26.06.2013 Views

Quelques enseignements sur l'économie sociale et ... - ECO Consult

Quelques enseignements sur l'économie sociale et ... - ECO Consult

Quelques enseignements sur l'économie sociale et ... - ECO Consult

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature,<br />

des Bassins de rétention <strong>et</strong> des Lacs artificiels<br />

Direction Eaux & Forêts, Chasses <strong>et</strong> Conservation des Sols<br />

Proj<strong>et</strong> Autopromotion Pastorale dans le Ferlo<br />

PAPF, BP 366, St. Louis, Sénégal Tél. : 00221 33961 1120 Fax: 00221 33961 2327 E-Mail: papf@orange.sn<br />

MISSION D’APPUI<br />

30 avril 2008<br />

<strong>Quelques</strong> <strong>enseignements</strong> <strong>sur</strong><br />

l’économie <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> historique<br />

des pasteurs du Ferlo …<br />

Capitalisation du proj<strong>et</strong> PAPF (Sénégal)<br />

Bertrand Guibert (IRAM)<br />

Avec la collaboration de :<br />

Andréas Müller (PAPF)<br />

Daniel André (PAPF)


• <strong>ECO</strong> <strong>Consult</strong>ing Group<br />

Kurhessenstraße 1-3 D-60431 Frankfurt<br />

Tel.: 49(0)69 77 10 09 • Fax : 49(0)69 707 51 24<br />

http://www.eco-consult.com<br />

• iram Paris (siège social)<br />

49, rue de la Glacière 75013 Paris France<br />

Tél. : 33 (0)1 44 08 67 67 • Fax : 33 (0)1 43 31 66 31<br />

iram@iram-fr.org • www.iram-fr.org<br />

• iram Montpellier<br />

Parc scientifique Agropolis Bâtiment 3 •<br />

34980 Montferrier le Lez France<br />

Tél. : 33 (0)4 99 23 24 67 • Fax : 33 (0)4 99 23 24 68<br />

iram34@iram-fr.org


Sommaire<br />

SOMMAIRE 3<br />

LISTE DES SIGLES 5<br />

1. CADRE ET DEROULEMENT DE LA MISSION 6<br />

1.1. Contexte de la mission d’appui 6<br />

1.2. Objectifs de la mission 7<br />

1.3. Déroulement de la mission 7<br />

2. SYNTHESE : DONNEES MICRO <strong>ECO</strong>NOMIQUES 9<br />

2.1. <strong>Quelques</strong> remarques en préambule 9<br />

2.1.1. L’origine des données 9<br />

2.1.2. Méthodologie choisie 10<br />

2.1.3. Lieux, parcours, territoire ou espace pastoral… quel concept choisir ? 11<br />

2.2. Les espaces pastoraux 14<br />

2.2.1. La structuration des pâturages 14<br />

2.2.2. La production primaire 16<br />

2.2.3. Approche quantitative de l’utilisation des différents pâturages 17<br />

2.2.4. Les grandes évolutions pastorales : A la recherche de nouveaux parcours 20<br />

2.3. Les troupeaux 32<br />

2.3.1. La structure des troupeaux : effectifs, composition <strong>et</strong> races 32<br />

2.3.2. Les dynamiques au travers des paramètres zootechniques 38<br />

2.3.3. L’animal <strong>et</strong> la conduite des troupeaux 41<br />

2.3.4. La production de lait 50<br />

3


2.4. Les éleveurs : femmes <strong>et</strong> hommes du Ferlo 52<br />

2.4.1. En préambule, quelques paradoxes relevés à propos des Peul du Ferlo 52<br />

2.4.2. Les unités d’observations chez les pasteurs <strong>et</strong> leurs tendances structurelles 53<br />

2.4.3. Des logiques diversifiées 55<br />

2.4.4. Besoins <strong>et</strong> revenus : à la recherche d’une douloureuse équation 61<br />

2.5. Bilan historique <strong>et</strong> enjeux de demain 74<br />

PROGRAMMATION OPERATIONNELLE DE LA CAPITALISATION 75<br />

2.6. Etat des lieux de la capitalisation <strong>et</strong> choix des supports 75<br />

2.7. Etablissement en commun d’une feuille de route 76<br />

3. ANNEXES 77<br />

3.1. Termes de références de la mission 78<br />

3.2. Bibliographie consultée lors des deux missions 79<br />

3.3. Extrait de lecture d’un témoignage <strong>sur</strong> la sécheresse 86<br />

3.4. Note de lecture <strong>sur</strong> la perception de la pauvr<strong>et</strong>é 87<br />

4


Liste des sigles<br />

ARD Agence régionale de développement<br />

ASUFOR Association des Usagers des Forages<br />

ATEF Agent technique Eaux & Forêts<br />

BMZ Ministère allemand de la coopération<br />

CCIF Cadre de concertation inter-forage<br />

CL Collectivité(s) locale(s)<br />

CNEARC Centre National d’Etudes Agronomiques des Régions chaudes<br />

CR Communauté rurale<br />

DEFCCS Direction des Eaux <strong>et</strong> Forêts, Chasses <strong>et</strong> de la Conservation des Sols<br />

DSRP Document de stratégie de réduction de la pauvr<strong>et</strong>é<br />

<strong>ECO</strong> <strong>ECO</strong> <strong>Consult</strong>ing Group<br />

ENDA Environnement, Développement <strong>et</strong> Action dans le Tiers Monde<br />

ENEA Ecole Nationale d’Economie Appliquée<br />

GTZ Agence allemande de la coopération technique<br />

IRAM Institut de recherche <strong>et</strong> d’Applications des Méthodes de Développement<br />

ISRA Institut Sénégalais de Recherche Agricole<br />

MEPN Ministère de l’environnement <strong>et</strong> de la protection de la nature<br />

PAPEL Proj<strong>et</strong> d’Appui à l’Elevage<br />

PAPF Proj<strong>et</strong> Autopromotion pastorale dans le Ferlo<br />

PPZS Pôle Pastoral Zones Sèches<br />

UBT Unité de Bovin Tropicale<br />

UP Unité Pastorale<br />

5


1. Cadre <strong>et</strong> déroulement de la mission<br />

1.1. Contexte de la mission d’appui<br />

Le Proj<strong>et</strong> d’appui à l’Auto-promotion Pastorale dans le Ferlo (PAPF) est engagé dans<br />

un processus de capitalisation durant c<strong>et</strong>te phase d’exécution (de juin 2005 à juin 2008). Avec<br />

plus de trente ans de présence dans la zone sylvo-pastorale d’intervention au Ferlo, la<br />

Coopération sénégalo-allemande présente une ancienn<strong>et</strong>é conséquente en terme de lien avec<br />

les populations, de référentiel technique en gestion des ressources naturelles (dont l’eau des<br />

forages) mais également un cheminement indéniable en terme de méthodologie du<br />

développement.<br />

Dans ce contexte de bilan <strong>et</strong> de r<strong>et</strong>rait, le proj<strong>et</strong> <strong>et</strong> la Coopération sénégalo-allemande<br />

souhaitent actualiser les données socio-économiques disponibles <strong>sur</strong> la zone d’intervention.<br />

Les dernières études approchant le fonctionnement des systèmes de productions agricoles <strong>et</strong><br />

les revenus des familles d’éleveurs datent de 1994.<br />

C<strong>et</strong>te actualisation des données a été jugée nécessaire <strong>et</strong> s’est concrétisée par plusieurs<br />

activités du proj<strong>et</strong> durant l’année 2007 <strong>et</strong> 2008. Premièrement, il y a eu l’accueil de trois<br />

binômes d’étudiants stagiaires des partenaires ENEA-CNEARC 1 durant l’hivernage 2007.<br />

Leurs recherches se sont intégrées dans une perspective plus globale d’analyse des choix <strong>et</strong><br />

stratégies des agriculteurs en matière d'éducation <strong>et</strong> de formation en relation avec le Bureau<br />

de la Formation Professionnelle Agricole du Ministère de l’Agriculture (BFPA).<br />

L’étude a portée <strong>sur</strong> trois forages du Ferlo présentant des caractéristiques distinctes du Ferlo :<br />

Belel Bogal au Nord-ouest, Mbar Toubab à l’ouest <strong>et</strong> Amali au sud.<br />

En parallèle à l’investigation de ces trois binômes d’étudiants stagiaires, le proj<strong>et</strong> a complété<br />

la collecte des informations <strong>sur</strong> deux autres forages : Widou Thiengoly <strong>et</strong> Bouteyni. Sur ces<br />

derniers forages, des données anciennes existent. Elles datent de 1994 <strong>et</strong> il a été collecté un<br />

1 Réunissant trois étudiants terminant leur 2 e cycle universitaire à l’ENEA (Ecole Nationale d’Economie<br />

Appliquée) à Dakar <strong>et</strong> trois étudiants en cours d’enseignement à l’Ecole Supérieure d’Agronomie<br />

Tropicale (ESAT 1 e année) du CNEARC à Montpellier (France) devenu depuis le 1 e janvier 2007,<br />

l’Institut des Régions Chaudes (IRC).<br />

6


certain nombre d’observations visant à actualiser <strong>et</strong> à ainsi élargir la collecte de données des<br />

forages analysés par les trois binômes.<br />

1.2. Objectifs de la mission<br />

Sur la base des travaux pré-cités (travaux antérieurs, stagiaires 2007, compléments<br />

d’enquêtes <strong>sur</strong> Widou Thiengoly <strong>et</strong> Bouteyni), le premier objectif de la mission a été de<br />

fournir une synthèse des données socio-économiques de la zone au niveau des exploitations<br />

agricoles. Il s’agissait de m<strong>et</strong>tre en exergue les points saillants de l’évolution des exploitations<br />

<strong>et</strong> des grands enjeux pour l’avenir.<br />

Le deuxième objectif de c<strong>et</strong>te mission a été de faire le point avec l’équipe <strong>sur</strong> l’état des lieux<br />

de la capitalisation en cours afin d’établir une feuille de route pour les derniers mois. Sur les<br />

acquis de la mission de l’IRAM (Demante, 2006), il s’est avéré nécessaire de juger d’abord ce<br />

qui est encore faisable dans le délai restant. Il y a eu lieu également de concevoir un plan de<br />

capitalisation cohérent <strong>et</strong> une répartition des tâches à réaliser, soit en interne, soit en externe.<br />

Enfin, le choix d’un (ou de plusieurs) support(s) de capitalisation a du être pensé en regard<br />

du budg<strong>et</strong>, des publics cibles <strong>et</strong> du temps disponible avant la clôture.<br />

Soulignons enfin que c<strong>et</strong>te mission s’est décomposée en deux temps : D’abord en octobre<br />

2007 correspondant à la lecture, à l’accompagnement <strong>et</strong> à la participation aux soutenances du<br />

travail des binômes d’étudiants (<strong>sur</strong> 3 jours). Ensuite, le présent séjour (22 jours) a été<br />

consacré à la synthèse des principaux <strong>enseignements</strong> <strong>et</strong> à l’organisation de la capitalisation.<br />

1.3. Déroulement de la mission<br />

Le déroulement de c<strong>et</strong>te mission s’est effectuée d’abord à Montpellier (France) par la<br />

participation au jury de trois soutenances d’étudiants du CNEARC ayant faits leur stage au<br />

PAPF (avril au août 2007) <strong>et</strong> un deuxième temps au Ferlo.<br />

1 e<br />

temps : Participation aux soutenances en France des étudiants stagiaires du<br />

CNEARC au PAPF :<br />

02 octobre 07 Lectures des 3 mémoires des stagiaires français reçus au PAPF<br />

03 octobre 07 Participation au Jury de la soutenance de mémoire de Quintin Rouveirolles<br />

04 octobre 07 Participation au Jury de la soutenance des mémoires de Sarah Marsan <strong>et</strong><br />

de Gwendoline Cocqu<strong>et</strong><br />

7


2 e temps : Partie de terrain : synthèse des données socio économiques <strong>et</strong> capitalisation<br />

09 avril Voyage Domicile puis Paris à Saint-Louis<br />

10 avril Travail en équipe <strong>sur</strong> le bilan de capitalisation en cours (<strong>sur</strong> la base du<br />

travail de la mission d’appui à la capitalisation (Demante, juill<strong>et</strong> 2006)<br />

11 avril Travail en équipe <strong>sur</strong> le plan de la capitalisation, la forme du support à<br />

envisager<br />

12 avril Inventaire des documents disponibles en mode électronique<br />

13 avril Lectures <strong>et</strong> synthèses bibliographiques<br />

14 avril Travail en équipe <strong>sur</strong> la structuration du plan détaillé de capitalisation<br />

(historique, sociétés pastorales)<br />

15 avril Suite du travail en équipe <strong>sur</strong> la structuration du plan détaillé de<br />

capitalisation (milieu physique, problématiques, <strong>enseignements</strong>)<br />

16 avril Travail en équipe <strong>sur</strong> la suite de la feuille de route : chronogramme,<br />

répartition des tâches en interne <strong>et</strong> en externe, calendrier prévisionnel des<br />

séminaires de clôture…<br />

17 avril Réflexion <strong>sur</strong> le plan de synthèse <strong>et</strong> exploration du champs bibliographique<br />

18 avril Lecture <strong>et</strong> exploitation des données pour la synthèse socio-économique<br />

(période 1950-1984)<br />

19 avril Lecture <strong>et</strong> exploitation des données pour la synthèse socio-économique<br />

(période 1984-1994)<br />

20 avril Lecture <strong>et</strong> exploitation des données pour la synthèse socio-économique<br />

(période 1995-2008)<br />

21 avril Rédaction de la partie « Espace pastoral »<br />

22 avril Rédaction de la partie « Espace pastoral »<br />

23 avril Rédaction de la partie « Troupeaux »<br />

24 avril Rédaction de la partie « Troupeaux »<br />

25 avril Rédaction de la partie « Eleveurs »<br />

26 avril Rédaction de la partie « Eleveurs »<br />

27 avril Relecture générale de la 1 e version à soum<strong>et</strong>tre à l’équipe<br />

28 avril Réunion d’équipe autour de la capitalisation en cours<br />

Reprise des remarques de l’équipe <strong>et</strong> compléments<br />

29 avril Investigation dans des données spécifiques de la capitalisation : le lait, les<br />

sécheresses, les feux…<br />

30 avril Travail d’équipe <strong>sur</strong> un bilan d’étape du processus de capitalisation<br />

Voyage de Saint-Louis à Paris puis domicile<br />

8


2. Synthèse : données micro économiques<br />

2.1. <strong>Quelques</strong> remarques en préambule<br />

2.1.1. L’origine des données<br />

Il s’agit d’abord d’une exploitation de la bibliographie présente <strong>et</strong> bien conservée au<br />

PAPF. Il n’y a pas eu un passage en revue exhaustif mais plutôt une investigation thématique<br />

qui s’est déroulée avec l’appui de l’équipe en place (facilité de recherche évidente).<br />

Des observations historiques existent autour des périodes 1950 <strong>et</strong> 1960, notamment autour<br />

des écrits de Grosmaire, Grenier <strong>et</strong> de Dupire.<br />

Dans les années 1980, quelques données analysent le pastoralisme à la sortie de la grande<br />

sécheresse autour des publications de Barral <strong>et</strong> de Santoir en particulier.<br />

L’étape de 1994 est déterminante pour les données existantes car le proj<strong>et</strong> a mené, à ce<br />

moment là, une série d’enquêtes socio-économique au niveau des familles d’éleveurs Il s’agit<br />

des données consignées par les consultants suivants : Schaeffer, Tyc <strong>et</strong> Thébaud. Elles<br />

fournissent un certain nombre de données <strong>sur</strong> l’économie pastorale <strong>et</strong> constituent<br />

incontestablement une référence en la matière.<br />

Schaeffer a travaillé <strong>sur</strong> deux forages. Son échantillon a porté <strong>sur</strong> 30 campements totalisant<br />

84 troupeaux <strong>et</strong> 396 personnes à Bouteyni, à Widou-Thiengoly, l’échantillon porte <strong>sur</strong> 17<br />

campements totalisant 47 troupeaux <strong>et</strong> 263 personnes.<br />

Les enquêtes de Thébaud (1994) ont porté <strong>sur</strong> 33 troupeaux au niveau du forage de<br />

Bouteyni. Chaque troupeau est géré par un galle qui renferment en moyenne 3 ménages. Tyc<br />

a complété l’analyse <strong>sur</strong> le diagnostic de l’économie de l’élevage au niveau de l’exploitation <strong>et</strong><br />

<strong>sur</strong> la commercialisation du bétail.<br />

Il y a lieu de se reporter au pôle Eleveurs pour saisir l’unité d’observation en question : le galle.<br />

9


<strong>Quelques</strong> études partielles ont été menées par la suite autour des années 2000. Enfin le<br />

travail des trois binômes d’étudiants constitue une vision systémique de la situation actuelle<br />

des pasteurs. Les termes de références 2 des stages étaient largement axées <strong>sur</strong> la recherche de<br />

la quantification des revenus qui devaient être mis en regard avec la capacité des familles à<br />

faire face aux besoins en formation.<br />

Des investigations complémentaires ont été réalisées par le proj<strong>et</strong> durant l’hivernage 2007. Il<br />

s’agissait de revoir les exploitations enquêtées en 1993-1994 afin d’en saisir les trajectoires, les<br />

évolutions majeures <strong>et</strong> les causalités dans la me<strong>sur</strong>e du possible.<br />

2.1.2. Méthodologie choisie<br />

Nous adopterons, pour étudier l’économie <strong>sociale</strong> économie des familles d’éleveurs du<br />

Ferlo, le concept de système d’élevage définie par Philippe Lhoste 3 comme étant l’ensemble des<br />

techniques <strong>et</strong> des pratiques mises en œuvre par une communauté pour faire exploiter, dans un espace donné des<br />

ressources végétales par des animaux, en tenant compte des ses objectifs <strong>et</strong> des contraintes du milieu.<br />

Nous sommes bien conscients que l’approche systémique peut être restrictive pour saisir les<br />

rouages d’une société <strong>sur</strong> une telle période 4 . Il nous paraît toutefois bien délicat de tenter une<br />

autre approche dans le cadre <strong>et</strong> le temps imparti à l’étude. En eff<strong>et</strong>, il s’agit ici seulement de<br />

rassembler des données existantes, issues de méthodes différentes d’investigations. Pour cela,<br />

2 L’Etude des stagiaires était définie en quatre points : 1) Connaître des niveaux de revenus agricoles, <strong>et</strong> <strong>sur</strong>tout<br />

pouvoir les m<strong>et</strong>tre en relation avec différentes catégories d'exploitations, selon leur dotation en facteurs de productions <strong>et</strong> la<br />

combinaison d'activités pratiquées (typologie) ; 2) Comparer ces niveaux de revenus aux besoins vitaux <strong>et</strong> sociaux <strong>et</strong> à<br />

d'autres revenus hors agriculture; 3) Evaluer des coûts de l'éducation <strong>et</strong> de la formation, tant directs qu'indirects : il s'agit<br />

là en eff<strong>et</strong> d'appréhender des coûts d'opportunité, (ou de renoncement) directement fonction des revenus générés dans<br />

l'agriculture; 4) Estimer les capacités contributives des différentes catégories d'exploitant ; Connaître <strong>et</strong> interpréter les choix<br />

<strong>et</strong> attentes des agriculteurs en matière d'éducation <strong>et</strong> de formation.<br />

3 Lhoste (1986 : 52)<br />

4 Quel est l’intérêt heuristique de vouloir calibrer dans un même cadre d’analyse l’éco-système <strong>et</strong> le « système paysan », luimême<br />

décomposé en un « sous-système productif » <strong>et</strong> le « sous système de l’organisation <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> du mode de vie ».<br />

Comment prétendre sérieusement que ce dernier sous-système a « comme les autres ses objectifs, ses moyens, ses contraintes »<br />

Recourir à un tel langage, c’est masquer l’existence de rationalités différentes selon les acteurs <strong>et</strong> selon les circonstances.[…]<br />

A ce niveau de la mise en œuvre apparaissent toute une série de dimensions que l’analyse systémique ne peut modéliser : la<br />

corruption des fonctionnaires locaux, les proj<strong>et</strong>s de carrières des animateurs de terrain, les antagonismes hiérarchiques <strong>et</strong> les<br />

tensions entre experts internationaux <strong>et</strong> les fonctionnaires nationaux, la chasse aux avantages matériels, le militantisme<br />

moralisant, les idéologies politiques, <strong>et</strong>c. (Olivier de Sardan, 1995 : 37-38)<br />

10


l’approche systémique doit perm<strong>et</strong>tre de classer les <strong>enseignements</strong> de manière logique afin de<br />

cerner les grandes évolutions du pastoralisme au Ferlo.<br />

Tel que défini, le système d’élevage est composé de trois pôles : l’éleveur, le troupeau <strong>et</strong> le<br />

territoire. Chaque pôle est structuré en composantes qui seront tour à tour analysées <strong>sur</strong> la<br />

base des données existantes. Chaque pôle reste également successivement en interaction<br />

(interfaces) l’un avec les deux autres pôles.<br />

Nous veillerons donc à analyser les différentes interfaces qui sont, par exemple, la gestion des<br />

parcours ou encore les logiques de déplacement, situées à la jonction entre le pôle éleveur <strong>et</strong><br />

celui du territoire.<br />

Pour ce dernier pôle, nous choisirons plutôt le concept d’espace que de celui de territoire<br />

pastoral. La réflexion conceptuelle suivante va argumenter un tel choix.<br />

2.1.3. Lieux, parcours, territoire ou espace pastoral… quel concept choisir ?<br />

Tout d’abord, le lieu en tant que concept nous interpelle lorsque l’on évoque l’endroit du<br />

pacage des troupeaux durant l’hivernage, du rumano (le campement), du site du forage ou de<br />

telle mare d’hivernage 5 . Dans c<strong>et</strong>te acception, le sens du lieu reflète la qualité perçue d’un espace<br />

(Bailly A. <strong>et</strong> Scariati R., 2004) 6 . Debarbieux (1995), considère le lieu comme un symbole […] qui<br />

désigne bien d’autres obj<strong>et</strong>s géographiques que lui-même. À ce niveau, le lieu symbolique tire sa nature<br />

d’une vision superposée d’un deuxième, voire d’un troisième niveau de significations qui<br />

peuvent se situer bien au-delà de l’espace géographique originel. Le lieu peut subir des usages<br />

pluriels, contradictoires, tant il est à la fois un lieu perçu (appréciation personnelle) <strong>et</strong> un lieu<br />

vécu (inscrit dans la mémoire). Toutefois, au Ferlo il ne peut traduire le parcours en tant<br />

qu’exploitation partagée d’une ressource naturelle. Par contre, il pourrait qualifier un type de<br />

5 Grenier (1960 : 48) note la richesse du vocabulaire des points d’eau : Voici les « pété », les toutes p<strong>et</strong>ites<br />

mares[…] <strong>et</strong> les « m’belogue », guère plus grandes […] les « loumbi », nappes d’eau vastes […] les « lounkoyeul » […]<br />

les « vendou » sont les mares les plus durables […] Progressivement les « céanes » relaient les mares –« bouli » en peul-<br />

[…].<br />

Richter (1989 : 28-29) r<strong>et</strong>ranscrit quelques significations toponymiques des mares autour de Widou :<br />

Sous ce qui peut paraître une anecdote anonyme se transm<strong>et</strong> en poulaar toute une richesse culturelle des<br />

connaissances communes enfouies dans les mémoires. Par exemple : Sagobé signifiant la mare qui répond à<br />

tous les désirs ; Belel Sirobé signifiant un campement de Maures qui exploitaient la gomme (p :sirobe :saignant)…<br />

6 In Bailly (2004) en page 213.<br />

11


parcours précis (flore spécifique) <strong>et</strong> privilégié par un sous-groupe autour d’une mare par<br />

exemple.<br />

Vis-à-vis du concept de territoire, on y associe incontestablement un droit d’exploitation<br />

(prioritaire ou exclusif) en référence à la propriété. Il s’agit d’un prolongement de celle, très<br />

juridique du territoire, que donne le dictionnaire le Littré (1971 : 42), comme l’étendue de terre qui<br />

dépend d’un empire, d’une province, d’une ville, d’une juridiction. La notion de limite de propriété se<br />

recoupe, par analogie, avec celle de frontière du territoire qui, rappelons-le, découle à<br />

l’origine du contexte éthologique, puis cynégétique <strong>et</strong>, bien évidemment, militaire par la suite.<br />

Dans le Ferlo, le lieu de séparation de propriété, donc de droit d’exploitation prioritaire ou<br />

exclusif, reste flou, même si les règles du hurum (interdit de pacage aux tiers, décrit plus tard<br />

dans le texte) traduisent la règle <strong>sociale</strong> reconnue au-delà du sous-groupe en question. Le<br />

hurum, tel que décrit par Grosmaire (1957), correspondrait davantage à une territorialité 7 en<br />

devenir qui traduit un certain encadrement politique <strong>et</strong> réglementaire du territoire (tutelle des<br />

Ardo, chefs de fraction). Cela ne semble pas adapté au contexte du Ferlo car les constructions<br />

spatiales faisant référence aux limites de chaque territoire ne sont pas en marche, bien au<br />

contraire. Certes, les limites de la Réserve dite des Six forages restent définies mais sont<br />

passablement théoriques <strong>et</strong> extraverties par le monde Peul. Par ailleurs, les limites de chaque<br />

forage (<strong>et</strong> des unités pastorales correspondantes) laissent la place à des zones interstitielles<br />

imprécises mais importantes. Le concept de territoire pastoral ne semble pas satisfaisant dans<br />

le cas du Ferlo.<br />

Figure : aires des forages,<br />

communautés rurales <strong>et</strong><br />

espaces classés du Ferlo<br />

sableux<br />

7 La notion de territorialité […] exprime les dimensions phénoménologiques de nos expériences territoriales, leur encadrement politique <strong>et</strong><br />

réglementaire. Ferrier J,-P in CNED-SEDES, (2000 : 165).<br />

12


Les différents usages des ressources naturelles mises en pacage aux troupeaux par des sousgroupes<br />

diversifiés évoquent plus largement un espace pastoral partagé. En tant que concept<br />

l’espace rural défini entre autre par Perrier-Corn<strong>et</strong> (2002) 8 semble adapté, même s’il est presque<br />

exclusivement sylvo-pastoral dans notre cas. Il correspond mieux aux multiples usages des<br />

ressources qui en sont faits <strong>et</strong> correspond également au cadre de mobilité résidentielle que<br />

pratiquent les transhumants. Dans le Ferlo, il ne peut y avoir une exploitation exclusive des<br />

ressources naturelles d’un espace par un seul sous-groupe. En eff<strong>et</strong>, l’espace se définit, par<br />

consensus social, comme une aire géographique ouverte.<br />

Nous privilégierons donc le concept d’espace pastoral plutôt que celui du territoire qui est mis en<br />

avant dans l’approche systémique décrite par Lhoste (1986). Hormis c<strong>et</strong> ajustement<br />

conceptuel, nous garderons c<strong>et</strong>te approche systémique comme guide méthodologique.<br />

8 Perrier-Corn<strong>et</strong> dans son ouvrage Repenser les campagnes 8 (2002 : 14-16) part des usages rencontrés dans<br />

l’espace rural pour comprendre <strong>et</strong> décortiquer les enjeux en cours. Il distingue : 1) La campagne ressources<br />

qui est essentiellement le support d’activités de production ; 2) La campagne cadre de vie utilisée davantage<br />

comme un lieu de résidence, mis en œuvre par l’évolution de la mobilité des personnes. 3) La campagne<br />

figure de la nature, regroupant les grandes fonctions bio-écologiques.<br />

13


2.2. Les espaces pastoraux<br />

2.2.1. La structuration des pâturages<br />

La connaissance des pâturages qui se transm<strong>et</strong> de génération en génération par la langue<br />

peul distingue en gros cinq entités. Il y a d’abord les parcours de séno qui correspondent à une<br />

steppe graminéenne particulièrement présente <strong>sur</strong> les sables éoliens. On trouve également le<br />

baldiol, un parcours qui se localise dans les légères dépressions (bas-fonds) sablo-argileuses<br />

avec, en général, des Panicum la<strong>et</strong>um. Il y a le tiangol qui désigne les vallées sèches présentant<br />

une végétation arbustive dense avec présence (de plus en plus rare) d’Andropogon gayanus. Le<br />

niargo, lui, illustre le revêtement sableux de la cuirasse sous-jacente avec la présence de Zornia<br />

glochidiata <strong>et</strong> enfin le sangré correspondant à des cuirasses <strong>et</strong> des sols gravillonnaires portant<br />

essentiellement le pâturage aérien à Pterocarpus lucens.<br />

Feuillus (type combr<strong>et</strong>um) Epineux (type acacia <strong>et</strong><br />

balanites)<br />

Céno:<br />

plateau<br />

Harmattan (E/NE)<br />

Écoulement des eaux<br />

concentration en argile<br />

Sol limono-sableux<br />

Sol très drainant<br />

Faible nombre de mares<br />

Prédominance graminée<br />

Faible densité arbres<br />

N<br />

E<br />

O<br />

Changool: bas fonds<br />

S<br />

Arbustes (type bocia<br />

<strong>et</strong> calotropis)<br />

Sol argileux<br />

Forte r<strong>et</strong>enue d’eau<br />

Grande concentration de mares<br />

Prédominance légumineuses/graminées<br />

Forte densité arbres<br />

Selon Bâ, 2007<br />

14


La strate herbacée est de formation steppique car elle présente un couvert végétal<br />

relativement discontinu. Elle est dominée par les graminées comme Cenchrus biflorus, Arsitida<br />

mutabilis mais cependant quelques légumineuses subsistent telle Zornia glochidiata ou encore<br />

Borreria raddiata, par exemple.<br />

Concernant les strates arbustives <strong>et</strong> arborées, la dominante reste une steppe à épineux<br />

(Balanites aegyptiaca, Acacia raddiana, Acacia senegal) de feuillus, tant arbres (Combr<strong>et</strong>um glutinosum,<br />

Sclerocarya birrea), qu’arbustes (Calotropis procera, Boscia senegalensis). Toutefois la proximité <strong>et</strong><br />

l’intensité de l’exploitation humaine <strong>et</strong> animale façonnent n<strong>et</strong>tement le port général de la<br />

végétation.<br />

Dans le périmètre situé à moins de deux à trois kilomètres de chaque forage, on r<strong>et</strong>rouve une<br />

steppe arbustive stricte à Boscia senegalensis <strong>et</strong> Calotropis procera. Hiernaux (2001) souligne que la<br />

présence de ces arbustes est le signe d’une pâture à la fois intense <strong>et</strong> continue. Le tapis<br />

herbacé est, lui, extrêmement piétiné, voir totalement absent en saison sèche chaude. Dans<br />

ces lieux d’extrême présence, le pâturage s’épuise en quelques semaines car ces parcours se<br />

situent à des points de convergence du bétail en saison sèche.<br />

Dans l’auréole suivante de trois à six kilomètres du forage, le paysage est relativement<br />

homogène. C’est une steppe arbustive à arborée où, même si Boscia senegalensis <strong>et</strong> Calotropis<br />

procera sont toujours présents, on r<strong>et</strong>rouve, ici, également beaucoup d’épineux : divers Acacia,<br />

