Estime de soi, comparaisons sociales et temporelles, et ...

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Comparaisons et chômage de longue durée
Comparaisons sociales et temporelles, estime de soi et activité de recherche d’emploi en
situation de chômage de longue durée.
Sophie Brunot* & Jacques Juhel**
Titre courant : Comparaisons et chômage de longue durée
* Université Rennes 2, CRPCC (EA 1285), LAUREPS, Place du Recteur Henri Le Moal, CS
24307, 35043 Rennes Cedex- France
Tél. +33 (0)2 99 14 19 76
Courriel : sophie.brunot@univ-rennes2.fr
** Université Rennes 2, CRPCC (EA 1285), LPE
Remerciements : Nous remercions Karine Mériau et Mélanie Bagas pour leur participation
active à la construction de l’étude et à sa passation ainsi que les demandeurs d’emploi qui ont
bien voulu y prendre part.
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Résumé
Comparaisons et chômage de longue durée
Cette étude concerne le rôle des comparaisons temporelles à soi et des comparaisons sociales
dans la régulation de l’estime de soi et des comportements de recherche d’emploi chez 85
personnes sans travail depuis au moins un an. Les résultats, basés sur la modélisation
d’équations structurelles par l’approche des moindres carrés partiels, révèlent d’une part, que
la fréquence des comparaisons sociales ascendantes aux personnes actives contribue
négativement à l’estime de soi des participants. Ils indiquent, d’autre part, que l’estime de soi
et l’investissement dans l’activité de recherche d’emploi sont d’autant plus élevés que la
fréquence des comparaisons temporelles ascendantes au futur est grande. En revanche, les
fréquences des comparaisons sociales (ascendantes et descendantes) à l’endogroupe des
chômeurs ne prédisent ni l’estime de soi, ni les comportements de recherche d’emploi des
participants. Ces résultats sont notamment discutés au regard de ceux obtenus auprès d’autres
populations désavantagées.
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Comparaisons et chômage de longue durée
Social and temporal comparisons, self-esteem, and job-search activity among long-term
unemployed people
Abstract
This study concerns the role of temporal-self and social comparisons in self-esteem regulation
and job-search activity among 85 persons unemployed for up to one year. Four types of
comparisons were operationalized : social comparisons with the ingroup (unemployed
people), and with an outgroup (workers), temporal-past and temporal-future comparisons.
Participants completed a questionnaire assessing the frequency of each type of comparison
according to its direction (upward versus downward) and responded to the Rosenberg Self-
esteem Inventory and questions about job-search behaviors. Results, based on the Partial
Least Squares approach to Structural Equation Modeling, revealed that upward social
comparisons with the outgroup negatively contributed to participants self-esteem. Results also
showed that upward temporal-future comparisons was related to high levels of self-esteem
and job-search activity. By contrast, social comparisons with the ingroup (whatever their
direction) predicted neither self-esteem nor job-search activity. These findings are notably
discussed in the light of previous results concerning other disadvantaged groups.
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Comparaisons et chômage de longue durée
Depuis le milieu des années 70, le chômage est devenu un problème chronique de la
société française. Ce phénomène est d’autant plus préoccupant que durant ces dernières
années près de 40% 1 des demandeurs d’emploi entrent dans la catégorie des chômeurs de
longue durée, qui regroupe les travailleurs privés d’emploi depuis au moins un an. Or, la
situation de ces chômeurs est particulièrement critique car elle concerne des personnes, qui
non seulement sont privées d’emploi depuis longtemps mais qui ont aussi moins de chance
que les autres d’en recouvrir un (voir Demazière, 1995, p.76-77, pour une revue). Ainsi
comme le souligne Demazière (2003), « à partir d’un certain seuil d’ancienneté de chômage,
évalué en termes probabilistes et fixé conventionnellement à douze mois, des difficultés
particulières et supplémentaires (dégradation des conditions d’existence, troubles des
comportements, problèmes psychologiques, réticences des employeurs…) émergent, qui
entravent l’accès à l’emploi. » (p. 226). Le chômage de longue durée présente donc un
caractère particulièrement pernicieux en générant notamment des conséquences
psychologiques qui accroissent la probabilité de sa pérennisation.
Dans ce sens, plusieurs méta-analyses concernant la question de l’impact
psychologique du chômage (McKee-Ryan, Song, Wanberg & Kinicki, 2005 ; Murphy &
Athanasou, 1999 ; Paul & Moser, 2009) donnent des résultats sans équivoque. La plus
récente d’entre elles, pour n’en citer qu’une, a été conduite par Paul et Moser (2009) sur 237
études transversales et 87 études longitudinales. Elle révèle un impact du chômage sur un
grand nombre d’indicateurs de la santé mentale (e.g., dépression, anxiété, symptômes psycho-
somatiques, bien-être subjectif, estime de soi), cet effet étant particulièrement prononcé chez
les chômeurs de longue durée. Dans l’ensemble, les résultats des méta-analyses conduites
plaident en faveur du modèle dit « d’exposition » selon lequel le chômage exerce un effet
délétère sur la santé mentale, même s’ils n’invalident pas pour autant le modèle dit de
1 INSEE, enquêtes emploi du 1 er semestre 2003 au 4 ème semestre 2008.
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« sélection » qui fait l’hypothèse d’un impact négatif de la détresse psychologique sur la
probabilité de retrouver un emploi. On peut toutefois souligner à l’instar d’Herman (2007)
que les effets du chômage sur la santé mentale apparaissent plus puissants que ceux de la
santé mentale sur la persistance du chômage.
Dans le même temps, ces études méta-analytiques amènent à souligner que l’impact
psychologique du chômage est modulé par un grand nombre de variables (par exemple, le
genre, la catégorie socioprofessionnelle, l’importance accordée au travail, les ressources
personnelles et sociales) et peut donc varier de façon importante d’une personne à l’autre.
Sans entrer dans une analyse fine de ces différences interindividuelles, on peut suggérer
qu’elles sont en lien avec la façon dont la situation de chômage est perçue et interprétée
(Bourguignon & Herman, 2007 ; Cascino & Le Blanc, 1993 ; McKee-Ryan, Song, Wanberg
& Kinicki, 2005). Dans ce cadre, les processus comparatifs mis en œuvre par l’individu sont
susceptibles de jouer un rôle déterminant. Ainsi, comme le soulignent Dif, Guimond,
Martinot, et Redersdorff (2001) en faisant référence à la théorie de la privation relative
(Runciman, 1966), ce n’est pas tant le statut objectif d’une personne qui détermine ses
réactions psychologiques à la situation, mais ce sont les comparaisons qu’elle établit avec les
autres ou elle-même au cours du temps. Ce sont de telles comparaisons qui suscitent chez
l’individu des sentiments de satisfaction ou d’insatisfaction, de justice ou d’injustice, et qui
peuvent de ce fait affecter sa santé mentale et notamment son bien-être et l’estime qu’il se
porte (Walker, 1999). Dans le même temps, les processus comparatifs peuvent traduire et
conditionner les objectifs que se fixe l’individu et par conséquent avoir une répercussion sur
les actions qu’il met en œuvre face à la précarité de sa situation (Blanton, Buunk, Gibbons, &
Kuiper, 1999 ; Seta, 1982).
Un double objectif pilote donc l’étude présentée ici. D’une part, il s’agit d’examiner
chez des chômeurs de longue durée les relations qu’entretiennent les processus comparatifs
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déployés avec un des indicateurs du bien-être parmi les plus souvent opérationnalisés dans les
études sur les effets du chômage : l’estime de soi (Sheeran & Abraham, 1994 ; Waters, 2000 ;
Waters & Moore, 2002 ; Winefield, Tiggeman, & Winefield, 1992). D’autre part, on
s’intéressera aux relations entre les comparaisons effectuées et les activités mises en œuvre
pour retrouver un emploi.
