualification de marché public, ou celle<br />

de DSP (« concession » au sens européen du terme) ; nous y reviendrons<br />

plus loin.<br />

En sus de c<strong>et</strong>te dimension contractuelle toujours présente, par laquelle la<br />

personne publique confie une mission à un partenaire privé, il peut exister<br />

une dimension institutionnelle : la personne publique <strong>et</strong> l’entreprise privée<br />

peuvent avoir créé ensemble une entité nouvelle, qui sera celle qui<br />

recevra in fine la mission contractuelle.<br />

Par exemple : une personne publique attribuant une mission à une entreprise<br />

privée délégataire de service public s’engage dans une situation de<br />

PPP purement contractuel. Si elle attribue c<strong>et</strong>te même mission à une SEM<br />

qu’elle a créée avec l’entreprise, elle entre dans une situation de PPP non<br />

seulement contractuelle mais aussi institutionnelle.<br />

On r<strong>et</strong>rouve évidemment les idées ci-dessus, mais enrichies de la notion<br />

de partage de risques, dans la résolution 2006/2043 (octobre 2006) du<br />

Parlement européen sur les partenariats public-privé <strong>et</strong> le droit communautaire<br />

des marchés publics <strong>et</strong> des concessions : « C) considérant que<br />

les PPP peuvent être décrits comme une coopération à long terme, régie<br />

par contrat, entre autorités publiques <strong>et</strong> secteur privé visant à l’exécution<br />

de missions publiques, laquelle voit les ressources requises placées sous<br />

une gestion commune <strong>et</strong> les risques du proj<strong>et</strong> adéquatement répartis en<br />

fonction des compétences de gestion des risques dont disposent les partenaires<br />

du proj<strong>et</strong> ».<br />

proj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> réalisations<br />

Partenariats public-privé<br />

<strong>et</strong> « contrats de partenariat »<br />

Juriste d’entreprise (VEOLIA Eau)<br />

EN FRANCE, DES CONTRATS<br />

QUI SONT DES PARTENARIATS<br />

SANS EN AVOIR LA DÉNOMINATION,<br />

ET DES CONTRATS QUI EN ONT<br />

LA DÉNOMINATION SANS EN ÊTRE<br />

Il est frappant de constater que la France peut sembler avoir attendu<br />

l’ordonnance du 17 juin 2004 pour disposer enfin de « contrats de partenariat<br />

»... alors qu’elle a inventé <strong>et</strong> promu, depuis cent cinquante ans, les<br />

modèles de PPP que sont les concessions <strong>et</strong> autres délégations de service<br />

public, <strong>et</strong> alors que ces contrats se comptent par dizaines de milliers sur<br />

son territoire.<br />

Le droit communautaire s’est d’ailleurs intéressé très tôt à ces contrats :<br />

dès 1971, il assortissait la première directive réglementant les marchés de<br />

travaux d’une déclaration des représentants des gouvernements des Etats<br />

membres sur les procédures à suivre en matière de concessions de travaux<br />

(2). Ultérieurement, le droit européen a toujours confirmé l’existence,<br />

de droit commun <strong>et</strong> donc nullement dérogatoire, du type particulier de<br />

contrats que sont les concessions de service : « une interprétation littérale<br />

de la définition du marché public de service pourrait conduire à inclure<br />

le contrat de concession dans le champ de la directive services... (mais)<br />

la Commission n’a pas suivi une telle interprétation » (3). La Cour de justice<br />

des Communautés européennes a toujours tenu aussi la même position<br />

que la Commission (4).<br />

Lorsqu’il s’agit de faire état, auprès des institutions internationales, de<br />

l’expérience que pourrait avoir notre pays en matière de partenariat<br />

public-privé, il convient de ne pas oublier l’essentiel du présent, c’està-dire<br />

la grande importance qu’ont les délégations de service public sur<br />

notre territoire.<br />

Il est amusant de constater que les nouveaux « contrats de partenariat<br />

», quand ils sont passés pour raisons d’urgence, ne sont pas véritablement<br />

des partenariats, <strong>et</strong> que leur procédure d’attribution ne les traite<br />