<strong>et</strong> Balanites aegyptiaca, entre autres.<br />

Au-delà de huit kilomètres, on observe une savane arborée stricte où les arbres à feuilles<br />

caduques tels que Grewia bicolor, Cumbr<strong>et</strong>um glutinosum ou Sclerocarya birrhea sont dominants,<br />

bien que les épineux, tels que les Acacia nilotica, soient présents.<br />

Bien sûr, le Ferlo possède une richesse floristique bien plus complexe (voir pour cela les<br />

écrits de Diallo <strong>et</strong> Valenza 9 ). A ce suj<strong>et</strong>, les différents proj<strong>et</strong>s de la Coopération Sénégalo-<br />

Allemande ont apporté une incontestable connaissance floristique <strong>et</strong> agrostologique de la<br />

zone. Des ouvrages techniques <strong>et</strong> scientifiques ont pu être publiés <strong>et</strong> se trouvent être des<br />

références pour les écosystèmes sahéliens 10 . Certains évoquent, par observation diachronique,<br />

les évolutions qui sont apparues ces dernières décennies. Elles sont expliquées par de<br />

9 Diallo <strong>et</strong> Valenza, Etude des pâturages naturels du Nord Sénégal, Maisons-Alfort, IEMVT, 1972, 311 p.<br />

10 A titre d’exemple, le bel ouvrage de H.-J von Maydell, Arbres <strong>et</strong> arbustes du Sahel, Leurs caractéristiques <strong>et</strong> leurs<br />

utilisations, Eschborn, GTZ, 1983, 531 p. constitue une référence incontestée dans la matière.<br />

15


multiples raisons, tant d’ordre climatique, qu’anthropique (pâturages, feux <strong>et</strong> exploitations<br />

diverses).<br />

Enseignements : Globalement, la structuration des pâturages <strong>et</strong> en particulier la répartition<br />

des différentes espèces herbacées sont liées à la dispersion des semences. C<strong>et</strong>te dernière est<br />

d’abord fonction de la pluviosité mais également du mode reproductif de la plante <strong>et</strong> de<br />

l’intensité de la présence animale. Le suivi écologique de Widou a prouvé l’importance du<br />

pâturage dans les mécanismes de dispersion. L’intensité de la présence animale se trouve être<br />

corrélée à la distance au forage <strong>et</strong>, dans une moindre me<strong>sur</strong>e, au campement. Elle influence<br />

largement la constitution du faciès de la végétation herbacée de demain.<br />

Mais, au-delà des grandes évolutions pluriannuelles, la production primaire de biomasse reste<br />

l’appréciation majeure qui interpelle l’éleveur pour la conduite de son troupeau.<br />

2.2.2. La production primaire<br />

Déjà vers les années 1980, Barral (1982 : 67) relève que les éleveurs sont unanimes à<br />

constater <strong>et</strong> à déplorer, l’appauvrissement de la flore, parallèlement à l’anéantissement de la<br />

faune sauvage 11 .<br />

En ce qui concerne la végétation herbacée, les espèces dont la disparition ou la raréfaction<br />

était déjà le plus souvent mentionnée semblait être, d’après l’auteur <strong>et</strong> selon les lieux,<br />

Andropogon gayanus, Merremia pinnata, Crotalaria sp., Commelina sp., Blepharis linarifolia.<br />

Concernant les ligneux, il relève la raréfaction dans la mémoire populaire de Commiphora<br />

africana, Grewia bicolor, Pterocarpus lucens, Combr<strong>et</strong>um glutinosum <strong>et</strong> dans une moindre me<strong>sur</strong>e<br />

Sclerocarya birrea qui se constate dans le Ferlo cuirassé.<br />

La production primaire reste fortement tributaire de la pluviosité. En eff<strong>et</strong>, la sécheresse<br />

constitue le risque le plus incontournable de la production de biomasse 12 . Certains auteurs<br />

soulignent avec sagesse que les sécheresses ne constituent pas une histoire récente de la vie<br />

11 A ce suj<strong>et</strong>, Barral (1982 : 77) mentionne que la disparition de la faune sauvage est aussi en grande partie la<br />

conséquence directe ou indirecte de l’ouverture des forages.<br />

12 Schaeffer (1994 : 34) compare l’intensité des deux sécheresses en fonction de la biomasse relevée en<br />

1984 <strong>et</strong> en 1992 (une p<strong>et</strong>ite sécheresse) : La pluviométrie de la région a baissé de 1990, avec 300 mm de pluies <strong>et</strong><br />

une biomasse de 550 kg de matière sèche par ha jusqu’à 114 mm de pluies pendant l’hivernage de 1992 <strong>et</strong> une biomasse<br />

me<strong>sur</strong>ée de 117 kg/ha. En comparaison, la pluviométrie enregistrée à Widou durant l’année de la sécheresse 1984 se<br />

situait à 131 mm avec une biomasse de 112 kg/ha.<br />

16


pastorale au Ferlo. Les paléoclimats, décrits en autre par Bonnefille (1992), en sont une<br />

preuve. Plus récemment, Ferlin (1977) rapporte, pour le Ferlo, l’existence de sécheresses plus<br />

sévères que celles de 1973 <strong>et</strong> 1984, notamment celle de 1913-1914. La vulnérabilité de la<br />

production de biomasse annuelle est donc bien réelle. Elle conditionne, en particulier, la<br />

conduite des troupeaux <strong>et</strong> la décision ou non d’effectuer des transhumances plus ou moins<br />

éloignées.<br />

En eff<strong>et</strong>, la production de biomasse à l’hectare peut facilement avoir un rapport différentiel<br />

inter-annuel de 1 à 5 voir 10, variant d’à peine une centaine de kilogrammes de matières<br />

sèches par hectare à plus d’un millier pour les années présentant une pluviosité conséquente.<br />

Notons que c<strong>et</strong>te vulnérabilité dans la production de biomasse est, malgré tout, lissée par une<br />

lente adaptation génétique. En eff<strong>et</strong>, ces espèces se sont progressivement sélectionnées en<br />

faveur d’une meilleure résistance à l’aridité du climat. Globalement, les conditions<br />

pluviométriques ont conduit à la sélection d’espèces herbacées <strong>et</strong> ligneuses adaptées à un<br />

hivernage court <strong>et</strong> à des précipitations aléatoires (Hiernaux <strong>et</strong> Le Houérou, 2006).<br />

De plus, la présence récurrente de feux de brousse peut, en quelques heures, faire disparaître<br />

plusieurs dizaines, voir des centaines de milliers d’hectares (feux de 2006, par exemple). La<br />

sélection de plantes xérophiles en est ainsi favorisée. Pour certains feux, les repousses qui<br />

s’ensuivent sont certes hautement nutritives mais ne correspondent, dans notre contexte,<br />

qu’à quelques dizaines de kilogrammes de matière sèche par hectare. Les feux, par leur<br />

spontanéité <strong>et</strong> leur ampleur imprévisibles, imposent des stratégies de replis pour l’ensemble<br />

des pasteurs, <strong>et</strong> ce, quelle que soit leur condition ou statut social. L’anticipation de ce type de<br />

risque reste donc impérieuse. La vulnérabilité de la production de biomasse à proximité d’un<br />

forage rend de fait donc caduque toute velléité de fixation…<br />

2.2.3. Approche quantitative de l’utilisation des différents pâturages<br />

2.2.3.1. Rappel des pratiques d’utilisation<br />

L’utilisation des différents pâturages est marquée par la saisonnalité depuis que la<br />

présence de l’eau des forages a permis le séjour permanent des hommes <strong>et</strong> des troupeaux<br />

dans le Ferlo profond (le Kooya).<br />

Durant la saison humide, la gestion des parcours repose <strong>sur</strong> l’exploitation des pâturages<br />

situés à faible distance de l’implantation d’hivernage, le rumano, localisé à proximité d’une<br />

17


mare temporaire. En saison sèche, l’exploitation de pâturages est de plus en plus éloignée du<br />

rumano. Les distances à parcourir pour les bovins sont comprises entre 10 <strong>et</strong> 20 km du forage,<br />

avec l’abreuvement un jour <strong>sur</strong> deux. C’est généralement dès le mois de novembre que<br />

commence la période d’abreuvement d’un jour <strong>sur</strong> deux <strong>et</strong> qui se poursuit jusqu’à l’hivernage.<br />

C<strong>et</strong>te pratique d’abreuvement est connue depuis la création des forages (Barral, 1982 : 62) <strong>et</strong><br />

n’a donc pas un caractère exceptionnel, malgré l’énorme contrainte hydrique que subissent<br />

alors les animaux. L’utilisation du pâturage aérien pour les bovins n’est vraiment considérée<br />

que comme un pâturage de famine auquel on n’a recours que lorsque la paille est terminée,<br />

peut être à l’exception de Pterocarpus lucens, lorsque sa présence abondante le perm<strong>et</strong>. Si le<br />

pâturage vient à manquer, cela implique l’abandon du campement temporaire pour une p<strong>et</strong>ite<br />

transhumance très courante en direction d’un forage voisin.<br />

En eff<strong>et</strong>, il est fréquent 13 que toute ou une partie de la population d’un forage <strong>et</strong> de son<br />

cheptel correspondant, soit amenée à délaisser les parcours de leur forage habituel pendant<br />

une partie de la saison sèche en raison d’une pluviométrie localement insuffisante ou à cause<br />

de la destruction des pâturages par de soudains feux de brousse dévastateurs.<br />

Ce mouvement n’est toutefois pas comparable aux cas de 1973 où l’exode a été quasi-général.<br />

Les transhumances de grande amplitude apparaissent en eff<strong>et</strong> comme des stratégies de lutte<br />

contre la sécheresse. Il s’agit alors d’une fuite éperdue vers des espaces pastoraux plus ou<br />

moins connus où la dimension relationnelle 14 est alors primordiale.<br />

2.2.3.2. Régression progressive de la <strong>sur</strong>face disponible moyenne par animal<br />

L’utilisation des pâturages par l’animal se traduit en zootechnie par le calcul d’une<br />

charge, ou d’une superficie (en hectare) disponible par Unité de Bovin Tropical (UBT) 15 <strong>et</strong><br />

13 Touré (1990 : 17) note qu’à y regarder de près, les mouvements internes des troupeaux <strong>et</strong> des familles ne revêtent plus<br />

un caractère aussi généralisé que l’indique Barral (1882). Selon c<strong>et</strong> auteur l’analyse de la mobilité pastorale à l’intérieur de<br />

la zone d’emprise des forages montre que « l’on est bien en présence d’un véritable nomadisme pastoral qui, à la différence<br />

des mouvements de transhumance dirigés vers l’extérieur, affecte pratiquement toute la région étudiée ici ».<br />

14 Barral (1982 : 79) note que dans le contexte des forages la stratégie pastorale des Peul apparaît comme parfaitement<br />

relationnelle […] Il serait donc illusoire de penser que des améliorations substantielles peuvent être apportées à la gestion<br />

des parcours à l’intérieur du Ferlo dans l’état actuel des choses.<br />

15 Un ovin = 0,105 UBT, un caprin = 0,08 UBT (Tyc, 1994 : 74 <strong>et</strong> 76-77). Tyc, in Thébaud, (1994 : 18) signale un<br />

souci d’ajustement des normes par une minoration de conversion d’un asin à 0,5 UBT (poids vif de 110kg)..<br />

Rappelons qu’une unité de bovin tropical (UBT) correspond à un animal de 250 kg de poids vif de d’un<br />

besoin alimentaire d’entr<strong>et</strong>ien de 6,25 kg de matière sèche par jour.<br />

18


par éventuellement une illustration par des cartes d’utilisation des parcours. Toutefois, il<br />

s’agit d’une approche délicate à cerner dans le cadre d’espaces sahéliens ouverts. Barral<br />

(1982 : 62) dans ses travaux, a essayé de cerner ce paramètre. Il note que <strong>sur</strong> treize forages, la<br />

variation du nombre d’hectares par tête de bovin varie de 7,5 à 17,8 selon que le forage se<br />

trouve dans le Ferlo sableux aux pâturages fournis ou dans le Ferlo latéritique, n<strong>et</strong>tement<br />

moins généreux en biomasse.<br />

Nous ne développerons pas ici les expérimentations qui ont été réalisées à Widou Thiengoly.<br />

En résumé, elles visaient le contrôle des charges animales dans les périmètres pastoraux.<br />

Simplement, nous rappellerons que les périmètres clôturés se font toujours au prix de<br />

l’accentuation des déséquilibres entre le cheptel <strong>et</strong> les ressources disponibles dans la zone<br />

non aménagée, contiguë aux périmètres (ou parcelles) contrôlés. Touré (1991) souligne que<br />

dans la périphérie du forage de Widou la superficie théoriquement disponible par UBT dans les<br />

périmètres de 1985 <strong>et</strong> 1986 est de 10 ha, alors que dans la zone non clôturée, nous estimons ce ratio à 4,10<br />

ha/UBT en moyenne (Touré, 1991 : 9).<br />

Par contre, il nous paraît intéressant de reprendre l’évolution des estimations de la superficie<br />

disponible par animal dans le Ferlo au cours du siècle.<br />

Des estimations portant <strong>sur</strong> la première moitié du siècle (Santoir, cité par Barral) 16 soulignent<br />

une dimension de l’ordre d’un bovin pour 100 ha au début du XX e siècle, puis d’une<br />

superficie d’un bovin pour 24 ha en 1950.<br />

En 1994, des calculs <strong>sur</strong> le degré d’utilisation des pâturages ont été réalisés par Tyc (1994). Le<br />

cheptel bovin de la zone des 15 forages a été pris en considération à hauteur de 100.000 têtes.<br />

Les p<strong>et</strong>its ruminants ont été estimés à 300.000 têtes <strong>et</strong> pour les équins <strong>et</strong> asins, le cheptel se<br />

situait à environ 5.000 équins <strong>et</strong> 20.000 asins. La zone pastorale, desservie à partir des 15<br />

forages, correspondait à une superficie de 12.000 Km 2 . La superficie disponible théorique par<br />

UBT (toutes espèces confondues) était alors d’environ 10 ha en moyenne. L’espace pastoral<br />

disponible pour chaque éleveur du Kooya semblait donc déjà se réduire progressivement par<br />

rapport aux chiffres avancés par Barral (1982) durant la décennie précédente.<br />

Tyc (1994 : 14) note qu’en 1994 la valeur financière annuelle globale de la production animale<br />

pastorale de la zone des 15 forages était estimée à environ 3,2 milliards de FCFA par an <strong>sur</strong> les<br />

16 C. Santoir, note que si dans le Djolof le cheptel bovin a triplé entre 1950 <strong>et</strong> 1975, en 1950 un bovin y disposait<br />

encore d’un espace théorique de 24 ha. […] 1 bovin pour 100 ha au début de ce siècle, dans le Ferlo, nous paraissent des<br />

valeurs très plausibles (Barral, 1982 : 23).<br />

19


1.200.000 hectares en question. C<strong>et</strong>te production financière s’élevait alors à un montant<br />

théorique de 2.666 FCFA par an <strong>et</strong> par hectare. A l’époque, il concluait qu’il apparaissait bien<br />

vraisemblable qu’aucune autre activité ne saurait concurrencer la production pastorale.<br />

Des calculs semblables ont été réalisés en 2008 avec, pour double source, d’une part la base<br />

d’une extrapolation des effectifs de 1994 <strong>sur</strong> les 15 forages <strong>et</strong>, d’autre part, avec un souci de<br />

recoupement, les recensements 17 effectués annuellement <strong>sur</strong> chacun des dix forages suivis par<br />

le PAPF. La superficie théorique disponible obtenue par UBT (toujours avec l’ensemble des<br />

espèces confondues) est de 6,1 ha pour les 15 forages (correspondant à ceux de Tyc) <strong>et</strong> de 7<br />

ha pour les 10 forages suivis directement par le proj<strong>et</strong>. Par ailleurs, les calculs de productivité<br />

financière pastorale donnent actuellement un montant (viande <strong>et</strong> lait, vendu ou auto<br />

consommé) de 5.600 Fcfa par ha. Au-delà d’une critique <strong>sur</strong> les approximations résultant de<br />

tels calculs, il ne faut évidemment r<strong>et</strong>enir que les ordres de grandeur.<br />

Enseignements : La <strong>sur</strong>face moyenne théorique par UBT a diminué en trente ans de 12,5 ha<br />

à environ 7 ha <strong>et</strong> ce malgré la sécheresse majeure de 1984 <strong>et</strong> celle plus mineure de 1992. A<br />

l’échelle du siècle, elle a été au moins divisée par dix. La productivité financière à l’hectare,<br />

elle, s’est maintenue passant de 2.700 Fcfa (avant dévaluation) à 5.600 Fcfa. Les termes de<br />

l’échange avec les autres produits marchants ont donc été favorables aux productions animales.<br />

Par ailleurs, la régression de l’agriculture pluviale extensive (mil/béref/niébé), réalisée jadis<br />

par les agropasteurs dans les zones périphériques du Ferlo, souligne d’autant la vocation<br />

franchement pastorale du Ferlo.<br />

2.2.4. Les grandes évolutions pastorales : A la recherche de nouveaux parcours<br />

2.2.4.1. La période d’avant les forages<br />

La vie <strong>sociale</strong> était organisée autour d’une grande transhumance périodique, répétée<br />

annuellement. A cause d’un manque d’eau, personne ne pouvait séjourner en saison sèche<br />

dans le centre du Ferlo, le fameux Kooya mythique, lieu de liberté <strong>et</strong> de dissidence, décrit par<br />

17 Au suj<strong>et</strong> des recensements, il y a lieu de préciser qu’il s’agit d’un « comptage approximatif annuel » des animaux afin<br />

d’appliquer un facteur multiplicateur pour que le chef de galle s’acquitte mensuellement des droits d’accès à l’eau.<br />

Pour les troupeaux présentant un effectif restreint le comptage individuel est appliqué. Par contre, une<br />

approximation est tolérée, voire négociée, pour les grands troupeaux ainsi que pour les p<strong>et</strong>its ruminants.<br />

20


Benoit (1988). En eff<strong>et</strong>, le bétail ne trouvait à s’abreuver qu’au Fleuve ou au sud, autour des<br />

puits des villages. C’est lors de la saison humide, lorsque l’eau pluviale s’accumulait dans les<br />

mares, que les groupes de pasteurs revenaient chacun vers le campement d’hivernage avec le<br />

troupeau. Le rumano, qui était temporairement repeuplé, servait aussi d’espace agricole. En<br />

eff<strong>et</strong>, ils cultivaient leur champ de mil dans les anciens parcs à bétail, valorisant ainsi au<br />

mieux la fertilité accumulée <strong>et</strong> transformée. Dans ce Kooya, envié par les sédentaires, les<br />

pasteurs restaient jusqu’à l’épuisement des mares qui <strong>sur</strong>venait au cours de la saison sèche.<br />

Historiquement, la durée de ce séjour a régressé dans le temps. Des recherches historiques<br />

<strong>sur</strong> le Ferlo, non encore publiées, menées par le Conseiller national 18 du PAPF, montrent une<br />

régression de la durée du séjour <strong>sur</strong> le demi-siècle (9 mois en 1904, 7 mois en 1925 puis 6<br />

mois en 1957). Barral (1982) souligne pour la période du fonçage des forages, une<br />

exploitation <strong>sur</strong> une durée maximale de 5 à 6 mois 19 .<br />

Il semble que le comblement progressif des mares a été causé par un piétinement grandissant<br />

<strong>et</strong> une déforestation périphérique, liés à une <strong>sur</strong>exploitation. Avec le mode traditionnel de<br />

gestion de l’espace pastoral (le houroum), la viabilité des mares reste certainement un point<br />

qui a été fortement omis dans la conception des différents proj<strong>et</strong>s de développement par la<br />

suite.<br />

A l’assèchement des mares, ils repartaient alors vers le Fleuve, pour bénéficier des pâturages<br />

de décrue, ou vers la vallée sèche du Ferlo 20 dont une nappe perchée était exploitée grâce à<br />

des puisards 21 . Pendant quelques mois en attendant les nouvelles pluies, ils vivaient en<br />

18 En 1904, l’Administrateur, Commandant du Cercle de Podor souligne que dans le Dieri, quelques mares<br />

remplies par les pluies d’hivernage perm<strong>et</strong>tent aux peulhs d’abreuver leurs troupeaux jusqu’à Mars. Vers 1925, Daramy<br />

d’Oxoby, parlant du Ferlo, notait ceci : « Actuellement, dès Février, les troupeaux de ces régions émigrent vers les<br />

rives du Sénégal ». Grosmaire (1957), dans son ouvrage « Eléments de politique sylvo-pastorale au Sahel<br />

Sénégalais relevait à propos des mares du Ferlo : « C’est par ces mares que les troupeaux vivent pendant les mois<br />

de Juin, Juill<strong>et</strong>, Août, Septembre, Octobre <strong>et</strong> parfois Novembre ». Communication personnelle de Daniel André,<br />

Conseiller Technique au PAPF (10 avril 2008).<br />

19 Ainsi le Ferlo avant les forages était-il régulièrement parcouru <strong>et</strong> exploité par les pasteurs Peul 5 à 6 mois par an, dès<br />

l’apparition des mares, généralement courant juill<strong>et</strong>, jusqu’à leur assèchement, qui, dans les bonnes années, pouvait<br />

n’intervenir qu’en décembre, voire même en janvier ou février (Barral, 1982 : 28-29).<br />

20 Les dernières crues remontent au XIX e siècle d’après Grosmaire (1957). Dans l’ouvrage « irrigation <strong>et</strong> cultures<br />

irriguées en Afrique Tropicale » Yves Henry rapporte page 40 : « Une crue exceptionnelle nous est signalée par Braouzec<br />

en 1841, l’inondation traversa le Djoloff tout entier <strong>et</strong> noya les vallées mortes du Ferlo. Ce même phénomène se reproduisit<br />

en 1890. (Grosmaire, 1957 : 25, Fascicule 10, titre III).<br />

21 Appelées céanes en langue Wolof.<br />

21


côtoyant les agriculteurs, Halpulaar 22 du Fleuve ou Wolof du Djolof <strong>et</strong> du Sine Saloum. Avec<br />

l’ensemble de ces groupes, ils entr<strong>et</strong>enaient des relations d’échange <strong>et</strong> de production<br />

(Pouillon, 1983 : 3).<br />

Certaines fixations d’éleveurs <strong>sur</strong> une assez longue durée ont été observées par Dupire (1956)<br />

qui souligne de fortes différenciations. Elle illustre, par exemple, que c<strong>et</strong>te sédentarisation<br />

chez les Fulbé-Latye n’est que partielle. Le Peul est à la recherche constante de nouveaux<br />

pâturages. Elle note que ce sous-groupe déplace son complexe campement d’hivernage-champ, environ<br />

tous les cinq à dix ans. A l’opposé, une sédentarisation semble plus durable chez les N’Diengel.<br />

En eff<strong>et</strong>, les troupeaux seuls nomadisent avec les bergers, mais se sont essentiellement les cultures d’arachides<br />

qui les ont fixés dans ces régions où ils ont des puits. Soulignons les raisons pour lesquelles le Peul ne peut se<br />

fixer que temporairement : il veut éviter la concentration des troupeaux qui usent les pâturages, il craint les<br />

épizooties, il a besoin de vendre ses produits laitiers (Dupire (1956), In Grosmaire, 1957 : Annexe<br />

« Pêche… » 21).<br />

Dans c<strong>et</strong> espace pastoral en mouvement, des règles coutumières d’usages existaient. Les<br />

« houroum 23 » selon Grosmaire (1957) étaient des unités territoriales juxtaposées dont un ensemble<br />

constituait un « dieï » (du verbe Peul signifiant posséder), c’est-à-dire une zone de vie par opposition à la<br />

brousse inhabitée. Chaque « houroum » constituait donc l’espace agropastoral correspondant à un campement<br />

d’hivernage <strong>et</strong> était réservé à l’usage exclusif des habitants <strong>et</strong> du cheptel du campement considéré. On prenait<br />

donc garde à ce que ses animaux n’aillent pas pâturer dans le « houroum » du campement voisin. […] Si<br />

l’emprise humaine y était faible (1,5 hab./km 2 , 6 mois par an), l’exploitation du milieu naturel n’y était en<br />

rien anarchique, mais réglée par les transhumants <strong>et</strong> par le système du « hurum » qui […] perm<strong>et</strong>tait<br />

d’établir une responsabilité des éleveurs vis-à-vis de leurs parcours.<br />

On note toutefois une différenciation n<strong>et</strong>te dans le monde Peul de l’occupation de l’espace<br />

d’avant les forages entre ceux du Walo 24 <strong>et</strong> ceux du Dieri. Les Peul Walo, avec des<br />

transhumances de faibles amplitudes, profitaient d’un calendrier fourrager envié grâce à la<br />

complémentarité fourragère existante entre le Walo <strong>et</strong> le Ferlo. Barral (1982 : 26) souligne ce<br />

véritable tour de force 25 , d’avoir de l’herbe verte <strong>et</strong> un abreuvement journalier toute l’année,<br />

22 (i.e. « ceux qui parlent le Pulaar »)<br />

23 Signifiant l’interdit en traduction française.<br />

24 Walo : lit majeur du fleuve <strong>et</strong> les Dieri : zone des dunes, « arrière-pays ».<br />

25 Ainsi, il apparaît clairement que le système pastoral pratiqué par les Peul Walo réalisait le tour de force, en milieu<br />

Sahélien, d’as<strong>sur</strong>er au bétail pâturage vert <strong>et</strong> abreuvement quotidien pratiquement toute l’année, aussi bien en saison sèche,<br />

dans le Walo, qu’en saison des pluies dans le Ferlo, ce qu’un de nos interlocuteurs Woodabe résumait d’ailleurs de la façon<br />

22


condition de conduite rarissime pour le contexte sahélien. La mémoire collective porte<br />

encore ce constat comme le témoigne les entr<strong>et</strong>iens réalisés par Ba (2007) <strong>et</strong> Marsan (2007)<br />

dans les deux études récentes <strong>sur</strong> le forage de Bélél Bogal. Pour le Golodjina proche, la<br />

logique d’un plus grand échange avec les pâturages de la périphérie du lac de Guiers semble<br />

la même. En eff<strong>et</strong>, nous r<strong>et</strong>rouvons la description d’une même aisance dans le récit des<br />

calendriers fourragers des Peul de Mbar Toubab d’avant la création des forages (Gadio, 2007)<br />

<strong>et</strong> Cocqu<strong>et</strong> (2007).<br />

Il apparaît donc clairement que la mobilité pastorale chez des Peul Diéri était plus grande que<br />

celle des Peul Walo. Cependant, il ne faut pas oublier que chez les Peul Walo, en saison<br />

sèche, il y avait fréquemment dissociation du groupe. Les transhumants se déplaçaient à<br />

travers le Walo passant couramment le fleuve pour rejoindre la rive mauritanienne <strong>et</strong> même le lac de Rkiz<br />

avec la majeure partie du troupeau. (Barral, 1982 : 26).<br />

Enseignements : Nous avions donc bien dans la première moitié du XX e siècle des<br />

transhumances diverses mais adoptant une logique latitudinale tant pour les Peul Walo<br />

(Fleuve <strong>et</strong> ses deux rives, que pour les Peul Diéri (Kooya <strong>et</strong> vallée du Ferlo puis le Sine, le<br />

Saloum <strong>et</strong> le bassin arachidier).<br />

C<strong>et</strong>te organisation singulière de l’espace pastoral <strong>et</strong> politique allait être mise durablement à<br />

l’épreuve, notamment avec l’arrivée des forages.<br />

2.2.4.2. Restriction progressive de l’espace pastoral<br />

Dès la mise en service des forages 26 (datée de 1950 à 1957, pour le premier lot), on<br />

constate un ralentissement des transhumances vers le fleuve Sénégal. Barral note que 55% des<br />

suivante « En ce temps là nos animaux buvaient tous les jours toute l’année <strong>et</strong> ne connaissaient pas la paille ». (Barral,<br />

1982 : 26).<br />

26 La nappe du Maëstrichtien a été découverte de manière fortuite en 1938 à Kaolack (Barral <strong>et</strong> al, 1983 : 10). […] c’est<br />

seulement en 1948 que celles-ci [les campagnes de fonçage des forages] devaient débuter dans le Ferlo pour aboutir,<br />

en 1950, à l’ouverture du forage de Dodji. […] Au total 35 forages étaient réalisés en 1957 dans la zone sylvo-pastorale<br />

en comptant les forages du Djolof. (Barral, 1982 : 34). L’effort devait se poursuivre après l’accession du Sénégal à<br />

l’indépendance, 8 autres forages mécanisés étant mis en service dans la seule zone qui nous intéresse ici, entre 1963 <strong>et</strong> 1969<br />

(Barral <strong>et</strong> al, 1983 : 10).<br />

23


éleveurs qui pratiquaient c<strong>et</strong>te transhumance assortie de nomadisation vers le Walo abandonnent l’une <strong>et</strong><br />

l’autre au cours de la décennie 1952-1962, l’année où l’on note le plus d’abandons étant 1953. Ce<br />

phénomène se poursuit lentement au fil des années avec la multiplication des forages (14%<br />

d’abandons entre 1962 <strong>et</strong> 1967).<br />

Les aménagements hydro-agricoles de la SAED, accompagnant le choix d’un développement<br />

sectoriel rizicole, soulignent une incompatibilité de fait. En eff<strong>et</strong>, la fixation d’un troupeau<br />

transhumant <strong>et</strong> d’un aménagement hydro-agricole <strong>sur</strong> un même terroir doit être au préalable<br />

anticipée pour être viable, ce qui n’a pas du tout été le cas. De plus, le maintien d’un effectif<br />

transhumant de plusieurs dizaines de milliers de têtes (environ 30.000 en 1965-70) n’est pas<br />

davantage concevable dans un territoire orienté vers un système hydro-agricole intensifié. En<br />

bref, élevage <strong>et</strong> éleveurs ont été quasiment expulsés de la vallée. Ils ont naturellement rejoint<br />

leur Ferlo.<br />

La sécheresse de 1973 va également entraîner une accélération des désaffectations pour les<br />

parcours du Walo. Barral (1982 : 44) note en eff<strong>et</strong> 26% d’abandons au cours de la période 1968-1975.<br />

D’après une enquête de 1982, il constate que c<strong>et</strong>te transhumance vers le Walo ne concerne plus que<br />