Impact des comparaisons sociales et temporelles sur l’estime de soi
Deux grandes catégories d’évaluations comparatives sont susceptibles de contribuer à
la valeur globale qu’un individu s’accorde, en d’autres termes à l’estime de soi : celles
mettant en jeu des comparaisons sociales (i.e., comparaisons à autrui) et celles liées à des
comparaisons à soi-même dans le temps (Festinger, 1954; Albert, 1977; Wilson & Ross,
2000 ; Zell & Alicke, 2009). Considérons tour à tour ces deux types de comparaisons pour
envisager leur rôle dans la régulation de l’estime de soi des demandeurs d’emploi.
Il existe plusieurs formes de comparaisons sociales selon le statut individuel ou
groupal des éléments de la comparaison. Dans le présent travail, seules seront appréhendées
les comparaisons sociales « soi/endogroupe » (individu qui se compare aux autres chômeurs)
et « soi/exogroupe » (individu qui se compare aux travailleurs). Selon Crocker et Major
(1989), les membres des groupes socialement désavantagés encore dits stigmatisés
privilégieraient les comparaisons à l’endogroupe et éviteraient ou considéreraient comme non
pertinentes les comparaisons aux membres d’exogroupes plus favorisés. Une telle stratégie
leur permettrait de protéger une estime de soi menacée par la position peu enviable de leur
groupe (Hackmiller, 1966). S’il ne fait nul doute que les chômeurs constituent un groupe
stigmatisé (voir pour une démonstration Bourguignon & Herman, 2007), sont-ils pour autant
en mesure d’utiliser une telle stratégie ? Deux raisons amènent à en douter. La première tient
à l’absence de visibilité du stigmate de non-emploi. Bourguignon et Herman soulignent en
outre que les chômeurs passent souvent sous silence leur statut et vont même parfois jusqu’à
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le dissimuler (Hayes & Nutman, 1981). De ce fait, ils ont peu d’opportunités de rencontrer
d’autres chômeurs, ce qui limite leurs possibilités d’établir des comparaisons protectrices de
l’estime de soi au sein de l’endogroupe. En d’autres termes, l’absence de visibilité du stigmate
de non-emploi en contrevenant au regroupement des chômeurs ne permet pas de faire naître
une forte identification à ce groupe qui dès lors ne peut être utilisé comme ressource face à la
situation de chômage (Dupont, 2003 ; Croizet & Martinot, 2003).
La seconde raison tient au fait qu’il paraît difficile pour des chômeurs de longue durée,
d’éviter les comparaisons à l’exogroupe des travailleurs tant les occasions de contact avec des
personnes actives sont fréquentes. On peut toutefois suggérer qu’il reste aux chômeurs la
possibilité de s’en protéger en considérant ces comparaisons comme non pertinentes, c’est-à-
dire comme peu susceptibles de leur fournir des informations sur eux-mêmes. Dans ce sens,
une étude expérimentale conduite par Major, Sciacchitano, et Crocker (1993) montre que
l’estime de soi de participants de sexe masculin n’est pas affectée par une comparaison
défavorable avec un membre d’un exogroupe alors qu’elle pâtit d’une telle comparaison
lorsque la cible est un membre de l’endogroupe. Les comparaisons défavorables aux membres
d’exogroupe pourraient donc ne pas être prises en compte. Toutefois des travaux ultérieurs
amènent à reconsidérer cette hypothèse. Ainsi, selon Martinot et Redersdorff (2006), la
stratégie qui consiste à déconsidérer les comparaisons défavorables avec l’exogroupe serait
l’apanage des membres des groupes dominants. Les membres des groupes dominés seraient
en revanche dans l’incapacité d’ignorer de telles comparaisons. La série d’études conduites
par ces chercheuses révèle ainsi que l’estime de soi des femmes pâtit lourdement d’une
comparaison défavorable à l’exogroupe des hommes (Martinot & Redersdorff, 2002 ;
Martinot, Redersdorff, Guimond, & Dif, 2002). En outre, ces travaux indiquent que cet effet
négatif de la comparaison aux hommes apparaît uniquement lorsque les femmes sont
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maintenues dans leur statut de groupe dominé (Martinot et al., 2002, expérience 2) et disparaît
dès lors qu’elles sont expérimentalement placées en position de groupe dominant.
Dans notre société où le travail et l’argent sont des valeurs importantes, il semble peu
probable que les personnes privées d’emploi soient en mesure de ne plus prendre en compte
les comparaisons avec les personnes qui ont la chance d’en posséder un. On peut donc
s’attendre à ce que les chômeurs en raison du statut défavorisé de leur groupe ne soient pas à
même de protéger leur estime de soi face aux comparaisons défavorables auxquelles ils se
trouvent nécessairement confrontés en présence de personnes actives. Si l’ensemble de notre
raisonnement est exact, les comparaisons aux personnes actives (exogroupe) devraient exercer
un impact sur l’estime de soi des chômeurs tandis que les comparaisons aux autres chômeurs
(endogroupe) devraient, de par leur faible fréquence, être sans effet.
Parallèlement aux évaluations comparatives établies en référence aux autres, les
personnes en situation de chômage de longue durée peuvent aussi avoir recours à des
évaluations comparatives faisant référence à elles-mêmes au cours du temps. Si les
comparaisons sociales ont été très fréquemment prises pour objet d’étude depuis la
théorisation princeps de Festinger (1954), l’intérêt pour les comparaisons temporelles à soi est
beaucoup plus récent et plus limité en dépit d’un premier travail de conceptualisation proposé
par Albert dès 1977 (Redersdorff & Guimond, 2006). Ces comparaisons qui mettent en
relation le soi présent avec un soi passé ou futur semblent pourtant être au moins aussi
fréquemment utilisées que les comparaisons sociales si l’on en croit les quelques travaux
conduits sur la question (p. ex., Summerville & Roese, 2008 ; Wayment & Taylor, 1995;
Wilson & Ross, 2000).
