Manuel des pêches maritimes françaises - Fascicule II

REPUBLIQUE FRANÇAISE
OFFICE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
DES PÊCHES MARITIMES
3, Avenue Octave-Grêard - PARIS
MÉMOIRES
DE L'OFFICE DES PÊCHES MARITIMES
(SÉRIE SPÉCIALE)
N° 10
MANUEL DES PÊCHES MARITIMES
FRANÇAISES
publié sous la direction de ED. LE DANOIS
Directeur de l'Office des Pêches Maritimes
PAR
MM. BEAUGÉ, BELLOC, BOURY, DESBROSSES, FAGE, LE GALL,
LAMBERT, RÉMY, SCHVINTE
de l'Office des Pêches Maritimes
avec un résumé de l'histoire de la pêche française,
par le Commandant COCHIN, Capitaine de vaisseau de réserve
FASCICULE 2
SEPTEMBRE 1935

PRÉFACE.
Divers essais louables ont été tentés, depuis fort longtemps, pour grouper dans un ouvrage
unique les documents principaux qui définissent la pêche française; mais les connaissances
que requiert cette branche si importante de notre économie nationale sont si diverses et si multiples
qu'elles constitueraient une véritable encyclopédie s'il les fallait exposer dans leur totalité.
I n ouvrage conçu dans cet ordre d'idées demanderait de longues années de préparation et ne
serait certainement déjà plus

ï J 1 '
placées les deux premières parties de l'ouvrage; la troisième partie fera l'objet du fascicule 2,
et le fascicule 3 groupera les quatrièm,e, cinquième, sixième et septième parties.
Je tiens, en terminant, à remercier de façon particulière, M. JKA\ LE GALL, d'avoir assumé,
dans la publication de ce Manuel, les délicates fonctions de secrétaire de rédaction.
ED. LE DANOIS, Dr. Se,
Directeur de l'Office des Pêches Maritimes.

— 7 —
LISTE DES AUTEURS
ayant collaboré à la rédaction du Manuel des Pêches Maritimes Françaises.
MM.
L. BEAUCK, Capitaine de Frégate de Réserve, commandant le navire «Président Théodore Tissier», chef
du laboratoire à la mer de l'Office des Pèches Maritimes.
G. BKLLOC, Licencié es Sciences, chef du laboratoire de l'Office des Pêches Maritimes à La Rochelle.
M. Boum', Ingénieur Agronome, chef du laboratoire de l'Office des Pèches Maritimes à Paris.
]. COCHIN, Capitaine de Vaisseau de Réserve.
P. DESBROSSES, Licencié es Sciences, chef du laboratoire de l'Office des Pèches Maritimes à Lorient-
Kéroman.
L. FACE, Docteur es Sciences, sous-directeur de laboratoire au Muséum National d'Histoire Naturelle,
attaché scientifique à l'Office des Pêches Maritimes.
J. LE GALL, Agrégé de l'Université, chef du laboratoire de l'Office des Pêches Maritimes à Boulognesu
r-Mer,
L. LAMBERT, Docteur en Pharmacie, Inspecteur Général du Contrôle Sanitaire Ostréicole à l'Office
des Pêches Maritimes.
D. RÉ,\IY, Licencié es Lettres, secrétaire administratif de l'Office des Pêches Maritimes.
J. SCHVINTIÏ, Chimiste, préparateur chargé des études frigorifiques à l'Office des Pèches Maritimes.

PLAN GÉNÉRAL DE L'OUVRAGE.
FASCICULE I.
Première partie.
Introduction à l histoire des Pèches MarUimes en Irance par le COMMANDANT COCKIX.
Deuxième partie.
L'étal actuel de l Industrie des Pêches Maritimes en h rame par J. LL GALL.
L'Organisation de la Pèche en France par I). RÉMY.
Les croisières de recherches :
Les croisières de l'Office Scientifique des Pêches par G. BBLLOC;
La coopération de la navigation aérienne par G. BELLOC;
La collaboration de la Marine française aux recherches océanographiques par .T. LE GALL.
Les différentes pèches et leurs engins :
FASCICULE II.
Troisième partie.
Le chalutage par G. BELLOC et J. LE GALL
LL:
La pèche au filet dérivant (Hareng et Maquereau) par J. LE GALL;
Les autres genres de pêches en mer :
La pèche à la sardine par .1. LE GALL;
La pêche au thon par. G. BELLOC;
La pêche aux crustacés par G. BELLOC et .1. LE GALL;
La pêche aux lignes par J. LE GALL;
La pêche littorale par G. BELLOC et J. LE GALL;
La Grande Pêche par le COMMANDANT BEAEGE.

Les principaux ports el les fonds de pèche :
Mer du Nord et Manche par J. LE GALL;
9 —
FASCICULE III.
Quatrième partie.
Océan Atlantique par G. BELLOC et P. DËSBROSSES;
Méditerranée par L. FACE;
Islande, Terre-Neuve, Groenland par le COMMANDANT BEIUGÉ;
Maroc et Mauritanie par G. BELLOC.
Les Industries annexes de la pêche :
Cinquième partie.
Fumage, Salage et Conserves par M. BOUHY;
Traitement des sous-produits par M. BOURÏ;
Frigonlication par .1. SCKVLNTE;
Traitement des algues marines par J. LE GALL.
Sixième partie.
L'Ostréiculture, la Mytiliculture el lu Conclujticiiliure par L. LAMBERT.
Le contrôle sanitaire coquillier par L. LAMBERT.
Aperçu sur la réglementation par ]). RÉJIY.
Septième partie.
OKFICE DES l'KCMES MA1I1TIJ1ES. MKM. N" 1 0. 18

MANUEL
DES PÊCHES MARITIMES FRANÇAISES
FASCICULE 2

SOMMAIRE.
Troisième partie.
LES DIFFÉRENTES PÊCHES MARITIMES ET LEURS ENGINS.
CHAPITRE I.
LE CHALUTAGE. ,9
Le Chalut.
Évolution de l'engin à travers l'histoire 19
Le ubalut bœuf ou ttganguia 3 3
Le chalut à perche 2 fi
Le chalut à plateaux 3 g
Le chalut Vignerori-Dahl 33
Le troisième plateau 34
Les Chalutiers. ;Lî
Les chalutiers à voiles 35
La motorisation des chalutiers à voiles 3 7
Le chalutier à vapeur 3g
Le chalutier à moteur 4 4
Le chalutier frigorifique 4'i
Le chalutier usine 47
CHAPITRE II.
LA PÊCHE AUX FILETS DÉRIVANTS. r,,
La pêche du Hareng. ~> 1
Historique 5 1
Les ports d'armement 54
Les voiliers harenguiers 50
Le te driveur» ou « drifters à vapeur 56
Époques et lieux de pêche 5g
Les engins et la technique de la pêche 6a
Le chalutage du Hareng 67
Quelques autres engins employés pour la pêche du Hareng 72
Utilisation des produits de la pêche du Hareng 73

