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La Nostalgie de la folie

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LA NOSTALGIE DE LA FOLIE<br />

l'intimité du dialogue singulier, mais sur une confrontation<br />

publique, souvent très spectacu<strong>la</strong>ire et mélodramatique.<br />

Surtout, il se fichait <strong>de</strong> <strong>la</strong> petite enfance <strong>de</strong> ses<br />

patients. Il s'intéressait davantage à leur comportement<br />

dans l'ici et maintenant <strong>de</strong> leur re<strong>la</strong>tion avec autrui. Au<br />

lieu <strong>de</strong> dépoussiérer l'inconscient <strong>de</strong> ses patients, tel un<br />

archéologue minutieux, il les faisait jouer leur <strong>folie</strong> en<br />

public ! Metteur en scène génial, il savait susciter le dialogue<br />

avec le double censeur, <strong>la</strong> mère persécutrice, <strong>la</strong> sœur<br />

jalousée ou le père croque-mitaine, immanquablement<br />

représentés, sur <strong>la</strong> scène thérapeutique, par une chaise vi<strong>de</strong>.<br />

L'essentiel <strong>de</strong> sa métho<strong>de</strong> reposait sur un sain renforcement<br />

du moi par <strong>de</strong>s injonctions du genre « arrêtez donc <strong>de</strong> vous<br />

faire du mal — occupez-vous <strong>de</strong> vous — soyez gentil avec<br />

vous-même, etc..» tout en atténuant l'influence d'un surmoi<br />

tyrannique, générateur <strong>de</strong> <strong>folie</strong>.<br />

Les patientes et les patients qui consultaient le psychiatre<br />

sont, à vrai dire, fort occupés à se faire du mal. Et<br />

avec une violence stupéfiante.<br />

Frau K. par exemple. Un beau jour, elle s'est présentée<br />

au service <strong>de</strong>s urgences <strong>de</strong> l'hôpital, sans nez. A <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce, un<br />

moignon rougeâtre, légèrement infecté. En profon<strong>de</strong>ur, une<br />

chair sanguinolente et <strong>de</strong>ux trous. Pauvre madame K. qui<br />

s'était <strong>la</strong>ncée dans une narration compliquée et tarabiscotée<br />

pour expliquer ce qui lui était arrivé : elle aurait<br />

traversé <strong>la</strong> rue sans prendre gar<strong>de</strong> ; une camionnette transportant<br />

<strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ques <strong>de</strong> tôle mince l'aurait prise en écharpe.<br />

L'une d'elles lui aurait sectionné l'appendice nasal. Non, <strong>la</strong><br />

camionnette ne s'était pas arrêtée. Oui, elle avait beaucoup<br />

saigné. Non, personne ne s'était soucié d'elle. Elle serait<br />

rentrée seule à <strong>la</strong> maison, pensant qu'il s'agissait d'une<br />

blessure bénigne. «Avez-vous songé à ramasser votre nez<br />

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