Selon Albert (1977), la fonction fondamentale des comparaisons temporelles réside
dans l’établissement et le maintien d’un sentiment de cohérence et d’identité de soi à travers
le temps. Ces comparaisons seraient, de ce fait, particulièrement utilisées dans des périodes de
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changements mais aussi lors de périodes négatives au cours desquelles la valeur que
l’individu s’accorde est remise en cause. On peut donc supposer qu’elles présentent une
pertinence forte pour les demandeurs d’emploi. Dans ce sens, Sheeran, Abrams et Orbell
(1995) notent, en s’appuyant sur les résultats d’études de cas et d’entretiens, que les
comparaisons temporelles au passé pourraient être particulièrement importantes pour
déterminer l’ajustement psychologique des personnes face à la perte d’emploi. Ces mêmes
auteurs ont d’ailleurs montré que l’estime de soi de demandeurs d’emploi était d’autant plus
faible qu’ils percevaient un écart important entre les caractéristiques de leur Soi actuel et
celles de leur Soi passé de personne active. Ces chercheurs n’ont pas pris en compte la
direction de l’écart, mais il est probable que la relation négative avec l’estime de soi résulte de
comparaisons temporelles passées défavorables. Ainsi peut-on supposer que plus les
chômeurs de longue durée compareront défavorablement leur situation présente à leur passé
d’actif, plus ils présenteront une estime de soi affaiblie. A l’inverse, envisager un avenir plus
positif que le présent, autrement dit recourir à des comparaisons au futur dénotant une
amélioration à venir, pourrait permettre au chômeur d’éprouver par anticipation un sentiment
de satisfaction allant de pair avec une élévation de l’estime de soi (Redersdorff & Guimond,
2006). A l’appui d’une telle hypothèse, une étude de Creed et Klisch (2005) conduite sur 239
demandeurs d’emploi démontre que les perspectives futures des participants prédisent leur
bien-être psychologique, ce dernier étant d’autant plus élevé que les perspectives d’avenir
sont positives. Les résultats de cette étude appuient en outre le modèle de la restriction de
l’action personnelle (Fryer, 1986 ; Fryer & Payne, 1986) selon lequel le chômage affecterait
le bien-être de l’individu en réduisant ses possibilités de planification de l’avenir notamment
en raison des tensions financières qu’il génère. Par ailleurs, dans un tout autre domaine, Dif,
Guimond, Martinot et al. (2001) ont montré que les comparaisons temporelles au futur
permettaient de prédire l’estime de soi chez des étudiants souffrant d’un handicap. Notons que
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ces derniers présentaient, en dépit de leur situation désavantageuse, un niveau d’estime de soi
plus élevé que celui d’étudiants valides, effet en partie imputable à l’usage par les étudiants
handicapés de comparaisons au futur favorables (autrement dit de comparaisons traduisant
une évolution positive de leur situation personnelle). On peut donc supposer que l’estime de
soi des demandeurs d’emploi sera d’autant moins affectée par la situation de chômage qu’ils
seront en mesure d’imaginer un avenir plus favorable que le présent.
Impact des comparaisons sur l’activité de recherche d’emploi
Si les comparaisons participent à l’évaluation et à la valorisation de soi et constituent
par là-même des déterminants majeurs de l’estime de soi individuelle, elles peuvent
également exercer un impact sur les actions que l’individu engage face à une situation donnée.
De nombreux travaux suggèrent ainsi que les individus utilisent les comparaisons à mieux loti
qu’eux-mêmes dans le but d’améliorer leur situation (Collins, 1996 ; Blanton et al., 1999 ;
Huguet, Dumas, Monteil, & Genestoux, 2001 ; Testa & Major, 1990 ; Ybema & Buunk,
1995). De telles comparaisons favoriseraient la progression individuelle par le biais de
plusieurs processus. L’observation de la cible de comparaison permettrait d’apprendre quels
sont les comportements appropriés pour progresser dans le domaine de comparaison
(Bandura, 1976). En outre, ces comparaisons génèreraient une augmentation du sentiment
d’efficacité dans le domaine en question, à condition toutefois que la personne cible de la
comparaison soit perçue comme suffisamment similaire à soi (« si un tel qui me ressemble est
capable de bien réussir, je dois pouvoir faire de même ») (Schunk, Hanson, & Cox, 1987).
Enfin, se comparer à meilleur ou plus favorisé que soi pourrait exercer un impact
motivationnel en amenant les individus à revoir à la hausse leurs aspirations et leurs buts
(Lockwood & Kunda, 1997). Dans le cas des chômeurs de longue durée, les comparaisons
sociales à des personnes qui travaillent et qui sont considérées comme mieux loties que soi
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devraient donc, de par leurs impacts informationnel, conatif et motivationnel, susciter la mise
en œuvre d’activités de recherche d’emploi.
Par ailleurs, les travaux sur les comparaisons temporelles suggèrent que la
comparaison au futur, et plus précisément le fait d’imaginer un futur plus favorable que le
présent, constitue également une forme de comparaison particulièrement utilisée par les
individus dont l’objectif est l’amélioration de soi (Wayment & Taylor, 1995). Ainsi, selon
Albert (1977), la comparaison au futur permettrait à l’individu de planifier son comportement
futur de façon à sortir d’une situation défavorable. Dans le même sens, pour Markus et Nurius
(1986), le fait d’envisager des « soi possibles » positifs (et donc le fait d’espérer un futur
positif) dans un domaine permettrait à l’individu d’orienter et d’organiser ses activités pour
réaliser les « sois possibles » envisagés. Des résultats empiriques obtenus ultérieurement par
Ruvolo et Markus (1992) confortent cette hypothèse en montrant que le fait d’imaginer sa
réussite future sur une tâche favorise la persistance et l’effort déployés pour la réaliser. On
peut donc s’attendre à ce que l’activité de recherche d’emploi soit d’autant plus intense que la
personne au chômage projette une situation future plus favorable que la situation présente.
Ajoutons enfin que cet effet attendu de la comparaison au futur sur l’activité de
recherche d’emploi pourrait également être partiellement médiatisé par l’estime de soi.
D’après une méta-analyse réalisée par Kanfer, Wanberg, et Kantrowitz (2001), il semblerait
en effet que l’estime de soi exerce un impact positif sur l’intensité de l’activité de recherche
d’emploi. Ces chercheurs expliquent cette relation par le fait qu’une estime de soi élevée
favoriserait la persistance de l’individu lorsqu’il est face à une tâche difficile à laquelle il
accorde de l’importance et de la valeur. De ce fait, Herman (2007) propose de modéliser les
effets du chômage de la manière suivante : la perte d’emploi pourrait être source d’inquiétude
par rapport à l’avenir (plus de comparaisons au futur défavorables et moins de comparaisons
favorables), et agirait par ce biais négativement sur la santé mentale de l’individu (dont
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l’estime de soi constitue l’un des indicateurs) ce qui pourrait réduire la capacité des chômeurs
à rechercher activement un emploi.
Hypothèses
Dans l’étude présentée ci-dessous, l’estime de soi, les fréquences respectives des
comparaisons sociales (endogroupe et exogroupe) et des comparaisons temporelles à soi (au
passé et au futur) et l’investissement dans l’activité de recherche d’emploi sont mesurés sur
un échantillon de demandeurs d’emploi au chômage depuis plus d’un an. Plus précisément,
les fréquences de chaque type de comparaison sont estimées par les participants en fonction
de leur direction, descendante ou ascendante. La direction « ascendante » renvoie aux
comparaisons dans lesquelles la situation présente de l’individu est plus défavorable que la
situation de la cible de la comparaison (les autres chômeurs, les travailleurs, soi-même avant
le chômage ou soi-même dans l’avenir). A l’inverse, la direction « descendante » concerne les
comparaisons dans lesquelles la situation présente de l’individu est plus favorable que la
situation de la cible de la comparaison.
Au regard des justifications théoriques précédentes, il est supposé que les fréquences
des comparaisons sociales à l’endogroupe (qu’elles soient ascendantes ou descendantes)
n’exerceront pas d’impact sur l’estime de soi des chômeurs alors que les fréquences des
comparaisons à l’exogroupe en seront des prédicteurs significatifs. Plus précisément, les
comparaisons à l’exogroupe devraient être négativement reliées à l’estime de soi lorsqu’elles
sont ascendantes et positivement lorsqu’elles sont descendantes. Une hypothèse similaire est
formulée pour les fréquences des comparaisons temporelles au passé (comparaisons à soi-
même avant le chômage). En revanche, un pattern inverse est attendu pour les fréquences des
comparaisons temporelles au futur, dans la mesure où les comparaisons ascendantes dénotent
ici la possibilité d’une amélioration future alors que les comparaisons descendantes traduisent
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l’idée d’un déclin à venir. Les comparaisons au futur devraient donc contribuer positivement à
l’estime de soi lorsqu’elles sont ascendantes et négativement lorsqu’elles sont descendantes.