— 14 —
La pêche du Maquereau. 78
Historique 78
La pèche du Maquereau aux filets dérivants 71)
Les bateaux et leur armement 79
Lieux et époques de pêche 81
Les engins et la technique de la pêche 8 •>
La conservation du poisson à bord 85
Le chalulajje du Maquereau 80
Utilisation des produits et sous-produits de la grande pèche du Maquereau 87
La petite pèche du Maquereau 88
Pèche à la traîne 8 g
Pèche aux lignes à mains 8g
Écoulement des produits de la petite pêche du Maquereau 91
CHAPITRE III.
AUTRES GENRES DE PÊCHE EN MER. 9/1
La pêche de la Sardine. g h
La Sardine européenne g4
La pèche de la Sardine sur les cotes de France 90
Lieux et époques de pèche 96
Historique de la pèche de la Sardine en France 98
Les centres d'armement gg
Les bateaux et leurs équipages ion
Les annexes 1 0 3
Les appâts 1 0 3
Les engins et la technique de la pêche 10/1
Les différents modèles de seines 108
L'écoulement des produits de la pêche 112
Utilisation des sous-produits 1 1 5
La pêche du Thon Blanc ou Germon. 1 18
Les dillérentes espèces de Thons 118
Les bateaux elles centres de pèche 118
Les engins et la technique de la pêche 1 30
Le traitement du poisson à bord i ", 3
La motorisation des bateaux thonniers 12/1
La pêche aux Crustacés. -'•I
Les différentes espèces de crustacés pêchées 127
Centres d'armement, bateaux et engins 138
La pèche à la Crevette 1 33
La. pèche à la Langoustine i36
La pêche aux lignes. 1 a 0
La pèche aux lignes à mains I'IO
La pèche aux cordes ou n palangres» 1 ââ
Les petites et les grandes cordes i 45
Les cordiers à vapeur 1/17

— 15 —
CHAPITRE IV.
LA PÊCHE LITTORALE. >:,,
Les filets fixes.
Bas parcs et Hauts parcs 1 5 a
Les pêcheries fixes i 5,'j
Verveux et Louves 1 55
Folles et Tramails 157
Autres filets calés 1 58
Les filets flottants.
Tramails, Filets à Sprats :5g
Les Sennes. 1 Ou
La pêche des Civelles. 1 04
Les Dragues à Coquilles. 1 Go
La Drague 1 G5
La pêche des Coquilles Saint-Jacques 1 00
La pèche des Pétoucies 1 08
Nasses, Carrelets, Foënes et Epuisettes. 1 7 1
La pêche à pied le long des grèves. 17/1
CHAPITRE V.
LA GRANDE PÊCHE. 17O
Centre d'Islande. 17O
L'armement à la pêche d'Islande > 7 6
Les ports d'armement 177
Les bateaux 178
Le matériel de pêche 180
Le personnel 1 84
Centre de Terre-Neuve. 1 8^1
L'armement i 8 '1
Les ports d'armement et les bateaux 186
Le matériel de pêche 192
Le personnel 195

LES
DIFFÉRENTES PÊCHES MARITIMES
ET
LEURS ENGINS

CHAPITRE PREMIER.
LE CHALUTAGE (1) .
Le chalutagc, c'est-à-dire la pêche à l'aide d'une
poche conique de fdet, flanquée ou non d'une paire
d'ailes et traînée sur le fond en la maintenant
ouverte, est, en France comme ailleurs, une industrie
sans doute très ancienne. Mais, ce n'est qu'à une
époque relativement récente qu'il s'est modernisé et
c'est depuis cinquante ans à peine qu'il a reçu es
ultimes perfectionnements et définitivement conquis i>> iès «»»•»" H °» k -
ia utase '
la prépondérance sur tous les autres engins de pêche.
L'étymologie de ces mots : chalut et chalutagc est encore imprécise. Sans doute doit-on la
rechercher dans le mot espagnol « Clialuta» qui a donné le mot français «chaloupe» désignant
les grands et forts canots à voile qui, primitivement, furent affectés à ce genre de pêche.
Dans certaines régions de la côte française, le chalut est encore appelé «drague», modification
de l'ancien mot de «dreigew dérivé lui-même de l'anglais «dragn qui veut dire traîner, tirer, et
qui définit parfaitement la façon dont ce filet est manœuvré.
Le Chalut.
EVOLUTION DE L'ENGIN À TRAVERS LES AGES (2).
L'origine du chalut doit être, sans conteste, recherchée dans la Senne à poche, et dans le
magnifique ouvrage de DUHAMEL DU MONCEAU, on peut voir qu'il y avait déjà en usage, en France,
vers la fin du xvin 0 siècle, une multitude d'engins fort gauches et imparfaits offrant toutes les
transitions entre la Senne à Poche qui se manœuvrait en pleine mer, la «Drcige», le «Gangun;
et la « Drague v ou «Chalut».
La Grande Senne à Jet qui, dans le Golfe de Gascogne, fut employée jusqu'à la fin du siècle
dernier, était une Senne de 200 à 3oo mètres de long, manœuvrée à bord de chaloupes à
voiles qui la remorquaient sur le fond.
Les bras de cette senne étaient attachés l'un à la poupe, l'autre à la proue, sur l'un des
bords du bateau dérivant par le travers. Le bateau en dérivant traînait l'engin sur Je fond. Au
bout d'un certain temps, on le relevait en le halant du bord, opération qui ne se faisait pas
(1) Par G. BEI.UJC, P. DESCSÛSSK el Jean LE GALL
(2) Par Jean LE G.W.L.

— 20 —
sans difficultés, car les deux bras et ailes de l'engin devaient être rentrés bien en même temps,
de façon à bien fermer la poche et à ne pas compromettre le résultat de la pêche.
Dans la Manche, sur les côtes du Calvados, ce filet se traînait avec deux bateaux qui mouillaient
l'engin en s'éloignant l'un de l'autre, puis le relevaient, après s'être laissé dériver
pendant quelque temps, chacun halant sur son bras en tirant de concert.
Ces sennes, de longueur variable suivant les régions, étaient connues sous le nom de
« Traînes» (Touques et Dives), de «Tournées» (Saint-Brieuc).
Kip, î. La'Uraye (d'après Dumier, DU JIOXCEAU. M'raiti': des l'cschcs, vol. T,
chap. VI, pJ. XXYIII, t\s. i).
L'emploi de deux bateaux naviguant de conserve apportait le grand avantage d'assurer
l'écartement des ailes de la grande senne remorquée sur le fond qui, amarrées comme précédemment
à la proue ou à la poupe d'un seul bateau, avaient une tendance à se rapprocher
l'ijf. 3. La pèche à la Dreige. te liàlimenl. avec sa {jrand'voile.
(DUHAMEL DU VIONCEAU, pi VWVIII, lijj. 2.)
promptement; mais, il n'était pas sans difficultés de manœuvre et présentait de plus l'inconvénient
onéreux de mobiliser deux bateaux.
Les pêcheurs imaginèrent alors de remplacer un des bateaux par un corps flottant nommé