22% des transhumants habituels <strong>et</strong>, nous l’avons vu que 3% de l’ensemble (Barral, 1982 : 44). Les<br />

mouvements pastoraux vers la vallée du fleuve Sénégal ne sont plus que marginaux. La<br />

restriction de l’espace pastoral vers le nord <strong>et</strong> son point de rupture temporel est flagrante <strong>sur</strong><br />

seulement un pas de temps de deux décennies.<br />

Plus largement, Barral (1982 : 51) relève une différenciation dans la restriction de l’espace<br />

pastoral entre le nord <strong>et</strong> le sud du Ferlo. Il souligne que 95% des éleveurs qui pratiquaient la<br />

transhumance vers le Walo avant les forages ont abandonné celle-ci à l’heure actuelle, tandis que 74%<br />

seulement des éleveurs qui pratiquaient la transhumance vers le Djolof ont renoncé à c<strong>et</strong>te dernière. Les<br />

pâturages du Djolof <strong>et</strong> ceux du Sud apparaissent donc plus attractifs pour les éleveurs du<br />

Ferlo que ceux de la vallée du fleuve Sénégal. Celle-ci, par la riziculture intensive qui s’y<br />

pratique, exclue désormais tout accueil d’un élevage extensif 27 .<br />

27 C<strong>et</strong>te tendance d’exclusion rizicole de l’élevage pastoral <strong>sur</strong> les terroirs de la vallée a été confirmée par la<br />

suite. En eff<strong>et</strong>, Thébaud (1994: 30) mentionne que l’ensemble des informations […] confirment de façon<br />

indéniable l’accès de plus en plus restreint des pasteurs du Ferlo central aux ressources de la Vallée du Sénégal. La<br />

conversion de la vallée en zone de terroir <strong>et</strong> le développement de la riziculture réduisent d’autant la capacité de maintien<br />

d’une activité pastorale durable.<br />

24


La nouvelle disponibilité en eau par la mise en service des forages à exhaure mécanique va<br />

donc progressivement supprimer la différenciation entre les deux systèmes pastoraux<br />

pratiqués respectivement par les Peul Walo <strong>et</strong> par les Peul Dieri.<br />

D’autre part, il serait faux de croire que seuls les forages ou les aménagements ont induits de<br />

tels changements. A l’aube des indépendances, les grandes réformes étatiques ont également<br />

participé au bouleversement de la donne pastorale. Par le pouvoir législatif, la gestion<br />

pastorale a été remise en question 28 . En 1960, toutes les terres non appropriées de façon<br />

permanente sont devenues par Décr<strong>et</strong> le domaine de l’Etat. Les sous-groupes Peul, dominés<br />

par certains membres de l’aristocratie Ardo, étaient réfractaires à la discipline du hurum. Ils<br />

utilisèrent alors l’opportunité d’un nouveau droit foncier colon, légitimé par une réforme<br />

étatique, pour tenter d’activer un rééquilibrage de leur position <strong>sociale</strong> de dominés.<br />

Il s’agit bien d’un nouveau modèle de structuration de l’espace pastoral qui s’est substitué aux<br />

équilibres anciens, fondés <strong>sur</strong> le hurum. Concrètement un émi<strong>et</strong>tement des campements<br />

marque l’espace pastoral. Les campements ancestraux se fractionnent en des entités<br />

autonomes par fractionnement de galle <strong>et</strong> prise d’indépendance des jeunes générations. Les<br />

campements « de deuxième niveau », se positionnant résolument plus loin des mares<br />

ancestrales, essaiment au gré des fissions de troupeaux. 29 Au-delà de la modernité <strong>et</strong> d’une<br />

revendication de certaines individualités dominées, le rej<strong>et</strong> d’une discipline ancestrale a fait<br />

apparaître des solidarités nouvelles, bâties <strong>sur</strong> l’exploitation commune d’un forage <strong>et</strong> de ses<br />

parcours correspondants.<br />

Mais très tôt, l’espace pastoral d’un forage a montré toutes ses limites (feux de brousse,<br />

déficit pluviométrique localisé, panne du moyen d’exhaure, <strong>sur</strong>exploitation). Le côtoiement 30<br />

d’espaces pastoraux de deux, voire trois ou quatre forages devenait impératif. Le principe<br />

intangible de la responsabilisation du hurum ancestral a laissé la place à une exploitation<br />

n<strong>et</strong>tement plus opportuniste de l’espace pastoral. Grenier souligne c<strong>et</strong>te « dé appropriation »<br />

28 […] à partir de 1960, toutes les terres non appropriées de façon permanente ayant été décrétées domaine de l’Etat, tous<br />

ceux qui refusaient la discipline du houroum en tirèrent argument pour le rem<strong>et</strong>tre en cause […] (Barral, 1982 : 60)<br />

29 La toponymie des campements peut aider à distinguer les campements anciens (portant encore le nom<br />

de village dans la vallée, par exemple) de ceux qui ont été « nouvellement » créés lors des émi<strong>et</strong>tements<br />

successifs. Un thème de recherche passionnant d’ailleurs être productif concernant toutes ces questions.<br />

30 Barral (1982) parle élégamment de frange d’interférence: […] il existe […] entre deux forages voisins une<br />

« frange d’interférence » qui est celle où les troupeaux de ces 2 forages sont susceptibles de se rencontrer en fin de saison sèche<br />

(Barral, 1982 : 61).<br />

25


en mentionnant l’apparition d’une instabilité accrue 31 . Dupire évoque une tentative généralisée<br />

d’exclusion de troupeaux étrangers du Ferlo 32 .<br />

D’une manière plus directe, la restriction de l’espace pastoral par la politique coloniale s’est<br />

concrètement traduite par la création de forages dans le Ferlo. Le premier forage a été réalisé<br />

dans le Ferlo seulement à partir de 1948. Devant la réussite du test, il s’en est suivi une<br />

extension conséquente couvrant le Ferlo d’un maillage d’aménagements hydrauliques<br />

31 A la régularité des déplacements d’autrefois pendant la saison sèche, n’a pas succédé la sédentarisation mais une instabilité<br />

accrue. In Grenier (1957), cité par Barral (1982 : 36).<br />

32 En dépit des quelques bagarres entre tribus qui se sont produites autour des forages, le Peul a compris que ceux-ci<br />

appartenaient à tous, mais ce qu’il adm<strong>et</strong> mal, c’est le passage des troupeaux étrangers <strong>sur</strong> les pâturages. Ne pouvant<br />

refouler les nouveaux arrivants, il réclame de l’Administration, de nouveaux forages ou des puits, <strong>sur</strong> ses propres terrains<br />

de parcours. On a donné disent-ils, un forage aux Ururbe, mais on n’a rien fait pour les Bakarnabe. C’est ainsi qu’ils<br />

réclament des puits à Degentou, Dyabbe, Boboral, dès qu’un rassemblement un peu important de campements semble<br />

autoriser une telle demande. La fixation du nomade ne sera durable <strong>et</strong> rentable qu’avec le développement de son économie<br />

(Dupire (1956), In Grosmaire, 1957 : Annexe « Pêche… » 23-24).<br />

26


perm<strong>et</strong>tant les déplacements d’éleveurs enfin sécurisés par une présence permanente d’eau<br />

d’abreuvement.<br />

L’intérêt du recul historique est ici frappant. Il y a lieu d’imaginer que déjà lors de la création<br />

des premiers puits pastoraux au tout début du siècle 33 , ces innovations exogènes ont<br />

représenté un tournant à la fois concr<strong>et</strong> (quelques dizaines pour le Ferlo) <strong>et</strong> symbolique sans<br />

précédent pour les transhumants. Au milieu du siècle, le pouvoir dominant a imposé un<br />

nouveau rapport à l’espace pour les éleveurs. Les forages construits par autrui ont été très<br />

utiles pour la conquête du Ferlo mais ont perturbé les rapports usuels d’alliance des Peul. Ces<br />

sociétés pastorales, toujours à la recherche de réciprocité accordent, par principe relationnel,<br />

une attention à l’Autre. Mais quelle réciprocité attendre d’un tel investissement relationnel<br />

avec un nouvel acteur qui aménage à sa façon ? A cause de ce qui a été certainement perçu<br />

comme une véritable transgression de l’espace pastoral existentiel 34 profondément ancré dans<br />

la mémoire collective 35 , la représentation de l’espace pastoral volait en éclat <strong>et</strong>, en contre<br />

coup, m<strong>et</strong>tait au défi la consolidation de l’identité Peule du Ferlo 36 . L’histoire de la restriction<br />

de l’espace social se répète donc à travers le siècle.<br />

Toutefois il faut prendre un certain recul <strong>et</strong> relativiser. Le relâchement constaté des liens de<br />

solidarité à l’intérieur du groupe <strong>et</strong> le déclin de l’autorité des chefs <strong>et</strong> des notables sont des<br />

phénomènes qui ont affecté, à des degrés divers, toutes les sociétés africaines. On ne peut<br />

donc pas attribuer aux seuls forages dans le Ferlo la cause de la crispation identitaire de la<br />

société. De plus, il faut avouer que la société Peul a su développer des stratégies efficaces<br />

pour lutter contre l’oppression de son espace pastoral.<br />

La mise en service des forages n’a pas pour autant transformé totalement l’exploitation<br />

saisonnière des pâturages durant l’année. Le cycle est toujours amorcé par l’arrivée des pluies.<br />

Le groupe stationne au campement d’hivernage (le rumano) autour duquel est installé le<br />

champ de mil qui as<strong>sur</strong>e la subsistance pour quelques mois. L’agriculture extensive se<br />

33 <strong>Quelques</strong> dizaines de puits ont été creusés dans la périphérie du Ferlo entre 1905 <strong>et</strong> 1913 par la « Brigade<br />

des puits ».<br />

34 Le Kooya mythique, Benoit (1988), Op. cit.<br />

35 […] le lieu a reçu la mémoire du groupe, <strong>et</strong> réciproquement. (Halbwachs, 1997 : 196)<br />

36 Il faut noter aussi une conséquence psychologique de la création des forages, c’est le développement du Nationalisme Peul,<br />

qui est d’ailleurs naturel. De refoulé, le Peul auquel s’intéresse l’administration, se sent devenu favorisé. Il prend conscience<br />

de sa force, <strong>et</strong> réclame de nouveaux avantages, tandis que s’exprime son opposition envers les sédentaires (Dupire (1956),<br />

In Grosmaire, 1957 : Annexe « Pêche… » 23-24).<br />

.<br />

27


poursuit dans les années 1980, même si elle a tendance à régresser lorsque le troupeau est<br />

reconstitué enfin après la sécheresse.<br />

La saison sèche reste toujours une période difficile, malgré la sécurité de l’abreuvement<br />

garanti par l’eau des forages. Pouillon (1983 : 6) souligne que les animaux maigrissent à cause des<br />

fatigues <strong>et</strong> des privatisations <strong>et</strong> ils ne donnent pratiquement plus de lait.<br />

Les Peul du Ferlo ont bien inventé un système d’exploitation qu’ils ne pratiquaient<br />

absolument pas avant la mise en service des forages. A l’époque, leurs déplacements avaient<br />

une logique latitudinale, <strong>sur</strong> des distances importantes, du Ferlo vers le Walo ou du Ferlo<br />

vers le Djolof. Dans le nouveau système, Barral (1982 : 67) qualifie leurs déplacements entre<br />

les auréoles de desserte de chaque forage de mouvements de pulsation depuis les zones de pâturages<br />

d’hivernage vers des zones de pâturages de saison sèche <strong>et</strong> vice versa, les premières étant souvent, mais pas<br />

toujours, les plus éloignées des forages.<br />

Enseignements : On est donc frappé par la ténacité de l’occupation de c<strong>et</strong> espace <strong>et</strong> cela malgré<br />

des mutations radicales qui en ont affecté la gestion. D’un logique latitudinale, les Peul ont<br />

intuitivement inventé de nouveaux systèmes pastoraux d’exploitation, basés <strong>sur</strong> l’imbrication<br />

de plusieurs transhumances poly-centrées correspondant à autant de forages régulièrement<br />

visités.<br />

2.2.4.3. A la recherche de nouveaux espaces sociaux <strong>et</strong> pastoraux<br />

Mais, il apparaît clairement que le seul Ferlo ne peut pas garantir la <strong>sur</strong>vie de l’élevage<br />

pastoral lors des grandes crises. Le développement de nouveaux espaces sociaux 37 , permis par<br />

des relations à conquérir, est la résultante de c<strong>et</strong>te transformation historique du Ferlo. Avec<br />

la crise Sénégalo-mauritanienne (1988-89), l’horizon des pâturages du nord s’est, une<br />

nouvelle fois, trouvé réduit à néant. L’ouverture vers des espaces pastoraux encore vacants<br />

du sud, le Sine, le Saloum, les Terres neuves ou le Bassin arachidier plus proche, représente<br />

l’alternative des années 1990-2000.<br />

37 Pour définir le concept d’espace social, on prendra deux définitions complémentaires fournies l’une par<br />

Pierre Bourdieu (1980) : l’espace des positions <strong>sociale</strong>s <strong>et</strong> l’autre par Armand Frémont (1998) : l’ensemble des<br />

relations <strong>sociale</strong>s spacialisées.<br />

28


Certes, le coût de ces transhumances peut apparaître élevée : frais d’abreuvement exorbitants,<br />

nécessité de négocier avec les agriculteurs <strong>sur</strong> les conditions d’accueil, inflation du coût des<br />

sous-produits agricoles, risques de pertes ou de vols d’animaux, risques sanitaires accrus,<br />

suspicion de la confrérie mouride à l’encontre des pasteurs 38 ... Ces difficultés croissantes<br />

d’insertion temporaire des Peul dans des régions plus densément peuplées montre la tension<br />

collective qui entoure la construction de nouvelles alliances. Mais c’est à ce prix que la<br />

sauvegarde d’une partie importante de leurs troupeaux pourra être garantie lors de<br />

l’inéluctable prochaine sécheresse.<br />

L’accès temporaire à ces pâturages stratégiques du sud est conditionné à des compensations<br />

pas seulement de nature financière. Le sud n’offre que peu de jachères ou d’espaces<br />

interstitiels pâturables. De plus, les agriculteurs Wolof <strong>et</strong> Sérères se « pastoralisent » de plus<br />

en plus en investissant dans des troupeaux, conduits d’une manière extensive. Un éventuel<br />

pouvoir de négociation entre ces nouveaux éleveurs <strong>et</strong> les Peul à propos de leur espace<br />

pastoral du Ferlo renvoie inévitablement au statut de la réserve 39 . Ce statut rend impossible la<br />

légitimité d’un contrôle de l’accès, qui pourrait pourtant être une compensation à négocier<br />

avec les agro-pasteurs provenant des zones plus méridionales.<br />

Par ailleurs, il est vrai que la création du statut de l’Unité pastorale formaliserait l’entité de<br />

chaque forage <strong>et</strong> le groupe humain qui y vit. Cela pourrait être un atout pour d’éventuelles<br />

négociations avec les agriculteurs du sud. Mais les unités pastorales apparaissent aussi comme<br />

le résultat d’interventions aménagistes, via un canal institutionnel, mais situées en dehors d’un<br />

cadre législatif formel 40 . De plus, <strong>et</strong> nous l’avons vu précédemment, l’unité s’avère bien trop<br />

restreinte pour l’exercice du pastoralisme, même dans une année d’abondance fourragère.<br />

38 Dans la basse vallée du Ferlo, c<strong>et</strong>te cohabitation [agriculteurs <strong>et</strong> éleveurs] ne semble pas poser de problème majeur <strong>et</strong> les<br />

activités agricoles <strong>et</strong> pastorales s’intègrent de façon relativement harmonieuse dans l’espace. En revanche dans la haute vallée<br />

du Ferlo où les colons mourides ont pris pieds, la difficulté d’association agriculture-élevage se traduit par un conflit aigu<br />

entre les pasteurs peul <strong>et</strong> les paysans wolof (Touré, 1990 : 12).<br />

39 Celle-ci s’est concrétisée par la création de la réserve sylvo-pastorale du Ferlo (Décr<strong>et</strong> du 10/11/1953).<br />

Ce statut a renforcé la présence de l’État <strong>et</strong> a positionné les éleveurs Peuls dans une posture de<br />

soumission, contraire à une émancipation d’une société pastorale <strong>sur</strong> un espace exclusivement pastoral.<br />

40 Les UP résultent d’une intervention institutionnelle <strong>et</strong> d’aménagement, en dehors du cadre législatif : comités, secteurs de<br />

l’UP. Dans c<strong>et</strong>te situation, les citoyens, les élus locaux ou les tenants du pouvoir local ont tout loisir de ne plus « jouer le<br />

jeu » du proj<strong>et</strong> dès lors que celui-ci contredit leurs intérêts. (Wane <strong>et</strong> al, 2006 : 23)<br />

29


Sous-jacent, l’Unité pastorale apparaît bien comme un lieu souhaité de fixation 41 mais<br />

partiellement inadapté avec l’exercice du pastoralisme actuel.<br />

Wane <strong>et</strong> al (2006 : 22-23) nous rappellent l’existence d’un risque d’exclusion que véhicule<br />

bien souvent l’approche classique de gestion de terroir, qui reste sous-jacent à la création des<br />

unités pastorales. La pertinence d’une unité pastorale apparaît davantage humaine que<br />

territoriale. Elle gagne en viabilité si elle demeure une institution de base représentant des<br />

intérêts communs (fédérations) à un niveau supérieur ou vis-à-vis d’autres acteurs<br />

(communautés rurales par exemple). Les auteurs cités soulignent qu’André Marty (1993) a<br />

déjà signalé ce risque récurrent. L’histoire des politiques pastorales montre qu’il peut s’agir<br />

d’un eff<strong>et</strong> pervers de la gestion de terroirs en milieu pastoral, qui sous couvert d’une gestion durable <strong>et</strong><br />

participative des ressources risque de se transformer en outil d’exclusion des pasteurs transhumants ou<br />

nomades. Ici aussi, l’histoire menace de se répéter…<br />

2.2.4.4. Synthèse <strong>et</strong> enjeux<br />

Le maillage territorial des forages a permis aux éleveurs d’étendre leurs zones de<br />

pâturages <strong>et</strong> d’atteindre des parcours délaissés jusque là, faute de ressource en eau suffisante<br />

en saison sèche. Pourtant, ces vastes ressources fourragères ne peuvent remplacer celles dont<br />

ils bénéficiaient auparavant au cours de la transhumance dans le Walo. L’équilibre alimentaire<br />

des animaux s’est trouvé d’ailleurs affecté par une moindre diversité floristique des<br />

pâturages 42 . De plus, malgré les forages, les pasteurs du Ferlo ont été durement touchés par<br />

les grandes sécheresses des années 70 <strong>et</strong> 80. Au-delà des conditions climatiques, il semble<br />

bien que ce soit leur manque d’espace social, entravant leur mobilité, qui ait entraîné des<br />

conséquences aussi dramatiques. Les liens sociaux patiemment entr<strong>et</strong>enus <strong>et</strong> les parcours<br />

sécurisés correspondants étaient en eff<strong>et</strong> une anticipation face à de tels aléas. Les nouveaux<br />

systèmes poly centrés autour des forages ne peuvent résister à de telles crises. C<strong>et</strong>te<br />

saturation pastorale qui s’exprime dramatiquement lors des sécheresses constitue une sorte<br />

de régulation <strong>sur</strong> le bétail. La démographie croissante imposant la charge actuelle menace à<br />

41 Les unités pastorales (UP) apparaissent comme un changement organisationnel prônant une modernisation de l’élevage<br />

extensif, fondée <strong>sur</strong> une limitation de la mobilité <strong>et</strong> une gestion contractualisée des ressources <strong>et</strong> espaces pastoraux […] En<br />

pratique, il s’agit de regrouper l’ensemble des campements se trouvant dans la zone d’influence d’un forage (une quinzaine<br />

de km de rayon) <strong>et</strong> partageant le même espace agricole <strong>et</strong> pastoral, les mêmes points d’eau, ayant les intérêts socioéconomiques<br />

convergents, pour amener les résidents à mutualiser leurs efforts en vue dune gestion durable de leurs ressources<br />

(Wane <strong>et</strong> al, 2006 : 8 <strong>et</strong> 15)<br />

42 On parle de la « maladie des forages » expliquée par des carences minérales liées à la composition<br />

minérale de l’eau (botulisme, par exemple).<br />

30


nouveau sa viabilité. L’émi<strong>et</strong>tement des campements <strong>et</strong> la croissance démographique<br />

humaine se poursuit. A Widou par exemple, en quinze ans, le nombre de galle est passé de<br />

160 (en 1994) à 341 en 2008.<br />

Il est donc logique que depuis une vingtaine d’années de nouvelles alliances perm<strong>et</strong>tant des<br />

transhumances innovantes soient à l’œuvre, notamment vers le sud. C’est dans le Sine, le<br />

Saloum <strong>et</strong> les Terres neuves où les parcours, jachères <strong>et</strong> résidus de récoltes sont encore<br />

présents en saison sèche que certains Peul, parmi les plus aisés 43 emmènent désormais une<br />

partie de leurs troupeaux (ovins principalement).<br />

Un autre enjeu se dessine également au sud du Ferlo. Une plantation (l’entreprise Asyla, <strong>sur</strong><br />

fonds saoudien) de gomme arabique a été mise en place à partir de 1999. Les plantations<br />

d’Acacia senegal couvrent actuellement plusieurs milliers d’hectares (3.600 ha <strong>sur</strong> Amali). Il<br />

conviendrait d’en évaluer objectivement la rentabilité en intégrant nécessairement le coût <strong>et</strong><br />

les conséquences qu’elle a (<strong>et</strong> qu’elle aura dans le futur) <strong>sur</strong> le pastoralisme du Ferlo voisin<br />

(diminution de l’espace pastoral pourtant rentable, modification ou voire obstruction des<br />

axes de transhumance, conflits d’usage…). Si les profits futurs d’une telle plantation<br />

s’avèrent conséquents (ce qu’il reste à prouver), ces plantations capitalistes pourraient se<br />

multiplier, compte tenu des orientations actuelles de la politique agricole sénégalaise. Cela<br />

constituerait alors une entrave évidente au développement des transhumances méridionales<br />

<strong>et</strong> à la reconstitution progressive des zones de replis des pasteurs en cas de crise.<br />

L’analyse du troupeau, en tant que deuxième pôle du système d’élevage est maintenant<br />

nécessaire.<br />

43 On les appelle les Wallenkés, ceux qui sont originaires du Walo.<br />

31


2.3. Les troupeaux<br />

2.3.1. La structure des troupeaux : effectifs, composition <strong>et</strong> races<br />

Une allusion contenue dans l’ouvrage Les Peul du Sénégal de Cheikh Ba (1986 : 134), citant<br />

les résultats d’une enquête effectuée par Receveur en 1965 44 , illustre à la fois la catégorisation<br />

des effectifs animaux <strong>et</strong> la composition des troupeaux de l’époque :<br />

Du point de vue de la taille <strong>et</strong> toujours en zone sylvopastorale une enquête de Receveur établissait, en<br />

1965, les chiffres suivants :1) Troupeaux de moins de 30 têtes : 30% 2) Troupeaux de 30 à 45<br />

têtes : 30% 3) Troupeaux de 50 à 75 têtes : 25% 4) Troupeaux de plus de 75 têtes : 15% 5) Les<br />

troupeaux de plus de 100 têtes sont exceptionnels. (Ba Cheikh ,1986 : 134)<br />

La notion de troupeau minimal de bovins est bien en de ça de 25 têtes. Les troupeaux<br />

présentant des effectifs de plus de 100 têtes de bovins sont jugés exceptionnels. Par ailleurs, il<br />

n’est pas fait allusion aux autres espèces, les p<strong>et</strong>its ruminants en particulier. Cela traduit bien<br />

le désintérêt à l’époque pour ces espèces là. En eff<strong>et</strong>, le bovin traduit l’identité Peul. Il<br />

symbolise, en quelque sorte, une valeur étalon de la me<strong>sur</strong>e <strong>sociale</strong>. Ceci est aisément<br />

compréhensible à l’évocation, par Dupire 45 , du mythe fondateur de ce peuple. La complicité<br />

entre l’humain <strong>et</strong> le bovin est au centre de ce mythe.<br />

La composition d’un troupeau reflète un grand nombre d’<strong>enseignements</strong> qui traduisent<br />

notamment l’exploitation qui en est faite. Cheikh Ba (1986 : 133) note que les troupeaux de<br />

bovins ont presque toujours la même composition 46 . Au-delà de la valeur <strong>sociale</strong> des bovins, la finalité<br />

productive des troupeaux demeure le lait. Ce produit, lui aussi hautement symbolique, <strong>et</strong> ses<br />

dérivés (caillé <strong>et</strong> beurre) se consomment, s’offrent, se vendent ou se troquent. La vente<br />

d’animaux -perçue comme une séparation- n’est faite qu’en dernier ressort, décidée suite à un<br />

44 Receveur, P. Définition d’un programme d’aménagement hydro-pastoraux dans la zone sylvo-pastorale, Dakar, DEIA,<br />

Rapport de mission, 1965, 69 p.<br />

45 Un extrait du résumé du mythe fondateur est présenté par Dupire : La femme de Ukubu était partie un jour<br />

au fleuve, pour se purifier après la période menstruelle. En revenant, un esprit, appelé Kaanaba, sortit de l’eau <strong>et</strong> la<br />

posséda. Elle engendra de lui un fils Haku, qui fut l’ancêtre des Hanagamba (nom local des Bororos nomades). […] Elle<br />

lui [à Haku] dit : « va au fleuve, un vendredi, au coucher du soleil ». […] Alors des vaches <strong>et</strong> des bœufs, sortirent de l’eau<br />

[…] <strong>et</strong> suivirent le jeune homme […] le berger […] vit sortir de l’eau un taureau à sept cornes […] toutes les vaches le<br />

suivirent en brousse… (Dupire, 1996 : 32-33)<br />

46 Nous aboutissons à c<strong>et</strong>te composition moyenne en zone sylvopastorale : 1) Vaches : 58%, dont plus de 10 ans 6%, stériles<br />

3% 3) Mâles adultes 10%, dont taureaux 3 ans <strong>et</strong> plus 4%, Bœufs 6% 3) Jeunes de moins de 3 ans : 32% dont 12%<br />

de mâles <strong>et</strong> 20% de femelles (Ba Cheikh ,1986 : 133 )<br />

32


esoin incompressible <strong>et</strong> là, aussi, un ordre d’importance est toujours respecté (caprins, puis<br />

ovins <strong>et</strong> enfin bovins).<br />

Le seuil d’un troupeau bovin, au-delà duquel une certaine aisance est perçue, reste<br />

conditionné au rapport numérique existant entre le nombre de vaches allaitantes <strong>et</strong> la<br />

composition de la famille exploitant ce troupeau. Dans ces milieux, l’intervalle inter-vélage<br />

est de l’ordre de deux ans (Lhoste, 1986). Un troupeau d’une cinquantaine de têtes perm<strong>et</strong><br />

d’avoir 30 à 35 mères en âge de reproduire dont 10 à 15 en cours d’allaitement. Une partie de<br />

ce disponible laitier perm<strong>et</strong> à une famille de 8 à 10 personnes de vivre.<br />

La composition <strong>et</strong> les effectifs traduisent également des différences au sein des unités<br />

d’observation (les galle 47 ), des sous-groupes lignagers <strong>et</strong> même des groupes sociaux majeurs. A<br />

titre d’illustration, Santoir (1982 : 4) analyse comparativement entre les Peul Walo <strong>et</strong> les Peul<br />

Diéri les effectifs possédés <strong>et</strong> les différentes espèces. Il note que les effectifs de troupeaux<br />

exploités sont très variables d’un galle à l’autre. Une observation comparée, faite dans<br />

l’Arrondissement de Tillé Boubakar, présente les résultats suivants : 22,2 pour les bovins (18<br />

dans le Walo <strong>et</strong> 39 dans le Diéri) <strong>et</strong> de 51 pour les p<strong>et</strong>its ruminants (69 dans le Walo <strong>et</strong> 34 dans le Diéri).<br />

Il précise que la différence de répartition des espèces entre les troupeaux respectifs des Peul<br />

Walo <strong>et</strong> Diéri est n<strong>et</strong>te. Elle traduit des conduites de troupeaux différentes entre les groupes<br />

<strong>et</strong> illustre l’intérêt divergeant porté par ces deux groupes vis-à-vis de l’élevage des p<strong>et</strong>its<br />

ruminants.<br />

C<strong>et</strong> intérêt pour les p<strong>et</strong>its ruminants est allé croissant vers la fin du siècle. Il a constitué un<br />

moyen rapide de reconstitution du cheptel pour les plus démunis après l’hécatombe de<br />

1973 48 . Il a également permis l’insertion des éleveurs dans la monétarisation croissante de la<br />

société, ceci pour faire face à l’apparition de nouveaux besoins de consommation courante 49 .<br />

Il symbolise aussi certaines stratégies commerciales traduisant l’ouverture vers de nouveaux<br />

marchés porteurs.<br />

47 Les caractéristiques de c<strong>et</strong>te échelle <strong>sociale</strong> d’observation, correspondant au troupeau qui nous intéresse<br />

ici, seront développées en début de chapitre « Eleveur ».<br />

48 A ce titre, soulignons que Santoir (1978) mentionne que certaines familles sont parties plus tôt vers le<br />

sud en 1972 <strong>et</strong> ont pu ainsi conserver un noyau de vaches reproductrices puis reconstituer ce troupeau<br />

bovin assez rapidement. On r<strong>et</strong>rouve là toute l’importance de l’espace social ouvrant droit à un espace<br />

pastoral de replis, comme développée dans le premier pôle « Espace pastoral » du présent document.<br />

49 Médicaments, ustensiles domestiques, piles, torches, radios, habits importés, …<br />

33


Schaeffer (1994 : 29-30) souligne que le changement essentiel observé concerne le troupeau<br />

bovin. A c<strong>et</strong>te époque, les enquêtes montrent une régression pour moitié de l’effectif bovin<br />

par rapport à l’époque précédente (enquêtes Santoir, datant d’avant 1984). Parallèlement, il<br />

observe un maintien, voir une légère croissance de l’effectif des p<strong>et</strong>its ruminants,<br />

principalement des ovins <strong>et</strong> plus marginalement de celui des caprins. Les tactiques de<br />

reconstitution du cheptel avec du cheptel ovin <strong>et</strong> caprin fonctionnent, même si la référence<br />

<strong>sociale</strong> relative à la possession d’un cheptel bovin, elle, ne change pas.<br />