Par ailleurs, on suppose que les fréquences respectives des comparaisons ascendantes
à l’exogroupe et au futur seront associées positivement à l’investissement dans la recherche
d’emploi. Enfin, nous posons l’hypothèse du rôle partiellement médiateur de l’estime de soi
dans la relation entre la fréquence des comparaisons ascendantes au futur et l’activité de
recherche d’emploi.
Participants
METHODE
Quatre-vingt cinq demandeurs d’emploi, dont 48 hommes et 37 femmes, ont pris part à
cette étude. Ces personnes avaient toute exercé une activité professionnelle et avaient perdu
leur emploi depuis au moins 14 mois et au plus 9 ans (M = 3,01 ans, E.T. = 1, 94). Leur âge
moyen était de 37,9 ans et variait de 20 à 59 ans. Leur rencontre s’est effectuée soit dans une
agence de Pôle Emploi (71 personnes), soit dans une association de demandeurs d’emploi de
longue durée (14 personnes).
Pour une majorité d’entre eux, ces demandeurs d’emploi étaient peu qualifiés et avaient
exercé en tant que simples employés (38,8 %) ou ouvriers (34,1 %). Seuls 7,1 % de la
population interrogée renvoyaient à la catégorie des cadres et des professions intellectuelles
supérieures alors que 14,1% avaient exercé dans des professions de niveau intermédiaire. Les
artisans, les commerçants et les chefs d’entreprise étaient également peu représentés (5,9 % au
total). Le niveau d’étude était dans l’ensemble peu élevé puisque 58,8 % de ces participants
n’avaient pas obtenu leur baccalauréat.
Procédure
Les participants étaient interrogés individuellement et devaient remplir une série de
quatre questionnaires. Le premier était destiné à recueillir des informations sur les
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caractéristiques des demandeurs d’emploi (âge, sexe, niveau d’étude, situation familiale, date
d’inscription au chômage, emploi antérieurement occupé, revenu). Le second questionnaire
avait été créé pour appréhender la fréquence d’utilisation de différentes formes de
comparaisons. L’Inventaire d’Estime de Soi de Rosenberg (1965) constituait le troisième
questionnaire. Enfin, une série d’items avait été élaborée pour obtenir des indications sur
l’investissement du participant dans la recherche d’emploi.
Matériel
Fréquence d’utilisation des comparaisons. Le questionnaire correspondant comprenait un
total de 30 items présentés dans 4 grandes parties, chacune d’elles renvoyant à un type de
comparaison particulier. Les deux premières parties concernaient la fréquence des
comparaisons temporelles à soi. La première intitulée « Quand je pense à l’époque où j’avais
un emploi stable » était destinée à mesurer la fréquence des comparaisons au passé tandis que
la deuxième faisait référence aux comparaisons au futur (« Quand je pense à mon futur »).
Dans la troisième partie du questionnaire, on cherchait à appréhender la fréquence des
comparaisons sociales à l’endogroupe (« Quand je pense aux autres chômeurs »). Enfin, la
dernière partie concernait les comparaisons sociales à l’exogroupe (« Quand je pense aux
personnes qui travaillent »). La moitié des items de chaque partie évoquait des comparaisons
ascendantes tandis que l’autre moitié faisait référence à des comparaisons descendantes (voir
tableau I). Dans chaque partie, les affirmations présentées évoquaient des thèmes comme la
vie au travail, le confort de vie (aspect financier), les relations sociales (amis et famille). Par
rapport à chacune des affirmations présentées, les demandeurs d’emploi devaient répondre sur
une échelle de type Likert en 7 points allant de « jamais » à « très fréquemment » en fonction
de la fréquence avec laquelle ils estimaient réaliser la comparaison évoquée.
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Insérer ici le tableau I
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L’estime de soi. L’estime de soi était mesurée à l’aide de l’Inventaire d’Estime de Soi de
Rosenberg (1965, traduction française de Vallières & Vallerand, 1990). Cette échelle
comporte 10 énoncés dont 5 orientés positivement (p. ex., « Je suis quelqu’un de bien, du
moins aussi bien que n’importe qui » et 5 orientés négativement (p. ex., « Parfois, je me sens
vraiment inutile »). Les participants devaient répondre à chaque item sur une échelle en 7
points allant de « pas du tout d’accord » (1) à « tout à fait d’accord » (7).
L’investissement dans la recherche d’emploi. L’activité de recherche d’emploi était
appréhendée à l’aide d’un questionnaire inspiré de celui de Roques (1995, voir aussi pour une
mesure similaire, Brown, Cober, Kane, Levy, & Shalhoop, 2006). On interrogeait les sujets
sur la fréquence avec laquelle ils avaient utilisé divers canaux de recherche d’emploi au cours
des quatre dernières semaines (p. ex., panneaux d’affichage de Pôle Emploi, presse, internet,
radio). On leur demandait également, pour cette même période, d’estimer leur nombre de
visites au Pôle Emploi, leur nombre de candidatures spontanées à un emploi, le nombre
d’offres d’emploi auxquelles ils avaient répondu et le nombre d’entretiens d’embauche
obtenus. Dans tous les cas les sujets répondaient sur des échelles de type ordinal (p. ex., « Au
cours des 4 dernières semaines, combien d’entretiens d’embauche avez-vous obtenus ? » ;
réponse: aucun, de 1 à 2, de 2 à 3, de 3 à 4, plus de 4).
RESULTATS
L’approche de modélisation structurelle PLS
La modélisation des relations entre les variables latentes (VL) mesurées dans cette étude
a été effectuée avec l’approche des moindres carrés partiels (PLS : Partial Least Squares,
Chin, 1998 ; Tenenhaus, Esposito-Vinzi, Chatelin & Lauri, 2005). Cette méthode d’équations
structurelles basée sur l’analyse de la variance et l’optimisation du pouvoir prédictif des
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indicateurs a été ici préférée à celle basée sur l’analyse des covariances et l’estimation par
maximum de vraisemblance pour plusieurs raisons.
L’approche PLS est en effet beaucoup moins sensible aux contraintes de taille
d’échantillon que l’analyse des covariances qui vise à estimer le plus précisément possible les
paramètres de la population. Elle présente aussi l’avantage de ne pas faire d’hypothèse sur les
distributions et de ne pas nécessiter la multinormalité des variables. Elle permet surtout de
modéliser très aisément les relations entre des VL réflectives et des VL formatives. On
rappelle qu’une VL est dite réflective lorsqu’elle est supposée être la « cause » des variations
de ses indicateurs manifestes. Techniquement, celle-ci est obtenue dans l’approche PLS par
une analyse en composantes principales. A l’opposé, une VL dite formative est construite par
agrégation d’indicateurs qui peuvent être indépendants et est obtenue par régression multiple
des moindres carrés ordinaires. Malgré ses limites (non prise en compte de l’erreur de mesure,
difficulté à juger de l’ajustement du modèle, impossibilité de modéliser des relations
récursives), l’approche PLS paraît donc la mieux adaptée sachant les caractéristiques de
l’échantillon et des VL mesurées dans cette étude.
Le test des hypothèses précédemment exposées repose sur l’estimation des paramètres du
modèle qui décrit les relations supposées entre des VL de nature réflective et formative. Dans
cette étude, les VL qui mesurent la fréquence des comparaisons temporelles passées
ascendantes (CTPA) et descendantes (CTPD), futures ascendantes (CTFA) et descendantes
(CTFD), sociales endogroupe ascendantes (CSEnA) et descendantes (CSEnD), exogroupe
ascendantes (CSExA) et descendantes (CSExD) sont construites sur un mode réflectif. C’est
également le cas de la VL Estime de Soi Globale représentée par le facteur de second-ordre
d’un modèle hiérarchique à deux facteurs de premier-ordre (l’un renvoyant aux items positifs
et l’autre aux items négatifs). La VL formative Activité de Recherche d’Emploi est quant à
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elle dérivée de la combinaison de divers indicateurs qui mesurent l’activité de recherche
d’emploi.
