La Nostalgie de la folie
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LA MORT<br />
tance au mourant», prit toujours un aspect <strong>de</strong> lutte. Il fal<strong>la</strong>it<br />
se battre, utiliser rapi<strong>de</strong>ment toutes les armes dont nous<br />
disposions, massage du cœur, mise en p<strong>la</strong>ce d'un tube dans le<br />
<strong>la</strong>rynx, respiration au ballon, choc électrique sur le thorax,<br />
piqûre dans le cœur. Au cours <strong>de</strong> ce combat intensif, nous<br />
n'avions guère <strong>de</strong> temps pour <strong>la</strong> personne à l'agonie.<br />
L'exemple du petit vieux <strong>de</strong> l'hôpital d'O. était aussi<br />
inoubliable. Il avait, avec lui, dans <strong>la</strong> petite chambre à <strong>de</strong>ux<br />
lits, un autre vieil<strong>la</strong>rd ma<strong>la</strong><strong>de</strong> qui était en train <strong>de</strong> mourir<br />
d'une broncho-pneumonie. L'infirmière m'avait averti. Le<br />
patient était au plus mal, il n'y avait plus rien à faire, mais le<br />
mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong>vait être là, autorité, blouse b<strong>la</strong>nche et stéthos-<br />
cope. Je n'étais pourtant qu'un petit jeunet en mé<strong>de</strong>cine,<br />
effectuant son premier stage clinique. Avec angoisse, je pris<br />
le pouls du mourant. Il était faible et irrégulier. Et j'auscultai<br />
ses <strong>de</strong>rniers souffles. Juste à côté, assis à <strong>la</strong> seule table <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
pièce, son voisin nous regardait avec intérêt. Il soupait,<br />
comme le font les paysans vaudois, pain, fromage, café au<br />
<strong>la</strong>it. Je me souviens qu'il trempait son pain dans <strong>la</strong> tasse et<br />
l'engloutissait dans un grand c<strong>la</strong>quement <strong>de</strong> <strong>la</strong>ngue et <strong>de</strong><br />
lèvres. Il avait faim et appréciait son repas. Mon ma<strong>la</strong><strong>de</strong> lui,<br />
tout gris, râ<strong>la</strong>it et aspirait ses <strong>de</strong>rniers bols d'air, <strong>de</strong> cette<br />
respiration profon<strong>de</strong>, irrégulière et beaucoup trop lente, qui<br />
annonce <strong>la</strong> mort. Alors le petit vieux, voyant ce trio insolite,<br />
<strong>la</strong> mort, le ma<strong>la</strong><strong>de</strong> tout gris et le jeune mé<strong>de</strong>cin effaré et<br />
impuissant, prit son bol et son pain et me dit avec un grand<br />
sourire et l'inimitable accent du terroir : «Monsieur le<br />
docteur, si vous voulez, je veux bien sortir un moment. »<br />
C'était simple et naturel, comme <strong>la</strong> mort d'un vieil<strong>la</strong>rd dans<br />
un petit hôpital. .<br />
Les morts que j'al<strong>la</strong>is voir plus tard en psychiatrie<br />
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