Le rapport inter-espèce a donc évolué. Thébaud (1994 : 16) précise même que l’effectif ovin<br />

représente 2,8 fois l’effectif bovin <strong>et</strong> caprin ramené à l’unité. A l’époque, il était délicat de distinguer<br />

s’il s’agissait d’une tendance lourde ou bien d’une tactique conjoncturelle. En eff<strong>et</strong>, le doute<br />

subsistait. Certes, la sécheresse a brouillé les cartes de la référence <strong>sociale</strong> inscrite dans la<br />

possession de bovins. Toutefois, les mêmes enquêtes menées par Thébaud informent <strong>sur</strong> le<br />

fait que 48% des ménages [au sens du galle] maîtrisent simplement 10% des bovins. Une forte<br />

différenciation subsiste <strong>et</strong> structure donc la référence <strong>sociale</strong>.<br />

BOU<br />

GAN<br />

TAT<br />

WID<br />

Pourcentage des "galle" <strong>et</strong> leur propriété de bétail par catégorie <strong>et</strong> par forage<br />

(base: recensements 2006)<br />

WOL<br />

Ménages<br />

Bovin<br />

pt.Rum<br />

Charr<br />

Ménages<br />

Bovin<br />

pt.Rum<br />

Charr<br />

Ménages<br />

Bovin<br />

pt.Rum<br />

Charr<br />

Ménages<br />

Bovin<br />

< 10 10 à 39 40 à 89 > 90<br />

catégories de galle en fonction du nombre de bovins<br />

pt.Rum<br />

Charr<br />

70,0%<br />

60,0%<br />

50,0%<br />

40,0%<br />

30,0%<br />

20,0%<br />

10,0%<br />

Les recensements plus récents des troupeaux d’un certain nombre de forages de la zone<br />

confirment les mêmes tendances. En moyenne pour les cinq forages, 41% des galle possèdent<br />

moins de 10 bovins <strong>et</strong> au total à peine 2% du cheptel bovin recensé, mais également 34% des<br />

0,0%<br />

34


p<strong>et</strong>its ruminants <strong>et</strong> 43% des charr<strong>et</strong>tes. De l’autre côté, la catégorie des galle possédant plus<br />

de 90 bovins totalise 47% du cheptel bovin <strong>et</strong> 21% des p<strong>et</strong>its ruminants. Ramené à l’UBT,<br />

avec une charr<strong>et</strong>te assimilée à 10 UBT, la répartition des richesses se présente comme suit :<br />

Catégorie galle UBT<br />

90 11% 36%<br />

Mais il faut revenir à la conduite du troupeau <strong>et</strong> aux conditions d’abreuvement pour<br />

comprendre la faisabilité de telles mutations. L’importance accordée aux p<strong>et</strong>its ruminants a<br />

comme corollaire la nécessité d’une maîtrise du transport de l’eau des forages. En eff<strong>et</strong>,<br />

l’éloignement de chaque forage <strong>et</strong> les possibilités directes d’abreuvement sont plus adaptés<br />

aux bovins 50 qu’aux p<strong>et</strong>its ruminants. Le transport de l’eau des forages au campement<br />

implique la possession d’équipement en chambre à air utilisé comme contenant, en charr<strong>et</strong>te<br />

<strong>et</strong> en animaux de service (équins <strong>et</strong> asins). L’investissement conséquent dans un élevage de<br />

p<strong>et</strong>its ruminants est donc tributaire de ces investissements. Il implique également un<br />

gardiennage rapproché de ces animaux car le risque d’égarement ou de vol est bien réel.<br />

La comparaison diachronique des troupeaux à deux décennies successives, faite par Tyc<br />

(1994), montre que le nombre de bovins par galle est resté particulièrement stable <strong>et</strong> que<br />

celui des p<strong>et</strong>its ruminants a été, lui, multiplié pratiquement par quatre. Il nous rappelle que ce<br />

changement n’a été possible que par l’équipement des exploitations en moyens de transport.<br />

Il avance qu’à vingt ans d’écart, il est probable que le nombre de charr<strong>et</strong>tes a été multiplié par 10 ou même<br />

par 20. Les charr<strong>et</strong>tes en 1994 font parties intégrantes de chaque galle <strong>et</strong> sont complétées par<br />

un équipement en chambre à air de récupération, souvent de forte capacité (400 à 600 litres <strong>et</strong> même plus).<br />

Juul (1996) cite Santoir, en soulignant que le nombre de charr<strong>et</strong>tes a été décuplé : 1 charr<strong>et</strong>te<br />

<strong>sur</strong> 24 foyers en 1975 en regard d’une charr<strong>et</strong>te pour presque un foyer <strong>sur</strong> 2 en 1991. Le pic<br />

d’adoption de c<strong>et</strong>te innovation se situe un à deux ans après la sécheresse de 1984.<br />

L’abreuvement des p<strong>et</strong>its ruminants se généralisa alors au campement grâce aux équipements<br />

acquis. Ces chambres à air provenaient des camions utilisés <strong>sur</strong> les grands chantiers sénégalais<br />

(infrastructures routières <strong>et</strong> aménagements <strong>sur</strong> le fleuve) ou encore des engins de mines de<br />

50 La mobilité des p<strong>et</strong>its ruminants <strong>et</strong> leur capacité à tolérer un abreuvement espacé sont moindres que pour les bovins<br />

(Thébaud, 1994 : 26).<br />

35


potasse en Mauritanie (avec des chambres à air d’une plus grande contenance <strong>et</strong> plus<br />

épaisses).<br />

C<strong>et</strong>te généralisation des charr<strong>et</strong>tes est également en rapport avec la possession d’animaux de<br />

service 51 ce qui prouve l’adoption de l’équipement compl<strong>et</strong> au niveau de chaque galle. Les<br />

recensements de 2007 confirment la présence d’une charr<strong>et</strong>te dans pratiquement tous les<br />

galle.<br />

L’étude de la composition des troupeaux <strong>et</strong> notamment de la répartition du sexe ratio par<br />

classe d’âge souligne le caractère fortement « naisseur » du troupeau. C<strong>et</strong>te caractérisation est<br />

visible par l’exploitation précoce des mâles qui en est faite. Tyc (1994 : 14), pour les effectifs<br />

de bovins, montre, d’une part, que les mâles adultes de plus de 36 mois sont en nombre limité<br />

d’environ 7% du troupeau. Un tiers de ces mâles sont castrés. D’autre part, il note, pour prouver<br />

le caractère « naisseur », que le pourcentage des reproductrices est généralement supérieur à<br />

40%, voire à 44% 52 .<br />

La même analyse a été faite pour l’effectif des p<strong>et</strong>its ruminants (Tyc, 1994 : 19-20). Le sexe<br />

ratio global des ovins est de 24 % de mâles <strong>et</strong> 76 % de femelles. Pour l’effectif caprin, il est de 16%<br />

de mâles <strong>et</strong> 84% de femelles. L’exploitation des mâles chez les caprins est déjà intense avant l’âge de 1 an<br />

[…] les mâles en âge normal de reproduction (12 mois <strong>et</strong> plus) sont en nombre très réduits (moins de 1%).<br />

La proportion de béliers est parfois plus grande. Elle est systématiquement justifiée par<br />

51 Le rapport : cheptel de production (bovins <strong>et</strong> p<strong>et</strong>its ruminants) exprimés en UBT <strong>sur</strong> cheptel de service (équins, asins) sont<br />

du même ordre de grandeur (Tyc, 1994 : 9).<br />

52 On approche la proportion énoncée par Ba : Les femelles représentent 78% du troupeau. Si l’on défalque les jeunes<br />

(conservées pour l’accroissement du cheptel ou la reproduction) <strong>et</strong> les stériles <strong>et</strong> les réformables (plus de 10 ans) on obtient<br />

49% de vaches en état de reproduire (Ba, 1982 : 133).<br />

36


l’éleveur comme le souhait d’une exploitation plus tardive des béliers à l’occasion des<br />

transactions pour les grandes fêtes religieuses.<br />

Sur l’échantillon analysé par Tyc, issu des enquêtes de Schaeffer localisées <strong>sur</strong> Widou <strong>et</strong><br />

Bouteyni, l’on perçoit clairement l’intensité <strong>et</strong> la précocité de l’exploitation des mâles des<br />

troupeaux de p<strong>et</strong>its ruminants.<br />

Mais c<strong>et</strong>te exploitation n’est pas seulement chez les effectifs mâles. Paradoxalement, Tyc<br />

(1994 : 19-20) l’observe également chez les femelles. L’exploitation des jeunes femelles ovines mais<br />

<strong>sur</strong>tout caprins est également précoce, 40% disparaissent avant l’âge de la reproduction ce qui est<br />

indéniablement un signe de limitation volontaire de l’accroissement du troupeau. Il se peut toujours qu’il y<br />

ait un biais, un artéfact. Toutefois, il apparaît qu’une tendance nouvelle se dessine clairement<br />

chez ces éleveurs de p<strong>et</strong>its ruminants. En eff<strong>et</strong>, on ne déstocke pas les effectifs femelles sans<br />

avoir une stratégie à moyen terme.<br />

Si, effectivement la stratégie de reconstitution du cheptel bovin passe par des systèmes<br />

d’élevage plus aisés d’accès, il y a lieu de considérer aussi des stratégies opposées. Elles visent<br />

une exploitation d’animaux jeunes, soit par un engraissement de courte durée avec de la<br />

complémentation alimentaire avant revente si la trésorerie le perm<strong>et</strong>, soit par une vente<br />

directe afin de se procurer de la liquidité. Dans ces deux optiques, les p<strong>et</strong>its ruminants sont<br />

alors privilégiés à cause de leur prolificité. Cela implique l’achat d’alimentation pour la<br />

complémentation de la ration lors des opérations d’embouche ainsi que la mobilisation<br />

financière <strong>et</strong> <strong>sociale</strong> que représente une transhumance régulière vers le Bassin arachidier, le<br />

Sine ou le Saloum.<br />

De plus l’abreuvement permis grâce au transport de l’eau avec la charr<strong>et</strong>te apporte une<br />

souplesse au système. Les études menées <strong>sur</strong> trois forages en 2007 (Amali, Mbar Toubab <strong>et</strong><br />

Bélél Bogal) <strong>et</strong> les compléments d’enquêtes réalisés <strong>sur</strong> Widou <strong>et</strong> Bouteyni confirment bien<br />

c<strong>et</strong>te double stratégie qui différencie des catégories d’éleveurs, soit en cours de<br />

reconstitution, soit en perspective de valorisation.<br />

Enseignements : Les effectifs de bovins sont toujours le témoin d’une reconnaissance <strong>sociale</strong>,<br />

enviée <strong>et</strong> souhaitée par tous. Ils ne sont toutefois pas en croissance aussi forte que ceux des<br />

p<strong>et</strong>its ruminants. Le contrôle numérique de l’effectif de l’ensemble du troupeau des p<strong>et</strong>its<br />

ruminants est flagrant depuis au moins 15 ans 53 . La structure <strong>et</strong> les effectifs du troupeau<br />

53 On est donc bien loin du troupeau extensif <strong>et</strong> de sa gestion contemplative évoquée par certains.<br />

37


soulignent des stratégies commerciales offensives (lot homogène destiné à la transhumance,<br />

engraissement de béliers) <strong>et</strong> confirment la généralisation d’équipement de transport de l’eau<br />

pour tous les troupeaux par la présence d’animaux de service dans des proportions<br />

comparables à celles des p<strong>et</strong>its ruminants, tenus à l’écart des forages.<br />

Concernant les races animales, dernier point <strong>sur</strong> la structure des troupeaux, l’évolution reflète<br />

à la fois le choix d’animaux résistants aux dures conditions du milieu (abreuvement tous les<br />

deux jours pour les bovins) <strong>et</strong> également répond à des tactiques commerciales (notamment<br />

chez les ovins).<br />

Les bovins sont de race presque exclusivement Gobra. On note la présence par métissage, du<br />

sang de populations animales contiguës mais les transformations phénotypiques sont<br />

mineures <strong>et</strong> marginales. Tyc (1994 : 13) mentionne la présence d’animaux de race Maure. Il<br />

signale également un certain métissage observable vers le sud de la zone à proximité de Dara.<br />

Il s’agit d’individus issus de métissage de type Gobra-Guzeira. C<strong>et</strong>te présence constatée à<br />

l’époque était certainement en lien avec l’ampleur du commerce de bestiaux qui commençait<br />

à se développer autour du marché hebdomadaire. C<strong>et</strong>te tendance n’est pas flagrante de nos<br />

jours, même si un gradient semble s’opérer autour de la hauteur moyenne au garrot.<br />

L’introduction de races ovines maliennes (Baali-baali) <strong>et</strong> mauritaniennes (Toabir) améliorent<br />

la race ovine Peul notamment autour de l’exigence de certains critères : prise de poids <strong>et</strong><br />

engraissement, taille attractive <strong>et</strong> hauteur au garrot, robe blanche. La valorisation des animaux<br />

embouchés <strong>et</strong> destinés au marché à l’occasion de la fête religieuse de la Tabaski stimule les<br />

critères de sélection globalement en faveur d’une bonne conformation bouchère.<br />

Les caprins sont de race Peul-Peul dite du ferlo (Pulfuli). Ils présentent la particularité d’une<br />

absence de saisonnalité <strong>et</strong> donc d’être fécondable toute l’année (Degadillo, 1997). C<strong>et</strong> atout<br />

améliore le taux de fécondité annuel. La monte n’est plus conditionnée à la double contrainte<br />

de l’attente d’une périodicité ovulaire <strong>et</strong> de celle d’une période offrant une alimentation<br />

azotée conséquente.<br />

2.3.2. Les dynamiques au travers des paramètres zootechniques<br />

Le fonctionnement dynamique des troupeaux est ici fortement marqué par une extrême<br />

variabilité des paramètres. Les performances annuelles sont également conditionnées par le<br />

disponible fourrager ainsi que par les aléas sanitaires qui se manifestent dans la zone durant<br />

l’année.<br />

38


Il y a lieu de mentionner qu’il n’y a pas eu de suivi de troupeau dans la zone du proj<strong>et</strong> depuis<br />

le début des années 1990. A c<strong>et</strong>te époque, un suivi comparatif précis entre 1983 <strong>et</strong> 1991 <strong>sur</strong><br />

un double lot de six troupeaux (un groupe à l’intérieur des périmètres avec charge animale<br />

contrôlée <strong>et</strong> un à l’extérieur des périmètres) à Widou. Un résumé des paramètres obtenus est<br />

présenté en fin de chapitre pour successivement les bovins, les ovins <strong>et</strong> les caprins.<br />

Les études postérieures n’ont pas abordé c<strong>et</strong> angle de vue. Celles de 2007 ont repris les<br />

paramètres usuels, sans vraiment les rem<strong>et</strong>tre en cause. <strong>Quelques</strong> précautions d’emploi ont<br />

toutefois été prises par Cocqu<strong>et</strong> (2007). Pour cela, des hypothèses basses <strong>et</strong> hautes ont été<br />

formulées concernant les paramètres liés à la mortalité juvénile au sevrage 54 . Elles<br />

correspondent à des niveau de mortalité que subissent les troupeaux en année de sécheresse.<br />

Les paramètres de fécondité <strong>et</strong> de précocité des animaux sont donc difficiles à apprécier. Tyc<br />

(1994) mentionne que des fécondités élevées ont été observées durant les périodes situées<br />

juste après les sécheresses. Les troupeaux sont alors jeunes <strong>et</strong> les taux de fécondité s’élèvent<br />

perm<strong>et</strong>tant un taux de croît exceptionnel, mais temporaire.<br />

Notons que chez l’espèce bovine, il semblerait que les éleveurs détectent précocement les<br />

femelles stériles. Ils les maintiennent toutefois dans le troupeau en attendant une opportunité<br />

de vente suffisamment rémunératrice (Gningue, 1994 : 8).<br />

La moyenne des paramètres zootechniques <strong>sur</strong> six troupeaux, soit à l’intérieur des périmètres,<br />

soit à l’extérieur des périmètres, a été suivie pour les trois espèces entre 1983 <strong>et</strong> 1991 soit 9<br />

ans (Mission Forestière allemande, 1992 : 22-24). Ils se présentent comme suit :<br />

54 Au suj<strong>et</strong> de la mortalité avant sevrage, pour Cocqu<strong>et</strong> (2007 : 105-109) il a été tenu compte d’une<br />

hypothèse basse (7%) <strong>et</strong> d’une hypothèse haute (30%) pour les bovins ; pour les ovins de 10-20% (hypothèse<br />

basse) à 50% lors des mauvaises années. Pour Rouveirolles (2007 : 53-57) il n’a pas été tenu compte de<br />

nuances en fonction de l’année. De plus, les taux présentés par c<strong>et</strong> auteur sont beaucoup trop faibles<br />

pour un tel contexte sahélien Caprins = 5%, Ovins = 15% <strong>et</strong> bovins = 5% que ceux de la littérature<br />

zootechnique ( Lhoste <strong>et</strong> al, 1993 : 87):<br />

39


Dans les périmètres Hors des périmètres<br />

bovins ovins caprins bovins ovins caprins<br />

Naissances (unités) 8 19 16 8 42 20<br />

Taux de fécondité (%) total 54 118 191 35 108 147<br />

Taux de fécondité (%) mâles 50 49 47 37 39 49<br />

Taux fécondité (%) femelles 50 51 53 62 62 50<br />

Poids à la naissance (kg) 22 2,5 2 ,1 19 2 2<br />

Animaux morts (unités) 1 1 1 3 14 4<br />

Taux de mortalité (%) 4 4 3 9 18 13<br />

Destockage /fin de suivi (Unités) 7 14 11 4 17 4<br />

Fin de suivi Poids moyen (kg) 166 28 22 147 24 23<br />

Fin de suivi âge moyen (mois) 14 8 7 17 9 7<br />

Vente (unités) 4 20 12<br />

Vente Poids moyen (kg) 153 24 23<br />

Vente Age moyen (mois) 17 9 7<br />

Ces résultats, certes très partiels, mais portant <strong>sur</strong> une longue durée confirment effectivement<br />

que les périmètres pastoraux perm<strong>et</strong>tent des gains au niveau des paramètres zootechniques :<br />

meilleure fécondité, plus faible mortalité…<br />

Certains auteurs (Touré, 2008) ont montré paradoxalement que ces gains de productivité<br />

chutaient largement en cas de changement de condition de vie lors de la sortie du périmètre 55 .<br />

Effectivement, les animaux soumis au contrôle de la charge animale <strong>et</strong> à un abreuvement en<br />

accès libre sont en fait en meilleure condition physique, ce qui explique les performances plus<br />

élevées. Mais, le r<strong>et</strong>our éventuel aux conditions de transhumance s’avère catastrophique<br />

(notamment pour les animaux nés dans les périmètres). Les performances sont alors bien en<br />

de ça des paramètres moyens enregistrés en transhumance classique.<br />

Sur les estimations réalisées par Tyc (1994 : 17-18), les paramètres zootechniques chez les<br />

bovins perm<strong>et</strong>tent de dégager quelques tendances. Il est estimé un taux d’exploitation annuel de<br />

l’ordre de 12,5%. Ce taux perm<strong>et</strong> une productivité pondérale de 28 kg par an <strong>et</strong> par animal, entr<strong>et</strong>enue<br />

dans le troupeau. Le poids moyen à l’exploitation (total de la production exprimée en poids vif, divisé par<br />

le nombre d’animaux exploités) s’élève à 224 kg vifs. Ces estimations nous ont permis d’approcher<br />

les calculs macro-économiques présentés dans la partie traitant de l’espace pastoral.<br />

55 […] les animaux des périmètres habitués à vivre dans un environnement protégé se sont avérés mal préparés aux conditions<br />

normales du pâturage communautaire <strong>et</strong> de la transhumance, lorsqu’il leur a fallu sortir des parcelles aménagées (Touré,<br />

2008 : 5).<br />

40


Enseignements : Les performances zootechniques du Ferlo sont l’expression d’une grande<br />

variabilité, liée aux pratiques mais <strong>sur</strong>tout aux conditions du milieu largement imprévisibles<br />

(feux de brousse, pluviosité, épizooties). Les moyennes de performances zootechniques sont<br />

rarement pertinentes <strong>et</strong> n’offrent que peu d’intérêt si ce n’est pour une situation de long terme<br />

(de plusieurs dizaines d’années) mais qui s’avère trop coûteuse.<br />

Les performances zootechniques que l’on peut mieux maîtriser dans le cadre de périmètres<br />

pastoraux n’offrent pas de viabilité 56 , ni de durabilité. En eff<strong>et</strong>, pour un type d’élevage<br />

sahélien résolument extensif, les charges de structure inhérentes à l’investissement <strong>et</strong> au<br />

fonctionnement du périmètre ainsi que le coût social direct 57 <strong>et</strong> induit que cause les<br />

aménagements pour les autres éleveurs rend caduc ce type d’expérimentation.<br />

2.3.3. L’animal <strong>et</strong> la conduite des troupeaux<br />

2.3.3.1. Les pratiques anciennes<br />

Nous ne reviendrons pas <strong>sur</strong> la période d’avant les forages qui a largement été décrite<br />

dans les chapitres consacrés aux espaces pastoraux évoquant successivement les grandes<br />

transhumances <strong>et</strong> les règles (hurum) que cela impliquait au cœur du Ferlo.<br />

Avec l’arrivée de la disponibilité en eau permanente permise par les forages, des pratiques<br />

nouvelles de conduite des troupeaux se sont construites au gré des relations émergeantes ou<br />

entr<strong>et</strong>enues (celles de chaque forage, de la dilution de chaque hurum, du séjour permanent<br />

désormais possible <strong>et</strong> de la poussée démographique humaine <strong>et</strong> animale).<br />

56 Ces évaluations ont mis en exergue les limites du modèle de pâturage contrôlé, en faisant ressortir deux faits majeurs : (i)<br />

l’impossibilité de réaliser un équilibre durable entre la charge animale <strong>et</strong> le disponible fourrager, à cause de la forte<br />

irrégularité de la pluviométrie ; <strong>et</strong> (ii) la difficulté à appliquer le principe de la flexibilité de la charge au sein des parcelles<br />

pastorales, tant <strong>sur</strong> le plan technique que <strong>sur</strong> celui de l’organisation (Touré, 2008 : 4).<br />

57 Au plan social, les limites liées à la mise en œuvre du système de pâturage contrôlé sont repérable à deux niveaux essentiels<br />

: 1) Le processus d’attribution des parcelles a profité exclusivement à un nombre restreint de familles influentes <strong>et</strong> à leur<br />

clientèle <strong>sociale</strong> ; 2) L’aménagement des périmètres a entraîné l’expulsion d’une partie de la population de Widou Thiengoly<br />

des sites où ont été implantés les périmètres 85 <strong>et</strong> 86. (Touré, 2008 : 5). L’auteur termine en insistant, indices à<br />

l’appui, <strong>sur</strong> le risque significatif de conflits dans une situation de r<strong>et</strong>rait de l’aide extérieure.<br />

41


La notion de cycle (Ba, 1982) ou mieux de circuit perm<strong>et</strong> de traduire deux mouvements<br />

qu’effectuent les bovins (voir schéma de Diely, 2007). Le premier se déroule entre le<br />

campement <strong>et</strong> le point d’eau assorti d’une pâture tout en se déplaçant pour revenir<br />

progressivement vers le campement <strong>et</strong> passer la nuit. Le deuxième, au cours de la journée<br />

suivante, avec un départ à l’aube pour les pâturages où l’exploitation se fait jusqu’en milieu de<br />

journée au moins. Alors, s’amorce le r<strong>et</strong>our au campement tout en se prêtant à un pacage<br />

d’appoint.<br />

Forage<br />

B ovins<br />

S c h e m a d ’a b reu v e m e n t d es a n ima u x e n saiso n<br />

sec h e<br />

Jour 1: Pâturage + 2<br />

abreuvements 20 km AR<br />

P<strong>et</strong>its rum inants <strong>et</strong> veaux<br />

Transport de l’eau par<br />

charr<strong>et</strong>te au campement<br />

Campement<br />

Jour 2 : Pâturage. 10 km A/R<br />

Pâturage avec berger (ovins) ou<br />

divaguant (caprins). 6 km A/R<br />

Ces mouvements pendulaires sont étroitement réglés au disponible fourrager, mais lui même<br />

dépendant aussi de la présence éventuelle d’autres troupeaux <strong>sur</strong> le même parcours. A une<br />

période d’abondance <strong>et</strong> de proximité succède une mobilité plus intense <strong>et</strong> plus contraignante<br />

au fur <strong>et</strong> à me<strong>sur</strong>e que l’on s’avance dans la saison sèche, synonyme de parcours raréfiés. Les<br />

auréoles de niveau d’exploitation des pâturages qui épousent des formes concentriques <strong>et</strong><br />

centripètes autour des forages sont de plus en plus distantes <strong>et</strong> continues.<br />

La contrainte de la mobilité pousse le chef du galle (ou du wuro) alors à une décision tactique<br />

de conduite du troupeau. Le choix réside, soit à l’abandon du lieu du campement pour<br />

s’installer <strong>sur</strong> des parcours plus fournis <strong>et</strong> si le disponible fourrager l’exige en changeant de<br />

forage, soit se maintenir <strong>sur</strong> place mais passer à un abreuvement tous les trois jours. C<strong>et</strong>te<br />

deuxième possibilité impose une contrainte physiologique forte à l’animal. Les animaux<br />

malades, allaitants ou les plus jeunes ne peuvent pas suivre ces circuits épuisants à l’extrême<br />

<strong>et</strong> restent donc au rythme de deux jours. Les pertes de poids <strong>et</strong> les mortalités sont élevées<br />

42


durant c<strong>et</strong>te période. Sous la double contrainte physiologique (abreuvement trop distant <strong>et</strong><br />

déplacement trop long), les cycles œstriens se figent <strong>et</strong> bloquent les r<strong>et</strong>ours de chaleurs. Les<br />

performances zootechniques ne sont plus au rendez-vous.<br />

Une tendance majeure s’observe durant les décennies 1980-90. La création des forages <strong>et</strong> la<br />

disparition des grands fauves ont provoqué le recul progressif de la pratique du gardiennage<br />

des troupeaux de bovins. Touré (1990 : 14) note que c<strong>et</strong>te pratique est délaissée par 67,5% des<br />

pasteurs du Ferlo oriental <strong>et</strong> par 58,5% de ceux de la zone des grands forages. Il conclu que l’abandon<br />

de la pratique du gardiennage a induit une baisse de la productivité de l’élevage causé par un<br />

désintérêt de la gestion des pâturages <strong>et</strong> de la conduite du troupeau en général (Touré, 1990 :<br />

15).<br />

Il est vrai qu’en milieu Peul, la conduite des troupeaux répond davantage à une<br />

préoccupation de type sécuritaire (éviter l’égarement, l’attaque des jeunes par les animaux<br />

sauvages ou simplement les vols) qu’à une volonté délibérée de rationaliser l’exploitation des<br />

parcours en vue de poursuivre des objectifs de production clairement définis.<br />

Toutefois, l’attention portée aux bovins, constante <strong>et</strong> précise, traduite dans le savoir-faire<br />

adopté <strong>et</strong> transmis de génération en génération perm<strong>et</strong> de nuancer quelque peu c<strong>et</strong>te<br />

position. L’arrêt progressif de la conduite gardée ne signifie pas forcément une rupture de<br />

l’attention apportée envers les animaux <strong>et</strong> les pâturages.<br />

Parallèlement, la montée en puissance de l’élevage des p<strong>et</strong>its ruminants (permis par<br />

l’équipement des exploitations en contenant de stockage (chambre à air), en charr<strong>et</strong>tes <strong>et</strong> en<br />

animaux de service) a modifié le rapport à l’espace pastoral.<br />

Le maintien prolongé d’un campement assez éloigné du forage se trouve possible grâce à<br />

c<strong>et</strong>te innovation technologique. En eff<strong>et</strong>, la mobilité des p<strong>et</strong>its ruminants <strong>et</strong> leur capacité à<br />

tolérer un abreuvement espacé sont bien plus faibles que pour les bovins. Toutefois, les<br />

pannes assez fréquentes du mécanisme d’exhaure des forages font courir un risque important<br />

à c<strong>et</strong>te tactique de fixation.<br />

Contrairement aux bovins, les p<strong>et</strong>its ruminants ne sont pas en pâturage libre. Ils sont gardés<br />

en permanence à cause des risques de pertes (vols, égarement, attaques des troupeaux par les<br />

chacals). En 1990, Touré a observé l’évolution des pratiques. La conduite <strong>et</strong> la <strong>sur</strong>veillance<br />

des p<strong>et</strong>its ruminants sont as<strong>sur</strong>ées par 91% des pasteurs. Ceux qui déclarent laisser leurs<br />

troupeaux en divagation totale ne représentent que 3,5% de l’échantillon (Touré, 1990 : 15).<br />

43


Par ailleurs, l’alimentation des p<strong>et</strong>its ruminants repose <strong>sur</strong> des compositions floristiques<br />

privilégiées. En cas de raréfaction, il faut alors être capable de se mouvoir dans l’espace vers<br />

des zones mieux pourvues. Les dépressions, jadis bien fournies en herbacées recherchées <strong>et</strong><br />

<strong>sur</strong>tout en arbres <strong>et</strong> arbustes, montrent maintenant l’ampleur d’une dégradation<br />

agrostologique en marche.<br />

Enseignements : Après la mise en service des forages <strong>et</strong> la sécurisation des troupeaux vis-à-vis<br />

de la faune sauvage, une différenciation forte des conduites s’opère entre un troupeau bovin qui<br />

peu à peu découvre le pâturage libre -ou plus ou moins orienté- <strong>et</strong> les p<strong>et</strong>its ruminants qui eux<br />

sont abreuvés au campement (grâce au transport de l’eau) <strong>et</strong> gardés <strong>sur</strong> des pâturages ciblés<br />

dans les dépressions autour du campement avec possibilité d’une alimentation d’appoint pour<br />

un lot du troupeau (embouche, préparation à la transhumance…). Les modes de conduite des<br />

troupeaux se différencient donc fortement entre les espèces présentes.<br />

2.3.3.2. Les conduites actuelles<br />

Les pratiques au niveau du (ou des) forage(s) d’attache 58<br />

Nous sommes toujours avec un système d’élevage extensif où la conduite des<br />

troupeaux reste fondamentale pour la compréhension de l’ensemble.<br />

La complémentarité entre les pâturages diversifiés (les cenos des dunes <strong>et</strong> les changool des<br />

dépressions) <strong>et</strong> les différents troupeaux (bovins <strong>et</strong> p<strong>et</strong>its ruminants) joue à plein, notamment<br />

dans la succession des périodes annuelles.<br />

En début d’hivernage, les bovins pâturent <strong>sur</strong> les dunes où les graminées à croissance rapide<br />

dominent car elles sont plus compétitives <strong>et</strong> ainsi germent, puis poussent en premier. Ils<br />

pâturent <strong>sur</strong> les pentes <strong>et</strong> les bas-fonds progressivement au fil de l’avancement de l’hivernage<br />