Les paramètres du modèle de mesure des VL et du modèle structurel décrivant les
relations entre les VL considérées ont été estimés avec l’algorithme PLS (schéma centroïde,
données standardisées). L’utilisation d’une procédure de ré-échantillonnage par bootstrap
(1000 échantillons) a ensuite permis d’estimer l’erreur-type de chaque estimation, de calculer
le t correspondant et la probabilité associée à l’hypothèse d’une estimation nulle. Ces 2 étapes
ont été mises en œuvre à l’aide du logiciel Smart-PLS (Ringle, Wende & Will, 2005).
Test des hypothèses de recherche
Une analyse de régression PLS a préalablement été conduite pour identifier les
caractéristiques socio-démographiques susceptibles d’intervenir dans la relation entre les VL
mesurant la fréquence des comparaisons sociales et temporelles et celles mesurant l’Estime de
Soi Globale (ESG) et l’Activité de Recherche d’Emploi (ARE) des participants. Les VL ESG
et ARE ont ainsi été régressées sur les variables observées Sexe, Age, Catégorie Socio-
Professionnelle de l’Emploi Antérieur 2 , Durée du Chômage, Niveau Scolaire 3 , Revenu 4 ,
Situation Familiale (en couple vs. célibataire) et Lieu de Rencontre (Pôle Emploi vs
association de demandeurs d’emploi). Les résultats de cette analyse ont dégagé un seul effet
significatif, celui du Sexe (1 = homme ; 2 = femme) sur ARE ( = 0,409 ; t = 3,293 ; p =
0,001), les femmes se décrivant plus actives que les hommes dans la recherche d’emploi. La
variable Sexe a donc été introduite à titre de contrôle statistique comme variable exogène dans
le modèle d’équations structurelles destiné à tester les hypothèses de recherche.
2 La catégorie socio-professionnelle renvoie ici à une variable à deux modalités : les employés et ouvriers versus
les cadres, les professions intellectuelles supérieures, les professions intermédiaires, les chefs d’entreprises, les
artisans et les commerçants.
3 La variable « niveau scolaire » comprend 6 modalités (niveau inférieur au BEPC, DNB, CAP, BEP ; niveau
BEPC, DNB, CAP, BEP ; niveau seconde ou première ; niveau Bac ; niveau Bac +2 ; niveau Bac +3 et plus).
4 La variable « revenu » comprend 5 modalités (moins de 600 euros ; de 600 à 900 euros ; de 900 à 1200 euros ;
de 1200 à 1500 euros ; plus de 1500 euros)
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Le modèle structurel qui décrit les relations entre les VL considérées est représenté sur la
figure 1. Les VL ESG et ARE ont été régressées sur les VL mesurant les fréquences
respectives des comparaisons sociales et temporelles ainsi que sur le Sexe des participants. Le
modèle faisait également l’hypothèse d’une médiation partielle de ESG dans la relation entre
la fréquence des comparaisons temporelles ascendantes au futur et ARE.
L’examen du tableau 2 permet de constater que les conditions requises pour assurer la
validité convergente des VL réflectives sont dans l’ensemble respectées. La première valeur
propre est toujours supérieure à 1 (la seconde, toujours inférieure à 1), la variance moyenne
extraite (AVE) est généralement supérieure à 0,50, l’homogénéité mesurée par l’indice de
concordance (rho de Dillon et Goldstein) est toujours supérieure à 0,70. Des indications
supplémentaires, non détaillées ici (corrélation moyenne entre VL inférieure à 0,50 ;
corrélation moyenne des résidus entre blocs inférieure à 0.20 ; Fornell et Bookstein, 1982),
conduisent à juger satisfaisante la validité discriminante du modèle de mesure.
Insérer ici le tableau II
Les estimations statistiquement significatives (p < 0,05) des équations structurelles
mettant en relation les variables de comparaison et les variables dépendantes du modèle ainsi
que les probabilités associées aux t obtenus par ré-échantillonnage bootstrap apparaissent sur
la figure 1. Selon les critères d’appréciation proposés par Cohen (1977), les coefficients de
détermination des VL ESG (R 2 = 0,365) et ARE (R 2 = 0,388) sont élevés. L’indice
d’ajustement global du modèle, moyenne géométrique de la communauté moyenne et du
coefficient moyen de détermination (Tenenhaus et al., 2005), est de 0,448, ce qui suggère que
le modèle rend compte de façon satisfaisante des données.
Insérer ici la figure 1
Les estimations obtenues dans le cadre de ce modèle établissent que l’hypothèse d’un
effet positif de CTFA, fréquence des comparaisons au futur ascendantes, sur ESG (= 0,265,
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t = 2,614, p = 0,009) et sur ARE (= 0,333, t = 2,502, p = 0,012) est compatible avec
l’organisation des données. L’hypothèse d’un effet négatif de CSExA, fréquence des
comparaisons sociales ascendantes à l’exogroupe, est également en accord avec les
estimations du modèle, = -0,383, t = 3,102, p = 0,002. Enfin, conformément à nos
prédictions, les fréquences des comparaisons à l’endogroupe (CSEnA et CSEnD) n’exercent
pas d’effet significatif sur l’estime de soi des participants.
Plusieurs résultats sont en revanche contraires aux attentes. Aucun effet significatif des
fréquences des comparaisons temporelles au passé (CTPA et CTPD) sur ESG n’est relevé et
ce, quelle que soit l’orientation de la comparaison. L’hypothèse d’un effet positif de la
fréquence des comparaisons descendantes à l’exogroupe (CSExD) sur ESG n’est également
pas validée. On constate aussi que les comparaisons au futur descendantes (CTFD) ne
prédisent pas négativement ESG et que les comparaisons ascendantes à l’exogroupe (CSExA)
ne sont pas des prédicteurs significatifs de ARE.
En outre, le modèle obtenu n’est pas compatible avec l’idée d’une médiation partielle de
ESG dans la relation positive entretenue entre les comparaisons au futur ascendante (CTFA)
et ARE. En effet, alors qu’une telle hypothèse de médiation supposait d’observer une relation
positive entre ESG et ARE, il est constaté que plus l’estime de soi des demandeurs d’emploi
est élevée, moins ceux-ci déclarent effectuer une activité de recherche d’emploi intensive,
= -0,341, t = 2,062, p = 0,039.
DISCUSSION
La présente étude conforte l’idée d’une régulation de l’estime de soi et de
l’investissement dans la recherche d’emploi par les comparaisons, que celles-ci soient sociales
ou temporelles. Toutefois, seules certaines formes et directions de comparaison semblent
intervenir de façon significative dans cette régulation.