(1) Ces deux personnes s’expriment à titre personnel <strong>et</strong> n’engagent pas la responsabilité<br />

de leur entreprise.<br />

(2) JOCE nº C 82 du 16 août 1971, p. 13.<br />

(3) V. note 15 de la Communication interprétative de la Commission sur les concessions<br />

en droit communautaire, JOCE du 29 avril 2000.<br />

(4) CJCE, 7 décembre 2000, C-324/98, Telaustria qui juge, à propos d’un contrat<br />

de concession de service que « bien qu’il soit visé par la directive nº 93/38, un tel<br />

contrat est exclu, au stade actuel du droit communautaire, du champ d’application<br />

de c<strong>et</strong>te dernière, en raison du fait notamment que la contre-prestation fournie<br />

par la première entreprise à la seconde consiste en ce que c<strong>et</strong>te dernière obtient<br />

le droit d’exploiter, en vue de sa rétribution, sa propre prestation. » Position<br />

confirmée par la CJCE, ordonnance du 30 mai 2002, C-358/00 Buchlander-Vereinigung,<br />

arrêt du 21 juill<strong>et</strong> 2005, Coname, C-231/03, arrêt du 20 octobre 2005, Commission<br />

c/ France, C-264/03.<br />

315


proj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> réalisations<br />

d’ailleurs pas comme tels. En eff<strong>et</strong>, est alors interdite toute « négociation<br />

avec les candidats », <strong>et</strong> la personne publique ne peut demander aux<br />

entreprises que « de préciser ou compléter la teneur de leur offre » : est<br />

en fait mise en œuvre une procédure d’appel d’offres restreint, identique<br />

à celle que le Code des marchés publics prévoit pour les marchés sans<br />

aucune prétention « partenariale ».<br />

Il est réconfortant de constater que les nouveaux « contrats de partenariat<br />

», lorsqu’ils sont conclus au titre de la complexité, sont bien des<br />

partenariats tant par leur contenu que par leur procédure d’attribution.<br />

Comme on le verra plus loin, la procédure de « dialogue compétitif »<br />

convient assez bien à des contrats qui ne confient tout de même pas la<br />

gestion complète d’un service public essentiel.<br />

EXÉCUTION,<br />

MAIS AUSSI PRÉPARATION,<br />

D’UN PARTENARIAT<br />

Toutes les situations de partenariat comportent, pour être efficaces, une<br />

répartition adéquate des risques <strong>et</strong> responsabilités : chacune des parties<br />

se voit attribuer les risques <strong>et</strong> responsabilités qu’elle semble mieux à même<br />

d’assumer que son partenaire.<br />

Contrairement aux relations de type fournisseur-client, les situations de partenariat<br />

comportent nécessairement, malgré les inévitables différences<br />

d’intérêts entre les deux parties, une importante dimension de solidarité. Si<br />

l’on considère par exemple l’affermage d’un service d’eau, on voit que le<br />

délégant <strong>et</strong> le délégataire ont tous deux intérêt à limiter les pertes d’eau,<br />

le délégataire pour ne pas supporter inutilement toutes les charges de<br />

production, le délégant pour ne pas investir inutilement dans des ouvrages<br />

destinés à alimenter les fuites ! Tous deux ont intérêt à la satisfaction des<br />

usagers, qui sont les clients faisant la réputation du délégataire <strong>et</strong> les électeurs<br />

du délégant. Tous deux ont intérêt à ce que les usagers paient normalement<br />

leurs factures, puisqu’ils reçoivent chacun une partie du prix, <strong>et</strong>c.<br />

Les situations de partenariat n’ont évidemment de sens que dans une<br />

certaine durée : le respect des engagements ne peut se juger en instantané,<br />

les progrès promis nécessitent un temps de mise en œuvre, les aléas<br />

momentanés ne peuvent s’équilibrer que dans la durée, <strong>et</strong>c. La notion<br />

d’amortissement des investissements, qui vient la première à l’esprit quand<br />

il s’agit de justifier une durée, n’est pas forcément la plus pertinente.<br />

Toutes les situations de partenariat nécessitent aussi des possibilités de<br />

dialogue permanent, portant en particulier sur l’évolution des conditions<br />

d’exécution de la mission commune, <strong>et</strong> l’éventuelle adaptation du contrat<br />