<strong>et</strong> profitent des parcours graminéens plus hydrophiles. Quand vient la saison sèche, ils<br />

pâturent entre le forage <strong>et</strong> le campement pendant une journée avant d’être à nouveau<br />

abreuvés (voir schémas de Rouveirolles, 2007).<br />

58 Il faut signaler que c<strong>et</strong>te notion d’attache est ancienne dans la littérature du Ferlo. Grosmaire en 1957 y<br />

fait référence lorsqu’il évoque le caractère étriqué <strong>et</strong> inadapté du seul territoire communal de l’époque<br />

colon concernant le pasteur du Ferlo : […] le territoire communal ne veut pas dire : ne sort pas du territoire, mais<br />

veut dire que c’est son point d’attache où il vient coucher. C’est le cas de son bétail. Car, la zone de pâturage dépasse de<br />

beaucoup l’étendue du territoire communal (Grosmaire, 1957 : Annexes « Pêche au fleuve Sénégal » 6).<br />

44


Les ovins sont conduits préférentiellement <strong>sur</strong> les dunes en début d’hivernage, peut être du<br />

fait de leur sensibilité aux parasites internes présents dès les premières précipitations. Les<br />

diarrhées en sont un indicateur aisément visible. Par la suite, ils sont gardés <strong>sur</strong> les parcours<br />

des dépressions. La complémentarité entre les espèces animales est perceptible. Les p<strong>et</strong>its<br />

ruminants bénéficient de l’éclaircissement du tapis graminéen causé par un précédent<br />

pâturage des bovins qui laissent découvrir les légumineuses rampantes.<br />

En saison sèche, quant la contrainte <strong>sur</strong> le pâturage se fait sentir, les bovins sont alors<br />

abreuvés un jour <strong>sur</strong> deux au forage. Annuellement, les troupeaux sont inventoriés au forage<br />

en présence du gestionnaire. Pour les grands troupeaux de bovins, une approximation est<br />

préférée au comptage individuel. C<strong>et</strong>te approximation est également pratiquée pour les p<strong>et</strong>its<br />

ruminants qui ne viennent pas au forage. Les p<strong>et</strong>its ruminants <strong>et</strong> les veaux sont abreuvés au<br />

campement au r<strong>et</strong>our des charr<strong>et</strong>tes chargées des chambres (à air) remplies d’eau. Ces<br />

contenants sont posés à même le plancher de la charr<strong>et</strong>te qui est tractée par les ânes (de 1 à<br />

4) selon le poids du chargement ou un cheval. L’eau acheminée sert aussi à la consommation<br />

familiale. C’est le nombre de charr<strong>et</strong>tes ainsi que le nombre d’animaux de service qui<br />

deviennent les unités de comptabilisation des p<strong>et</strong>its ruminants. Une seule personne, le djom<br />

galle, est responsable du paiement de la taxe d’abreuvement mensuelle pour l’ensemble du<br />

45


troupeau. Le remplissage est as<strong>sur</strong>é au moyen de longs tuyaux plongés dans le bassin de<br />

rétention, mis en pression par le principe du siphon. La taxation des « chambres à eau » ou<br />

d’autres récipients (les contenants cubiques de 500 à 1000 l apparaissent !) dépend bien sûr<br />

du volume contenu. Les « chambres à eau » varient en volume de 400 à 800 litres. Grosso<br />

modo, le remplissage coûte de 2.000 à 4.000 Fcfa par mois. Le tarif de l’abreuvement pour<br />

l’unité bovine est actuellement de 150 Fcfa par tête <strong>et</strong> par mois. Nous notons que les<br />

animaux de service ne sont pas comptabilisés dans le paiement de l’eau<br />

Les transhumants de passage sont davantage taxés, notamment les « egge-egge » qui<br />

représentent de prestigieux propriétaires de bovins. Mais la <strong>sur</strong>taxe est également en direction<br />

de plus p<strong>et</strong>its propriétaires qui n’ont pas de réseaux de connaissance <strong>et</strong> qui se trouvent en<br />

errance dans le Ferlo…<br />

Le coût réel, correspondant à la somme des charges d’exhaure rapportée au volume pompé<br />

se situe, lui, autour de 170 Fcfa/m 3 (forage de Wendou Oldou, 2007). Notons que pour<br />

l’annéequ’au début des années 2000, le coûtprix payé par le pasteur était de 50 Fcfa pour un<br />

coût réel de 100 Fcfa environde revient du m 3 se situait à 55 FCF. Il est constitué à environ<br />

75% par le coût du carburant. On note donc un triplement des charges lié à l’augmentation<br />

46


du carburant (qui ne représentent plus qu’environ 67% du coût en 2008), mais aussi une<br />

augmentation dans les proportions encore plus élevées des frais de suivi du comité.<br />

Si l’on se base <strong>sur</strong> la taille moyenne des troupeaux à Widou Thiengoly (28 bovins, 61 p<strong>et</strong>its<br />

ruminants, 1 charr<strong>et</strong>te), le coût moyen d’abreuvement d’un troupeaupour un galle revient par<br />

mois <strong>et</strong> par usager à à environ 10.000 Fcfa, soit l’équivalent de la vente à bon prix d’une<br />

chèvre.<br />

Globalement, la régularisation de l’accès au pâturage s’opère, en fait, par le paiement des<br />

taxes d’abreuvement. Les nouveaux arrivants sont contraints généralement à payer le droit à<br />

l’abreuvement plus cher que les habitués. Ce mode de régularisation perm<strong>et</strong> donc d’éviter<br />

l’afflux systématique de troupeaux extérieurs mais il est certainement pénalisant pour la<br />

trésorerie des pasteurs dont les troupeaux sont en difficulté, à la recherche éperdue d’un<br />

nouveau pâturage vital.<br />

Concernant la conduite des caprins, ils sont plus ou moins laissés en pseudo divagation<br />

autour du campement ou bien conduits en parcours avec les ovins. Leur rusticité leur perm<strong>et</strong><br />

certainement une meilleure valorisation des fourrages aériens.<br />

Les chevaux <strong>et</strong> les ânes semblent laissés à proximité du campement, parfois entravés pour les<br />

récupérer plus rapidement quand le besoin d’attelage se fait sentir.<br />

Les conduites en transhumance<br />

La décision d’effectuer une transhumance vers le sud (Bassin arachidier, Sine, Saloum<br />

<strong>et</strong> vers les Terres neuves) est complexe. Elle est certainement liée à un recoupement de<br />

capacités matérielles d’ordre financier (mais aussi de disponibilité en main d’œuvre ou en<br />

équipements), couplées à des capacités <strong>sociale</strong>s avec l’existence de contacts sécurisés <strong>sur</strong> les<br />

lieux de pâtures (de passage <strong>et</strong> de résidence).<br />

Au départ, on peut supposer que la transhumance spécifiquement ovine du troupeau est<br />

expliquée par la trypanotolérance des races en présence (Rouveirolles, 2007 : 56). C<strong>et</strong>te<br />

aptitude est justement relevée mais peut être interprétée comme trop restrictive. D’autres<br />

facteurs d’ordre commercial (raréfaction des pâturages du Ferlo, lot d’animaux homogènes,<br />

productivité numérique <strong>et</strong> pondérale meilleure, prix attractifs, demande identifiée…), voire<br />

sécuritaire (entr<strong>et</strong>enir des espaces sociaux pour garantir des zones de replis en cas de crise)<br />

motivent une telle conduite.<br />

47<br />

Mis en forme : Police :Italique


Durant le séjour, les animaux bénéficient de certains résidus de culture des agriculteurs du<br />

Saloum. Toutefois, des concordes entre communautés semblent de plus en plus monétarisées<br />

<strong>et</strong> les anciens contrats de fumure 59 se raréfient maintenant. Les complicités religieuses jouent<br />

certainement un grand rôle dans la tolérance des transhumants. De grands marabouts du<br />

Ferlo se rendent personnellement <strong>sur</strong> place pour activer ces types de réseaux (Marsan,<br />

2007) 60 . Par ailleurs, les déplacements s’avèrent de plus en plus problématiques même si<br />

l’histoire abonde déjà de conflits entre agriculteurs <strong>et</strong> pasteurs : Pélissier, (1966), Weicker,<br />

(1993). La faible reconnaissance du droit des pasteurs par les communautés rurales du<br />

Saloum accentue certainement les tensions (Häuser, 2002) allant jusqu’à la mise en fourrière<br />

des animaux. L’absence de complémentarité offerte <strong>et</strong> de pouvoir de négociation des<br />

pasteurs face aux agriculteurs aggrave le déséquilibre du rapport social.<br />

Notons qu’à de telles latitudes, l’amélioration de l’alimentation de ces ovins grâce à des<br />

parcours fournis a des conséquences positives <strong>sur</strong> leurs performances zootechniques. Mais ce<br />

départ en transhumance <strong>sur</strong> de longues distances n’est possible que par le fractionnement de<br />

la famille (donc de sa main d’œuvre) <strong>et</strong> de l’appareil de production (charr<strong>et</strong>tes, contenants<br />

pour l’eau, ânes, chevaux). Ce type de transhumance nécessite également un nombre suffisant<br />

d’ovins afin de perm<strong>et</strong>tre à une partie de la famille de vivre sans aucune autre ressource<br />

pendant plusieurs mois (6 à 8 mois). Ce sont donc des critères particulièrement sélectifs pour<br />

les familles candidates à la transhumance.<br />

Ces transhumances vers le sud perm<strong>et</strong>tent aux éleveurs de se rapprocher sensiblement des<br />

foyers de consommation de viande <strong>et</strong> de lait <strong>et</strong> d’en tirer un profit substantiel. Ces contacts<br />

commerciaux sont d’autant plus facilités que ces zones sont couvertes par la téléphonie<br />

mobile (contrairement à la majorité du Ferlo). Elle perm<strong>et</strong>, grâce à un réseau d’informateurs,<br />

de suivre les prix pratiqués dans les grands marchés de revente, dont ceux de Dakar. Ce type<br />

de fractionnement du troupeau perm<strong>et</strong> également au fils aîné de gagner une autonomie<br />

<strong>sociale</strong> <strong>et</strong> économique.<br />

On note que <strong>sur</strong> trois forages étudiés (Amali, Bélél Bogal <strong>et</strong> Mbar Toubab) la conduite de la<br />

transhumance est couplée avec la pratique de l’engraissement en vue de la revente des béliers<br />

59 Il est intéressant de relever que Dupire soulignait l’importance de ces contrats en 1956 : Il ira fumer le<br />

champ d’un Wolof avec son troupeau, ou se fera berger, métier que choisissent ordinairement les jeunes gens peu fortunés.<br />

(In Dupire (1956), cité par Grosmaire, 1957 : Annexe « Pêche… » 22-23).<br />

60 Cas du marabout du forage de Bélél Bogal qui part 3 à 5 mois par an avec des troupeaux d’ovins en<br />

transhumance en tentant de créer des alliances durables <strong>sur</strong> des espaces pastoraux nouveaux :<br />

exploitation de la vaine pâture <strong>et</strong> des espaces interstitiels de la brousse de Saloum (Marsan, 2007 : 56-57).<br />

48


pour la Tabaski. Avec de telles perspectives, la conduite du troupeau en est totalement<br />

transformée.<br />

Il s’agit d’une conduite qui est limitée aux pasteurs transhumants qui ont la trésorerie<br />

suffisante pour ach<strong>et</strong>er une partie des béliers au Ferlo au plus bas prix. Ces béliers<br />

complètent un lot constitué par les agneaux sevrés qui reviennent du Saloum. Pour atteindre<br />

l’engraissement souhaité, ces béliers ont des déplacements réduits <strong>et</strong> perçoivent une<br />

complémentation alimentaire <strong>sur</strong> une durée de un à trois mois. La ration complémentaire est<br />

à base de tourteaux d’arachide <strong>et</strong>/ou graine de coton. Un traitement anti-parasitaire peut être<br />

réalisé par certains mais sans que ce soit une pratique courante déclarée, semble-il faute de<br />

produits. La commercialisation se réalise grâce à un intermédiaire maquignon qui a des<br />

contacts <strong>sur</strong> les marchés de revente. Elle peut se réaliser en direct en activant les réseaux<br />

lignagers, ou ceux de la famille élargie, grâce à l’usage de la téléphonie mobile.<br />

Les mêmes études montrent que la composition du troupeau du galle renseigne <strong>sur</strong> le niveau<br />

de richesse perm<strong>et</strong>tant la pratique de la transhumance méridionale. Les pasteurs non<br />

transhumants (vers le Saloum) sont caractérisés par un nombre de vaches reproductrices par actif familial plus<br />

faible que le ratio constaté chez les pasteurs transhumants (20 pour 5 actifs chez les non transhumants au<br />

Saloum contre 60 pour 7 actifs pour les transhumants). De plus, le cheptel ovin n’est suffisant ni pour la mise<br />

en place d’une transhumance au Saloum, ni pour couvrir l’ensemble des besoins de la famille <strong>et</strong> des troupeaux.<br />

La transhumance vers le sud est également limitée par un plus faible niveau d’équipement (2 charr<strong>et</strong>tes, 2<br />

chambres à air, moins d’ânes). […] C<strong>et</strong>te exploitation ne perm<strong>et</strong> pas de conserver de bœufs castrés mais<br />

seulement des taurillons (Rouveirolles, 2007 : 60-61). Les bœufs lourds exigent une<br />

immobilisation de capital impossible pour ces types de galle.<br />

Ces pasteurs insuffisamment riches pour aller en transhumance procèdent à des confiages<br />

(par exemple au jom galle) de manière à se consacrer parfois à une agriculture extensive. Ce<br />

groupe d’agro-pasteurs, rares, se comportent alors comme des pasteurs temporaires <strong>et</strong> des<br />

agriculteurs. Ils pratiquent une agriculture <strong>sur</strong> deux hectares environ (mil, béref avec du<br />

niébé) avec l’aide parfois de matériel de culture attelé, issue du déclassement de la culture<br />

arachidière (Rouveirolles, 2007 : 56). Le rendement est très faible (environ 200 kg par ha) <strong>et</strong><br />

aléatoire. Il existe aussi de nombreux pasteurs en voie de prolétarisation sans bovin mais qui<br />

vivent de prêt d’animaux en hivernage ou bien de services de gardiennage ou encore<br />

d’exploitation d’un troupeau de caprins. Les conduites des troupeaux répondent toutefois<br />

aux formes décrites.<br />

49


2.3.4. La production de lait<br />

En terme de production, c<strong>et</strong> élevage est d’abord un élevage naisseur <strong>et</strong> également laitier.<br />

Le lait apporte à l’alimentation des pasteurs une précieuse contribution. L’alimentation lactée,<br />

si l’on en croit certaines études 61 , contribue à différencier les pasteurs des paysans de la vallée<br />

du fleuve Sénégal en terme nutritionnel <strong>et</strong> de couverture des besoins.<br />

La vente des produits laitiers constitue un revenu très saisonnier. C’est peut être le revenu <strong>sur</strong><br />

lequel le Peul compte le plus. C’est la femme qui est propriétaire du lait, mais aussi d’une<br />

grande partie du troupeau. Elle est donc un des pivots de l’économie Peul avec le lait frais<br />

mais <strong>sur</strong>tout le lait caillé <strong>et</strong> le beurre 62 . Le lait revêt, en outre, une symbolique puissante 63 qui<br />

rend c<strong>et</strong>te production centrale.<br />

Mais depuis les années 1973, les pasteurs sont unanimes à déplorer la diminution de la<br />

production de lait (Barral, 1982 : 78). Ce lait de vache est désormais précieux. Le nombre<br />

moyen de vaches laitières est faible pour la famille notamment en saison sèche. Santoir<br />

(1982 : 6) relève que le nombre moyen de laitières par gallé en 1980-81 est de 9 (de 6 à 13 selon les<br />

forages) durant l’hivernage 80 <strong>et</strong> de 6,2 (de 4 à 8 selon les forages) durant la saison sèche 81. Les mises<br />

bas sont donc regroupées <strong>sur</strong> les hivernages. Les conditions de pâturages de la saison sèche<br />

suivante ne perm<strong>et</strong>tent pas un prolongement de la lactation.<br />

L’élevage bovin est toujours associé à celui des p<strong>et</strong>its ruminants. Le grand troupeau<br />

comprend des caprins. La chèvre élevée au Ferlo est une bonne laitière. On sait toute<br />

l’importance que joue le lait de chèvre <strong>et</strong> ses dérivés, <strong>sur</strong>tout en saison sèche où le rendement<br />

des vaches est très faible.<br />

61 Des études comparatives <strong>sur</strong> la malnutrition menée dans la vallée du Fleuve <strong>et</strong> <strong>sur</strong> cinq forages situés au<br />

Ferlo <strong>et</strong> pour chacun 8 à 10 groupes d’éleveurs disposés à collaborer avec nous pendant une longue<br />

période ont donné les résultats suivants : Les produits laitiers apportent 21% des calories dans le Ferlo. […] on<br />

peut considérer qu’un quart des enfants du Ferlo <strong>et</strong> un tiers de ceux de la vallée sont malnutris à un degré ou à un autre.<br />

[…] La différence pourrait être du à la grande disponibilité en produits laitiers des éleveurs (Benefice <strong>et</strong> al, 1986 : 532-<br />

534).<br />

62 Il faut au moins 20 l. de lait pour faire un litre de beurre.<br />

63 Le lait dans la famille. C’est un point d’ordre culturel fondamental. Le concept du lait est un des principaux facteurs de<br />

reproduction du pulaaku.[…] C’est par le lait que l’on jure. C’est par lui qu’on atteste <strong>et</strong> vénère les liens d’appartenance à<br />

un système matriarcal. Comme dans tous les systèmes pastoraux, anciens comme actuels, la mamelle revêt une signification<br />

légendaire (Ba Cheikh O, 1989 : 25). Léopold Sédar Senghor, dans son Royaume d’enfance chante, avec une<br />

grande sensibilité, ces journées de garde du troupeau familial <strong>et</strong> évoque, à maintes reprises, la présence<br />

fascinante des mystérieux éleveurs transhumants. Dans Teddungal par exemple, la métaphore de<br />

l’abondance transcrit un imaginaire collectif. De longs troupeaux coulaient, ruisseaux de lait dans la vallée…<br />

50


Toutefois, il faut aussi souligner que l’alternative laitière avec les p<strong>et</strong>its ruminants nécessite<br />

une traite fastidieuse car les quantités récoltées par animal sont faibles. De plus, il faut<br />

également garder une partie de la production pour l’allaitement des p<strong>et</strong>its non sevrés. Ceci est<br />

d’autant plus vrai pour les brebis qui sont n<strong>et</strong>tement moins productives que les chèvres<br />

(même si le lait de brebis reste particulièrement riche en matières grasses). (Thébaud, 1994 :<br />

25) qualifie avec justesse c<strong>et</strong>te traite comme longue <strong>et</strong> ardue. Les femmes assument tant bien<br />

que mal c<strong>et</strong>te tâche, malgré leur calendrier de travail particulièrement chargé…<br />

Les p<strong>et</strong>its ruminants sont largement exploités pour leur lait, sans que c<strong>et</strong>te exploitation puisse<br />

être quantifiée de systématique comme c’est le cas pour les vaches. Tyc (1994 : 23) formule<br />

l’hypothèse qu’une femelle lactante <strong>sur</strong> 3 ou 4 est exploitée, ces femelles n’étant pas tous les jours les mêmes <strong>et</strong><br />

la traite se faisant un peu au hasard ; les quantités produites sont aussi mal appréhendées…<br />

La situation actuelle ne semble pas avoir trop changé. En saison sèche, « on peut à peine avoir du<br />

lait pour la famille » précisait un éleveur enquêté par Rouveirolles (2007 : 59). Il souligne<br />

également que le principal enjeu de la production de lait reste la faiblesse des débouchés, liée<br />

à l’enclavement du Ferlo.<br />

La femme dispose toujours librement des rec<strong>et</strong>tes de la vente du lait <strong>et</strong> de ses dérivés.<br />

Comme l’écrivait Ba en 89 (1989 : 26) les modalités de dotation, de <strong>sur</strong>veillance des alliances ou de la<br />

consolidation des foyers s’articulent au « pouvoir laitier » des femmes. C’est la génisse qui est préférée au<br />

taurillon, la velle au veau…<br />

Marlene Richter (1997), souligne également le rôle fondamental que joue la femme dans la<br />

transformation des sociétés pastorales. Un certain nombre de ses références sont d’ailleurs<br />

apportées par les <strong>enseignements</strong> recueillis au Ferlo. Curieusement, plusieurs décennies avant,<br />

Dupire avait formulé une recommandation similaire au suj<strong>et</strong> du lait 64 , support d’un<br />

développement endogène à accompagner.<br />

Enseignements : Depuis les temps anciens jusqu’à nos jours le système matriarcal Peul<br />

souligne l’importance accordée aux femmes. C<strong>et</strong>te circulation des biens <strong>et</strong> des initiatives<br />

s’articule autour de l’élément féminin, ce qui en fait un moyen précieux d’émancipation <strong>sur</strong> le<br />

long terme de la société pastorale toute entière.<br />

64 Vu l’intérêt porté par les Peul à la vente de leurs produits laitiers, ce serait par là [la transformation du lait <strong>et</strong> la<br />

vente en caillé ou en beurre] qu’il faudrait commencer pour transformer leur économie. (Dupire (1956), In<br />

Grosmaire, 1957 : Annexe « Pêche… » 21).<br />

51


2.4. Les éleveurs : femmes <strong>et</strong> hommes du Ferlo<br />

2.4.1. En préambule, quelques paradoxes relevés à propos des Peul du Ferlo<br />

La société Peul du Ferlo interpelle à bien des égards les sciences humaines car elle souligne<br />

un certain nombre de paradoxes que nous relèverons brièvement ici.<br />

On pourrait prendre, d’abord, en considération les affirmations de Pouillon (1983). Il<br />

observe qu’on est en présence d’une société remarquablement homogène 65 toute entière centrée <strong>sur</strong> la gestion<br />

d’un important troupeau bovin <strong>et</strong>, secondairement, ovin : une société pastorale solidement campée <strong>sur</strong> une<br />

culture aristocratique <strong>et</strong>, à la fois, passablement anarchique (Pouillon, 1983 : 3).<br />

Le corps social homogène semble côtoyer un fonctionnement anarchique au Ferlo dans une<br />

société sans Etat.<br />

Ensuite, il s’agit bien d’une société holiste car le groupe prime <strong>sur</strong> l’individu (Claval, 2003).<br />

Un code strict régule les fonctions <strong>sociale</strong>s qui sont liées aux exigences productives du<br />

pastoralisme (Bonfiglioli) mais paradoxalement une indépendance libertaire se dessine à<br />

l’image d’autres groupes Peul plus éloignés (Riesman) 66 .<br />

Dans ce cas, le holisme sociétal perm<strong>et</strong>trait donc une liberté individuelle intangible <strong>et</strong><br />

notoirement identitaire.<br />

Enfin, les structures <strong>sociale</strong>s ont profondément un caractère individualiste qui se lit à travers<br />

des formes de mariages <strong>et</strong> de pouvoir as<strong>sur</strong>ant une profonde autonomie (Dupire). L’élément<br />

féminin, tout en étant dominé, porte en lui un ferment de transformations par le fait même<br />

qu’on atteste <strong>et</strong> on vénère les liens d’appartenance à un système matriarcal (Ba, 1989 : 25).<br />

La distinction 67 de sexe ne serait pas une différenciation classique des sexes imposant des<br />

rapports socio de sexe inégalitaires <strong>et</strong> immuables mais plutôt une force de cohésion <strong>et</strong> aussi<br />

de transformation de la société…<br />

65 Note de bas de page de Pouillon (1983 : 3) : Malgré l’opposition entre les « purs » nomades, occupant le dyeri ou le<br />

« koya », c’est-à-dire la partie centrale, <strong>et</strong> les groupes situés <strong>sur</strong> les marges, les gens du Walo, du Fleuve ou proches de la<br />

vallée du Ferlo en contact avec les groupes agriculteurs Wolofs.<br />

66 Riesman P., Société <strong>et</strong> Liberté chez les peul Djelgôbé de Haute Volta, 1974.<br />

67 Irène Théry, La distinction de sexe, Une nouvelle approche de l’égalité. Edit. Odile Jacob, 2007.<br />

52


2.4.2. Les unités d’observations chez les pasteurs <strong>et</strong> leurs tendances structurelles<br />

Face à de tels paradoxes, la question largement débattue du choix de l’unité d’observation<br />

familiale au Ferlo traduit bien une certaine déroute de l’observateur face à une société qui<br />

peut apparaître comme singulière.<br />

La base <strong>sociale</strong> est bien organisée en groupes communautaires. Ceux-ci sont imbriqués en<br />

unités emboîtées, caractérisées par des intérêts <strong>et</strong> des solidarités qui se manifestent autour de<br />

structures de pouvoir. Des mouvements d’opinion sont largement colportés par des notables<br />

qui tentent d’imprimer une domination car ils restent un vecteur fondamental de<br />

l’information. Mais face à ces codes sociaux, la liberté personnelle s’active <strong>et</strong> imprime au sein<br />

du troupeau une trace indélébile. Le troupeau est bien collectif, c’est-à-dire, répondant à un<br />

regroupement d’animaux de propriétaires différents, donc susceptibles d’évoluer contradictoirement<br />

selon les décisions prises, relatives à sa gestion.<br />

Le troupeau reste une unité de référence, certes fluctuante mais qui constitue une<br />

conjonction de décisions <strong>et</strong> de logiques personnelles. Ce lieu de production pastorale s’exerce<br />

au sein du galle. Pour nous, il s’apparente à une unité socio-économique d’analyse. L’unité de<br />

production <strong>et</strong> de consommation que représente le galle se traduit par l’exploitation commune<br />

d’un même troupeau. Il est donc géré collectivement, mais individuellement approprié par les<br />

membres du galle, ou des personnes plus lointaines par les mécanismes de confiage : amis,<br />

parents éloignés, autres éleveurs, paysans. Pour le gestionnaire, il y a donc des animaux en<br />

propriété mais aussi des animaux en confiage… Le troupeau du galle est donc composite. La<br />

conduite, elle, est rarement différenciée vis-à-vis du statut de chaque animal, même si des<br />

hiérarchies puissantes existent autour de sa symbolique.<br />

Le troupeau comprend quatre identités de référence : les bovins possédés en propre par le<br />

jom galle (gorwori) le douaire <strong>et</strong> sa (ses) femme(s) (tenie), c’est-à-dire les bovins donnés à<br />

l’épouse (par son mari) lors du mariage, les bovins des enfants <strong>et</strong> des parents mariés, vivant<br />

dans le galle (Santoir, 1982 : 3).<br />

Concernant le choix de l’unité d’observation <strong>et</strong> d’enquête, une remarque de Thébaud (1994 :<br />

13), en partie extraite des écrits de Barral (1982) <strong>et</strong> de Santoir (1982), souligne l’utilité d’une<br />

réflexion <strong>sur</strong> la pertinence du niveau du troupeau correspondant au galle en tant que sousensemble<br />

du campement (le wuro), qui correspond davantage à un centre de pouvoir.<br />

La souplesse de l’entité « troupeau » réside dans le fait que, selon la conjoncture, on observe<br />

des concentrations d’animaux (élargissement du galle à des sous-troupeaux d’effectifs<br />

53


estreints ne pouvant justifier une conduite spécifique) ou, au contraire, une dislocation en<br />

deux, voire, trois troupeaux (soulagement des tâches de suivi, conduite vers d’autres<br />

pâturages, concrétisation de l’émancipation d’un fils aîné…).<br />

Enseignements : Le « galle » est un niveau (ou échelle) pertinent d’observation.<br />

La préoccupation doit être d’observer le niveau <strong>sur</strong> lequel le groupe impute ses besoins<br />

alimentaires <strong>et</strong> financiers qui restent étroitement liés au troupeau.<br />

Il est bien difficile de déterminer l’évolution du galle moyen puisqu’il est suj<strong>et</strong> à des fusions ou<br />

des éclatements en fonction de la conjoncture. Il est évident qu’un rapport existe toutefois<br />

autour du nombre d’UBT par personne ou par actif qui s’occupe <strong>et</strong> exploite le troupeau.<br />

Dans les années 1980, le groupe domestique enquêté par Santoir (1982 : 4) vivant <strong>sur</strong> un<br />

troupeau est restreint : environ 8 personnes seulement chez les Peul diéri, 8,7 personnes chez les Peul<br />

Walo. Le galle est généralement constitué d’un ménage monogame car on ne compte que 1,3<br />

ménages par galle en moyenne.<br />

Barral (1982 : 72) souligne aussi des faibles effectifs humains par galle, il adm<strong>et</strong> des disparités<br />

plus importantes : Il est intéressant de noter que si les 83 gallé originaires de Tatki totalisent 750<br />

personnes, soit 9,03 personnes par galle […] en revanche les 46 galle de Bélel Bogal ne totalisaient que 235<br />

personnes, soit à peine 5,1 personnes par galle.<br />

Lors des enquêtes organisées par Schaeffer (1994 : 24), on relève des disparités bien plus<br />

importantes. La situation <strong>sur</strong> Widou est proche de celle du forage de Bouteyni avec une<br />

majorité de familles comprenant entre 10 <strong>et</strong> 17 membres, suivies par celles de 7 à 9 membres. Toutefois,<br />

les familles dépassant 20 à 30 membres sont plus nombreuses qu’à Bouteyni […] La taille moyenne à<br />

Widou varie entre 16 personnes (moyenne) <strong>et</strong> 14 (médiane) .<br />

Devant la présence d’enfants dans les familles, impliqués à certaines tâches de conduite ou<br />

d’exploitation du troupeau, Thébaud (1994 : 14) a défini une pondération qu’elle qualifie<br />

d’équivalent-adulte 68 . Elle note que c<strong>et</strong>te référence au galle (plutôt qu’au wuro) semble davantage<br />

correspondre aux groupes humains qui ont été enquêtés à Buteyni. En eff<strong>et</strong>, avec une moyenne<br />

de 11,8 équivalents adultes par groupe, on se rapprocherait de celle relevée par Barral (1982 ; 9,9 habitants<br />

par galle).<br />

68 Chaque enfant de moins de 8 ans a reçu une valeur de 0,65 adulte (note de bas de page, Thébaud, 1994 : 15).<br />

54


Les résultats d’enquêtes de 2007 soulignent que pour les deux forages 69 d’Amali <strong>et</strong> de Mbar<br />