— 21 —
«bourset» qui,dérivant avec un des bras de l'engin en même temps que le bateau et assez loin
de lui, assurait l'écartement des ailes du filet.
Ce bourset se composait d'une voile tannée ou goudronnée garnie d'une ralingue sur son
pourtour, encapeléc par sa tête sur une vergue de (5 à 7 mètres de long, munie d'un tonneau
vide comme flotteur. Il s'attachait par un halin à l'un des bouts du filet, et une corde fixée sur
cet halin aboutissait à une bouée servant à soutenir et à diriger le bourset.
Kl;;', '•'>. La pèche à la Droijjc. Le Imurspt. cl son {jréeraenl
(Dru.uiEi. nu UONC.KAC, pi. WWW. fij[. S.)
Le filet dont la ralingue inférieure était garnie de plombs et la supérieure de flotteurs qui le
maintenaient constamment dans une position verticale, se trouvait ainsi traîné par le bourset
et par le bateau qui dérivait lui-même sous l'effet d'une trinquette montée sur vergue, attachée
au bateau et lancée à la mer. L'engin ainsi manœuvré était connu sous le nom de «Dreigev ou
«Drège» (fig. 9 et 3). Ii était excessivement meurtrier car il détruisait une quantité considérable
de petits poissons. De plus, il nécessitait des dépenses considérables pour son achat et
son entretien.
l'i^. a. La eramle Aissaiijjuo . sonne à poche.
(d'après une jrravui'c de DnmiKr. ni 'UONCK.H . pi- \'I)M1, liy. J: chap. \ I).
Il dut faire place à des engins plus petits, plus facilement maniables, moins coûteux. Les
premiers employés furent les Sennes à poclie, construites sur le même plan que les sennes,
traînées de la même façon sur le fond, mais qui présentaient au milieu de leur longueur une
«Manche», «Poche», «Queue», «Nasse», «Bourse» ou «Sac» dans lequel Je poisson recueilli
par les ailes du filet se rassemblait.

— 22 —
La Grande Aissaugue (lig. 4) employée sur les côtes méditerranéennes est un de ces types
de senne à poche. Elle était formée d'un «sac» ou «bourse» constituant le fond du fdet, muni
de denv longues bandes de fdets appelés «jambes» ou «ailes» qui, en faisaient les côtés et à
l'extrémité desquelles se fixaient les cordes ou halins destinés à le traîner.
Ce fdet était mouillé lentement au large par un petit bateau, puis ensuite rapidement haïe
à terre.
Le «Gauguin (Jig. 5) comme l'«Aissaugue» était constitué par une manche, sac ou nasse
plus ou moins grande, prolongée de chaque côté par une «aile» ou «jambe» garnie de
plombs à la ralingue inférieure et de lièges à la ralingue supérieure, de façon à se maintenir
verticalement dans l'eau. La bourse, elle-même, était maintenue largement ouverte par
un ou plusieurs cercles de bois, diminuant de diamètre à mesure qu'ils s'éloignaient de la
gorge et s'approchaient de l'extrémité de la chausse. Sur le premier cerceau, un goulet de
filet permettait au poisson d'entrer mais s'opposait à ce qu'il sorte.
I''i;;. 5. Le Gauj»;ui cl te (langui bœuf
(d'aprùs I)L;II.\,MKT. ni; VOSCEAU, [)l. KI.IV. Ii

- -is —
Le Chalut, bœuf ( i).
Le chalut bœuf ou gangui est traîné par deux bateaux: à voiles ou à vapeur, connus sous le
nom de bateaux-bœufs, parce qu'ils travaillent par paire comme ces ruminants attelés à une
charrue.
Le filet se compose d'une poche de 36 à A7 mètres, précédée de deux ailes de 11 mètres
de longueur, soutenues à leur extrémité libre par un guindineau. Chacun de ces guindineaux
est fixé par une patte d'oie à une fune traînée par l'un des bateaux. Ici, l'ouverture du chalut
en largeur est assurée par les deux bateaux naviguant sur le même front, à une distance
l'un de l'autre d'autant plus grande que le filet travaille plus profondément. La ralingue
inférieure ou «bourrelet» du chalut est lestée de grosses olives de plomb; la «corde de dos»
est munie de llotteurs qui tendent à l'élever au-dessus du fond et, de cette façon, l'ouverture
verticale de la poche est également assurée.
La pêche au chalut bœuf est pratiquée actuellement en Méditerranée sur les côtes de France
et d'Algérie. Sur les fonds de pêche de la côte atlantique française, ce sont principalement de
petits vapeurs espagnols qui s'y livrent.
La manœuvre du chalut bœuf («pareja» en espagnol) est assez délicate. Arrivés sur les
lieux de pêche, les deux bateaux formant la paire, qui ont navigué de conserve, se rapprochent.
Celui dont c'est le tour de mouiller son chalut, le file par la poupe en ne gardant à bord que les
ailes, dont l'une est déjà amarrée à son halinou «fune». L'autre bateau lui fait passer, au moyen
d'une ligne, l'extrémité de la fune qui doit être fixée sur l'autre aile. Ces opérations terminées,
le chalut est complètement filé, tandis que les deux bateaux mettent en route lentement
en s'écartant également de ce qui sera l'axe de pêche. Lorsque le chalut a atteint le fond, les
deux navires redressent leur route à un signal effectué ordinairement au sifflet par le bateauchef
de pêche, prennent le cap convenu à l'avance et naviguent parallèlement en se maintenant
sur le même front. Cette manœuvre n'est guère possible de nuit ou par temps de
brume. Lorsque le trait de chalut est terminé, à un autre signal, les deux vapeurs virent
ensemble leurs funes, se rapprochent et lorsque les ailes sortent de l'eau ils exécutent les
opérations inverses de celles qui ont été décrites précédemment pour la mise à l'eau.
L'application de la vapeur à la fin du siècle dernier à la propulsion et aux diverses manœuvres
des navires de pêche a éliminé une partie des difficultés rencontrées sur les voiliers pratiquant
la pêche au chalut bœuf et devant naviguer de conserve pour la manœuvre de cet engin.
Dès lors, ses dimensions se sont considérablement augmentées et, grâce à son énorme ouverture
prolongée par deux longues ailes lui donnant une zone d'action bien plus grande que tout
autre engin de pêche de dimensions égales, cet engin déjà ancien et relativement peu modifié
depuis deux siècles, malgré son inconvénient démobiliser deux bateaux de même tonnage et
d'exiger pour sa manœuvre une très grande expérience du métier, reste encore très en faveur
sur les côtes méditerranéennes et ibériques.
(1 ; l'ai- (iérai'il Riii.i.uc.