à c<strong>et</strong>te évolution. Le propos est de défendre l’exécution du service <strong>et</strong> la<br />

survie du partenariat, <strong>et</strong> non de m<strong>et</strong>tre en difficulté le partenaire dès qu’un<br />

imprévu survient.<br />

Il est absolument fondamental que ce type de rapports ne soit pas limité<br />

à la phase d’exécution de la mission, mais commence d’exister préalablement,<br />

lors de la mise au point de ladite mission <strong>et</strong> du contrat. Si le<br />

partenariat devait consister à exécuter pendant quinze ans ce que l’une<br />

des parties a préalablement décidé toute seule, ce serait s’être privé<br />

a priori d’un précieux travail en commun de réflexion <strong>et</strong> d’adhésion.<br />

On comprend donc que les contrats traduisant une situation de partenariat<br />

public-privé, quelle que soit la qualification juridique que mérite<br />

chacun d’eux, doivent non seulement présenter un contenu conforme à<br />

l’idée de partenariat, mais également être attribués selon des procédures<br />

adéquates.<br />

LES PROCÉDURES D’ATTRIBUTION<br />

ADÉQUATES<br />

Quant à ces procédures, deux idées de base :<br />

La première idée de base est que la personne publique ne choisit pas<br />

seulement une offre, elle choisit en même temps une personne qui sera<br />

sa partenaire pour longtemps <strong>et</strong> sur des suj<strong>et</strong>s importants.<br />

316<br />

C’était bien le sens de l’expression intuitu personae, qui paraît aujourd’hui<br />

désuète, voire agaçante quand, mal utilisée, elle peut sembler une<br />

esquive de la concurrence.<br />

Une formulation plus adéquate serait aujourd’hui la suivante : ayant, dans<br />

un premier stade de la procédure de mise en concurrence, sélectionné<br />

les candidats admis à présenter une offre (en se référant pour c<strong>et</strong>te sélection<br />

à des critères de garantie en professionnalisme, en solidité financière,<br />

en expérience de missions comparables), la personne publique devrait<br />

pouvoir, au moment de son choix final, utiliser à la fois les critères classiques<br />

de comparaison des offres (offres économiquement les plus avantageuses)<br />

<strong>et</strong>, à nouveau, les critères de garantie liés à l’entreprise elle-même.<br />

Mais en employant ces critères, non plus en tout ou rien pour un tri grossier,<br />

mais finement pour comparer deux situations équivalentes par ailleurs.<br />

Pour sortir un peu des exemples traditionnels, imaginons qu’une mission<br />

requière de sauter régulièrement à plus d’1,80 mètre de haut. Au stade<br />

de l’admission, il faut bien éliminer les candidats qui n’ont jamais été capables<br />

de sauter 1,80 mètre. Il serait par contre inutile, donc anormal, d’exiger<br />

qu’ils sautent 2 mètres.<br />

Puis, ayant reçu les offres, on les compare entre elles selon des critères qui<br />

n’ont plus rien à voir avec la personnalité de leurs auteurs. Mais, au<br />

moment de choisir in fine entre deux offres équivalentes, n’est-il pas<br />

logique <strong>et</strong> sain de se réintéresser aux critères de l’admission pour préférer<br />

la situation offerte par celui qui saute régulièrement 1,90 mètre <strong>et</strong> saura<br />

sans doute faire face aux aléas, à la situation offerte par celui qui n’a<br />

jamais réussi à dépasser le minimum requis de 1,80 mètre ?<br />

Quand il s’agit de m<strong>et</strong>tre en place un important partenariat de quinze ou<br />

trente ans, n’est-ce pas, non seulement légitime, mais pertinent ?<br />

La deuxième idée de base est que, pour préparer une solution sur<br />

mesures, imaginative, optimisant les partages de risques <strong>et</strong> responsabilités,<br />

m<strong>et</strong>tant au point le fonctionnement futur du partenariat entre personnes<br />

qui ont chacune ses particularités, ses points forts <strong>et</strong> ses points faibles, il<br />

faut forcément que les futurs partenaires se parlent, <strong>et</strong> de manière approfondie,<br />

avant de signer !<br />

Ce sont alors les négociations sur le proj<strong>et</strong> de contrat qui vont perm<strong>et</strong>tre<br />

à la collectivité de se faire une idée de la capacité à former un « partenariat<br />

» avec l’entreprise, partenariat donnant confiance dans la capacité<br />

des deux parties à faire face, tout au long de la durée d’exécution du<br />

contrat, aux besoins <strong>et</strong> évolutions du service public <strong>et</strong> à les traiter conformément<br />

aux intérêts du service public <strong>et</strong> de ses usagers.<br />

Mais il s’agit évidemment de vraiment discuter : si la négociation se réduisait<br />