Toubab, une minorité de galle est composée de 7 équivalent-adultes (alors que la moyenne<br />

est 4) qui, eux seuls, effectuent les transhumances vers le bassin arachidier <strong>et</strong> le Saloum. Il<br />

s’agit d’un critère fondamental d’éligibilité aux grandes mobilités. La scission de la main<br />

d’œuvre familiale est possible <strong>sur</strong> plusieurs mois sans pour autant rem<strong>et</strong>tre en cause la<br />

reproduction du système.<br />

2.4.3. Des logiques diversifiées<br />

2.4.3.1. Le troupeau collectif : entre atouts <strong>et</strong> entraves<br />

Comme nous l’avons vu précédemment, il y a quatre entités de référence dans<br />

l’appartenance des animaux d’un galle. La relative cohérence des décisions de gestion provient<br />

en partie des conséquences du mode de transmission. On note que c’est dans le stock que le chef<br />

de g galle puise pour doter sa femme <strong>et</strong> ses enfants. A l’occasion des transhumances, le dédoublement<br />

conjoncturel des troupeaux tient compte de c<strong>et</strong>te réalité. Santoir (1982 : 3) souligne par<br />

ailleurs que les animaux dioomtinadji, sont rarement transférés en totalité dans le troupeau du<br />

groupe conjugal au moment du mariage. Le troupeau familial est donc <strong>sur</strong>tout composé de<br />

téniédji, donc la circulation des animaux s’articule autour de l’élément féminin dans c<strong>et</strong>te<br />

société matriarcale. Mais c<strong>et</strong>te gestion collective <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te indivision dissimulent toute une<br />

gamme <strong>et</strong> une hiérarchie de statuts de propriété des différents animaux (Pouillon) 70 .<br />

Le p<strong>et</strong>it cheptel suit des règles semblables mais ne jouit pas du même prestige social (en<br />

regard de la symbolique du mythe fondateur), ni même économique que le cheptel bovin. La<br />

69 Forage d’Amali : (Diagne, 2007 : 62), (Rouveirolles, 2007 : 133) <strong>et</strong> pour le forage de Mbar Toubab<br />

(Cocqu<strong>et</strong>, 2007 : 110-127).<br />

70 Pourtant, se perpétue un principe traditionnel de gestion domestique du troupeau où la famille ne conduit que ses propres<br />

animaux sous l’autorité du chef de famille. Toutes les bêtes qu’il contrôle ne lui appartiennent pourtant pas en propre.<br />

Même s’il gère l’exploitation en maître, il ne peut disposer librement de toutes <strong>et</strong> en particulier les vendre ou les aliéner : le<br />

troupeau domestique comporte, outre ses animaux, ceux de ses épouses <strong>et</strong>, parmi ceux-là, ceux qu’elles ont reçus en dot <strong>et</strong><br />

ceux qu’elles ont hérités de leur père. […] Dans le troupeau il y a encore les animaux que l’on destine aux enfants dans<br />

une sorte de pré-héritage ; il y a ceux des frères cad<strong>et</strong>s, des oncles ou des neveux, de parents de tous ordres, agnats ou alliés,<br />

venus s’agglomérer au campement, faute d’une famille plus proche, à la suite du décès des leurs. Ainsi, l’indivision <strong>et</strong> une<br />

gestion réellement collective dissimulent toute une gamme de dévolutaires ayant, à des degrés divers, des prétentions <strong>sur</strong> telle<br />

partie du troupeau (Pouillon, 1983 : 5).<br />

55


longévité plus courte des p<strong>et</strong>its ruminants entre également dans ce différentiel de jugement<br />

de valeur.<br />

La gestion réellement collective ne perm<strong>et</strong> donc pas au chef de galle d’avoir toute la latitude<br />

pour disposer pareillement des différents animaux. C’est une donnée fondamentale,<br />

notamment dans le cadre des changements affectant la conduite du troupeau : départ en<br />

transhumance, constitution de lots pour l’engraissement, castration pour l’engraissement<br />

tardif, dressage des animaux pour le service de transport de l’eau…<br />

2.4.3.2. La constitution d’un troupeau bovin : objectif toujours d’actualité<br />

Malgré les mutations passées ou en cours, la référence <strong>sociale</strong> constitue bien le<br />

troupeau de bovins 71 . Les données actuelles traduisent des seuils de constitution d’un premier<br />

troupeau pour un éleveur à partir d’un effectif de 15 bovins mères (Cocqu<strong>et</strong>, 2007 : 68). La<br />

collecte de la gomme a donc laissé la place à d’autres activités rurales mais aussi urbaines 72 .<br />

Mais c<strong>et</strong>te constitution répond à des impératifs d’ordre logistique plutôt que d’accès aux<br />

pâturages ou à l’eau qui, somme toute, n’est pas très chère au forage (environ 150 Fcfa le m 3 ).<br />

S’ils sont nombreux <strong>et</strong> conformes à une répartition spatiale équilibrée, les forages demeurent<br />

assez éloignés les uns des autres. Même par le biais de la fréquence de l’abreuvement des<br />

bovins seulement tous les deux jours, le pâturage accessible est limité. La localisation de<br />

l’habitat montre tout le paradoxe : plus il est proche des forages plus l’abreuvement est aisé<br />

mais plus l’herbe manque du fait du piétinement, du <strong>sur</strong>pâturage <strong>et</strong> des excès d’azote<br />

occasionnés par une <strong>sur</strong>accumulation de déjections. Plus le pâturage est éloigné <strong>et</strong> plus les<br />

troupeaux doivent parcourir de grandes distances pour s’abreuver…<br />

La constitution du troupeau, via l’élevage des p<strong>et</strong>its ruminants, reste étroitement corrélée aux<br />

moyens de transport d’eau que possède l’éleveur. La chambre à air en tant que contenant, qui<br />

est devenue l’équipement base pour le transport de l’eau, n’est pas trop chère. Par contre, la<br />

71 On note que les hommes de pouvoir encore aujourd’hui sont exclusivement des propriétaires de<br />

troupeaux conséquents de bovins. La position de Richter en 1989 <strong>sur</strong> ce suj<strong>et</strong> est encore d’actualité :<br />

Ainsi seuls les Peul riches sont prédestinés pour exercer le pouvoir. Un Peul qui a un bon troupeau a prouvé qu’il est un<br />

bon gestionnaire <strong>et</strong> qu’il est en me<strong>sur</strong>e de s’occuper de sa famille. Avec ce pouvoir derrière lui, il est habilité à représenter le<br />

clan ou le groupe de la grande famille aussi à l’extérieur (Richter, 1989 : 9).<br />

72 L’allusion de Dupire (1956) à c<strong>et</strong>te volonté <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te énergie qu’a le Peul à chercher un bénéfice ne semble<br />

pas avoir pris une ride : Les distances ne comptent pas pour le Peul, lorsqu’il s’agit de faire un bénéfice même minime.<br />

56


charr<strong>et</strong>te <strong>et</strong> des animaux de service impliquent le débours de sommes financières<br />

conséquentes.<br />

L’acquisition d’un moyen de transport de l’eau constitue probablement le critère principal<br />

pour accéder au statut de propriétaire. Le prêt de charr<strong>et</strong>te se pratique mais il impose une<br />

forte dépendance de proximité avec le préteur, vite incompatible avec une stratégie pastorale<br />

individuelle.<br />

Les moyens de transport de l’eau conditionnent directement le nombre maximal d’animaux<br />

qu’il est possible de conserver durant la saison chaude. Le facteur limitant ne provient donc<br />

pas tant de la quantité de ressources fourragères disponibles, qui est la même pour tous <strong>sur</strong><br />

ces parcours indivis, mais de la quantité d’eau accessible, compte-tenu des moyens de<br />

transport d’eau que l’on dispose.<br />

D’ailleurs, ce facteur limitant semble expliquer le fait que certains éleveurs vendent une partie<br />

de leurs animaux en début de saison sèche alors que d’autres peuvent les leur ach<strong>et</strong>er <strong>et</strong><br />

pratiquer l’embouche. Le moyen de transport de l’eau doit être totalement sécurisé pour<br />

passer la période chaude. En eff<strong>et</strong>, il faut être mobile face aux risques préjudiciables à la<br />

disponibilité des ressources naturelles : panne au forage obligeant le pasteur à partir <strong>sur</strong> un<br />

autre forage, feux détruisant les parcours <strong>et</strong> contraignant tout le monde à déguerpir vers des<br />

forages parfois très éloignés…<br />

Les jeunes éleveurs débutants avec un troupeau de p<strong>et</strong>its ruminants se trouvent donc<br />

vulnérables. En eff<strong>et</strong>, les p<strong>et</strong>its ruminants supportent très difficilement le stress hydrique.<br />

Au-delà de 2, voir 3 jours sans abreuvement, les conséquences sont dramatiques.<br />

Des alternatives économiques existent <strong>et</strong> peuvent accompagner c<strong>et</strong>te stratégie de constitution<br />

d’un troupeau.<br />

2.4.3.3. Diversification des revenus : p<strong>et</strong>ite agriculture pluviale, commerce…<br />

Suite aux grandes sécheresses (1973 <strong>et</strong> 1984) ainsi qu’après la crise <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> politique<br />

du différent sénégalo-mauritanien, de fortes perturbations ont touché les éleveurs dans leurs<br />

budg<strong>et</strong>s familiaux <strong>et</strong> dans leur unité de référence qu’est le troupeau. Pour ceux qui ont été<br />

largement affectés par ces crises (ou leurs conséquences), des stratégies de <strong>sur</strong>vies ont été<br />

vécues plus ou moins douloureusement.<br />

Même si le Ferlo interpelle par la faiblesse de ses diversifications économiques, il n’en<br />

demeure pas moins que des stratégies de <strong>sur</strong>vie se sont activées.<br />

57


La p<strong>et</strong>ite agriculture pluviale se pratique <strong>sur</strong> la frange sud du Ferlo se trouvant à la rencontre<br />

de l’isohyète de 300 mm. Au-delà de c<strong>et</strong>te zone, la pluviométrie est faible <strong>et</strong> aléatoire. On<br />

observe la pratique d’un système pluvial de culture avec du mil, du niébé <strong>et</strong> du béref. La<br />

clôture du p<strong>et</strong>it champ est systématique. Les <strong>sur</strong>faces sont beaucoup plus restreintes que<br />

dans le cas des systèmes de culture développés par les Wolof au sud (Rouveirolles, 2007 : 22).<br />

Les rendements sont très faibles (de l’ordre de 200 kg/ha). On r<strong>et</strong>rouve également ces<br />

systèmes extensifs de culture d’une façon marginale au bord du fleuve dans le nord du Ferlo<br />

ou du Golodjina (Mbar Toubab). Mais depuis longtemps Barral, (1982 : 66) a noté que les Peul<br />

Dieri ne parient pas <strong>sur</strong> l’agriculture, ils donnent la priorité absolue à l’élevage.<br />

D’autres pasteurs vendent leur savoir-faire en devenant berger pour le compte d’un éleveur<br />

plus aisé. Mais les conditions sont défavorables pour ces pasteurs prolétarisés.<br />

Le p<strong>et</strong>it commerce de bétail tente également quelques jeunes mais le risque est ici plus grand<br />

car l’indexation <strong>sociale</strong> attend celui qui n’honore pas ses d<strong>et</strong>tes. De plus, il nécessite une mise<br />

de fonds au départ qui reste un handicap pour les jeunes.<br />

Au Ferlo, le p<strong>et</strong>it commerce de revente de produits d’usages domestiques que l’on trouve<br />

dans les boutiques est effectué par des Wolof ou des Maures <strong>et</strong> plus récemment par des Peul.<br />

Les pasteurs ne dédaignent pas non plus les emplois urbains. Ils se font embaucher comme<br />

manœuvres en ville. C<strong>et</strong>te embauche ne constitue pas un attrait en soi, mais il s’agit d’amasser<br />

un pécule qui perm<strong>et</strong>tra au r<strong>et</strong>our de se constituer un embryon de troupeau, de le consolider<br />

ou bien de se marier. Mais il est notoire de constater que le Ferlo n’a pas connu d’exode<br />

historique massif malgré la faiblesse d’alternatives économiques qui caractérise c<strong>et</strong>te région.<br />

2.4.3.4. Les agro pasteurs<br />

Historiquement les agropasteurs existaient d’une manière significative avant les<br />

sécheresses. Concernant les Peul Walo, Barral (1982 : 52) souligne que 49% des Peuls Walo<br />

auraient abandonné l’agriculture de décrue […] 62 % de ceux qui déclarent avoir abandonné leur champ de<br />

walo l’ont fait au cours de la période 1973-1978, c’est-à-dire à la suite de la sécheresse <strong>et</strong> des aménagements<br />

hydro-agricoles de la SAED, contre 38% seulement au cours de la période 1951-1972. Ce n’est donc pas<br />

les forages qui sont responsables de l’arrêt de la pratique agricole chez les Peul Walo.<br />

Il existe des agro-pasteurs dans la frange nord du Ferlo qui possèdent des terres dans la vallée<br />

<strong>et</strong> qui vivent dans le Ferlo (Belel Bogal, par exemple). Il s’agit de familles influentes qui ont<br />

conquis, puis gardé des alliances lignagères avec ceux de la vallée (Lericollais, 1975), (Santoir,<br />

58


1994), (Schmitz, 1995),. Dans les études de 2007, ces agro-pasteurs sont numériquement<br />

minoritaires <strong>et</strong> cumulent à la fois la culture intensive dans la vallée, l’embouche de béliers<br />

pour la revente à la Tabaski, les transhumances méridionales, la castration des taurillons en<br />

vue de la production de bœufs tardifs… <strong>et</strong> l’emploi d’une main d’œuvre conséquente Ba,<br />

(2007) <strong>et</strong> Marsan (2007).<br />

Il s’agit d’un groupe restreint, privilégié car lié à une antériorité foncière dans la vallée.<br />

2.4.3.5. L’engraissement d’animaux : une pratique d’intensification de l’élevage<br />

L’engraissement des p<strong>et</strong>its ruminants n’est pas un phénomène nouveau. Il doit être<br />

mis en parallèle avec l’augmentation de l’élevage des p<strong>et</strong>its ruminants en condition extensive,<br />

datant de la période succédant aux sécheresses (Schaeffer) 73 . Parallèlement à la reconstitution<br />

du cheptel bovin par les p<strong>et</strong>its ruminants, certains éleveurs ont donc développé de<br />

l’embouche ovine en vue d’une valorisation lors des fêtes religieuses. La demande a été<br />

certainement croissante durant ces dernières décennies car le rituel a pris de l’ampleur, même<br />

dans les familles modestes. La SODESP a certainement participé à la vulgarisation de<br />

l’utilisation de la complémentation alimentaire destinée aux animaux d’engraissement.<br />

Les pasteurs qui pratiquent l’ « opération Tabaski » sont de deux types distincts en fonction<br />

des moyens financiers qu’ils disposent.<br />

Il y a d’abord ceux qui peuvent spéculer. Ils ont suffisamment de trésorerie <strong>et</strong> achètent des<br />

béliers maigres, à bas prix en fin de saison sèche pour les revendre ensuite engraissés lors de<br />

la fête. Il y a ensuite ceux qui se contentent d’engraisser des animaux issus uniquement de<br />

leur troupeau. Cocqu<strong>et</strong> (2007 : 49-50) <strong>sur</strong> le forage de Mbar Toubab souligne que, dans ce<br />

deuxième cas, cela nécessite de pouvoir conserver <strong>et</strong> engraisser des mâles jusqu’à la fête. En<br />

eff<strong>et</strong>, cela suppose que l’on ait suffisamment de bétail pour pouvoir as<strong>sur</strong>er, en plus, les<br />

dépenses inhérentes à l’entr<strong>et</strong>ien de la famille, à la complémentation <strong>et</strong> à l’abreuvement du<br />

bétail.<br />

73 La sécheresse de 1984, répandue <strong>sur</strong> tout le Sahel, a apparemment frappé plus durement <strong>et</strong> plus généralement que celle de<br />

1992, car la diminution des troupeaux s’élève à pratiquement 52% (pertes 33%, ventes 19%). La taille actuelle du<br />

troupeau de la famille élargie ne représenterait qu’environ 47% de la taille avant la sécheresse de 1984 <strong>et</strong> le nombre actuel<br />

de bovins est pratiquement identique à celui de la sortie de crise de 1984. On comprend alors l’attention particulière<br />

attribuée aux p<strong>et</strong>its ruminants qui se sont reconstitués beaucoup plus vite (Schaeffer, 1994 : 35).<br />

59


2.4.3.6. La transhumance méridionale<br />

C<strong>et</strong>te stratégie de migration vers les zones méridionales fait certainement référence<br />

aux conséquences de la sécheresse de 1992. A l’époque, grâce aux liens tissés avec des<br />

personnes du sud, les conséquences de c<strong>et</strong>te sécheresse furent amoindries grâce à un départ<br />

massif des grands troupeaux de bovins. Thébaud (1994 : 23) note que près de 70% de l’effectif<br />

avant sécheresse aurait été conservé. La transhumance méridionale est donc bien revenue à l’ordre<br />

du jour avec les opportunités économiques offertes par le marché des ovins. En sous-main,<br />

elle constitue une alternative solide en tant que zone de replis lors des années très déficitaires,<br />

notamment pour le gros bétail dont la capacité à <strong>sur</strong>vivre dans la réserve des Six forages est<br />

de plus en plus limitée.<br />

La transhumance méridionale est donc devenue une référence mais nécessite des moyens<br />

d’équipement, comme nous l’avons vu, ainsi que de la main d’œuvre. En eff<strong>et</strong>, il y a bien un<br />

fractionnement de la famille durant c<strong>et</strong>te transhumance qui se déroule <strong>sur</strong> de longs mois. Le<br />

recours à de la main d’œuvre salariée d’appoint est sollicitée. Le seuil observé pour pouvoir<br />

partir au Saloum est de 100 brebis mères (Cocqu<strong>et</strong>, 2007 : 61). Il est généralement admis qu’il<br />

s’agit d’un troupeau collectif mais le risque est tel que le confiage à des salariés pour ce type<br />

de transhumance n’est pas courant. Généralement un des fils (avec sa femme) du galle<br />

accompagne le troupeau avec l’aide de salariés 74 . Quatre actifs au minimum sont évoqués<br />

dans les enquêtes pour accompagner une transhumance. Deux enquêtes réalisées par le<br />

PAPF en 2000-2001 auprès des pasteurs transhumants « originaires » des forages de Tatki <strong>et</strong><br />

Ganina avaient déjà avancé ces tendances 75 . L’étude de 2007 <strong>sur</strong> trois autres forages<br />

confirment donc bien les conditions de départ d’une transhumance méridionale.<br />

Nous avons vu que les contacts le long de la transhumance doivent être déjà noués car les<br />

tensions <strong>sur</strong> les ressources pastorales sont de plus en plus effectives. L’abreuvement durant le<br />

déplacement au Saloum est plus coûteux qu’au forage d’attache du Ferlo. De plus, il faut<br />

partir avec une, ou le plus souvent, deux charr<strong>et</strong>tes (<strong>et</strong> les chambres à air pour transporter<br />

l’eau correspondante) car il est rarement possible de séjourner auprès des sources<br />

d’approvisionnement <strong>et</strong> certaines distances entre deux points d’abreuvement sont trop<br />

conséquentes.<br />

74 Les bergers salariés sont payés en moyenne 15.000 Fcfa par mois (Cocqu<strong>et</strong>, 2007 : 60)<br />

75 PAPF, Enquêtes <strong>sur</strong> la transhumance saisonnière, Forage de Tatki, Forage de Ganina 2000-2001 n.p.<br />

60


Pourtant, tous les éleveurs ne pratiquent pas c<strong>et</strong>te transhumance, loin s’en faut. Ne pouvant<br />

la confier à un berger salarié par manque de confiance, il faut qu’un ou plusieurs membres de<br />

la famille quittent le foyer pendant plusieurs mois. Cela suppose que le galle possède un<br />

nombre suffisant d’animaux pour que les ventes nécessaires à la <strong>sur</strong>vie de ces derniers<br />

n’affectent pas le croît du troupeau. Par ailleurs, nombre de chefs de familles y voient le<br />

prélude à l’émancipation des jeunes par une scission (temporaire) du galle prématurée <strong>et</strong><br />

préfèrent alors conserver leurs troupeaux dans le Ferlo.<br />

Hormis ces contraintes, la transhumance perm<strong>et</strong> à la fois de soulager le troupeau du galle <strong>et</strong><br />

<strong>sur</strong>tout de trouver de meilleurs pâturages vers le sud. L’alimentation plus riche améliore les<br />

paramètres zootechniques. Cocqu<strong>et</strong> (2007 : 61) note que 30% des brebis m<strong>et</strong>tront bas en<br />

transhumance. De plus, la proximité des axes routiers desservant les grandes villes sénégalaises<br />

perm<strong>et</strong> des transactions commerciales plus bénéfiques qu’au Ferlo. C<strong>et</strong>te transhumance<br />

méridionale est appréciée par les éleveurs comme hautement rentable, mais réservée à ceux<br />

qui en ont les moyens…<br />

Enseignements : Les systèmes d’élevages montrent, d’une part, une différenciation toujours<br />

forte (peut être même un accroissement durant c<strong>et</strong>te dernière décennie) entre le capital des<br />

différents galle <strong>et</strong>, d’autre part, démontrent une division judicieuse des risques, une utilisation<br />

de la vitesse de reconstitution des p<strong>et</strong>its ruminants, <strong>et</strong> également un recours indispensable à des<br />

zones de replis, en anticipation en cas de graves crises notamment pour le gros bétail qui se<br />

trouve en <strong>sur</strong> effectif dans le Ferlo.<br />

2.4.4. Besoins <strong>et</strong> revenus : à la recherche d’une douloureuse équation<br />

2.4.4.1. <strong>Quelques</strong> grands principes<br />

Les fluctuations annuelles des prix sont très n<strong>et</strong>tes <strong>et</strong> soulignent encore une<br />

inadéquation structurelle entre le système d’élevage extensif <strong>et</strong> le marché. Dans ce type de<br />

système, la variation des cours reste préjudiciable au producteur. Le rapport au marché ne<br />

vient que pour accentuer les eff<strong>et</strong>s de la rar<strong>et</strong>é des produits. En eff<strong>et</strong>, en saison humide le<br />

bétail se vend mieux au moment où le galle est en situation d’abondance grâce au lait<br />

largement autoconsommé (<strong>et</strong> à son troc éventuel avec de la céréale). En saison sèche, lorsque<br />

la sécurité alimentaire est plus délicate à obtenir, il faut alors commercialiser pour se procurer<br />

61


de la nourriture. Le bétail est très affaibli, maigre <strong>et</strong> se vend mal. A c<strong>et</strong>te période, les cours<br />

s’effondrent.<br />

L’inadéquation de l’offre <strong>et</strong> de la demande suffit à démontrer que la commercialisation des<br />

animaux <strong>sur</strong> pied est, chez les pasteurs, encore une affaire de nécessité. Traditionnellement, le<br />

Peul vend au jour le jour des animaux en observant tout de même quelques principes<br />

élémentaires. Il conserve les reproductrices, sauvegarde le peu de production laitière qu’il a<br />

en ne vendant pas de veaux non sevrés <strong>et</strong> essaie de faire le plus d’argent possible avec la<br />

vente d’un minimum d’animaux.<br />

Lors de toute transaction commerciale, les principes éthiques 76 des Peul, cités par Pouillon<br />

(1983), sont encore valides mais les besoins financiers sont de plus en plus pressants <strong>et</strong><br />

l’anticipation que cela représente bouleverse les attitudes.<br />

Par ailleurs, les eff<strong>et</strong>s de la mondialisation induisent des besoins nouveaux. Des stratégies<br />

commerciales s’affinent par le biais de la constitution de lots d’animaux plus homogènes, par<br />

l’engraissement de béliers, par la castration des taurillons en vue d’une production de bœufs<br />

lourds tardifs <strong>et</strong> par la constitution de réseaux durables de relations au contact des marchés<br />

urbains de revente. L’anticipation commerciale destinée à bénéficier d’un revenu appréciable<br />

fait maintenant partie du « paysage économique » du Ferlo.<br />

On est donc bien en face d’une économie de l’élevage en transition qui a su s’adapter au contexte.<br />

La frugalité qui caractérisait ces pasteurs (Pouillon, 1983 : 7) a donc évolué avec l’avènement du<br />

nouveau siècle. Il est indéniable que l’équipement en charr<strong>et</strong>tes ainsi que la possession d’un<br />

important cheptel de traction pour le transport de l’eau ont été un élément déterminant de<br />

certaines évolutions du système pastoral.<br />

76 Aucune transaction n’est considérée comme juste si elle n’est pas acquise <strong>sur</strong> la base d’un marchandage savamment négocié<br />

entre les partenaires connus, c’est-à-dire identifiée dans une structure <strong>sociale</strong> précise <strong>et</strong> choisie en fonction de la réputation<br />

qu’ils se sont faite. […] c<strong>et</strong>te société est habitée de principes éthiques où domine le souci farouche de sauvegarder son<br />

indépendance, sa liberté de mouvement, son autonomie d’une part. Une susceptibilité chatouilleuse, d’autre part, pour tout<br />

ce qui touche à la dignité de la personne. Ces deux valeurs s’incarnent tout particulièrement dans la façon de posséder <strong>et</strong> de<br />

gérer un troupeau, <strong>et</strong> cela jusque dans les tâches les plus humbles qui s’y rapportent […]. C<strong>et</strong>te économie suppose donc une<br />

éthique fortement charpentée <strong>et</strong> des cadres sociaux solidement construits pour inscrire des individus dans un espace qu’ils ne<br />

contrôlent que collectivement (Pouillon, 1983 : 31 <strong>et</strong> 33)<br />

62


2.4.4.2. <strong>Quelques</strong> éléments de variabilité de l’offre de produits animaux<br />

L’offre des produits de l’élevage dans un contexte extensif<br />

La stratégie d’anticipation commerciale qui se manifeste dans le Ferlo n’est toutefois<br />

pas encore généralisée. La vente d’un animal reste pour le Peul une nécessité à laquelle il se<br />

contraint difficilement. La diversité des statuts des animaux, relatifs à la propriété dans le<br />

troupeau collectif du galle, freine également la fourniture de lots homogènes d’animaux<br />

susceptibles d’intéresser les « téfankés » <strong>et</strong> les dioulas maquignons. Wane (2005) constate que<br />

les éleveurs « ...dotés d’une rationalité contextuelle, ... usent de stratégies adaptatives <strong>et</strong> interviennent <strong>sur</strong> les<br />

marchés pour des motifs de consommation, parfois d’investissement <strong>et</strong> de spéculation. Ce comportement<br />

alternant postures maximisatrice <strong>et</strong> limitée, est exacerbé par les structures des marchés. C<strong>et</strong>te situation résulte<br />

d’une causalité réciproque entre les problèmes d’efficience des marchés <strong>et</strong> les comportements des pasteurs.<br />

L’offre théorique d’animaux au niveau du Ferlo est également suj<strong>et</strong>te aux mécanismes de<br />

reconstitution de cheptel pour un grand nombre d’éleveurs. En plus de faire appel au croît<br />

naturel de chaque troupeau, ces éleveurs se livrent aux échanges (ovins contre génisses, ou<br />

mâles contre génisse). L’étude des troupeaux faite en 1994 a bien montré que le disponible<br />

n<strong>et</strong> commercialisable est d’environ ¼ de l’effectif qui correspond aux boeufs, aux vaches<br />

stériles <strong>et</strong> aux jeunes mâles. Cheikh Ba (1986 : 133) considérait précédemment que ce niveau<br />

se situait généralement à un pourcentage de 27%.<br />

Même si la majorité de la production de lait est auto-consommée, l’autre partie ne doit pas<br />

être négligée 77 . Santoir (1982 : 8-9) relève que chaque gallé de la zone étudiée vend en moyenne 13l. de<br />

beurre en saison sèche, <strong>et</strong> 37l. en hivernage. Le beurre correspond à une denrée de valeur (meilleure<br />

valorisation au litre que pour le lait 78 ) qui est plus aisément transportable que le lait. De plus,<br />

le beurre reste le seul moyen qu’ont les femmes pour stocker leur <strong>sur</strong>plus de lait.<br />

L’autoconsommation en viande ne porte que <strong>sur</strong> une fraction minime du troupeau. Même, si elle<br />

a certainement augmenté depuis les années 1980 : 1% des bovins <strong>et</strong> 6% des ovins-caprins en 1978<br />

77 La vente des produits laitiers est le revenu le plus régulier, c’est aussi celui <strong>sur</strong> lequel le Peul compte le plus. Comme c’est la<br />

femme qui est propriétaire du lait, <strong>et</strong> le plus souvent aussi d’une grande partie du troupeau, on voit comme elle est un des<br />

pivots de l’économie Peule. La vente est a peu prêt inexistante en saison sèche, mais en fin d’hivernage, les femmes Peules<br />

parcourent de grandes distances pour vendre le beurre liquide qu’elles ont accumulé, tandis que le lait caillé est le plus<br />

souvent échangé. Quand au lait frais, le Peul n’a pas l’habitude de la vendre […] puisqu’il comprend deux produits<br />

rémunérateurs : le lait caillé <strong>et</strong> le beurre. (Dupire (1956), In Grosmaire, 1957 : Annexe « Pêche… » 21).<br />

78 La tendance relevée par Santoir (1982 : 8-9) qui était que le faible niveau de l’offre est compensé <strong>sur</strong> le plan des<br />

revenus, par des prix élevés [650 Fcfa le litre au lieu de 550] se confirme <strong>et</strong> se trouve même accentuée de nos jours.<br />

63


dans l’arrondissement de Tillé-Boubakar (Santoir, 1982 : 5), la principale autoconsommation<br />

susceptible de faire baisser l’offre au sein du galle reste le lait.<br />

Il est intéressant de noter que la productivité financière des ovins est élevée. Ces p<strong>et</strong>its<br />

ruminants offrent l’opportunité d’une ouverture commerciale inespérée pour les autres<br />

membres que le seul chef de galle. En eff<strong>et</strong>, la gestion de ce troupeau dont les décisions de<br />

vente, relèvent plus directement du niveau du ménage (foyre), voire même de la femme que de<br />

celui du chef de galle. C’est un changement fondamental, apparu durant ces deux dernières<br />

décennies, qui ouvre des perspectives évolutives prom<strong>et</strong>teuses en élargissant <strong>et</strong> diversifiant<br />

l’offre.<br />

Valeur* production<br />

par tête (lait <strong>et</strong><br />

viande)<br />

Rec<strong>et</strong>tes monétaires<br />

par tête (lait <strong>et</strong><br />

viande)<br />

Valeur total de la<br />

production par UBT<br />

(autoconsom inclus)<br />

Valeur commerciale<br />

(=sans autoconsom)<br />

de la production par<br />

UBT<br />

estimations des coûts<br />

de l'eau /UBT/an**<br />

% coût eau/VAT UBT<br />

Bovins 20 164 13 300 25 205 16 625 1 594 6%<br />

Ovins 8 558 7 680 81 509 73 139 4 048 5%<br />

Caprins 4 993 3 342 62 410 41 777 5 313 9%<br />

* : Valeurs, rec<strong>et</strong>tes <strong>et</strong> coûts annuels <strong>et</strong> en Francs CFA ** : à raison de 150 FCFA/bovin/m <strong>et</strong> 50 FCFA/p<strong>et</strong>it ruminant/m <strong>sur</strong> 8,5 mois dans l'année<br />