24
Une modification de la pêche au filet gangui apparut dans celle dite de « Tartane» du nom
d'un bâtiment très commun sur les côtes méditerranéennes et qui, pendant longtemps, fut
donné au fdet servant à cette pèche.
Cette pèche se faisait à l'aide d'un seul bateau traînant un filet gangui mais à la façon d'une
dreige, c'est-à-dire en dérivant. Pour cela, le filet gangui, muni de courtes ailes, était relié par
ses deux halins aux extrémités de deux longs espars fixés l'un à la proue, l'autre à la poupe do la
tartane destinée à le remorquer. (Fig. 6.) Le bâtiment dérivait sous voiles en travers, traînant
l'engin dont l'écartement des
ailes et l'ouverture de la poche
étaient assurés par l'écartement
des halins fixés aux extrémités
des deux espars.
Ce gréement dit « de vache » fut
également longtemps employé en
Méditerranée, en Irlande et au
Danemark. Il n'était pas sans
inconvénients, car il nécessitait
un fort vent ou de forts courants
pour assurer un bon remorquage
de l'engin.
I**i. (>. I.ç lilcl Tnrhme. d'après DUIUIKI. JH, UONŒUJ.
Comme on le voit, la difficulté
du problème résidait dans la manière
de traîner sur le tond de la
mer cette vaste poche, munie ou
non d'ailes, en la maintenant largement
ouverte.
Pour le résoudre, les pêcheurs
ne manquèrent ni d'ingéniosité
ni d'initiatives et de nombreux
(PI. \l.\. IIM. i, chap. M.)
modèles de filets, de nombreux
dispositifs de remorquage se succédèrent sous les noms les plus divers dus au jargon des
pêcheurs : «Drague», «Chausse», « Gauche », «Chalut», «Sac de drague», «Bâche traînante»,
«Couvreau», «Carte», «Corret», «Drangeîle» et qui peuvent tous être ramenés à
l'«Aissaugue)j, ou plutôt à un «gangui 5) dont on aurait supprimé les ailes et dont l'ouverture
du «sac* ou «poche» serait maintenue béante par une armature rigide, constituée par une
perche plus ou moins longue, assurant l'écartement vertical de l'engin, et par des flotteurs
de bois ou de liège frappés sur la ralingue supérieure de l'ouverture de cette poche et assurant
l'écartement vertical.

— 25 —
Ces transformations successives, dues à l'ingéniosité des pêcheurs, conduisirent petit à
petit aux types actuels désignés sous le nom de «Dragues» ou de « Chaluts», et, de très bonne
heure, les Français adoptèrent,
ainsi que les Anglais, un engin
constitué par une longue poche
conique de filet sans ailes, dont
les mailles assez larges vont
diminuant de l'entrée jusqu'au
fond et renforcée par des cordages
ou ralingues sur ses flancs
et à son ouverture.
Cet engin est traîné sur le
fond et, dans cette position, a
un dos et un ventre; ce dernier
plus exposé aux injures est dou­
blé par des tabliers de vieux filets
ou par des feuilles de cuir. Le
bord antérieur du ventre et sa
ralingue (qui constituent, en
somme, la lèvre inférieure de cette
s=a^vT *^..?9ï-ir >
l'ijj. 7. Série di' Drajjue uoininée Chalul de Brelaenc au XVIII 0 siècle.
(d'après DUIJAMF.L DU \IONCE.U;, pi. XL/VI, iifj. 2, cliap. VI).
vaste bouche qui, à son passage, happe tout ce qui se trouve sur le fond) décrivent une courbe
assez prononcée et, comme c'est cette partie qui travaille le plus et doit déloger les poissons
tapis sur le fond, il faut lui donner un poids et une souplesse suffisantes, ce qu'on réalise
en établissant un «bourrelet» avec un vieux câble de chanvre ou d'acier autour duquelfon
règ. 8. Bateau à voile Iraiuanl une rcCliausse» win" siècle
(d'après DUHAMEL DU MONCEAU, pi. XLV11, lij;. 1, chap. VI).
enroule de vieux filets et un cordage en spirale à tours fort serrés ; on alourdit encore l'ensemble
en y disposant en guirlande une chaîne de fer.
Il faut en outre que cette poche soit maintenue béante pendant la traction du filet. Pour cela,
OFFICE DES PÈCHES MAUITLMKS. — MBM. s 0 10. 2

— 26 —
la ralingue de dos est translilée sur une longue et lourde perche (en orme généralement) que
supportent deux patins en acier ayant la forme d'un triangle ou d'un trapèze et présentant
à l'arrière deux boucles où se fixent les extrémités du bourrelet. L'appareil est remorqué
par une patte d'oie et un câble ayant comme longueur le triple de la profondeur des eaux
à l'endroit où l'engin doit être mis en pèche.
Fig. g. Deux anciens modelés de dranues ou clialuls à perelie
(d'après ))iju.t\ii;t. m MONGI'AU, pi. VLVdl, fie 1 . 3o, chap. V[ ).
C'est ce dispositif qui est encore employé dans les engins connus sous le nom de « Chalut à
percJie» ou de « Chalut à pierre» et que nous nous contenterons maintenant de décrire rapidement.
Le Chalut à Perche ( J ).
Dans le chalut à perche, l'armature se compose d'une longue perche dont chaque extrémité
est soutenue par deux pièces en fer forgé appelées patins ou étriers. La perche, d'un diamètre
de io à 12 centimètres (qui peut atteindre jusqu'à là et i5 mètres, suivant la puissance et
le tonnage du bateau), est composée de deux pièces taillées en bec de flûte et ajustées à l'aide
de deux forts anneaux en fer. Les patins ont la forme d'un étrier dont une des branches est munie
d'une semelle large et plate pour glisser sur le fond, tandis que l'autre reçoit une des extrémités
de la perche qu'il maintient ainsi élevée à une certaine hauteur au dessus du fond. I ne pièce
intermédiaire en fer rond réunit obliquement les deux branches de l'étrier, lui assurant ainsi
(l) Par (iKI; Min Hui.i.nc.

— Ti
une plus grande rigidité. Chaque patin pèse une centaine de kilogrammes dans les engins
de grand modèle.
Le filet a la forme d'une grande poche à ouverture rectangulaire dont la base supérieure est
fixée sur la perche par des filières, la base inférieure, plus longue que la supérieure, car elle
doit être souple, est fixée par ses extrémités à une manille placée en arrière de la partie plate
à l'angle postérieur de chaque patin; elle est fortement lestée d'une chaîne, qui peut peser
jusqu'à 100 à i3o kilogrammes. Les bases latérales de l'ouverture sont transfilées sur les
pièces obliques postérieures des patins.
\'l

