Pascal PROVOST - EPHE
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coupés mécaniquement durant les mois d’hiver (Mathevet, 2000). Le faucardage à la<br />
main a laissé place à la coupe mécanique, ce qui augmente les surfaces exploitées et<br />
homogénéise les parcelles (Mathevet, 2000).<br />
Nous savons que la gestion de la végétation est essentielle pour les communautés<br />
écologiques dans un marais (Tucker & Evans, 1997). La gestion des roselières doit se<br />
faire en fonction de la présence d’espèces rares à l’échelle nationale ou régionale ou en<br />
fonction d’espèces en déclin (Ward, 1992). Cependant, le simple paramètre de la coupe<br />
modifie de façon considérable ce milieu qui peut se révéler attractif ou complètement<br />
rédhibitoire pour les espèces qui y sont associées. En Camargue, comme dans l’estuaire<br />
de la Seine, nous retrouvons de vastes zones coupées en hiver qui s’apparentent alors à<br />
des « parcelles de céréales fraîchement moissonnées ». Quant il ne reste qu’1% de<br />
surface de vieux massifs de roseaux, cela signifie que cette roselière est coupée<br />
annuellement, de manière intensive, avec des zones non exploitables en bordures des<br />
criques et le long des massifs boisés (Van der Winden et al., 2003).<br />
A l’inverse, sans gestion, les roselières ont tendance à se boiser (Rocamora &<br />
Yeatman-Berthelot, 1999; Hawke & Josè, 1996; Van der Winden et al., 2003) et c’est<br />
une évolution globalement défavorable pour les populations de butor (Tyler et al.,<br />
1998). Mais précision importante, la roselière humide constitue un stade quasi<br />
climacique, c’est-à-dire qu’elle évolue très peu. Ce sont au contraire les roselières<br />
dégradées, notamment celles situées sur des zones topographiques hautes et sèches<br />
(mégaphorbiaies avec plus ou moins de roseaux communs) qui ont tendance à se boiser<br />
(C. Dutilleul, comm. pers.). Ainsi, dans certaines conditions et dans le cas des<br />
macrophytes dominées par le roseau, les conditions de vie pour une population de butors<br />
peuvent être brèves car en quelques années, cette plante annuelle accumule de la matière<br />
entraînant un atterrissement naturel du milieu (Puglisi et al., 2005).<br />
L’accumulation de litière, suite à une gestion inadaptée (ou inexistante) des<br />
roselières, participe au comblement du milieu et à sa régression dans l’ouest de l’Europe<br />
(Van der Putten, 1997; Larsson, 1994). De même, l’artificialisation et l’intensification<br />
des méthodes agricoles ou la pression urbaine et touristique contribuent aussi à la<br />
raréfaction de cet habitat (Larsson, 1994).<br />
D’un côté, la roselière tant à se dégrader en l’absence de gestion, et d’un autre,<br />
cet habitat est reconnu pour abriter de nombreuses espèces d’oiseaux et de plantes.<br />
D’ailleurs, même si tous les stades de végétation présentent des espèces patrimoniales,<br />
ce n’est jamais autant le cas que dans les roselières mono-spécifiques (Ward, 1992). De<br />
plus, la roselière entretenue par une coupe hivernale est caractérisée par une très faible<br />
diversité floristique (Wheeler & Giller, 1982).<br />
La coupe hivernale a plus d’effets sur les oiseaux que sur les plantes ou les<br />
invertébrés (Baldi & Moskat, 1995). Le maintien de zones non coupées permet de<br />
maintenir un couvert végétal pour la nidification des autres espèces d’oiseaux inféodées<br />
aux roselières. La préservation de ce couvert augmente la diversité en oiseaux et<br />
favorise notamment le râle d’eau, le butor étoilé et le busard des roseaux (Ward, 1992).<br />
De plus, l’absence de tiges sèches au printemps empêche les rousserolles effarvattes de<br />
nicher et réduit notamment la protection des premiers nids de foulque macroule<br />
(Nilsson, 1988). Une étude en estuaire de Seine associant captures d’oiseaux et relevés<br />
de végétation a montré que la roselière la moins attractive pour les communautés de<br />
paludicoles nicheurs étaient la roselière exploitée (Provost & Aulert, 2003). La coupe<br />
des roseaux a pour effet de réduire les densités de rousserolles effarvattes et de<br />
phragmites des joncs (Graveland, 1999). La situation est identique en Hongrie, où la<br />
densité en passereaux nicheurs est deux fois moins élevée dans une roselière coupée que<br />
dans une roselière non coupée (Baldi & Moskat, 1995). D’autre part, les zones non<br />
exploitées permettent aux rousserolles effarvattes et phragmites des joncs de nicher plus<br />
tôt en saison et donc, d’effectuer plusieurs nichées. Grâce au couvert végétal, ces<br />
oiseaux bénéficient en outre d’une prédation moins importante (Graveland, 1999). Si les<br />
<strong>EPHE</strong> Banque de Monographies SVT 8