à un marchandage sur le prix, alors qu’il y aurait tant à dire sur la<br />

qualité du service, sur la maîtrise des risques, sur le développement<br />

durable, il est certain que la collectivité ne l’aurait pas menée avec l’idée<br />

de développer la meilleure solution partenariale possible.<br />

LES IDÉES ÉVOQUÉES CI-DESSUS<br />

TROUVENT-ELLES<br />

LEUR TRADUCTION CORRECTE<br />

DANS LES PROCÉDURES D’ATTRIBUTION<br />

ACTUELLEMENT UTILISÉES<br />

EN FRANCE ?<br />

La réponse est affirmative dans le cas des DSP : la procédure instituée<br />

par la loi « Sapin » du 29 janvier 1993 perm<strong>et</strong> en eff<strong>et</strong>, dans un cadre très<br />

rigoureux, une phase de vraie négociation perm<strong>et</strong>tant à la personne<br />

publique de choisir <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tre au point la solution qui lui semble globalement<br />

la meilleure.<br />

Le juge contrôle que c<strong>et</strong>te phase de négociation conserve les qualités<br />

de transparence <strong>et</strong> non-discrimination que doit présenter l’ensemble de<br />

la procédure. Il vérifie, d’autre part, que la négociation n’a pas fait subir<br />

au dossier des modifications excessives qui fausseraient rétroactivement<br />

les appels à candidatures <strong>et</strong> à offres que constituaient les étapes


antérieures de la procédure. Il contrôle enfin que le choix de la collectivité<br />

n’a pas été guidé par des considérations extérieures au service à déléguer<br />

ni par des erreurs manifestes d’appréciation.<br />

En ce qui concerne certains marchés complexes (directives européennes)<br />

pouvant présenter des caractères partenariaux, <strong>et</strong> en particulier<br />

les « contrats de partenariat » français, la réponse est plus nuancée.<br />

La procédure de « dialogue compétitif » alors appliquée est en eff<strong>et</strong> assez<br />

satisfaisante, mais elle conduit cependant indûment au choix d’une offre,<br />

<strong>et</strong> non pas au choix d’une situation partenariale impliquant à la fois la<br />

qualité de l’offre <strong>et</strong> la qualité de l’entreprise.<br />

Pour reprendre l’exemple anecdotique utilisé ci-dessus : après avoir éliminé<br />

au stade de l’admission les sauteurs n’ayant jamais atteint 1,80 mètre, on<br />

ne regarde plus que leurs offres sans plus s’intéresser à leurs caractéristiques<br />

personnelles, <strong>et</strong> l’on doit considérer comme totalement égaux tous les<br />

candidats admis : celui qui ne dépasse jamais 1,80 mètre comme celui<br />

qui saute couramment 1,90 mètre. Pourtant, pour affronter le long avenir<br />

commun qui s’annonce, on serait plus rassuré, toutes choses égales par<br />

ailleurs, d’avoir pour partenaire plutôt le second que le premier !<br />

Dans la pratique courante des personnes publiques, ce n’est évidemment<br />

pas l’aptitude au saut en hauteur qui va intéresser, mais le sérieux des<br />

références, l’expérience de l’activité attribuée, l’expérience, aussi, des<br />

relations partenariales, les capacités financières, les garanties de tous<br />

ordres offertes. Et, comme les missions attribuées concernent essentiellement<br />

des services d’intérêt général, il est logique de juger l’aptitude du<br />

partenaire à respecter les critères énumérés par le Livre blanc sur les services<br />

d’intérêt général (12 mai 2004) : niveau élevé de qualité <strong>et</strong> de sécurité,<br />

cohésion <strong>et</strong> accès universel, suivi <strong>et</strong> évaluation des performances,<br />

protection des droits des consommateurs <strong>et</strong> usagers, respect de la diversité<br />

des services <strong>et</strong> des situations, transparence... Il est, répétons-le, étrange<br />

que ces critères, qui tiennent plus à l’entreprise elle-même qu’à l’offre<br />

qu’elle fait, ne puissent être pris en compte dans la conclusion finale du<br />

dialogue compétitif.<br />

C<strong>et</strong>te procédure pose par ailleurs quelques questions, quant à la protection<br />

des idées <strong>et</strong> de la propriété intellectuelle, quant au coût pour la<br />

personne publique <strong>et</strong> pour tous les candidats (coût lié à la qualité des<br />

données fournies, <strong>et</strong> à la durée illimitée de la procédure), quant au<br />

nombre minimal de participants requis... Ces imperfections de la procédure<br />

ne sont cependant pas d’une extrême gravité, dès lors que les<br />

contrats de partenariat visés ne confient tout de même pas à l’entreprise<br />

la gestion complète d’un service public essentiel, voire vital. C’est si l’on<br />

envisageait de généraliser telle quelle la procédure de dialogue compétitif<br />