— 28 -
Le cludul à pierres, quia presque totalement disparu aujourd'hui, était moins coûteux, mais
aussi moins pratique. L'ouverture du filet était maintenue en hauteur par deux chandeliers
en fer de om.oo, fixés au dessus d'une grosse pierre pouvant peser jusqu'à 55 kilogrammes.
Les ralingues fixées par leurs extrémités aux guindineaux étaient libres ; la supérieure garnie
de lièges et l'inférieure lestée d'une forte chaîne. L'ouverture latérale du filet était assurée par
une traverse de bois, aux extrémités de laquelle étaient reliés les chandeliers, par une petite
patte d'oie à branches inégales, les supérieures étant plus courtes que les inférieures. La
grande patte d'oie de remorque, faisant suite à la lune, était fixée aux extrémités de la traverse.
En position de route, la perche est à bord en dedans des pavois et le chalut est transfilé
sur la perche. Avant d'arriver sur les lieux de pêche, le iilet est dégagé et étendu sur le pont,
la fermeture du fond est vérifiée et la perche est placée extérieurement aux pavois. Pour mettre
en pêche, le bateau est amené vent arrière et le filet est mis à la mer. Le patin de l'avant est
filé et son bras est raidi ; à ce moment, on libère le patin de l'arrière et l'ensemble du train de
pèche est lentement filé jusqu'à ce que la longueur de fune, qui convient au brassiage, soit
à la mer. La l'une filée par l'avant est maintenue à une certaine distance de l'arrière du bateau
à l'ahle d'un crochet spécial en bois d'orme appelé «chien».
Pour ramener le chalut, le chien est largué, ce qui libère la fune ; le bateau vient debout au
vent, la trinquette est amenée et les hommes commencent à virer la l'une, au treuil ou à la main.
 sa sortie de l'eau, le palan est croche dans l'émerillon du patin avant, qui est hissé à la hauteur
ries pavois où on le saisit. On vire ensuite le bras de l'arrière et le deuxième patin est saisi
de la même façon, puis tout l'équipage « croche;) dans le filet, qui est hissé à bord, à la main
s'il n'est pas trop lourd; dans le cas contraire on l'élingue et il est viré au palan. Le lond du
chalut est alors ouvert et le poisson tombe sur le [tout où il est trié.
L'utilisation de la vapeur pour la propulsion des navires de pêche amena, dans la seconde
moitié du xix" siècle, une transformation radicale de l'industrie des pêches qui se porta non
seulement sur les bateaux mais encore sur les engins employés.
Les premiers chalutiers à vapeur employèrent le Chalut à Perche que nous venons de décrire,
mais, malgré l'emploi de la vapeur, la manœuvre de cette lourde perche garnie de ses lourds
étriers était (et est encore) excessivement laborieuse et pénible. Mais, comment la remplacer?
L'idée vint d'employer à la place de cette lourde perche, deux plateaux de bois qui, fixés
sur les côtés de la poche, fonctionneraient remorqués dans l'eau, comme un cerf-volant dans
l'air et tendraient à s'écarter l'un de l'autre sous l'effort de la traction en avant du bateau
chargé de les remorquer. En s'écartant ainsi les plateaux tireraient sur les côtés de la poche et
en assureraient l'ouverture constante.
Bien que le principe du cerf-volant fût depuis longtemps connu et même appliqué à la
pêche (on se servait déjà, en effet, de petits cerfs-volants de bois pour écarter les lignes du
bord dans la pêche à la traîne sous voiles), l'emploi de ce dispositif appelé et Otter-Trawl» (i)fut
tout d'abord, comme en général tous les perfectionnements, ridiculisé et critiqué. Mais, les
(x) Le petit cerf-volant (le bois emplové pour la pèche à la ligne était, connu sous le nom Je «Otler» (Anglais,
ttOlers (^Norvégien), «Ouderr, (Danois) (-Loutre!) en français, à cause des helles pèches qu'il permettait de réaliser. On
donna le nom d'o((er Iratvl au chalut portant latéralement deux cerfs-volants ou otter.

— -29 —
critiques cessèrent rapidement et Wiotler Irawln d'abord seulement employé par les bateaux
de plaisance pratiquant la pèche en amateurs et n'ayant pas les moyens de loger ou de manœuvrer
la lourde perche du chalut à bâton, fut bientôt adopté et de plus en plus employé par les
pêcheurs professionnels sans que l'on puisse établir exactement à quelle époque et préciser
à qui revient le mérite de son invention attribuée selon les uns à un Irlandais nommé
MUSGIUVE qui l'aurait expérimenté entre 1 80 o et 1870, selon les autres à un électricien anglais
M. HEARDER, tandis que les Danois revendiquent avoir employé bien avant un. cerf-volant de
même modèle pour remorquer leurs seines («drag-seine» ou «snurrcvaad») lorsque les vents
étaient convenables.
^ ^rCïr^ Ut *J„s
^_> ZBaarre/p/
l''ij;'. i;!. In ili'S |>ri'inii'i's IIIIIIIMI'N di' |>aimrau ttOllcr ImarcJ'v
Quoiqu'il en soit, ce n'est que vers 189/1- que l'emploi de l'«otter trawl» ou «chalut à
plateaux» progressa réellement parmi les pêcheurs professionnels anglais. D'importantes
modifications, maintenant protégées par des brevets, y avaient été apportées depuis ses premiers
essais passés inaperçus et ce nouvel «otter trawl», résultat d'une longue série d'expériences
heureuses et malheureuses, allait transformer complètement la pêche en remplaçant
petit à petit le chalut à perche, son aîné.
Les premiers essais du chalut à plateaux ou «otter-trawl» en France remontent à 18g5 et,
comme en Angleterre, ses qualités «péchantes», sa manœuvre facile firent que son emploi
se généralisa rapidement sur les chalutiers à vapeur qui utilisent encore actuellement un
chalut à plateaux peu diflerent — sauf quelques modifications de détail — de l'engin importé
d'Angleterre à la fin du siècle dernier.
Le chalul à plateaux ( 1 ).
Le chalut à plateaux ou à panneaux actuel (fig. 1 3) est constitué par un grand filet en
forme de poche, mesurant jusqu'à 5o mètres de profondeur, autant d'envergure, latéralement
prolongée par deux courtes ailes et dont les mailles se rétrécissent progressivement en allant
vers le fond. Son ouverture est assurée par deux panneaux rectangulaires en bois mesurant de
a mètres à 3 m. 5o de base et 1 m. o5 à 1 m. ko de hauteur, destinés à être tramés verticalement
sur le fond; ils sont munis à leur partie inférieure d'une puissante semelle de fer en

•- ."0 —
forme de ski. Ils sont pourvus sur l'une des faces, de barres d'attelage formées de deux triangles
en fer rond mobiles autour de leurs bases égales, mais de hauteurs différentes. (Fig 1 à-)
Le premier est placé au quart antérieur de la longueur du panneau, le second en son milieu.
l'i/j. i\i. Chalul a plateaux.
A. Planches ou plalrouv iV" x i'"/in
n. IloinTcld (chairir pn-nit île (ilcls i'l de lororis ri 1 " x o'"iô)
1). Llnbnn

— 31 —
et traîne sur le fond ; lorsque celui-ci est dur le bourrelet est muni de rouleaux en bois
d'orme ou et diabolos».
Le chalut à panneaux en action forme une vaste poche s'ouvrant par une bouche de3 o mètres
de largeur environ et de 2 m. 5o à 3 mètres de hauteur qui, traînée sur le fond, ramasse tout
ce qu'elle rencontre ; une nappe de filet à l'intérieur de la poche empêche le poisson de refluer
vers l'ouverture et de s'échapper.
l'ï{|. ïo. Schémas d\m chalulicr à vapeur moulraut IVOlUir TrawU en jxrlir.
La manœuvre de cet engin demande une installation spéciale à bord du chalutier. Les
remorques ou funes, en acier, sont enroulées sur un treuil à deux bobines, mû à la vapeur
ou électriquement. De chaque bord du bateau sont installées, à l'avant et à l'arrière, deux
femes, sortes de potences en fer à cheval, munies chacune d'une poulie suspendue à leur partie
supérieure et dans laquelle passent les funes dirigées à leur sortie du treuil par un système
de bittes à réat horizontal. (Fig. i5.)
Pour mettre le chalut à l'eau, le navire se place en travers au vent et stoppe. Puis, les planches
étant hissées à leur potence en dehors des pavois, on jette à l'eau le corps du chalut élongé le
long du bord, on mouille alors le panneau avant, puis, le panneau arrière tandis que le navire
dérive ; les panneaux s'écartent légèrement, la poche du chalut s'ouvre. On fde alors les ['unes
en donnant de la vitesse au chalutier. Quand le chalut a atteint le fond, on réunit les deux funes
à l'arrière du bateau au moyen du chien, et le chalutier traîne son fdet pendant quatre heures