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Comparaisons sociales et estime de soi
Comparaisons et chômage de longue durée
Conformément à nos attentes, la fréquence avec laquelle les chômeurs de longue durée
rapportent effectuer des comparaisons sociales ascendantes à l’exogroupe des actifs prédit
leur niveau d’estime de soi : plus cette fréquence est élevée plus l’estime de soi est faible. Un
tel résultat conforte la thèse défendue par Martinot et Redersdorff (2006) selon laquelle les
membres de groupes dominés seraient affectés par les comparaisons défavorables réalisées
avec les membres d’exogroupes dominants. En revanche, il remet en question l’idée que les
comparaisons ascendantes à des membres d’un exogroupe seraient évitées ou considérées
comme non pertinentes (Major et al., 1993). Il semble donc que les chômeurs de longue durée
ne parviennent pas, en dépit d’un statut qui se chronicise, à déconsidérer les comparaisons qui
les positionnent défavorablement au regard des personnes actives. Ce résultat peut être mis en
relation avec le fait que d’une façon générale, les chômeurs ne se désengagent pas par rapport
à la sphère du travail et lui accordent une place centrale dans la définition de soi (Herman,
2007). Il apparaît, en outre, que plus les chômeurs accordent de l’importance au travail plus
ils sont dans un état de détresse psychologique important (cf. la méta-analyse de McKee-Ryan
et al., 2005). On peut ainsi supposer que plus les chômeurs accordent de l’importance au
travail, plus ils sont amenés à établir des comparaisons défavorables avec les travailleurs et
plus la valeur qu’ils s’accordent en pâtit. Une telle hypothèse resterait évidemment à tester.
Notons toutefois que contrairement à ce que nous prédisions, la fréquence des
comparaisons descendantes à l’exogroupe n’est pas significativement reliée à l’estime de soi
des chômeurs. Bien que nous n’ayons pas les moyens méthodologiques de tester cette
hypothèse, il est possible que ces comparaisons soient réalisées de façon trop exceptionnelle
pour produire un effet substantiel sur l’estime de soi. Il est ainsi hautement probablement, en
raison de la forte valorisation du travail dans notre société et par les chômeurs eux-mêmes,
que les opportunités de comparaisons favorables au groupe des actifs soient quelque peu
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réduites ou s’établissent sur des dimensions ayant peu de répercussions sur la valeur que
s’accorde l’individu (p.ex., temps libre, disponibilité pour les proches).
Les résultats de cette étude suggèrent également, comme nous l’avions supposé, que les
chômeurs de longue durée ne sont pas en mesure d’utiliser les comparaisons descendantes à
l’endogroupe pour protéger leur estime de soi (Wills, 1981). Ainsi, contrairement à ce que
stipulent Crocker et Major (1989), la situation menaçante pour l’estime de soi dans laquelle se
trouvent les demandeurs d’emploi ne semble pas les inciter à rechercher et à utiliser les
comparaisons descendantes à l’endogroupe pour se protéger. Un tel résultat est en accord avec
l’idée que l’invisibilité du stigmate des personnes privées d’emploi contrevient à leurs
possibilités de rencontres et partant aux occasions d’établir des comparaisons au sein de
l’endogroupe. Notons toutefois que dans le cas des chômeurs de longue durée c’est peut-être
plus la volonté de ne pas s’identifier à un groupe socialement dévalorisé qui est en jeu que la
difficulté à rencontrer d’autres demandeurs d’emploi. Les personnes qui connaissent une
situation de chômage à long terme ont en effet l’occasion de rencontrer des pairs lors des
formations et des regroupements proposés par les organismes et les associations prenant en
charge les demandeurs d’emploi. Cependant, comme le souligne Dupont (2003), pour
bénéficier pleinement des relations avec leurs pairs, les membres de groupes stigmatisés
doivent avoir une attitude positive vis-à-vis de leur stigmate. En d’autres termes, ils doivent
avoir développé une identité sociale positive en lien avec l’appartenance au groupe stigmatisé,
ce qui n’est peut-être pas le cas de nombreux demandeurs d’emploi, fussent-ils dans une
situation de chômage de longue durée.
Si une telle interprétation nous semble particulièrement pertinente au regard des résultats
de la littérature, on ne peut toutefois pas écarter une autre explication qui émane des résultats
de recherches expérimentales sur l’impact affectif des comparaisons sociales. Il existe en effet
aujourd’hui de nombreuses preuves empiriques qui indiquent que la comparaison descendante
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à des personnes similaires à soi peut parfois être décourageante en conduisant les individus à
penser qu’ils vont tôt ou tard se retrouver dans la même situation que la cible de comparaison
(Buunk, Collins, Taylor, Van Yperen, & Dakof, 1990 ; Ybema, Buunk, & Heesink, 1996). Par
exemple, dans une étude expérimentale, Ybema et collaborateurs (1996) ont induit une
situation de comparaison descendante en présentant à des personnes récemment licenciées le
portrait d’un autre travailleur qui venait de subir le même sort et qui était particulièrement
désemparé face à la situation. Ces chercheurs ont constaté que ce type de comparaison
générait chez les participants un état affectif plus négatif qu’une comparaison avec une
personne présentant un mode d’ajustement plus adapté à la situation de chômage. D’autres
travaux indiquent que la comparaison descendante peut avoir des répercussions affectives
négatives si les individus pensent exercer peu de contrôle sur l’évolution de leur situation
(Buunk, et al., 1990). Or, les personnes qui sont dans une situation de chômage de longue
durée pourraient bien, au moins pour certaines d’entre elles, se trouver dans cet état de
résignation. Il est ainsi possible que les comparaisons descendantes à l’endogroupe exercent
pour certains chômeurs un impact délétère sur l’estime de soi alors qu’elles auraient un effet
protecteur de la valeur de soi pour d’autres, d’où l’absence de relation significative obtenue
entre ces comparaisons et l’estime de soi.
Comparaisons temporelles et estime de soi
En accord avec notre hypothèse, plus la fréquence avec laquelle les chômeurs de
longue durée estiment réaliser des comparaisons au futur ascendantes est élevée, plus ceux-ci
obtiennent des scores élevés sur la mesure d’estime de soi. Ce résultat rejoint celui obtenu par
Dif et al. (2001) sur une autre population stigmatisée, celle des étudiants handicapés. Cette
convergence suggère que la comparaison temporelle au futur pourrait bien offrir aux membres
des groupes stigmatisés un moyen pour protéger et maintenir un niveau d’estime de soi
satisfaisant, et par là-même un certain bien-être psychologique. Notons cependant que la
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fréquence des comparaisons au futur descendantes n’est pas un prédicteur significatif du score
d’estime de soi contrairement à ce que nous avions supposé. Il est possible qu’une telle
absence de résultats soit la conséquence de la relative rareté des comparaisons au futur
descendantes qui seraient ainsi peu susceptibles d’exercer un impact tangible sur l’estime de
soi. Dans ce sens, une série d’études conduites par Newby-Clark et Ross (2003) montre que
les individus conçoivent le futur en des termes exclusivement positifs et qu’ils génèrent plus
rapidement des événements futurs positifs que des événements futurs négatifs. Un tel
phénomène semble être très général puisqu’il est aussi bien repéré chez de jeunes adultes que
chez des personnes âgées (Stremlaw, Newby-Clark, & Ross, 1998, étude non publiée citée
dans Newby-Clark & Ross, 2003). Les comparaisons descendantes au futur, qui supposent
d’imaginer un futur plus négatif que le présent, sont donc susceptibles d’être assez peu
fréquentes comparativement aux comparaisons ascendantes au futur qui amènent à concevoir
l’avenir plus positivement que le présent. Une étude récente de Summerville & Roese (2008)
menée auprès d’étudiants confirme d’ailleurs plus directement cette idée en démontrant à
l’aide d’une méthode de journal de bord (recueil aléatoire d’échantillon de pensées) que les
comparaisons temporelles au futur sont majoritairement (80 %) ascendantes.
De même, les fréquences des comparaisons temporelles au passé, qu’elles soient
ascendantes ou descendantes, sont des variables qui apparaissent non pertinentes pour prédire
l’estime de soi des personnes en situation de chômage de longue durée. La théorie de la
comparaison temporelle d’Albert (1977) fournit deux possibilités d’explication à ce résultat.
