Yvon MOGNO et Bruno DUTOUR - Gestion et Finances Publiques ...
Yvon MOGNO et Bruno DUTOUR - Gestion et Finances Publiques ...
Yvon MOGNO et Bruno DUTOUR - Gestion et Finances Publiques ...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
proj<strong>et</strong>s <strong>et</strong> réalisations<br />
d’ailleurs pas comme tels. En eff<strong>et</strong>, est alors interdite toute « négociation<br />
avec les candidats », <strong>et</strong> la personne publique ne peut demander aux<br />
entreprises que « de préciser ou compléter la teneur de leur offre » : est<br />
en fait mise en œuvre une procédure d’appel d’offres restreint, identique<br />
à celle que le Code des marchés publics prévoit pour les marchés sans<br />
aucune prétention « partenariale ».<br />
Il est réconfortant de constater que les nouveaux « contrats de partenariat<br />
», lorsqu’ils sont conclus au titre de la complexité, sont bien des<br />
partenariats tant par leur contenu que par leur procédure d’attribution.<br />
Comme on le verra plus loin, la procédure de « dialogue compétitif »<br />
convient assez bien à des contrats qui ne confient tout de même pas la<br />
gestion complète d’un service public essentiel.<br />
EXÉCUTION,<br />
MAIS AUSSI PRÉPARATION,<br />
D’UN PARTENARIAT<br />
Toutes les situations de partenariat comportent, pour être efficaces, une<br />
répartition adéquate des risques <strong>et</strong> responsabilités : chacune des parties<br />
se voit attribuer les risques <strong>et</strong> responsabilités qu’elle semble mieux à même<br />
d’assumer que son partenaire.<br />
Contrairement aux relations de type fournisseur-client, les situations de partenariat<br />
comportent nécessairement, malgré les inévitables différences<br />
d’intérêts entre les deux parties, une importante dimension de solidarité. Si<br />
l’on considère par exemple l’affermage d’un service d’eau, on voit que le<br />
délégant <strong>et</strong> le délégataire ont tous deux intérêt à limiter les pertes d’eau,<br />
le délégataire pour ne pas supporter inutilement toutes les charges de<br />
production, le délégant pour ne pas investir inutilement dans des ouvrages<br />
destinés à alimenter les fuites ! Tous deux ont intérêt à la satisfaction des<br />
usagers, qui sont les clients faisant la réputation du délégataire <strong>et</strong> les électeurs<br />
du délégant. Tous deux ont intérêt à ce que les usagers paient normalement<br />
leurs factures, puisqu’ils reçoivent chacun une partie du prix, <strong>et</strong>c.<br />
Les situations de partenariat n’ont évidemment de sens que dans une<br />
certaine durée : le respect des engagements ne peut se juger en instantané,<br />
les progrès promis nécessitent un temps de mise en œuvre, les aléas<br />
momentanés ne peuvent s’équilibrer que dans la durée, <strong>et</strong>c. La notion<br />
d’amortissement des investissements, qui vient la première à l’esprit quand<br />
il s’agit de justifier une durée, n’est pas forcément la plus pertinente.<br />
Toutes les situations de partenariat nécessitent aussi des possibilités de<br />
dialogue permanent, portant en particulier sur l’évolution des conditions<br />
d’exécution de la mission commune, <strong>et</strong> l’éventuelle adaptation du contrat<br />
à c<strong>et</strong>te évolution. Le propos est de défendre l’exécution du service <strong>et</strong> la<br />
survie du partenariat, <strong>et</strong> non de m<strong>et</strong>tre en difficulté le partenaire dès qu’un<br />
imprévu survient.<br />
Il est absolument fondamental que ce type de rapports ne soit pas limité<br />
à la phase d’exécution de la mission, mais commence d’exister préalablement,<br />
lors de la mise au point de ladite mission <strong>et</strong> du contrat. Si le<br />
partenariat devait consister à exécuter pendant quinze ans ce que l’une<br />
des parties a préalablement décidé toute seule, ce serait s’être privé<br />
a priori d’un précieux travail en commun de réflexion <strong>et</strong> d’adhésion.<br />
On comprend donc que les contrats traduisant une situation de partenariat<br />
public-privé, quelle que soit la qualification juridique que mérite<br />
chacun d’eux, doivent non seulement présenter un contenu conforme à<br />
l’idée de partenariat, mais également être attribués selon des procédures<br />
adéquates.<br />
LES PROCÉDURES D’ATTRIBUTION<br />
ADÉQUATES<br />
Quant à ces procédures, deux idées de base :<br />
La première idée de base est que la personne publique ne choisit pas<br />
seulement une offre, elle choisit en même temps une personne qui sera<br />