Lie. ili. La leruic el le ])anneau de chalul."^
Le;. îrj. La cemonléc à liord de la puclie du clialul.
32
Kl;;. 17. Mise à l'eau du chalut \. I).
I'"i;r. îfi. Le chalut le loue; du honl.
PLANCHE 1.
Diverses opérations de la mise à l'eau et de la relève
ope
lu chalut.

--- .")."> —
environ. On le relève au bout de ce temps. On largue d'abord le chien et on vire au treuil,
à la même vitesse, les deux fîmes. Lorsque les deux panneaux sont le long du bord, on renlre
le plus possible de filet à la main, puis, lorsqu'il ne reste plus à la mer que la poche du chalut
avec le poisson qu'elle renferme, on la ralingue et on l'amène au-dessus du pont à l'aide d'un
palan. On défait alors l'amarrage qui ferme le filet et le poisson tombe dans un parc aménagé
sur le pont. Le chalut est alors réparé s'il y a lieu, puis remis à la mer pour une nouvelle durée
de quatre heures, et l'équipage procède au triage du poisson, à son lavage à l'eau de mer et
à la mise en cale. Les poissons de rebut ou de petite taille sont rejetés à la mer ou traités pour
la fabrication de farines sur les chalutiers pourvus de l'installation nécessaire.
Le chalut V. D.
De multiples transformations tendant à perfectionner, à faciliter sa manœuvre, à
augmenter son pouvoir de capture ont été apportées à «l'otter trawl» au cours de ces vingt
dernières années.
Les transformations les plus importantes résident dans la réalisation de l'engin connu actuellement
sous le nom de « Chalut V. D. » ou Chatul « Vigneron-Dahl» du nom. des inventeurs.
ri;.,. :>.(i. tr chidiil \. D.
D'une façon générale et sans vouloir ici entrer dans des détails techniques, la différence
principale entre le nouveau «Chalut Vigneron-Dahl» et l'«otter trawl» ordinaire, réside dans
l'introduction entre l'extrémité des ailes et les planches ou. panneaux, de longs câbles ou

— 34 —
«bras» de manille et d'acier de 45 à 90 mètres de long. Ainsi, les panneaux ne sont plus directement
fixés à la poche ou sur les ailes du filet, mais à une distance plus ou moins grande de
l'engin. (Fig. 20).
De plus, comme dans différents modèles de sennes : le «Tuck Seine», le «Drag seine»,
la Senne danoise ou «Snurrevaad», l'extrémité des ailes est fixée sur des barres rigides de bois
ou de fer appelées « Gutndineaux » ou « Gumdeaux » qui maintiennent un écartement constant
aux extrémités des ailes, généralement plus longues que dans la chalut ordinaire, entre le
«bourrelet», souvent alourdi à son centre, et la «corde de dos» qui est soulagée par des
boules de verre plus ou moins espacées, mais de plus en plus rapprochées à mesure que l'on
s'avance vers son centre et l'axe de l'engin.
Il apparaît que ce dispositif donne au chalut un champ d'action plus étendu puisque les
planches sont normalement écartées du filet pendant le remorquage et que les bras restant
probablement en contact avec le fond agissent alors de la même façon que les bras de la Senne
danoise, en effrayant le poisson et en le dirigeant vers l'ouverture du filet.
Différents autres avantages ont été reconnus à l'emploi de cet engin : poisson ramené dans
de meilleures conditions, augmentation des captures, particulièrement des poissons se tenant
au-dessus du fond, réduction de la consommation de charbon. Ces divers avantages ont fait
que le chalut Vigneron-Dahl a été rapidement adopté par de nombreux chalutiers français
et étrangers, particulièrement pour la pêche du Merlu, de la Dorade et des gros poissons aux
accores du plateau continental atlantique.
Le Troisième Plateau.
Une autre amélioration importante de l'otter trawl a été dans l'emploi d'un «troisième
plateau» pour agrandir pendant le trait le diamètre vertical de l'ouverture du chalut.
Ce troisième plateau est encore un panneau de bois léger, convenablement fixé au milieu
de la corde de dos, fonctionnant comme un cerf-volant mais sur un plan horizontal, c'est-àdire
que, pendant la traction de l'engin, il manifeste une tendance à s'élever entraînant avec
lui la corde de dos et agrandissant par suite l'ouverture de l'engin tout en le soulageant légèrement
au-dessus du fond.
Les premiers plateaux ajoutés sur la corde de dos du chalut furent de simples cerfs-volants
de bois munis de boules de verre fixés sur cette corde ; puis, les modèles se perfectionnèrent,
les modes d'attache se modifièrent, le nombre de plateaux augmenta sur la corde de dos,
l'emploi de «bras» écartant ces nouveaux cerfs-volants de l'engin fut tenté avec succès,
(Fig. 55, p. 63) tandis que le chalut lui-même se modifiait par un élargissement des ailes,
un allongement de la corde de dos de façon, à réaliser toujours une augmentation des diamètres
(vertical et transversal) de l'ouverture de cette énorme poche rapidement traînée sur le
fond de la mer, ce qui conduisit petit à petit, par transformations successives dues à l'initiative
de pêcheurs de tous pays, aux derniers modèles de chaluts à harengs ou à maquereaux
qui seront étudiés avec les autres modes de pêche de ces deux poissons.