Premièrement, selon l’une des hypothèses de cette théorie, la tendance à comparer sa vision
de soi actuelle avec une vision de soi passée décroît lorsque la distance temporelle entre les
deux auto-descriptions augmente. Cette hypothèse découle du fait que la comparaison
temporelle serait selon Albert principalement destinée au maintien d’un sentiment d’identité
du Soi au cours du temps. Elle constitue le parallèle de l’hypothèse de Festinger (1954) sur la
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comparaison sociale, selon laquelle, plus autrui est perçu comme différent de soi, plus la
tendance à le prendre pour cible de comparaison décroît. Les chômeurs interrogés dans notre
étude étant tous dans une situation de chômage de longue durée, il est possible qu’ils
n’utilisent plus la référence à leur passé de travailleur pour se définir et partant pour statuer
sur la valeur de soi. L’autre possibilité d’interprétation découle d’une des propositions
d’Albert d’après laquelle les comparaisons temporelles qui signent l’existence d’une
évolution positive au cours du temps seraient privilégiées alors que celles évoquant un déclin
seraient évitées. La référence au passé de travailleur est peut-être trop douloureuse pour les
chômeurs de longue durée qui réprimeraient donc autant que possible la remémoration de
cette période passée.
Comparaisons et activité de recherche d’emploi
Comme prévu, la fréquence des comparaisons ascendantes au futur contribue non
seulement à la prédiction de l’estime de soi des chômeurs mais aussi à celle de leur
investissement dans l’activité de recherche d’emploi : plus les chômeurs imaginent
fréquemment un futur plus favorable que le présent, plus ils rapportent s’investir dans
l’activité de recherche d’emploi. Un tel constat s’accorde avec des résultats antérieurs obtenus
par Holmes et Werbel (1992) auprès de personnes ayant récemment perdu leur emploi. Dans
cette étude, les chercheurs ont en effet observé que les personnes, qui étaient confiantes en
leur possibilité de retrouver rapidement un emploi, restaient moins longtemps au chômage
que leurs pairs initialement moins confiants. Par ailleurs, une série d’études d’Oettingen et
Mayer (2002) révèle que seules des attentes reposant sur des expériences passées et prenant
en compte la probabilité de survenue de l’événement attendu ont un impact positif sur les
efforts déployés et la réussite dans un domaine donné. Ainsi, la fréquence avec laquelle des
individus nourrissent des illusions fantaisistes et positives (projections dans le futur non
fondées sur des expériences personnelles passées et ne prenant pas en compte leur probabilité
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de survenue) est négativement reliée aux efforts et à la performance future. Au regard de ces
résultats, l’obtention d’une relation positive entre la fréquence des comparaisons ascendantes
au futur et l’investissement dans la recherche d’emploi, suggère que ces comparaisons mettent
en jeu des attentes relativement réalistes et non de simples illusions ou rêveries à propos de
l’avenir (voir pour un raisonnement similaire, Redersdorff & Guimond, 2006). Autrement dit,
ces comparaisons pourraient traduire la mobilisation de « sois possibles » associés à des
stratégies d’action qui régulent la conduite.
En revanche, l’hypothèse selon laquelle l’estime de soi médiatiserait partiellement l’effet
positif de la comparaison ascendante au futur sur l’activité de recherche d’emploi (cf.
Herman, 2007, Kanfer, Wanberg, & Kantrowitz, 2001), n’est pas vérifiée. Alors que la
comparaison ascendante au futur est associée positivement à l’estime de soi cette dernière est
reliée négativement à l’activité de recherche d’emploi, ce qui exclut la possibilité d’une
médiation partielle. L’impact négatif de l’estime de soi sur l’activité de recherche d’emploi
peut, à notre sens, s’interpréter en tenant compte du fait que les participants de cette étude
étaient tous des chômeurs de longue durée ayant de ce fait vécu de nombreux échecs
successifs dans leurs démarches de recherche d’emploi. Or, bien que plusieurs études aient
mis en évidence un impact positif de l’estime de soi sur la persistance après un échec
(McFarlin, Baumeister, & Blascovich, 1984 ; Shrauger & Sorman, 1977), des travaux
conduits par Di Paula et Campbell (2002) invitent à nuancer cette idée. Les résultats de leur
recherche indiquent en effet que dans une situation où la possibilité d’un but alternatif existe,
une estime de soi élevée est associée à plus de persistance après un échec mais à moins de
persistance après plusieurs échecs successifs. En d’autres termes, il semble que, comparés aux
individus dont l’estime de soi est faible, ceux qui présentent une estime de soi forte sont plus
susceptibles de se désengager vis-à-vis d’un secteur dans lequel ils échouent de manière
récurrente dans la mesure où ils ont la possibilité de se valoriser dans un autre domaine. Les
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chômeurs de longue durée présentant une estime de soi forte pourraient donc être plus enclins
que les autres à abandonner l’activité de recherche d’emploi pour s’investir dans des
domaines extra-professionnels susceptibles de les revaloriser. Il existe toutefois une autre
possibilité d’explication à cette relation négative entre estime de soi et activité de recherche
d’emploi selon laquelle les personnes ayant le plus activement recherché un emploi au cours
des dernières semaines sont aussi celles qui ont probablement été confrontées au plus grand
nombre de refus de la part des employeurs, autant d’expériences d’échec qui risquent d’avoir
affecté négativement l’estime de soi ( voir McKee-Ryan, Song, Wanberg, & Kinicki, 2005 ;
Warr, Jackson , & Banks, 1988, pour une argumentation similaire). Ces deux interprétations
ne sont toutefois pas mutuellement incompatibles et les deux mécanismes explicatifs
pourraient fort bien expliquer conjointement la relation observée.
Pour finir, nous avons constaté, contrairement à nos attentes, que la fréquence des
comparaisons ascendantes à l’exogroupe des actifs n’avait pas d’effet positif sur
l’investissement dans l’activité de recherche d’emploi. Ce constat suggère que les personnes
actives ne constituent pas des modèles efficaces pour les individus en situation de chômage de
longue durée. L’inefficacité de tels modèles pourrait être liée au fait que leur situation est
perçue comme inaccessible par des personnes privées d’emploi depuis trop longtemps
(Lockwood & Kunda, 1997). De ce fait, la comparaison ascendante aux personnes actives ne
serait pas motivante mais décourageante comme en témoigne d’ailleurs la relation négative
observée entre la fréquence de ces comparaisons et l’estime de soi.
Limites de l’étude et directions de recherche futures
La méthode choisie dans cette étude pour appréhender l’activité comparative consiste à
demander aux participants de rendre compte globalement de la fréquence des comparaisons
qu’ils réalisent avec telle ou telle cible de comparaison. Or, comme toutes les options
méthodologiques, celle-ci est l’objet d’un certain nombre de critiques (pour une revue, voir
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Wood, 1996). Premièrement, elle suppose que toute activité comparative soit nécessairement
consciente ce qui n’est sans doute pas le cas (Blanton & Stapel, 2008). En demandant aux
participants de rapporter la fréquence des comparaisons qu’ils réalisent, on exclut la prise en
compte des comparaisons réalisées sur un mode automatique. Ajoutons à cela que certaines
comparaisons, en raison de leur faible incidence sur la vie du sujet, pourraient être
consciemment réalisées mais devenir très vite inaccessibles en mémoire, d’où là encore une
absence de prise en compte lors du rapport global du participant. Deuxièmement, toutes les
formes de comparaisons ne sont peut-être pas à égalité en termes de désirabilité sociale. Dans
ce sens, les résultats de plusieurs études suggèrent qu’il est plutôt mal vu socialement
d’avouer que l’on se compare aux autres (Brickman & Bulman, 1977 ; Schoeneman, 1981) 5 .