sa partenaire pour longtemps <strong>et</strong> sur des suj<strong>et</strong>s importants.<br />
316<br />
C’était bien le sens de l’expression intuitu personae, qui paraît aujourd’hui<br />
désuète, voire agaçante quand, mal utilisée, elle peut sembler une<br />
esquive de la concurrence.<br />
Une formulation plus adéquate serait aujourd’hui la suivante : ayant, dans<br />
un premier stade de la procédure de mise en concurrence, sélectionné<br />
les candidats admis à présenter une offre (en se référant pour c<strong>et</strong>te sélection<br />
à des critères de garantie en professionnalisme, en solidité financière,<br />
en expérience de missions comparables), la personne publique devrait<br />
pouvoir, au moment de son choix final, utiliser à la fois les critères classiques<br />
de comparaison des offres (offres économiquement les plus avantageuses)<br />
<strong>et</strong>, à nouveau, les critères de garantie liés à l’entreprise elle-même.<br />
Mais en employant ces critères, non plus en tout ou rien pour un tri grossier,<br />
mais finement pour comparer deux situations équivalentes par ailleurs.<br />
Pour sortir un peu des exemples traditionnels, imaginons qu’une mission<br />
requière de sauter régulièrement à plus d’1,80 mètre de haut. Au stade<br />
de l’admission, il faut bien éliminer les candidats qui n’ont jamais été capables<br />
de sauter 1,80 mètre. Il serait par contre inutile, donc anormal, d’exiger<br />
qu’ils sautent 2 mètres.<br />
Puis, ayant reçu les offres, on les compare entre elles selon des critères qui<br />
n’ont plus rien à voir avec la personnalité de leurs auteurs. Mais, au<br />
moment de choisir in fine entre deux offres équivalentes, n’est-il pas<br />
logique <strong>et</strong> sain de se réintéresser aux critères de l’admission pour préférer<br />
la situation offerte par celui qui saute régulièrement 1,90 mètre <strong>et</strong> saura<br />
sans doute faire face aux aléas, à la situation offerte par celui qui n’a<br />
jamais réussi à dépasser le minimum requis de 1,80 mètre ?<br />
Quand il s’agit de m<strong>et</strong>tre en place un important partenariat de quinze ou<br />
trente ans, n’est-ce pas, non seulement légitime, mais pertinent ?<br />
La deuxième idée de base est que, pour préparer une solution sur<br />
mesures, imaginative, optimisant les partages de risques <strong>et</strong> responsabilités,<br />
m<strong>et</strong>tant au point le fonctionnement futur du partenariat entre personnes<br />
qui ont chacune ses particularités, ses points forts <strong>et</strong> ses points faibles, il<br />
faut forcément que les futurs partenaires se parlent, <strong>et</strong> de manière approfondie,<br />
avant de signer !<br />
Ce sont alors les négociations sur le proj<strong>et</strong> de contrat qui vont perm<strong>et</strong>tre<br />
à la collectivité de se faire une idée de la capacité à former un « partenariat<br />
» avec l’entreprise, partenariat donnant confiance dans la capacité<br />
des deux parties à faire face, tout au long de la durée d’exécution du<br />
contrat, aux besoins <strong>et</strong> évolutions du service public <strong>et</strong> à les traiter conformément<br />
aux intérêts du service public <strong>et</strong> de ses usagers.<br />
Mais il s’agit évidemment de vraiment discuter : si la négociation se réduisait<br />
à un marchandage sur le prix, alors qu’il y aurait tant à dire sur la<br />
qualité du service, sur la maîtrise des risques, sur le développement<br />
durable, il est certain que la collectivité ne l’aurait pas menée avec l’idée<br />
de développer la meilleure solution partenariale possible.<br />
LES IDÉES ÉVOQUÉES CI-DESSUS<br />
TROUVENT-ELLES<br />
LEUR TRADUCTION CORRECTE<br />
DANS LES PROCÉDURES D’ATTRIBUTION<br />
ACTUELLEMENT UTILISÉES<br />
EN FRANCE ?<br />
La réponse est affirmative dans le cas des DSP : la procédure instituée<br />
par la loi « Sapin » du 29 janvier 1993 perm<strong>et</strong> en eff<strong>et</strong>, dans un cadre très<br />
rigoureux, une phase de vraie négociation perm<strong>et</strong>tant à la personne<br />
publique de choisir <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tre au point la solution qui lui semble globalement<br />
la meilleure.<br />
Le juge contrôle que c<strong>et</strong>te phase de négociation conserve les qualités<br />
de transparence <strong>et</strong> non-discrimination que doit présenter l’ensemble de<br />
la procédure. Il vérifie, d’autre part, que la négociation n’a pas fait subir<br />
au dossier des modifications excessives qui fausseraient rétroactivement<br />
les appels à candidatures <strong>et</strong> à offres que constituaient les étapes