ÛO
Les Chalutiers.
La pratique des arts traînants consistant à remorquer de façon régulière sur le fond de la
mer un engin généralement encombrant ou lourd, nécessita de tous temps l'emploi de bateaux
solides, bons marcheurs, capables de porter beaucoup de toile mais avec un gréement maniable,
car le bateau pouvait se trouver dans la nécessité de virer immédiatement quand l'engin
s'accrochait sur le fond. Il leur fallait, de plus, un fort tirant d'eau pour que, dans les régions
à fort courant, ils puissent, en se présentant en travers du courant, dériver suffisamment pour
entraîner avec la vitesse voulue l'engin sur le fond.
Les premiers «Dreigeurs», «Drégeurs» ou «Drogueursv (Fig- 1, page so) étaient déjà de forts
bateaux pontés de 2 5 à ko tonneaux avec de 10 à 2 0 hommes d'équipage ; les bateaux « Bœufs »
faisant à deux la pêche au « gangui » dite « du Bœuf;; : des barques de 8 à 10 tonneaux montées
par 5 ou 6 hommes (Fig. 5, page 22) ; les Tartanes, des bâtiments légers et pontés de même
tonnage, gréés de voiles latines (Fig. 6, page 2/1) ; les premiers chalutiers faisant le métier
de drague ou de chalut : des fortes chaloupes ou bisquines de 8 à 20 tonneaux (Fig. 7 et 8.
page 2.5). Tous ces bateaux étaient fins voiliers, bons marcheurs; ils se retrouvent encore
aujourd'hui, ayant pratiquement peu évolué à travers les âges, dans la flotille de pêche
française pratiquant le chalutage à voiles dans le voisinage des côtes dans les profondeurs
n'excédant pas i5o mètres.
L ES CHALUTIERS A VOILES I
Ces voiliers qui se livrent encore au chalutage ou
au dragage peuvent se ramener à quelques types bien
définis :
Ce sont d'abord les canots, petites embarcations
non pontées, pourvues d'un màt de misaine planté
presque sur l'étrave et dont la voile est gréée au
tiers. Ces embarcations travaillent à proximité des
côtes. Certaines d'entre elles portent deux voiles au
tiers. C'est ainsi que les chaloupes dites «Sinagols»,
utilisées par les pêcheurs de Séné, ont les deux
mâts du lougre; ce sont des embarcations de A à 6
tonneaux non pontées, montées par deux hommes
d'équipage. Les voiles qui, autrefois, étaient carrées
sont maintenant gréées aux mâts au quart environ
de leur longueur.
Les Lougres, très voisins, portent deux mâts, l'un
en avant presque sur l'étrave, l'autre, plus grand,
près du milieu du bateau et parfois incliné vers
l'arrière, les voiles sont gréées au tiers. A ces deux
mâts s'ajoute parfois, comme dans les Bisquines de
Cancale, un mât de tape-cul
(i) Par P. DKSUI'.USSES et J. I.E tiALL.
derrière la barre du gouvernail.
l'ij;. ai. C.lialuUPrs à voiles utilisant
le chalut à perche.

I'LViNC.UK II.
!'");;•. •}:>.. Bisqiiines île Cancalr
&ËI
l'"i{f. ai. (li'ilrp à l;i[)c-cul rl CI'JIIV.
Quelques types de Chalutiers à voiles.
I'm'. 3.5. lu Kck'h
l'i;;. s3. Ci'ili'O u Slooji

— 37
Un troisième type d'embarcation est le Caire ou Sloop, bâtiment ponté de 20 à 9,5 tonneaux
avec un mât implanté au tiers antérieur du bateau, une grande voile avec flèche, une trinquette
et un foc.
Le cotre à tape-cul possède en plus de son grand mât un mât plus petit, situé en arrière de la
barre et muni d'une voile au tiers appelée et tape-cul;;.
Enfin, les Dundees ou Ketchs, navires pontés d'un
tonnage moyen de 35 h ào tonneaux, ont un gréement
de «Ketch-Dandy» avec tape-cul sur l'avant du
gouvernail portant une voile cl'étai et une flèche.
Tous ces chalutiers emploient le chalut à perche
ou à pierres: en Méditerranée, quelques balancelles
et tartanes emploient aussi le chalut-bœuf.
Les sorties de ces chalutiers à voiles sont plus ou
moins longues suivant la taille du bateau pratiquant
cette pêche. Les petits chalutiers travaillant à proximité
de terre rentrent et sortent dans la même journée,
les bateaux de moyen tonnage restent en mer de
jours, tandis que les grands chalutiers à voiles.
2 a a
dont le nombre diminue rapidement d'année en année,
font des sorties de 8 à 1 0 jours, chaque trait de
chalut demandant de 12 heures (Croix) à 18-2 0
heures (Ile de Ré) et se faisant habituellement à la
vitesse du «pas d'un homme» (comme disent les
pêcheurs) soit environ deux nœuds et demi.
Les poissons capturés sont actuellement conservés
en glace dans la cale. Ce sont principalement des
*&.%&
l'if. ;!0. Clialulier à voiles. La poteuce
arrière , la perche avec son. palin.
poissons plats : Raies, Soles, Carrelets, Cardines ou des poissons ronds : Tacaucls, Merlans,
Merluchons, quelques Esturgeons près de l'embouchure des fleuves ; des Crustacés : Crabes,
Araignées de mer, Langoustines et des Mollusques : Seiches et Coquilles Saint-Jacques.
La motorisation des chalutiers à voiles.
Dès la fin du siècle dernier, les grands chalutiers et, en particulier, les dundees ou ketchs
de Boulogne avaient déjà adopté des haleurs à vapeur pour la relève de leur lourd chalut
à bâton; d'autre part, quelques bateaux avaient fait l'essai d'une machine à vapeur de secours
capable de leur imprimer une vitesse de 5 à 6 nœuds et leur permettant de se déplacer ou
de travailler en l'absence du vent. Mais, cet armement mixte, à voiles et â hélice, ne donna
pas les résultats voulus et l'application de la vapeur à bord de ces grands chalutiers à voiles
fut rapidement abandonnée devant la concurrence que leur firent, dès leur apparition en
France, les nouveaux chalutiers à vapeur.
L'application du moteur à explosion à la propulsion des navires et en particulier à la pêche

l'"ijj. 37. Tvpe île clialulier à voile motorisé.
PLANGHK III.
Quelques types de chalutiers à moteur
utilisant le chalut à plateaux.
- 38 —
Fig. 28. Pinasse do 20 tonneaux à moteur de l\ G. \.
ulilisant le chalut à plateaux.
lM(f. si). Ghalutiei' de /i(i tonneau Y avec moteur 9.") C. V.
utilisant le clialut à plateaux.