<strong>et</strong> de l’appliquer aussi aux DSP que ces défauts deviendraient inacceptables.<br />

MP, CP, DSP, QUELLES FRONTIÈRES ?<br />

QUELLES DIFFÉRENCES ?<br />

Le suj<strong>et</strong> semble avoir de quoi passionner des générations de juristes. Peutêtre,<br />

pourtant, le paysage pourrait-il être décrit assez simplement <strong>et</strong> efficacement<br />

:<br />

Il n’existe que deux modes de gestion d’un service public : la gestion<br />

internalisée (notion française de « régie », notion européenne de in house),<br />

<strong>et</strong> la gestion externalisée (notion française de « DSP », notion européenne<br />

de « concession au sens large »).<br />

La personne publique peut sans contrainte choisir, au nom de sa liberté<br />

d’organisation, entre ces deux modes de gestion. Elle n’a pas à justifier ce<br />

choix politique (qui doit seulement être éclairé pour éviter des erreurs<br />

manifestes d’appréciation) ni en particulier à le subordonner à une évaluation<br />

préalable selon des critères prétendument objectifs.<br />

Dans le cas où la personne publique externalise la gestion d’un service<br />

public auprès d’un tiers, il lui est simplement demandé de soum<strong>et</strong>tre c<strong>et</strong>te<br />

attribution à une procédure ouverte, transparente <strong>et</strong> non discriminatoire.<br />

C’est bien ce qui s’opère, en France, par l’application de la loi Sapin <strong>et</strong>,<br />

ailleurs en Europe, par l’application pour le moins des règles du traité.<br />

Dans le cas où la personne publique, au contraire, reste l’opérateur de<br />

ses missions, elle ne peut recourir à une entreprise extérieure que dans le<br />

cadre d’un marché public, <strong>et</strong> en respectant les règles correspondantes.<br />

C’est bien ce qui s’opère, en France, par l’application du code des marchés<br />

publics <strong>et</strong>, ailleurs en Europe, par l’application des textes nationaux<br />

transposant les directives européennes sur les marchés publics.<br />

Mais, à ce stade des raisonnements, il existait un problème français : d’une<br />

part, les marchés complexes, ayant des caractéristiques partenariales, ne<br />

bénéficiaient pas de procédures d’attribution adéquates (cf. point 3<br />

ci-dessus « Exécution, mais aussi préparation, d’un partenariat ») ; <strong>et</strong>,<br />

d’autre part, l’interdiction des paiements différés (qu’il conviendrait de<br />

dénommer plutôt « interdiction de déconnecter les flux de produits des<br />

flux de charges »), ainsi que l’interdiction de confier à une même personne<br />

« la conception, la réalisation, la transformation, l’exploitation <strong>et</strong> le financement<br />

d’équipements publics, ou la gestion <strong>et</strong> le financement de services<br />

», privaient les collectivités françaises de solutions contractuelles existant<br />

ailleurs (PFI <strong>et</strong>c.).<br />

L’ordonnance du 17 juin 2004 a résolu ce problème composite, <strong>et</strong> donc<br />

autorisé les dérogations nécessaires à l’application du Code des marchés<br />

publics.<br />

Mais il s’agit bien de dérogations (le Conseil constitutionnel <strong>et</strong> le Conseil<br />

d’Etat l’ont clairement rappelé, <strong>et</strong> d’ailleurs le caractère dérogatoire était<br />

déjà présent dans la directive nº 2004/18 à propos du dialogue compétitif),<br />

<strong>et</strong> elles font naître des exigences que ne connaissent ni le mode de gestion<br />