Faible diversification des autres revenus que ceux de l’élevage du galle<br />

Nous avons noté que les cultures ne représentent pas, pour les pasteurs, une source<br />

de revenus conséquente. Elle est pratiquement abandonnée de nos jours dans la majorité des<br />

campements du Ferlo (les p<strong>et</strong>its champs se situaient <strong>sur</strong> les anciens parcs, valorisant ainsi la<br />

fertilité accumulée). Toutefois, de p<strong>et</strong>its champs de mil perm<strong>et</strong>tent aux pasteurs les plus<br />

pauvres de tenter d’acquérir quelques quintaux de produits. Mais c<strong>et</strong>te pratique est de plus en<br />

plus délicate car elle exige une clôture coûteuse en main d’œuvre pour un résultat bien<br />

aléatoire.<br />

La culture de l’arachide se trouve possible seulement sous des isohyètes plus cléments (plus<br />

de 300mm). De toute façon, bien que le pasteur soit éventuellement tenté par les bénéfices<br />

que présente la culture des arachides, il se rend compte de l’impossibilité de la concilier avec<br />

la vie pastorale.<br />

Hormis ces agro-pasteurs pauvres, les typologies de 2007 font ressortir qu’il y a des agropasteurs<br />

aisés qui cultivent des champs dans la vallée du Sénégal avec une main d’œuvre<br />

significativement salariée. Il s’agit toutefois d’exceptions, liées à des avantages fonciers<br />

anciens, judicieusement entr<strong>et</strong>enus.<br />

Les rec<strong>et</strong>tes principales issues de l’élevage peuvent être complétées, d’une façon ponctuelle<br />

mais parfois dans des proportions considérables, par des rec<strong>et</strong>tes en provenance d’activités<br />

64


dites « secondaires » comme différentes formes de commerce, en tant que « tefanke », en tant<br />

que marabout <strong>et</strong> guérisseur… ou à défaut berger, pour revenir à l’élevage 79 . En eff<strong>et</strong>, chaque<br />

forage a ses marchands de bestiaux où l’on distingue le « dioula » professionnel qui achète<br />

régulièrement du « téfenké » qui, lui, ne traite que du p<strong>et</strong>it bétail de manière saisonnière <strong>et</strong><br />

opportuniste. Malgré les risques encourus, le commerce du bétail est une activité lucrative.<br />

Certains jeunes se sont improvisés téfenké pour ainsi tenter leur chance.<br />

L’ensemble de ces activités perm<strong>et</strong>tent, chacune à leur manière, de soulager le taux<br />

d’exploitation des troupeaux. Pour le commerce par les pasteurs eux-mêmes, ils récupèrent<br />

une marge du commerce local qui serait partie avec le commerçant Dioula.<br />

Mode de peuplement <strong>et</strong> délicate question de la démographie au Ferlo<br />

La pratique de l’élevage extensif est liée à la démographie humaine car il exige une<br />

main d’œuvre <strong>et</strong> du savoir-faire. Cerner l’importance de l’exode des jeunes <strong>et</strong> comprendre les<br />

grands flux démographiques renseigne <strong>sur</strong> la vitalité d’une société pastorale. La disponibilité<br />

de main d’œuvre est déterminante pour les pratiques de conduite (gardiennage des p<strong>et</strong>its<br />

ruminants, contrôle de l’abreuvement des bovins, transport de l’eau…) <strong>et</strong> d’exploitation du<br />

troupeau (la traite est exigeante ainsi que les divers soins).<br />

Les études diachroniques de Barral ont un intérêt évident pour c<strong>et</strong>te question. Il est utile de<br />

les rappeler ici. Il relève que les estimations portant <strong>sur</strong> la population du Ferlo à la veille de la<br />

1 e guerre mondiale portaient <strong>sur</strong> un effectif de 40 à 50.000 personnes. Sur la base d’un minutieux<br />

travail d’enquête <strong>sur</strong> 265 galle, il a pu cerner la population moyenne par galle (9,9) 80 . Il s’est<br />

livré ensuite, par photo-interprétation, à un comptage systématique du nombre des<br />

campements. L’auteur a alors estimé la population du Ferlo, (au Nord de la piste Linguéré-<br />

Matam), à 70.000 personnes environ en 1976. Il en conclu que c<strong>et</strong>te population n’aurait augmenté<br />

que de 40% en une soixantaine d’années, soit un taux d’accroissement moyen de 0,9% par an.<br />

79 Il est intéressant de relever ce que disait Dupire à propos de la recherche de revenus complémentaires en<br />

1956 : Il ira fumer le champ d’un Wolof avec son troupeau, ou se fera berger, métier que choisissent ordinairement les<br />

jeunes gens peu fortunés. Ils récoltent la gomme dans les régions riches en gommiers, <strong>et</strong> cela représente pour eux une source<br />

facile de revenus, sans avoir à toucher au précieux capital bovin […] dans la ligne des traditions ancestrales, quelques<br />

Peuhls utilisent leurs connaissances de Siltigi, <strong>et</strong> vont vendre leurs charmes <strong>et</strong> leurs gris-gris de campement en campement, <strong>et</strong><br />

même dans les grandes villes (In Dupire (1956), cité par Grosmaire, 1957 : Annexe « Pêche… » 22-23).<br />

80 Au total 265 gallé enquêtés correspondent une population de 2.621 personnes, soit près de 9,9 personnes par gallé […] le<br />

nombre d’habitants moyen par campement est par conséquent de […] 49,5 personnes, ce qui pour les 644 campements de<br />

la zone d’étude correspond théoriquement à une population totale de l’ordre de 32.000 personnes (Barral, 1982 : 39).<br />

65


Comme en écho, Santoir (1982) constate une stagnation démographique encore plus forte<br />

dans le Djolof : « en cinquante ans, la population va passer de 30.000 habitants à 35.000 seulement ».<br />

Mais pour la période considérée, Barral (1982 : 56) constate que les forages non seulement n’ont<br />

pas polarisé autour d’eux le peuplement Peul, mais n’ont entraîné non plus aucun accroissement spectaculaire<br />

de la population du Ferlo. La multiplication des campements permanents qui apparaît à la<br />

comparaison des photographies aériennes de 1954 <strong>et</strong> 1979, <strong>et</strong> qui est fréquemment de 1 à 3 ou 4 ne<br />

correspond certainement pas à une multiplication de la population par les mêmes facteurs. Une explication<br />

avancée serait l’éclatement des campements à partir de la période de mise en service des<br />

forages. Les causes avancées par l’auteur sont d’ordre écologique, conséquence indirecte de<br />

l’ouverture des forages, <strong>et</strong> en second lieu d’ordre sociologique. Les premiers seraient, successivement,<br />

la disparition des fauves <strong>et</strong> la plus grande concurrence pour les pâturages, les secondes le développement de<br />

l’individualisme lié à la perte de l’autorité des chefs de lignages <strong>et</strong> des chefs coutumiers après l’accession du pays<br />

à l’indépendance.<br />

Les différents proj<strong>et</strong>s ont été pourvoyeurs de moyens financiers significatifs. Cocqu<strong>et</strong> (2007 :<br />

43) note qu’au forage de Mbar Toubab, l’implantation à partir de 1975 de la Mission<br />

forestière allemande a eu des eff<strong>et</strong>s déterminants. La Mission, pour exécuter les travaux<br />

importants de reboisement, recruta au forage une cinquantaine de salariés permanents <strong>et</strong><br />

embaucha ponctuellement jusqu’à une centaine de tacherons. A posteriori, dans les enquêtes<br />

menées en 2007, il apparaît n<strong>et</strong>tement que c<strong>et</strong> argent frais a largement contribué à la<br />

reconstitution du cheptel pour les familles travaillant avec la Mission. C<strong>et</strong>te manne financière<br />

inespérée est clairement présente dans la mémoire collective des populations. Pour le<br />

reboisement de quelques 6.000 hectares, ces travaux en régie <strong>sur</strong> plusieurs forages ont<br />

représenté des centaines de millions de Fcfa injectés dans l’économie de l’élevage qui se<br />

relevait péniblement de la sécheresse de 1975. La présence de telles opportunités a<br />

certainement contribué localement au maintien d’une population jeune dans le Ferlo.<br />

Les données démographiques actuelles n’existent pas, ce qui est regr<strong>et</strong>table. Mais, l’avis<br />

général est que c<strong>et</strong>te tendance à l’émi<strong>et</strong>tement des campements se poursuit. Par contre,<br />

l’exode rural, tant décrié pour les autres régions du Sénégal n’est pas du tout évoqué au Ferlo.<br />

Si de nombreux jeunes partent quelques mois en transhumance ou bien en ville, le r<strong>et</strong>our est<br />

systématique. Il s’agit d’une autre particularité de ce Ferlo qui n’a pas fini de livrer ses secr<strong>et</strong>s.<br />

Rappelons que le manque de main d’œuvre est souligné par beaucoup de chefs de galle<br />

comme une entrave récurrente à la transhumance méridionale. L’offre d’un gain de<br />

productivité pondérale <strong>et</strong> financière en est ainsi pénalisée.<br />

66


2.4.4.3. Demande en produits animaux<br />

Il y a lieu de rappeler ici que le Sénégal, comme les autres pays de la sous-région<br />

connaît une urbanisation galopante. Plus de la moitié des sénégalais vivent maintenant dans<br />

les villes ou en capitale.<br />

Evolution du nombre de ruraux pour un urbain : période de 90 ans au Sénégal (indice d’urbanité)<br />

Année de référence Nombre de ruraux L’urbain<br />

Source : MAH<br />

1930 7,75 1<br />

1960 3,3 1<br />

1990 1,2 1<br />

2020 0,8 1<br />

Sénégal:<br />

Evolutions passées <strong>et</strong> prévisibles des effectifs des<br />

populations urbaine <strong>et</strong> rurale (en 000)<br />

Effectif ( En OOO hab)<br />

8000<br />

7000<br />

6000<br />

5000<br />

4000<br />

3000<br />

2000<br />

1000<br />

0<br />

1930 1960 1990 2020<br />

Années<br />

1930 1960 1990 2020<br />

Pop Urb 160 715 2 736 7 932<br />

Pop Rur 1 240 2 395 4 864 6 490<br />

67


La demande en produits issus de l’élevage est grandissante. L’autre source en protéine, le<br />

poisson, reste inaccessible pour une large couche de la population urbaine <strong>et</strong> n’est donc pas<br />

compétitif vis-à-vis de la viande. En 2008 <strong>et</strong> à Saint-Louis, le prix de la viande au détail est de<br />

1.800 Fcfa au kg (2.000 Fcfa désossée) <strong>et</strong> pour le poisson, le prix de détail se situe à environ<br />

3.500 Fcfa le kg.<br />

Le Ferlo apparaît comme une zone spécialisée où la ressource animale susceptible d’être<br />

ach<strong>et</strong>ée existe. Par ailleurs, le développement spectaculaire du marché de Dara est à prendre<br />

en compte. Dès 1994, l’importance croissante de ce marché a été soulignée par les<br />

économistes de passage au Ferlo. On relève que ce marché hebdomadaire peut être<br />

considéré en 1994 comme l’un des principaux marchés à bétail de référence à l’échelon du Sénégal (Tyc,<br />

1994 : 33). Il affirme que le marché de Dara est devenu progressivement un marché<br />

d’importance nationale. La progression de son activité a été particulièrement soutenue au cours<br />

des dix dernières années, c’est-à-dire la décennie 80 (Tyc, 1994 : 51).<br />

Ce marché est situé à proximité des lieux de production ce qui dénote incontestablement<br />

c<strong>et</strong>te spécialisation <strong>et</strong> l’opportunité de transactions potentielles qu’il représente.<br />

2.4.4.4. Les revenus de l’élevage au cours du demi-siècle<br />

Ici également le recul historique, même fragmentaire reste passionnant. Santoir<br />

(1982 : 38) souligne que contrastant avec le niveau inégal de l’offre entre 1957 <strong>et</strong> 1980, les revenus se<br />

sont accrus régulièrement. Dans les exemples fournis, ils ont été multipliés par 8, entre 1957 <strong>et</strong> 75 (18 ans),<br />

<strong>et</strong> par 3, entre 1975 <strong>et</strong> 80. [passage de 1.130 f/pers./an en 1957 à 28.500 f]. L’analyse comparée<br />

du type d’animal vendu en priorité est l’expression d’un changement de tactique. Jusqu’en<br />

1975, les Peul vendaient d’abord des mâles adultes, puis des taurillons, enfin, des femelles âgées. Depuis<br />

1978, les taurillons sont plus nombreux que les mâles adultes. Durant c<strong>et</strong>te période charnière d’une<br />

vingtaine d’année, Santoir (1982) distingue quatre phases 81 qui témoignent des conséquences<br />

de la sécheresse <strong>sur</strong> l’intensité des cours de la viande mais aussi de la progression globale du<br />

prix.<br />

81 En vingt ans, les cours du bétail ont connu une progression radicale qui peut se décomposer en quatre temps : 1) Une<br />

période de relative stabilité avant 1972, 2) Une courte période de décroissance de 1971 à 1973, pendant laquelle la<br />

sécheresse de 72 provoque un gonflement exceptionnel de l’offre qui fait chuter les cours, 3) Une période de forte hausse de<br />

1974 à 1976 provoquée par la raréfaction de l’offre, 4) Enfin une période de stabilisation à partir de 1977 (Santoir,<br />

1982 : 36).<br />

68


L’analyse de Santoir (1982 : 40) a également traité l’évolution des prix du lait <strong>et</strong> de ses dérivés.<br />

En 24 ans, le prix des produits laitiers a été multiplié par 5. En dehors des prix, la principale évolution a<br />

été la diminution du troc, <strong>et</strong> la spécialisation dans la vente du beurre ; phénomène très n<strong>et</strong> chez les Peul du<br />

diéri. En 1971, les revenus monétaires du lait se seraient élevés à 260frs par personne <strong>et</strong> par an, en<br />

1980, un gallé vend en moyenne 43 litres de beurre par an, soit un revenu de 2.400frs par personne (20 fois<br />

plus qu’en 1957…). Ici aussi, au-delà de la valeur d’une donnée chiffrée, il y a lieu de<br />

considérer davantage l’ordre de grandeur. La progression est spectaculaire.<br />

Santoir constate en 1981 que la part des revenus des ventes de bétail consacrées aux achats<br />

de mil reste faible -entre le tiers <strong>et</strong> le quart-, même si individuellement une telle somme est<br />

conséquente pour l’époque 82 . En 1994, soit treize ans plus tard, Schaeffer (1994 : 64) montre<br />

que les dépenses pour le mil <strong>et</strong> le riz représentent environ un quart des rec<strong>et</strong>tes en<br />

provenance de la vente du bétail <strong>et</strong> des produits laitiers. Il faut donc avouer que, malgré les<br />

drames humains vécus, le niveau de vie se maintient depuis les années 1980 <strong>et</strong> ceci malgré les<br />

eff<strong>et</strong>s des sécheresses de 1984 <strong>et</strong> de 1992. C<strong>et</strong>te performance économique relative se fait<br />

donc malgré la diminution importante du cheptel bovin <strong>et</strong> ceci grâce probablement à une<br />

valorisation favorable des ovins en particulier. Globalement, les termes de l’échange entre le<br />

monde pastoral <strong>et</strong> l’économie agricole sont restés tout à fait favorables pour les pasteurs.<br />

On constate que <strong>sur</strong> treize ans, les prix des bovins ont augmenté en moyenne de 200%, ceux<br />

des p<strong>et</strong>its ruminants de 130% à 150% <strong>et</strong> celui du beurre fondu de 100%. Tyc (1994 : 42)<br />

confirme qu’il n’y a pas eu de dégradation des termes de l’échange des éleveurs <strong>sur</strong> la période<br />

considérée. Les conclusions de Santoir, portant <strong>sur</strong> la période précédente (1968-1980) étaient<br />

semblables. L’auteur constate qu’en 1968 le prix du mil était de 25F alors qu’un male adulte<br />

se payait 15.000F, soit 600kg de mil. En 1994, le même mâle adulte représente l’équivalent de<br />

1.000 à 1.200 kg de mil. Le pouvoir d’achat des éleveurs a été doublé (Tyc, 1994 : 42).<br />

En 1986, la Société de développement de l’élevage dans la zone sylvo-pastorale a montré que<br />

<strong>sur</strong> 600 gallé enquêtés, l’élevage procure les ¾ des revenus monétaires de l’exploitation en 1983 (total des<br />

revenus 1.188.480 soit 91.420 par personne). La répartition du revenu est de 50% issu de la vente des<br />

animaux, 22 % des produits laitiers, 7% de l’agriculture, 5% de la collecte de la gomme <strong>et</strong> 16% de<br />

divers.(SODESP, 1986 : 11-12).<br />

82 Pour l’année 1980-81, les nombreuses ventes effectuées par les galle concernés par l’enquête leur ont procuré des revenus<br />

monétaires substantiels. Chez 65% d’entre eux on enregistre un revenu par personne allant de 10.000 à 40.000 frs, en<br />

moyenne (Santoir, 1982 : 26).<br />

69


Dans le cadre de son suivi courant, la Mission Forestière allemande (Collectif, 1992 : 25-34) a<br />

évalué en 1992 la production totale financière en Fcfa pour cinq troupeaux, positionnés à<br />

l’intérieur des périmètres.<br />

Exploitation Effectif B=bovin, O=ovin, C=caprin Valeur totale de la production<br />

1 B= 64, O= 64, C= 64 1.895.980<br />

2 B= 21, O= 21, C= 42 816.265<br />

3 B= 42, O= 42, C= 42 1.260.350<br />

4 B= 64, O= 64, C= 21 1.684.458<br />

5 B= 0, O= 0, C= 21 186.090<br />

Même s’ils sont difficilement comparables, la part déterminante de la productivité financière<br />

des ovins <strong>et</strong> plus marginalement des bovins s’observe au travers de ces résultats individuels.<br />

Il est également intéressant de relever les différentes performances financières, ramenées à<br />

l’année <strong>et</strong> par l’individu. En comparant les rec<strong>et</strong>tes uniquement tirées de la vente du bétail<br />

avec celles calculées par Santoir en 1980, Schaeffer (1994 : 63) obtient une hausse modeste<br />

pour Bouteyni. La rec<strong>et</strong>te moyenne est passée de 28.500 Fcfa par personne <strong>et</strong> par an en 1980 à<br />

42.500 Fcfa en 1994 (taux de variation = 1,5). En comparant 1980 <strong>et</strong> 1994, la rec<strong>et</strong>te provenant<br />

de la vente du bétail est passée de 32.300 Fcfa par personne <strong>et</strong> par an à 64.000 Fcfa par personne <strong>et</strong><br />

par an (taux de variation = 2). Dès 1980, les exploitations enquêtées à Widou présentent des<br />

rec<strong>et</strong>tes moyennes plus élevées 83 . L’auteur conclu que l’augmentation des rec<strong>et</strong>tes provient<br />

essentiellement d’une augmentation des prix au producteur. Par rapport aux données de<br />

l’année 1981, les quantités de beurre ont diminué presque de moitié en passant de 43 litres en<br />

1980 à 25 litres par wuro en 1993 (Schaeffer, 1994 : 63).<br />

De 1981 à l’année 1993/1994 le prix d’achat du mil a augmenté de 62 Fcfa à 80 Fcfa, ce qui correspond<br />

à un facteur de variation de 1,3. Schaeffer constate qu’avec 30%, l’évolution du prix du mil pendant les<br />

13 dernières années est inférieure à l’évolution des rec<strong>et</strong>tes qui est d’environ 50% en ce qui concerne la vente de<br />

bétail à Bouteyni <strong>et</strong> d’environ 100% à Widou. (Schaeffer, 1994 : 64)<br />

Il situe le seuil de viabilité économique (seuil en dessous duquel la famille ne satisfait pas<br />

correctement ses besoins fondamentaux) à 42.200 F par personne <strong>et</strong> par an (Schaeffer, 1994 :65)<br />

Tyc (1994 : 45-46) note que le revenu d’une exploitation moyenne (40 bovins, 84 ovins <strong>et</strong> 36<br />

caprins) serait donc de l’ordre de 900.000 F par an (70% de la production), la valeur des produits<br />

auto consommés atteignant 375.000 Fcfa (avant dévaluation) à 83% pour les produits laitiers. Le<br />

83 Plusieurs explications se profilent : un eff<strong>et</strong> indirect du proj<strong>et</strong>, une valorisation meilleure des animaux issus<br />

des périmètres ou encore incidence du marché de Widou qui naissait à l’époque… ?<br />

70


evenu monétaire par personne (14 en moyenne par galle), s’élève à 68.000F <strong>et</strong> à 62.700F pour<br />

les seules ventes d’animaux. Il compare, lui aussi, ces données à celle de Santoir en 1981 portant<br />

<strong>sur</strong> les revenus tirés de la vente des animaux. Il constate, qu’en francs courants, le revenu par<br />

personne a été multiplié par 2,2 en 13 ans. Mais c<strong>et</strong> accroissement proviendrait essentiellement des<br />

p<strong>et</strong>its ruminants pour lesquels le revenu a triplé. Il représentait 43% du total en 1981 contre 60% en<br />

1994 (Tyc, 1994 : 45-46)<br />

Le nombre d’UBT par personne est également intéressant car il lisse des différences entre les<br />

espèces <strong>et</strong> favorise l’appréciation. Thébaud (1994 : 19) montre que le rapport moyen du nombre<br />

d’UBT disponible par équivalent adulte s’établirait à 3,95. Elle compare c<strong>et</strong>te situation à celle des<br />

résultats d’une équipe nigérienne ayant travaillé <strong>sur</strong> ce ratio en zone pastorale. L’équipe<br />

NRLP (Niger Range Livestock Project) au Niger a établit que la viabilité du rapport<br />

homme/animal se situerait autour de 3 UBT par personne 84 .<br />

Par ailleurs nous rappelons que les estimations faites en 2008 <strong>sur</strong> la base des recensements<br />

réalisés <strong>sur</strong> les forages suivis par le PAPF donnent une valeur de 7 UBT par hectare soit une<br />

valeur ajoutée par UBT de 39.000 Fcfa (5.600 Fcfa par ha.).<br />

Les travaux de recherche de 2007 menés auprès des familles les plus démunies ont permis<br />

l’obtention d’un seuil de <strong>sur</strong>vie défini par les dépenses nécessaires à la reproduction du<br />

capital humain à 91.000 Fcfa par an par actif, soit 71.300 par équivalent-adulte. Il est<br />

comparable au seuil de viabilité économique, cité précédemment <strong>et</strong> avancé par Schaeffer en<br />

1994 qui se situait alors à 42.200 Fcfa par personne <strong>et</strong> par an (avant dévaluation).<br />

Ces mêmes enquêtes de 2007 offrent des calculs de revenus <strong>sur</strong> des exploitations enquêtées,<br />

caractéristiques des groupes de pasteurs. C<strong>et</strong>te classification des pasteurs, établie par méthode<br />

qualitative, s’est appuyée <strong>sur</strong> l’analyse agraire <strong>et</strong> <strong>sur</strong> les trajectoires des galle durant le demisiècle.<br />

Rouveirolles (2007 : 121-133) <strong>sur</strong> le forage d’Amali note que les pasteurs transhumants<br />

dans le Saloum (les plus aisés) ont un revenu annuel par actif de 1.348.313 Fcfa. Les autres<br />

pasteurs (non transhumants dans le Saloum) ont un revenu par actif variant de 100.000 à<br />

300.000 F cfa par actif <strong>et</strong> par an. On perçoit bien l’importance de la différenciation entre les<br />

pasteurs. Celle-ci se confirme par exemple par l’achat pour certains pasteurs aisés de<br />

véhicules (camionn<strong>et</strong>tes) <strong>et</strong> parfois d’habitats en dur (par exemple une vente récente d’un<br />

84 C<strong>et</strong>te norme fait référence aux expériences <strong>et</strong> observations de chercheurs <strong>et</strong> s’appuie <strong>sur</strong> les travaux d’ajustement de<br />

la norme au Niger fait par le Niger Range <strong>et</strong> Livestock Proj<strong>et</strong> (NRLP) de la région de Tahoua qui a établi que la viabilité du<br />

rapport-homme-animal se situerait autour de 3 UBT par personne. In NRLP, Pastoral development in Central Niger, Report of the<br />

Niger Range and Livestock Proj<strong>et</strong>c, Edited by Jeremy Swift, Niger, Ministère du Développement rural, 1984, 861 p.<br />

71


âtiment à eu lieu à Widou). Certains pasteurs déclarent officiellement plusieurs centaines de<br />

têtes de bovins au paiement de l’eau, sans compter les p<strong>et</strong>its ruminants. D’autres éleveurs<br />

déclarent des rec<strong>et</strong>tes annuelles de l’ordre de 15 à 20 Millions de FCFA issues de la vente<br />

d’animaux.<br />

Dans le même ordre d’idée, Ba (2007 : 85) <strong>sur</strong> le forage de Belel Bogal note <strong>sur</strong> le système de<br />

production agropasteurs jargas est celui qui génère les revenus les plus importants (813.000 F/<br />

par actif), ceci grâce à la combinaison de tous les systèmes d’élevages (« embouche Tabaski »,<br />

castration des taurillons pour produire de bœufs lourds, transhumance méridionale avec des<br />

bovins, vente directe le plus en aval possible avec lot d’animaux) <strong>et</strong> des systèmes de culture<br />

du Walo (culture dans la vallée). Nous avons signalé que l’accès à la vallée, pour y mener des<br />

cultures, est réservé à une minorité spécifique.<br />

Pasteurs Jargas Agropasteurs Jargas Moyens agropasteurs P<strong>et</strong>its agropasteurs<br />

VAB globale 5.543.104 6.077.067 3.014.096 614.714<br />

Amortissements 170.357 203.024 88.917 29.945<br />

VAN 5.372.747 5.874.043 2.925.179 584.769<br />

Salaires 90.000 180.000 - -<br />

Revenus agricoles 5.282.274 5.694.043 2.925.179 584.769<br />

Actifs / Système 7 7 4 3<br />

Revenus/Actifs 754.610 813.343 731.294 194.923<br />

Sources : Ba Abou, 2007 : 85<br />

Diagne (2007 : 62) <strong>sur</strong> le forage d’Amali précise la composition du troupeau des jargas. Les<br />

vaches sont au nombre de 60, 200 brebis <strong>et</strong> 20 caprins environ. Le système de production Jarga fait<br />

l’ « opération tabaski » en sélectionnant les béliers de son troupeau. En plus des béliers sélectionnés du<br />

troupeau, ce système arrive à ach<strong>et</strong>er des béliers. Il emploie deux bergers, un conduisant les p<strong>et</strong>its ruminants <strong>et</strong><br />

un autre accompagnant une partie de la famille pendant la transhumance au Saloum. Il compte 7 actifs, 4<br />

charr<strong>et</strong>tes (une charr<strong>et</strong>te de cheval pour la transhumance au Saloum, 6 équipes d’ânes (18 ânes). Nous<br />

r<strong>et</strong>rouvons donc bien le facteur limitant que constitue l’équipement <strong>et</strong> de la main d’œuvre<br />

minimale pour effectuer la transhumance méridionale qui constitue un critère majeur de<br />

différenciation des galle.<br />

Enseignements : Le niveau du seuil de <strong>sur</strong>vie n’a pas évolué ces dernières décennies alors que<br />

certains pasteurs Jargas possèdent des troupeaux des plus prestigieux.<br />

Historiquement les termes de l’échange avec l’agriculture ont progressé en faveur de l’élevage<br />

malgré les énormes contraintes qu’ont représenté les sécheresses successives. L’anticipation des<br />

crises semble acquise pour une seule minorité parmi les plus riches avec la transhumance<br />

méridionale.<br />

72


2.5. Bilan historique <strong>et</strong> enjeux de demain<br />

L’adaptation du groupe Peul aux contraintes subies durant le demi-siècle étudié<br />

souligne la ténacité d’une région bien vivante, autonome car fidèle à son genre de vie<br />

ancestral. Grâce à c<strong>et</strong>te cohésion, ici plus qu’ailleurs, la population a échappé jusqu’ici à la<br />

décomposition <strong>sociale</strong> <strong>et</strong> à la situation dégradante d’une population assistée.<br />

Contrairement à un préjugé tenace, les pasteurs du Ferlo ne sont pas réfractaires aux<br />

changements. Ils perçoivent très rapidement les innovations allant dans le sens de la<br />

sauvegarde de leur bétail. On peut citer pour preuve une division judicieuse des risques, une<br />

utilisation optimale de la vitesse de reconstitution des troupeaux par les p<strong>et</strong>its ruminants,<br />

mais aussi un recours indispensable à des zones de replis, notamment pour le gros bétail. En<br />

eff<strong>et</strong>, le pastoralisme du Ferlo dépend en grande partie de sa capacité à accéder à des espaces<br />

complémentaires, en anticipation à des années difficiles.<br />

Actuellement, une différenciation des pasteurs se poursuit, même si les références <strong>sociale</strong>s à<br />

la possession d’un troupeau bovin prestigieux reste toujours d’actualité. Les critères<br />

déterminants de différenciations recoupent les points suivants : importance respective des<br />

systèmes d’élevage <strong>et</strong> de culture dans le système de production, importance relative de<br />

l’effectif bovins, ovins <strong>et</strong> caprins dans les troupeaux, acquisition des moyens de transports de<br />

l’eau disponibles, pratique de la transhumance méridionale des ovins, vente d’animaux en<br />

saison sèche (déstockage sous la contrainte) <strong>et</strong> enfin pratique de l’embouche.<br />

Plus que jamais le Ferlo doit donc être considérée comme une entité <strong>et</strong> non comme<br />

un prolongement de régions jugées plus actives. Les communautés rurales dont le centre<br />

névralgique reste presque toujours en dehors du Ferlo n’ont pas encore perçues tout l’intérêt<br />

d’intégrer le pastoralisme dans leurs plans de développement. C<strong>et</strong>te dimension politique est<br />

pourtant totalement impérieuse pour répondre aux enjeux socio-économiques de demain.<br />

- - - - -<br />

74


Programmation opérationnelle de la<br />

capitalisation<br />

2.6. Etat des lieux de la capitalisation <strong>et</strong> choix des supports<br />

C<strong>et</strong> objectif de travail en commun (équipe proj<strong>et</strong> <strong>et</strong> consultant) à été réalisé durant la<br />

première semaine de la mission. Il a été nécessaire de partir des conclusions tirées de la<br />

mission IRAM de 2006, conduite par Mjo Demante afin de faire le point <strong>sur</strong> les travaux déjà<br />

réalisés <strong>et</strong> <strong>sur</strong> ceux qu’il reste à faire d’ici la clôture.<br />

