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V- Saint Thomas d'Aquin, A.D. Sertillanges O.P.

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A quoi bon tant de recherches et de subtiles argumentations,<br />

quand on peut boire aux sources de certitude ? Cette raison<br />

orgueilleuse sert-elle à autre chose qu'à troubler les âmes, à<br />

soulever des questions oiseuses, à émettre des doutes là où la foi<br />

apporte des solutions, et à frayer ainsi les voies à l'hérésie et au<br />

schisme ? On ne manquait pas de noms à citer, quand on<br />

dénonçait les fauteurs de nouveautés pernicieuses, penseurs<br />

présomptueux que ne retenait nulle autorité, qui portaient le<br />

rationalisme si loin qu'on se demandait op était leur christianisme,<br />

qui entendaient tout prouver, même les mystères, et tout contrôler,<br />

fût-ce la parole de Dieu.<br />

On avait tant fait que cette question des rapports de la raison et<br />

de la foi était devenue inextricable. Des esprits comme Anselme y<br />

avaient achoppé. Lui, grand conciliateur, mystique et philosophe,<br />

également habile à la dispute et enclin à l'adoration, n'avait pu<br />

procurer l'apaisement. Le mysticisme ratiocinant et le rationalisme<br />

théologien s'affrontaient dans les ombres. On passait sans s'en<br />

apercevoir de ce qui se démontre à ce qui se croit, du dogme à la<br />

science, à moins que sans s'en apercevoir encore et surtout sans en<br />

avertir, on n'annihilât plus ou moins l'un ou l'autre. On<br />

embrouillait les questions pour les éclaircir ; on invitait à mettre en<br />

doute ce qu'on se targuait de prouver, ou l'on repoussait toute<br />

démonstration même là où la démonstration est pertinente.<br />

Comment s'ouvrir une route, à travers toute cette confusion ?<br />

Les autorités religieuses, sollicitées en divers sens, inquiètes de<br />

refuser un progrès, frappées des abus criants qui de Paris et de sa<br />

Faculté des Arts menaçaient de gagner la chrétienté tout entière,<br />

hésitaient. L'anxiété leur arrachait des mesures indécises. Aucune<br />

condamnation absolue, sauf pour des erreurs qui se condamnaient<br />

d'elles-mêmes; mais des interdictions provisoires, une gêne, une<br />

vague attente d'améliorations qui ne se produisaient pas.<br />

Qui s'étonnerait de cette perplexité ? La raison pure a toujours<br />

été pour l'âme religieuse un danger redoutable. A cause même de<br />

son prix, image de l'absolu et plus proche de nous, apparemment,<br />

que l’Absolu en personne, elle subjugue, éblouit, entraîne à<br />

l'orgueil et à la suffisance blasphématrice. Le ciel se voile, au reflet<br />

du pâle et noble flambeau.<br />

Le moyen âge était croyant ; mais aussi il était neuf, plein de<br />

sève et d'ingénuité, prêt à l'insensé autant qu'au sublime, en<br />

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