Figures mythiques et bibliques chez Louky Bersianik et ... - Archipel
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1997, 203). Dans une étude du mythe de l'amour <strong>chez</strong> quelques romancières des années<br />
quatre-vint <strong>et</strong> quatre-vingt-dix, Potvin affirme que les écrivaines « cherchent à recréer<br />
précisément des lieux d'utopies différents (sexualité, genre, <strong>et</strong>hnie, âge, race, altérité,<br />
subjectivité, <strong>et</strong>c.) » (Potvin, 1997, 204). Ainsi, la conception du lieu selon Claudine Potvin<br />
déborde le sens de la spatialité <strong>et</strong> peut faire éclater la forme romanesque. Selon Frances<br />
Balikowski, la femme associe le désir à un espace, à un entre-deux (Bartkowski, 143). Celui<br />
ci est utile à la réappropriation de sa sexualité, de son désir <strong>et</strong> de son pouvoir. Elle reprend<br />
l'exemple de L'Euguélionne 18, de <strong>Louky</strong> <strong>Bersianik</strong>, « où parler de la sexualité <strong>et</strong> du désir<br />
équivaut à parler du pouvoir <strong>et</strong> d'organisation politique »19 (Bartkowski, 144). Enfin, en<br />
réaction à l'enfermement légendaire des femmes, les fictions féminines créent un espace qui<br />
leur penn<strong>et</strong> d'être plus heureuses, un espace à elles qui se veut ouvert - contrairement à<br />
l'espace clos des utopies masculines (Cohen-Safir, 172-173). En ce qui a trait à la<br />
temporalité, il semble que « [l]es structures cycliques non marquées dans le temps<br />
caractérisent l'utopie féminine» (Cohen-Safir, 191) <strong>et</strong> que « les utopies contemporaines sont<br />
filles de Chronos» (Cohen-Safir 191). Cohen-Safir avance l'hypothèse que la projection dans<br />
le temps <strong>chez</strong> les écrivaines a quelque chose à voir avec le fait d'enfanter, mais que<br />
« l'enfantement devient collectif en inscrivant "transmission <strong>et</strong> filiation au cœur de<br />
l'utopie"» (Cohen-Safir, 191). Après ce rapide aperçu sur l'espace <strong>et</strong> le temps, il serait<br />
opportun de nous arrêter sur les particularités des personnages animant ces fictions.<br />
Claudine Potvin mentionne que les utopies « se construisent en grande partie sur une<br />
abstraction de "personnages" utopiques, idéaux [...] » <strong>et</strong> qu'il y a circulation <strong>et</strong> redistribution<br />
de la « granul1aire des sexes» (Potvin, 1997,203). La réflexion sur les rôles homme-femme<br />
s'effectue parfois par le renversement des schémas narratifs propres aux contes de fées<br />
(Potvin, 1997, 203-204) <strong>et</strong> par la subversion du mythe, dont le potentiel de re-vision a attiré<br />
un bon nombre d'écrivaines, comme en témoigne l'ouvrage collectif qu'ont dirigé Joëlle<br />
Cauville <strong>et</strong> M<strong>et</strong>ka Zupancic, La réécriture des mythes. L'utopie au féminin. De son côté,<br />
Claude Cohen-Safir mentionne que certaines utopies font alterner les « rôles domestiques» <strong>et</strong><br />
les « initiatives sexuelles» (Cohen-Safir, 176). L'alternance des rôles exprime sans doute le<br />
18 On se souviendra que <strong>Louky</strong> <strong>Bersianik</strong> critique la primauté du phallus en valorisant l'ensemble<br />
des trous du corps féminin (Bartkowski, 144).<br />
19 Le passage entre guillem<strong>et</strong>s est notre traduction.<br />
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