Le produit de la capitalisation r<strong>et</strong>enue sera un support électronique (un coffr<strong>et</strong> CD + un site<br />

web) pour lequel un power point r<strong>et</strong>race la trame générale de la capitalisation, correspondant au<br />

plan de capitalisation qui inclut l’enchaînement des principales idées-forces.<br />

Le choix de support a été pris collectivement avec les arguments suivants :<br />

La masse à capitaliser depuis 1975 est énorme <strong>et</strong> diversifiée ;<br />

Un excellent travail d’archivage est fait avec la bibliothèque <strong>et</strong> un lien pourra exister<br />

avec le logiciel de recherche <strong>sur</strong> la base des mots clefs ;<br />

Un certain nombre de documents plus récents sont déjà en version électronique ;<br />

Le temps restant à consacrer à la capitalisation avant la clôture est de l’ordre de 40<br />

jours maximum (mi avril à fin mai), ce qui est peu ;<br />

En eff<strong>et</strong>, il faut également réserver du temps pour concevoir <strong>et</strong> animer les séminaires<br />

(trois en début juin) dans le Ferlo <strong>et</strong> un séminaire final (en mi-juin à Dakar). Les<br />

séminaires sont a préparer ainsi que la traduction du support en puular pour ceux qui<br />

vont être réalisés au Ferlo ;<br />

Des actions de terrain (accompagnement de l’approvisionnement en intrants par la<br />

KAF) vont mobiliser encore des moyens.<br />

75


Nous avons donc établi une liste des actions à mener, tant en interne qu’en externe de<br />

manière à terminer le support en disque compact en début juin. Le site web pourrait être<br />

réalisé ultérieurement par une prestation de service spécifique. Il serait, lui, destiné à la<br />

DEFCCS, à la GTZ <strong>et</strong> aux sites des membres du groupement.<br />

La production d’un film est également comme support. Une étude de prestation est en<br />

analyse.<br />

2.7. Etablissement en commun d’une feuille de route<br />

A la suite de la construction du plan de capitalisation, il a été réalisé en équipe un<br />

chronogramme des activités durant le temps restant avant la clôture du proj<strong>et</strong>. Les principales<br />

étapes ont été inclus dans la programmation (fin de l’opérationnel, séminaires/ateliers avec<br />

les éleveurs, séminaire final officiel à Dakar avec l’Autorité de tutelle <strong>et</strong> la Coopération<br />

Allemande, clôture effective administrative du proj<strong>et</strong>).<br />

Le calendrier journalier d’établissement des travaux intermédiaires à été élaboré. Sans être<br />

définitif, il constitue le canevas de travail pour le trimestre. Un bilan d’étape à été réalisé en<br />

fin avril <strong>et</strong> a permis quelques ajustements mineurs.<br />

- - - - - - - - -<br />

76


3. Annexes<br />

- 4.1. Termes de référence de la présente mission<br />

- 4.2. Bibliographie consultée<br />

- 4.3. Extrait de lecture d’un témoignage <strong>sur</strong> la sécheresse<br />

- 4.3. Note de lecture <strong>sur</strong> la perception de la pauvr<strong>et</strong>é<br />

77


3.1. Termes de références de la mission<br />

MISSION D’APPUI A LA CAPITALISATION DES EXPERIENCES DU PAPF :<br />

« Actualisation des informations <strong>sur</strong> les systèmes de production dans le Ferlo »<br />

Termes de référence<br />

VOIR ANDREAS<br />

78


3.2. Bibliographie consultée lors des deux missions<br />

Amselle Jean-Loup, Logiques métisses, Paris, Editions Payot, [1 e parution : 1990], 1999, 257 p.<br />

Ancey V., André D., Leclerc G., Müller A., Wane A., Payer l’eau au Ferlo, Dakar, document<br />

provisoire,2007, 19 p.<br />

André Daniel, Unité pastorale de Widou Thiengoly, Plan de gestion, Saint-Louis, PAPF/ <strong>ECO</strong>-<br />

Iram-GTZ, Document provisoire, 2005, 54 p.<br />

André Daniel, Le Ferlo, Saint-Louis, PAPF/ <strong>ECO</strong>-Iram-GTZ, Document en cours <strong>et</strong><br />

provisoire, 2008, n.p.<br />

Ba Abou, Evaluation des revenus des agropasteurs, leurs demandes de formation <strong>et</strong> d’éducation <strong>et</strong> leurs<br />

capacités contributives, Cas de l’Unité Pastorale de Bélél Bogal, Département de Podor, Dakar<br />

ENEA-PAPF, 2007, 101 p. + annexes.<br />

Ba Cheikh O., Les Peul du Sénégal, Etude géographique, Les nouvelles éditions africaines, 1986,<br />

394p.<br />

Ba Cheikh O., Place du lait dans les systèmes pastoraux sahéliens, In FAPIS, Séminaire régional <strong>sur</strong><br />

les systèmes de production du lait <strong>et</strong> de la viande au Sahel, Dakar, 1989, pp. 24-31<br />

Ba Cheikh O., Mission Ferlo du 18 au 28/04/2001, PAPF, 2001, n.p.<br />

Bachelard Gaston, La poétique de l’espace, Paris, PUF, 9 e Éd., [1 e Éd. 1957], 2004, 214 p.<br />

Bailly A., Scariati R., L’Humanisme en Géographie Paris, Anthropos, 1990, 172 p.<br />

Balandier G., Anthropologie politique, Paris, PUF, 1995.<br />

Balandier G., Civilisés dit-on, Paris, 1999.<br />

Balandier Georges, Le grand dérangement, Paris, Ed. PUF, 2005, 119 p.<br />

Barral Henri, Le Ferlo des forages, Gestion ancienne <strong>et</strong> actuelle de l’espace pastoral, Dakar, Orstom-<br />

Isra, 1982, 85 p.<br />

Barral <strong>et</strong> al, Systèmes de production d’élevage au Sénégal dans la région du Ferlo, Dakar, Orstom-Isra,<br />

1983, 162 p.<br />

79


Benefice E. <strong>et</strong> al., Aménagements agricoles <strong>et</strong> aspects nutritionnels : Etudes de populations rurales du<br />

Ferlo <strong>et</strong> de la moyenne vallée du fleuve Sénégal, In Les malnutritions dans les pays du Tiers-Monde, Edité<br />

par D. Lemonnier <strong>et</strong> Y. Ingenbleeck, Colloque INSERM, Bol 136, 1986, pp 531-538.<br />

Benoit Michel, La lisière du Kooya, Espace pastoral <strong>et</strong> paysage dans le Nord du Sénégal (Ferlo) Paris,<br />

Orstom, In L’espace géographique, n° 2, 1988, pp 95-108.<br />

Bourdieu P., Le sens pratique, Paris, Editions de Minuit, coll. « Le sens commun », 1980.<br />

Boutillier J.-L., Irrigation <strong>et</strong> problématique foncière dans la vallée du Sénégal, In Cahier des sciences<br />

humaines, 25 (4), 1989, pp 469-488.<br />

Brun<strong>et</strong> R., Ferras R., Théry H., Les mots de la géographie, dictionnaire critique, Paris,-Montpellier,<br />

La Documentation française-reclus, 1993, 518 p.<br />

Collectif, Système de production d’élevage au Sénégal dans la région du Ferlo, ISRA-GERDAT-<br />

ORSTOM, 1983, 171 p.<br />

Collectif, Les malnutritions dans les pays du Tiers-Monde, Paris, Colloque INSERM, Vol 136,<br />

1986, pp. 531-538<br />

Claval P., Géographie culturelle, Une nouvelle approche des sociétés <strong>et</strong> des milieux, Paris, Éditions<br />

Armand Colin, 2003, 287 p.<br />

Cocqu<strong>et</strong> Gwendoline, Etude du système agraire de la zone d’influence du forgae de Mbar Toubab (Ferlo-<br />

Nord Sénégal), Evaluation des revenus <strong>et</strong> de la demande en éducation <strong>et</strong> formation des producteurs,<br />

Montpellier-Toulouse, PAPF/<strong>ECO</strong>-Iram-GTZ, Mémoire d’ingénieur IRC/Cnearc-<br />

Ei/Purpan,, 2007, 91p. + annexes.<br />

Colin De Verdière P., Etude comparée de trois systèmes agropastoraux dans la région de Filingué (Niger),<br />

Cirad-Emvt, 1998, 160 p. + annexes.<br />

Collectif, Système de production d’élevage au Sénégal dans la région du Ferlo, ISRA-GERDAT-<br />

ORSTOM, 1983, 171 p.<br />

Collectif, L’archipel peul, Paris, EHESS, Cahiers d’Etudes africaines, n°133-135, 1994, 527 p.<br />

Debarbieux Bernard, Le lieu, le territoire <strong>et</strong> trois figures de rhétorique, L’espace géographique, 2, 1995, p.<br />

97-112.<br />

Demante M.-J, Appui à la capitalisation des expériences du Proj<strong>et</strong> d’Autopromotion Pastorale dans le<br />

Ferlo, PAPF-GTZ, IRAM, 2006, 48 p. + annexes.<br />

80


Diagne Diély, Evaluation des revenus des agropasteurs, leurs demandes d’éducation/formation <strong>et</strong> leurs<br />

capacités contributives, Cas de l’Unité Pastorale d’Amaly, Dakar ENEA-PAPF, Mémoire<br />

d’Ingénieur de l’ENEA, 2007, 83 p. + annexes.<br />

Faliu A., Tradition <strong>et</strong> changement social chez les Peul Wodabe (Département de Podor ú<br />

Sénégal), Mémoire de maîtrise, Université de Lille I, 1979, 187 p.<br />

Frémont A., Le territoire des hommes, Proj<strong>et</strong> n°254, pp 33-38, 1998.<br />

Dupire M. Peuls nomades, étude descriptive des Wodaabe du Sahel nigérien Paris, Éditions Karthala,<br />

[1 e parution : 1962], 336 p., 1996<br />

Gadio Abdoulaye, Evaluation des revenus des agropasteurs, leurs demandes de formation <strong>et</strong> d’éducation <strong>et</strong><br />

leurs capacités contributives, Cas de l’Unité Pastorale de Mbar Toubab, Dakar ENEA-PAPF, Mémoire<br />

d’Ingénieur de l’ENEA, 2007, 85 p. + annexes.<br />

Gningue I. D., La micro économie en milieu transhumant (Etude de cas), Synthèse des rapports de<br />

schaeffer (1994), Thébaud (1994) <strong>et</strong> Tyc (1994), PSA-GTZ, 1994. 20 + annexes.<br />

Gningue I. D., Eff<strong>et</strong>s de la pression du bétail <strong>sur</strong> les productions primaires <strong>et</strong> secondaires du Ferlo<br />

sénégalais In Développement durable au Sahel, Dakar/Paris, C. Becker <strong>et</strong> Ph. Tersiguel Eds.,<br />

Sociétés, Temps/Karthala, 1997, pp 145-157.<br />

Grenier Philippe, Les Peul du Ferlo, In Les Cahiers d’Outre-mer, T XII, 1960, pp. 28-58<br />

Grosmaire J., Eléments de politique sylvo-pastorale au Sahel sénagalais, Gouvernement du Sénégal,<br />

Service des Eaux <strong>et</strong> Forêts, Inspection Forestière du Fleuve, Saint-Louis, 1957, 1124 p.<br />

Halbwachs M., La mémoire collective, Paris, Editions Albin Michel, [1 e parution : 1950], 1997,<br />

295 p.<br />

Häuser Inga, Rapport d’une enquête dans la région Sine Saloum comme exemple pour une zone d’accueil<br />

pour les transhumants du Ferlo, PAPF-GTZ, 2002, 31 p. + annexes<br />

Hiernaux P., Fondements écologiques de la gestion des parcours au Sahel, In Elevages <strong>et</strong> gestion de parcours<br />

au Sahel, implications pour le développement, Compte-rendus d’atelier « gestion des pâturages <strong>et</strong><br />

proj<strong>et</strong>s de développement », 2-6 octobre à Niamey, Niger, 2001, pp. 291-302.<br />

Hiernaux P., Le Houerou H.N., Les parcours du Sahel Sécheresse vol. 17, n°1-2 ; janvier-juin<br />

2006, pp. 51-71<br />

81


Juul K., Migration <strong>et</strong> innovations technologiques chez les peuls du Sénégal suite aux sécheresses : le triomphe<br />

de la chambre à air, International Institute for Environment and Development, Programmes<br />

zones arides, Dossier 64,Octobre 1996, 24 p.<br />

Kane Omar, Les unités territoriales du Futa Torol, Paris, Bull<strong>et</strong>in de L’IFAN, T. XXXV, sér. B,<br />

n° 3, 1973, pp. 614-631.<br />

Le Brasseur J. A., Détails historiques <strong>et</strong> politiques, mémoire inédit (1778),Présenté <strong>et</strong> publié par C.<br />

Becker <strong>et</strong> V. Martin, Bull<strong>et</strong>in IFAN, T 39, Série B, n° 1, oct 1977, pp 81-132<br />

Le Roy E., Propriété privée, souverain<strong>et</strong>é spatiale ou maîtrise foncière ? In Les cahiers du réseau<br />

Recherche Développement, n° 16, sept. 1992, pp. 17-21<br />

Lhoste Ph. Le diagnostic zootechnique, In Les Cahiers de la Recherche-Développement n°3-4,<br />

1984.<br />

Lhoste Ph. L’association agriculture-élevage, Evolution du système agro-pastoral au Sine-Saloum (Sénégal),<br />

Paris, Thèse de D r Ingénieur de l’INA-PG, 1986, 314 p.<br />

Lhoste <strong>et</strong> al., Manuel de zootechnie des régions chaudes, Les systèmes d’élevage, Paris, Coll. Précis<br />

d’élevage, MiniCoop, 1993.<br />

Lericollais André, Peuplement <strong>et</strong> migrations dans la vallée du Sénégal, Paris, Cah. Orstom, séri. Sci.<br />

Humaines, Vol XII, n°2, 1975, pp. 123-135.<br />

Marsan Sarah, Etude du système agraire de la zone d’influence du forage de Bélel Bogual (Sénégal),<br />

Evaluation des revenus <strong>et</strong> de la demande en éducation <strong>et</strong> en formation des producteurs, Montpellier-<br />

Toulouse,PAPF/<strong>ECO</strong>-Iram-GTZ, Mémoire d’ingénieur IRC/Cnearc-Ei/Purpan, 2007, 87p.<br />

Olivier de Sardan J.-P., Anthropologie <strong>et</strong> développement. Essai en socio-anthropologie du changement<br />

social, Paris, APAD-Karthala, 1995, 218 p.<br />

Pouillon François, Les Peul du Ferlo sénégalais face à un proj<strong>et</strong> d’intensification de l’élevage (La<br />

SODESP), Paris, EHESS, 1983, 42 p.<br />

Pouillon François, Sur la « stagnation » technique chez les pasteurs nomades : Les Peul du Nord-Sénégal<br />

entre l’économie politique <strong>et</strong> l’histoire contemporaine, Paris, EHESS, Cah. Sci. Humaines, 26 (1-2),<br />

1990, pp. 173-192.<br />

Richter M., Eléments d’information <strong>sur</strong> la vie des éleveurs Peul dans les périmètres, Saint-Louis, Proj<strong>et</strong><br />

zone Nord, Mission Forestière Allemande, 1989, 26 p. + annexes<br />

82


Richter M., Eléments complémentaire <strong>sur</strong> la vie des éleveurs Peul dans les périmètres (II) usage interne,<br />

Saint-Louis, Proj<strong>et</strong> zone Nord, Mission Forestière Allemande, 1990, 17 p. + annexes<br />

Richter M., Description des exigences du système de pâturage contrôlé pour le groupe cible des Peul, Saint-<br />

Louis, Proj<strong>et</strong> zone Nord, Mission Forestière Allemande, 1990, 32 p.<br />

Richter M., Qui trait le lait ? Analyse différenciée selon les sexes dans l’élevage, Wiesbaden, GTZ,<br />

1997, 222 p.<br />

Riesman P., Société <strong>et</strong> Liberté chez les peul Djelgôbé de Haute Volta, 1974.<br />

Rouveirolles Quentin, Quelles pratiques d’éducation <strong>et</strong> de formation dans le milieu agro-pastoral du Ferlo<br />

(Sénégal) ? Evaluation des activités agro-pastorales, des pratiques d’éducation <strong>et</strong> des capacités contributives au<br />

niveau du forage d’Amaly, Montpellier,PAPF/<strong>ECO</strong>-Iram-GTZ, Mémoire d’ingénieur<br />

IRC/Cnearc-Montpellier/Supagro, 2007, 94 p. + annexes.<br />

Santoir Christian, Contribution à l’étude de l’exploitation du cheptel, Région du Ferlo-Sénégal,<br />

ORSTOM, 1982, 48 p.<br />

Santoir Christian, Le conflit mauritano-sénégalais : la genèse, Paris, Cahiers Sciences Humaines 26<br />

(4), 1990, pp. 553-579..<br />

Santoir Christian, Les Peul « refusés », Les Peul mauritaniens réfugiés au Sénégal (Département de<br />

Matam), Paris, Orstom, Cahiers Sciences Humaines 26 (4), 1990, pp. 577-603.<br />

Santoir Christian, Une ressource « durable » : l’élevage chez les villageois du Fouta (vallée du fleuve<br />

Sénégal), ORSTOM, Autrepart n° 3, 1997, pp 105-128.<br />

Santoir Christian, D’une rive l’autre, Les Peul mauritaniens réfugiés au sénégal (département de Dagana<br />

<strong>et</strong> de Podor), Paris, Cahiers Sciences Humaines 29 (1), 1993, pp. 195-229.<br />

Santoir C, Décadence <strong>et</strong> résistances du pastoralisme, Les Peuls de la vallée du fleuve Sénégal, Paris,<br />

Cahiers d’Etudes Africaines, 133-135, XXXIV-1-3, 1994, pp. 231-263.<br />

Schmitz Jean, Le féminin devient masculin, Politique matrinomiale des Haalpulaar, Paris, ORSTOM,<br />

Journal des africanistes 55 (1-2), 1985, pp. 105-125.<br />

Schmitz Jean, Islam, pastoralisme <strong>et</strong> fluctuations du peuplement, Paris, EHESS, Cah. Sci. Hum. 26<br />

(4), 1990, pp.499-504.<br />

Schmitz Jean, Histoire savante <strong>et</strong> formes spatio-généalogiques de la mémoire (haalpulaar de la vallée du<br />

Sénégal), Paris, ORSTOM/CEA-UA, 1994, 22 p.<br />

83


Schmitz Jean, Evolution contrastée de l’agro-pastoralisme dans la vallée du fleuve Sénégal (Delta <strong>et</strong><br />

moyenne vallée), Paris, CNRS-EHESS, Natures-Sciences-Sociétés, 1995, 3 (1), pp. 54-58<br />

Senghor L. S. Teddungal<br />

Shaeffer J., Economie pastorale dans le Ferlo des forages, Bouteyni <strong>et</strong> Widou Thiengoly en 1994, Rapport<br />

de recherche, Dakar, DSAV-Proj<strong>et</strong> PSA, 1994 ,67 p.<br />

SODESP, Evaluation des revenus des éleveurs de la zone sylvo-pastorale, Dakar, 1986, 23 p.<br />

Thébaud B., Bilan <strong>et</strong> identification d’un nouveau proj<strong>et</strong>, GTZ, 1994, 42 p. + annexes.<br />

Irène Théry, La distinction de sexe, Une nouvelle approche de l’égalité. Edit. Odile Jacob, 2007.<br />

Touré O., Mission d’évaluation, rapport sociologique, PSA, 1991, 27 p.<br />

Touré Oussouby, Développement pastoral <strong>et</strong> contraintes foncières dans la zone sahélienne du Sénégal,<br />

Dakar, document provisoire, 1991, 23 p.<br />

Touré Oussouby, Ngaynaaka majji : la perte des pratiques pastorales dans le Ferlo (Nord Sénégal),<br />

IIED, N° 22, Décembre 1990, 25 p.<br />

Touré Oussouby, Crise agricole <strong>et</strong> comportements de <strong>sur</strong>vie, Le cas du Ferlo (Sénégal), Dakar-Paris,<br />

Société-Espace-Temps, 1992, T1 pp. 90-102<br />

Touré Oussouby, La gestion des ressources naturelles en milieu pastoral, L’exemple du Ferlo sénégalais,<br />

Dakar-Paris, Société-Espace-Temps/ Karthala, Ed. C. Becker <strong>et</strong> P. Tersiguel, 1997, T1 pp.<br />

125-143<br />

Touré Oussouby, Les aspects socio-économiques de la structuration des activités pastorales dans le Ferlo :<br />

Les cas des parcelles <strong>et</strong> des plans de gestion, Dakar, PAPF/<strong>ECO</strong>-Iram-GTZ, Document provisoire,<br />

2008, 30p.<br />

Tyc Jean, Etude diagnostic <strong>sur</strong> l’exploitation <strong>et</strong> la commercialisation du bétail dans la zone dite des « six<br />

forages », GTZ, 1994, 73 p. + annexes.<br />

Wane Abdrahmane, Marchés de bétail du Ferlo (Sahel sénégalais) <strong>et</strong> comportements des ménages<br />

pastoraux ; présentation au Colloque SFER, Montpellier 2005<br />

Wane A., Ansey V., Grosdidier B., Les unités pastorales du Sahel sénégalaises, outils de gestion de<br />

l’élevage <strong>et</strong> des espaces pastoraux. Proj<strong>et</strong> durable ou proj<strong>et</strong> de développement durable ?, In Revue<br />

Développement Durable & Territoires, Dossier 8, 2006<br />

84


Weicker Martin, Nomades <strong>et</strong> sédentaires au Sénégal, Dakar, Enda-Editions, 1993, 161 p.<br />

85


3.3. Extrait de lecture d’un témoignage <strong>sur</strong> la sécheresse<br />

Extrait d’une histoire de vie de Moussa Diéri<br />

Chef « Ardo » des Wodabé II (Kadiogne),<br />

Entr<strong>et</strong>ien réalisé par A. Faliu<br />

Extrait à propos de l’année du « soonio » c’est-à-dire l’année de la sècheresse de 1972-73<br />

[…] La sécheresse a été très dure, les troupeaux ont beaucoup diminué. Tout le monde a su que<br />

l’année 1973 a été une année sans pluies. Même les bergers sont partis pour trouver d’autres endroits plus<br />

favorables, parce que, dans c<strong>et</strong>te zone, il n’y a pas eu de pluies. Moi-même j’ai embauché un berger, mais vu<br />

la sécheresse, j’ai été obligé de partir avec ma famille <strong>et</strong> mon troupeau. Nous avons quitté le village au mois<br />

d’août 73, tout le village est parti. Nous sommes parti à dos d’âne, ils sont plus robustes. Tout le monde<br />

avait faim, on ne trouvait pas de nourriture. Nous étions fatigués parce qu’il n’y avait pas de pluies, nous<br />

n’avions pas d’abri, nous logions sous les arbres, notre principal problème, c’était de trouver de l’eau <strong>et</strong> de<br />

l’herbe. C<strong>et</strong>te année, nous sommes restés en brousse pendant tout l’hivernage, ensuite nous sommes revenus au<br />

village, on restait au maximum une semaine à la même place, nous bougions sans cesse. Si on entendait parler<br />

de l’existence d’un point d’eau, tout le monde s’y rendait. Lorsque nous trouvions un point d’eau, il y avait<br />

tellement de bêtes au même endroit que le sol se transformait en boue, les troupeaux ne pouvaient plus boire,<br />

alors nous partions vers les forages <strong>et</strong> nous nous installions là-bas en attendant. Les vaches ne donnaient que<br />

très peu de lait, beaucoup de veaux mourraient faute de nourriture, les bergers eux-mêmes n’avaient pas de<br />

quoi manger, ils n’obtenaient pas de lait, ils ont eu vraiment faim. Les vaches n’avaient plus leur utilité, elles<br />

ne donnaient plus de nourriture <strong>et</strong> on ne pouvait pas les vendre. Nous n’avions pas de champs, pas de cases,<br />

pas d’enclos, pas de nourriture, notre seul espoir était constitué par les vaches, on en trayait pour avoir un peu<br />

de lait, mais nous n’en avions pas, nous espérions aller à la boutique ach<strong>et</strong>er de quoi manger, mais nous ne<br />

pouvions pas vendre les vaches, il n’y avait pas d’argent, les prix étaient trop bas. On ach<strong>et</strong>ait les vaches à<br />

150, 200, 300 francs, moins de 500 francs. Un pain de sucre coûtait plus cher qu’une vache. Les vaches<br />

avaient perdu leur valeur ancienne, c’était notre seule source de revenus, elle disparaissait, nous devions les<br />

vendre à bas prix, ou bien parfois même les égorger pour nous nourrir ou ach<strong>et</strong>er deux ou trois kilos de riz,<br />

c’était la règle pour tout le monde, sans exception, les Mauritaniens étaient comme nous. Toute la région<br />

s’était concentrée à Matam, les Maures ont traversé le Fleuve pour y aller, <strong>et</strong> nous y sommes restés pendant<br />

une année, les premières pluies nous ont trouvés là-bas. Nous avons dépensé toutes nos économies. Je suis<br />

revenu au village avec vingt-huit vaches si mes souvenirs sont exacts, j’ai eu de la chance de revenir avec mes<br />

vaches, d’autres n’ont rien pu ramener, certains avaient plus de vaches que moi, d’autres en avaient autant.<br />

Nous étions aussi éprouvés les uns que les autres. Je suis revenu au village le 1 e septembre, en hivernage.<br />

Depuis 1974, la situation est meilleure pour le troupeau, ceux qui ont concerné des vaches sont satisfaits, ils<br />

obtiennent quelques veaux […]<br />

Entr<strong>et</strong>ien avec le chef « Ardo » des Wodabé II (Kadiogne), Moussa Diéri, 1978<br />

86


3.4. Note de lecture <strong>sur</strong> la perception de la pauvr<strong>et</strong>é<br />

Notes de lecture issue de Ba Cheikh O., Mission Ferlo du 18 au 28/04/2001, PAPF, 2001, n.p.<br />

Au suj<strong>et</strong> de la perception de la pauvr<strong>et</strong>é (résultats d’une enquête menée par le PAPF <strong>et</strong> interprétée par le consultant)<br />

Les populations du Ferlo distinguent différentes situations selon les conditions de vie. Il s’agit du basdo ou Fakir,<br />

du miskino, du jarga <strong>et</strong> du galo.<br />

Le Basdo, ou Fakir est celui qui n’a absolument rien (mo ala hay dara) <strong>et</strong> qui ne dispose d’aucun recours<br />

permanent <strong>et</strong> sûr.<br />

Le Miskino : celui à qui il manque quelque chose, qui ne peut pas se payer les trois repas quotidiens de manière<br />

régulière, ni as<strong>sur</strong>er les besoins extra alimentaires. Il s’agit de mo heydaani, à savoir celui qui ne mange pas<br />

toujours à sa faim, mais ne vit pas dans l’extrême besoin au point de quémander comme le basdo. Ce cas de<br />

figure se présente généralement chez celui qui a beaucoup d’enfants non actifs <strong>et</strong> sans moyens (sans chèvre,<br />

sans mouton <strong>et</strong> sans vache). Ils les caractérisent par une personne du troisième âge sans soutien, notamment<br />

sans enfants (nayeejomo ala sukaabé), un bûcheron aveugle <strong>et</strong> sans soutien (Labo gumdo), un analphabète sans<br />

troupeau <strong>et</strong> sans appui (Mo jangaani) ou un malade sans appui (mbo sellaani rafi).<br />

Samba naggel ou samba hakkunde : par son appellation, il se situe au milieu de la hiérarchie. Il compte à peine une<br />

dizaine de bovins.<br />

Le Jarga ou Jogido : il peut être riche mais une richesse qui ne concerne qu’un domaine seulement, le bétail par<br />

exemple. Il peut avoir beaucoup de bétail, mais sans voiture, peu d’enfants <strong>et</strong> peu de femmes.<br />

Le Galo : celui qui a tout (dendindo fof)<br />

On note que ces catégories peuvent être résumées en trois principales : le riche (galo <strong>et</strong> jarga), l’autosuffisant<br />

(samba hakunde, samba naggel <strong>et</strong> le pauvre (miskino, basdo). Comme on le constate toutes les autres catégories ne<br />

sont que des variantes.<br />

Le riche c’est le handar kewdo, « le plein aux as »<br />

Le pauvre c’est celui qui n’a pas de formation, qui manque de stratégies pour rentabiliser son capital. Mais de<br />

manière générale, Pullo gaynaako woddani bassal, ce qui se traduit par un Pasteur n’est pas à l’abri de la pauvr<strong>et</strong>é, il<br />

suffit d’une calamité naturelle pour qu’il perde toute sa richesse. Gandal fof ko danal, toute connaissance équivaut<br />

à une richesse. On rencontre peu de cas de pauvr<strong>et</strong>é absolue. Si les populations ne sont pas très pauvres, il n’en<br />

demeure pas moins qu’elles ne profitent pas de la richesse. […] En termes d’entraves au développement, il faut<br />

noter que le problème le plus difficile à régler est celui des analphabètes volontaires, ceux qui refusent<br />

volontairement de participer aux sessions de formation <strong>et</strong> aux séminaires. Les populations du Ferlo sont-elles<br />

pauvres ou manquent-elles d’organisation ? Pour les personnes interrogées, la pauvr<strong>et</strong>é c’est l’absence de<br />

formation qui est responsable des divisions inter lignages.<br />

Du coup la lutte contre la pauvr<strong>et</strong>é ne serait-elle pas rien d’autre qu’une lutte contre l’analphabétisme ?<br />

[…] La pauvr<strong>et</strong>é touche beaucoup plus les non-pasteurs. Les plus démunis sont les maures <strong>et</strong> les wolof qui<br />

vivent de p<strong>et</strong>its commerce. Les habitants citent également les castés <strong>et</strong> les esclaves qui travaillent souvent pour<br />

les autres. Les pauvres sont principalement ceux qui habitent les villages centres, les sédentaires. Pour les<br />

populations de la zone, un Peul riche n’habite pas en ville (pullo jogido hodata saare). Les habitant des villages<br />

centres sont composés majoritairement de maures <strong>et</strong> de wolof. […] Un indicateur de la pauvr<strong>et</strong>é est que les peul<br />

paient la restauration de leurs enfants pour toute l’année, alors que les autres ont du mal quelquefois pour<br />

s’acquitter de la modique somme du 200F cfa/mois. Ba Cheikh O. (2001, n. p.)<br />

- - - - - - - - - - - - - -<br />

87

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!