Les individus pourraient ainsi avoir tendance à sous-estimer la fréquence des comparaisons
sociales et à sur-estimer celle des comparaisons à soi-même dans le temps (Wood & Wilson,
2003). Il faut toutefois relever que dans notre étude, le biais de désirabilité sociale a sans
doute été minimisé par la procédure de complétion anonyme des questionnaires (voir Wood,
1996). Enfin, la mémoire des événements passés étant sélective et reconstructive (Conway &
Pleydell-Pearce, 2000; Moberly & MacLeod, 2006), il est vraisemblable que les auto-
estimations globales de la fréquence des comparaisons réalisées s’en trouvent quelque peu
biaisées.
Une autre limite de cette étude repose sur son caractère transversal et corrélationnel.
Ainsi, bien qu’il soit théoriquement justifié de supposer que les comparaisons exercent un
impact sur l’estime de soi et l’investissement dans la recherche d’emploi, nos résultats sont
également compatibles avec d’autres patterns de relations. Il n’est, par exemple, pas exclu que
l’estime de soi puisse influencer le choix des comparaisons comme en témoignent certaines
recherches quasi-expérimentales (Wayment & Taylor, 1995). En conséquence, l’hypothèse
5 Remarquons cependant, que si certains chercheurs ont bien trouvé une corrélation positive entre des mesures de
désirabilité sociale et d'auto-estimations des comparaisons sociales, d'autres n'en ont pas mis en évidence (voir
Wood & Wilson, 2003, pour des références).
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d’une relation bi-directionnelle entre les variables de comparaison et l’estime de soi semble
être particulièrement pertinente et mériterait d’être éprouvée.
Les recherches futures devront donc s’employer à pallier les problèmes
méthodologiques soulevés ici, en croisant les résultats obtenus par le biais de plans
expérimentaux, quasi-expérimentaux et de suivis longitudinaux. A notre sens, l’approche
longitudinale devrait être particulièrement privilégiée dans la mesure où elle permet, tout en
préservant la validité écologique de la recherche, de tester un modèle d’influence bi-
directionnelle entre les variables considérées et d’appréhender le vécu psychologique du
chômage dans sa dimension dynamique. Enfin, même si elle ne règle pas tous les problèmes
évoqués plus haut, l’utilisation de la méthode du journal de bord pour recueillir les
comparaisons effectuées quotidiennement par les chômeurs, les activités de recherche
d’emploi réalisées et leur état affectif, serait à notre avis une technique opportune pour pallier
les difficultés inhérentes au recueil des estimations globales de l’activité comparative par les
participants (Wheeler & Miyake, 1992).
CONCLUSION
S’il est indéniable que la problématique du chômage de longue durée est avant tout
d’ordre économique (marché du travail saturé, inadéquation entre les offres et les demandes
d’emploi,..), on peut toutefois souligner à l’instar de Roques (1995) que la perception et le
vécu de cette situation dépendent pour partie de processus psycho-sociaux susceptibles de
favoriser ou au contraire d’inhiber la mise en œuvre d’actions pour recouvrir un emploi. Dans
ce sens, les résultats de cette étude suggèrent l’intérêt de considérer les comparaisons
ascendantes au futur dans la régulation de l’estime de soi et de l’activité de recherche
d’emploi. Le fait d’envisager une amélioration future de sa situation professionnelle pourrait
participer au maintien d’une bonne estime de soi grâce à l’anticipation de la réintégration du
groupe des actifs, tout en motivant la mise en œuvre de démarches pour parvenir à cet
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objectif. Si une telle interprétation se trouvait confirmée par la réalisation de suivis
longitudinaux, elle pourrait avoir quelques implications pratiques en termes d’interventions
psychologiques auprès des chômeurs de longue durée. La mise en place d’ateliers les aidant à
formuler des sois possibles professionnels positifs et à envisager les stratégies
comportementales associées pourrait ainsi se révéler être un mode d’action particulièrement
pertinent. Notons d’ailleurs que des programmes d’intervention de ce type ont déjà été testés
dans le domaine scolaire où ils ont montré leur efficacité tant sur la motivation que sur les
performances des élèves (Hock, Deshler, Schumaker, 2005). En outre, dans le domaine de la
recherche d’emploi, Eden et Aviram (1993) ont mis en évidence l’effet positif d’un
programme visant à accroître le sentiment d’auto-efficacité sur l’obtention d’offres d’emploi
par des personnes en situation de chômage de longue durée. Or, le sentiment d’auto-efficacité
qui renvoie ici à la croyance de l’individu en sa capacité de retrouver un emploi est un
concept qui implique la mise en œuvre d’une comparaison future ascendante.
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Comparaisons et chômage de longue durée
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Tableau I. Exemples d’items mesurant la fréquence des comparaisons temporelles et
sociales.
Table I. Examples of items measuring temporal and social comparisons frequencies.
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Tableau II. Indices de validité convergente de chaque variable latente réflective.
Table II. Indices of convergent validity for each reflexive block.
Indicateurs 1 ère valeur 2 ème valeur
manifestes de propre propre AVE r
CTPA 1,992 0,838 0,50 0,80
CTPD 1,773 0,728 0,52 0,79
CTFA 1,960 0,678 0,65 0,85
CTFD 1,632 0,840 0,54 0,78
CSEnA 2,354 0,778 0,58 0,85
CSEnD 1,833 0,939 0,44 0,77
CSExA 2,390 0,809 0,59 0,85
CSExD 2,783 0,932 0,54 0,83
Estime de Soi Globale - - 0,50 0,81
Note : 1 ère et 2 nde valeurs propres de l’analyse en composantes principales des indicateurs
manifestes de chaque variable latente ; variance moyenne extraite (AVE) ; indice de
concordance mesuré par le r de Dillon-Goldstein (N = 89).
Note : 1 st and 2 d eigenvalues of the principal component analysis of observed variables for
each block; averaged variance extracted (AVE); composite reliability as measured by Dillon-
Goldstein r (N = 89).
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CTPA
CTPD
CTFA
CTFD
CSEnA
CSEnD
CSExA
CSExD
Sexe
Comparaisons et chômage de longue durée
Estime
de Soi
Globale
R 2 = 0,365
Recherche
d’emploi
R 2 = 0,388
Figure 1 – Modélisation PLS des relations entre comparaisons temporelles (CTPA : au passé
ascendante ; CTPD : au passé descendante ; CTFA : au futur ascendante ; CTFD : au futur
descendante), comparaisons sociales (CSEnA : endogroupe ascendante ; CSEnD : endogroupe
descendante ; CSExA : exogroupe ascendante ; CSExD : exogroupe descendante), Estime de
Soi Globale (ESG) et Activité de Recherche d’Emploi (ARE). Les estimations (en gras, p
entre parenthèses) sont des coefficients de régression PLS. Aux pistes en trait
fin correspondent des coefficients statistiquement significatifs, à celles en trait pointillé des
coefficients non significatifs (p > 0,05).
Figure 1 – PLS path modeling of relationships between temporal comparisons (CTPA : past
upward ; CTPD : past downward ; CTFA : future upward; CTFD : future downward), social
comparisons (CSEnA : ingroup upward ; CSEnD : ingroup downward ; CSExA : outgroup
upward ; CSExD : outgroup downward), self-esteem (ESG) and job-search activity (ARE).
The estimates (in bold, p between brackets) are PLS regression coefficients. Significant
coefficients correspond to thin arrows whereas non significant coefficients correspond to
dotted arrows (p > 0,05).
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