DSP, ni les contrats qui sont des marchés publics classiques : c’est ce<br />

caractère dérogatoire qui justifie l’obligation de remplir une double condition<br />

préalablement à l’usage du CP :<br />

– complexité ou urgence <strong>et</strong><br />

– réalisation d’une évaluation économique préalable : la dérogation n’est<br />

autorisée que si l’on sait d’avance qu’elle sera profitable à la personne<br />

publique.<br />

Les rappels ci-dessus perm<strong>et</strong>tent de comprendre pourquoi, malgré les<br />

ressemblances de contenu que peuvent présenter entre eux certaines<br />

conventions de DSP, certains marchés publics <strong>et</strong> certains contrats de partenariats,<br />

les traitements différents qui leur sont appliqués se justifient pleinement<br />

car il ne s’agit pas de trois solutions directement concurrentes :<br />

La DSP est un mode de gestion de service public (la gestion externalisée),<br />

le marché public est un contrat passé pour l’exécution de l’autre mode<br />

de gestion (gestion internalisée), <strong>et</strong> le contrat de partenariat est un marché<br />

public dérogeant à certaines règles du Code.<br />

En droit européen, les positions sont les mêmes, avec seulement quelques<br />

différences de délimitation qui vont en s’amenuisant.<br />

Services dont la personne publique est l'autorité organisatrice<br />

Mode de gestion « externalisé » :<br />

la DSP (« concession »)<br />

en vertu d'un contrat de DSP,<br />

après mise en concurrence<br />

Les contrats attribués<br />

par le gestionnaire externe<br />

ont divers statuts<br />

proj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> réalisations<br />

Mode de gestion « internalisé » :<br />

la régie (in house)<br />

en vertu d'une libre délibération<br />

Les contrats attribués<br />

par le gestionnaire interne<br />

sont des marchés publics<br />

Marchés<br />

publics<br />

classiques<br />

Marchés<br />

publics<br />

dérogatoires :<br />

contrats<br />

de partenariat<br />

On remarque au passage que l’application du dialogue compétitif, que<br />

la directive européenne nº 2004-18 prévoit pour toutes formes de marchés<br />

publics complexes, trouve sa complète transposition dans le droit français<br />

par la conjonction du code des marchés publics (pour les marchés classiques,<br />

soumis à l’interdiction de paiement différé), <strong>et</strong> de l’ordonnance du<br />

17 juin 2004 (pour les marchés dérogatoires non soumis à l’interdiction de<br />

paiement différé que sont les « contrats de partenariat »).<br />

317


proj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> réalisations<br />

L’ACTUELLE SITUATION JURIDIQUE<br />

SERAIT-ELLE DONC<br />

SATISFAISANTE ?<br />

Sans doute pas encore tout à fait.<br />

D’une part, la sécurité juridique gagnerait au rapprochement<br />

compl<strong>et</strong> <strong>et</strong> définitif des définitions européennes <strong>et</strong> des définitions<br />

nationales.<br />

D’autre part, la définition des « concessions au sens européen », qui<br />

doivent faire figure comme en France d’archétypes de partenariat, mérite<br />

d’être affinée <strong>et</strong> confortée dans une acception assez large. Pourraient y<br />

être rattachés certains des contrats de partenariat français, voire même<br />

des « gérances » qui, dans certains secteurs, ressemblent bien plus à des<br />

affermages qu’à des marchés.<br />

318<br />

En outre, les limitations à l’usage des « contrats de partenariat » français,<br />

tant via les cas de recours (complexité, urgence) que via l’obligation<br />

d’évaluation préalable probante, pourraient être réexaminées.<br />

Ce réexamen serait évidemment facilité par les deux progrès évoqués<br />

ci-dessus, qui pourraient perm<strong>et</strong>tre de requalifier certains contrats <strong>et</strong> de<br />

mieux compléter la gamme des outils pratiques dont disposent les personnes<br />

publiques.<br />

Pour procéder à ces divers ajustements, l’expérience acquise en<br />

matière de DSP <strong>et</strong> en matière de marchés publics peut évidemment sembler<br />

déjà énorme ; mais les mises au point législatives <strong>et</strong> réglementaires,<br />

tant européennes que nationales, sont en fait assez récentes <strong>et</strong> l’on voit<br />

bien que certains débats ne sont pas encore tranchés. Quant aux contrats<br />

de partenariat, ils sont évidemment rares <strong>et</strong> récents, ce qui interdit dans<br />

l’immédiat toute conclusion péremptoire. Il convient d’accumuler aussi<br />

sur eux des expériences variées <strong>et</strong> répétées.<br />

On peut donc imaginer un travail de moyen terme, débouchant dans<br />

quelque cinq ans sur les progrès ici souhaités.

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