— 39 —
amena, dès 1910, une transformationjcomplete des chalutiers à voiles et en quelques années
la motorisation de ces bateaux de pèche fit d'énormes progrès.
La concurrence des divers fabricants de moteurs à explosion jouant là comme ailleurs son
rôle puissant et stimulant, les anciens chalutiers à voiles abandonnèrent peu à peu ce moyen
de propulsion ne le conservant que comme secours ou comme aide quand toutefois le vent veut
bien se montrer favorable.
Aujourd'hui, plus de 90 p. 100, si ce n'est la presque totalité des chalutiers à voiles ont
leur moteur auxiliaire; soit des moteurs à essence, les premiers adoptés par le fait que ce
système avait déjà fait ses preuves dans l'automobile, soit des moteurs à huile lourde, plus
récents, simples de construction, de conduite et d'entretien faciles et utilisant un combustible
ininflammable présentant, par suite, toute sécurité.
La puissance de ces moteurs varie suivant le tonnage des bateaux : de 10 à 100 chevaux.
Les types employés sont très divers et, actuellement, le développement du moteur marin a
pris une importance telle dans nos ports de pêche que les armateurs et les pêcheurs eux-mêmes
n'ignorent plus les particularités, les avantages et les inconvénients de telle ou telle classe
ou marque de moteurs et savent choisir le type qui convient le mieux pour le tonnage de leur
bateau et le genre de pèche qu'ils pratiquent.
Depuis que les chalutiers à voiles se sont motorisés, le chalut à perche comme le chalut à
pierres ont une tendance à disparaître de plus en plus et sont remplacés par des petits chaluts
à plateaux dont la puissance de capture est nettement plus grande. (Fig. 2G.)
C'est ainsi, par exemple, que les dundees et cotres à tape-cul de 20 à 60 tonneaux, montés
par 5 à 7 hommes, munis d'un moteur à huile lourde de 90 à 96 chevaux, portent maintenant
deux potences disposées d'un seul bord, qui leur permettent de mettre à l'eau un chalut à
panneaux de 18 à 22 mètres de corde de dos, de 27 à 99 mètres de bourrelet, muni de plateaux
de 1 m. 10 à 1 m. 60 de long sur o m. 60 à 0 m. 8 5 de haut, fixés à l'aide de bras de
45 à 5o mètres de long aux ailes du chalut. (Planche 111).
(les bateaux font des sorties de 2 à h jours et travaillent près de la côte, en vue des feux par
'10 à 120 mètres de fond. Les traits de chalut sont généralement de k heures, la pêche se
faisant de jour et de nuit.
Les principales espèces recherchées par ces chalutiers sont, le Merlan, le Rouget-Barbet et
la Langoustine auxquelles il faut ajouter les poissons plats: Soles, Limandes Soles, Cardines;
les Piaies, et quelques autres poissons ronds : Tacauds, Merluchons, etc.
Ln modèle de chalut à panneaux encore plus petit, ayant i3 mètres de corde de dos pour
17 m. 5o de bourrelet est également employé par les bateaux à moteur de faible puissance.
LE CHALUTIER À VAPEUR (1).
Bien que l'utilisation de la vapeur qui a révolutionné l'industrie des pêches ne soit pas chose
très ancienne, son origine est déjà obscure.
Français et Anglais se disputent le mérite de l'invention.
11 ) Par J. LE (IAI.JL.

— 40 —
Un M. AUVAIID, de Grimsby, rapporte que son père fit construire à Londres, en 1 856, le
vapeur en bois «Albatross», destiné à la pêche aux cordes, mais qui possédait aussi un chalut.
La carrière de ce navire dut être éphémère et les Anglais en avaient perdu le souvenir quand les
harenguiers d'Aberdeen, vers 1871, commencèrent à utiliser des vapeurs pour remorquer
leurs dériveurs et les rapports officiels du temps s'expriment ainsi : « En attendant Vépoque,
l''ijf 3o. Lu des premiers types de chalutier à vapeur employant encore le chalut à perche.
sans doute prochaine, où l'on appliquera la vapeur aux bateaux dépêche, on ne saurait trop encourager
Vemploi des remorqueurs à vapeur par la jlotte. »
En 1873, MM. HEWITT et C°, les grands armateurs de Grimsby, arment quatre chasseurs à
rapeur pour rapporter des lieux de pêche la capture de leurs voiliers, et l'on se demande avec
anxiété si ces vapeurs ne pourront pas pêcher eux-mêmes à leurs moments perdus. HOLDSAYORTH
qui rapporte le fait, ajoute que des essais en ce sens furent faits à la même époque à Yarmouth
(,87A).
Or, bien avant, cette date, la France possédait des chalutiers à vapeur. Les premiers essais
furent effectués dans le Golfe de Gascogne, en 1836, par le bateau à vapeur le «Turbotd'Arcachon,
deux ans après, le 10 janvier i 838, un nouveau chalutier le « Testerain» quittait
l'appontement où se trouve actuellement la SOCIÉTÉ .NOUVELLE D'ARCACHON. En 186/1., M. JOH.VSroNE
d'Arcachon faisait construire à Bordeaux un vapeur chalutier en bois qui lui donnait quelques
résultats, mais qui se trouva trop petit pour le dur métier de l'Océan. En 1866, cet
armateur créait la SOCIÉTÉ DES PÊCHERIES DE L'OCÉAN et commandait à Girvan les deux chalutiers
K Cormoranv et «Héron-», bientôt suivis du «Pélican» et de «l'Albatros».
En 1870, les Boulonnais adoptent sur leurs voiliers le cabestan à vapeur dont le succès
ne s'est jamais démenti; en 187a, ils lancent le vapeur «Stuart» pour la pêche aux filets
dérivant, solution imparfaite et prématurée d'un problème plus difficile que le chalutage à
vapeur et qui ne devait être résolu que dix ans après celui-ci. Un second vapeur dériveur

— ' I l —
boulonnais, «YEurvin» lancé en 1879, ne fut pas plus heureux. Mais, la même année, les
marins du Portel créent le premier cordier à vapeur, «l'Arc-en-Ciel», dont le succès devait
susciter tant d'imitateurs.
Les Anglais n'ont toujours pas de pêche à vapeur. Mais, dès ce moment, ils vont nous rattraper
et nous dépasser à pas de géant : en 1882 la et GRIMSBY AND 'NORTH SEA TRAWLING G 0 »
fait construire ses premiers chalutiers à vapeur, le «Zodiac» et Y «Aries», bientôt suivis du
te Cancer», du « Taurus», du « Gemini» et de tous les autres signes du Zodiaque : c'est le germe
de la fortune de Grimsby qui va prendre la tête de la pêche mondiale.
De notre côté, on fait quelques essais de chalutage à vapeur à Trouville, au Croisic, à Agde ;
mais, en somme, les chalutiers d'Arcachon et les cordiers du Portel constituent presque seuls
notre Hotte à vapeur jusqu'au jour où, en 189A, les Boulonnais font construire la « Ville-de-
Boulogne» et la «Liane», puis une longue série d'autres vapeurs.
Quelques améliorations techniques, presque toutes anglaises, rendent l'heure lavorable :
ue sont la substitution du câble d'acier au câble de chanvre, celle du treuil au cabestan, celle
surtout du chalut à panneaux ou «otter-trawl» au chalut à vergue ou cbeam-trawb;.
Dès lors, le chalutage à vapeur se développe malgré la routine, malgré les campagnes menées
contre ce nouveau venu que l'on accuse déjà de détruire les fonds de pêche. 11 va prendre
en France, comme ailleurs, un essor formidable et, se perfectionnant sans cesse comme l'engin
qu'il emploie : le chalut, le chalutier deviendra un navire de haute mer et de navigation
lointaine en même temps qu'une véritable usine à production intensive.
Le chalutier à vapeur moderne.
Les chalutiers à vapeur actuels sont des navires en acier, mesurant âo à 5o mètres de
long, 7 mètres de large et jusqu'à à m. /JO de creux. Leur jauge brute varie entre 200 et
45o tonneaux; la puissance des machines entre 3oo et 760 chevaux, et la vitesse entre
9 nœuds et demi et 1 1 nœuds, avec une consommation qui peut dépasser 1 0 tonnes de charbon
par jour. Leur prix varie de i5o.ooo à 1.260.000 francs.
Kifj. .'il. lin clialiitit'r à \aj)Oin' : VAuf. (Tvpc de consl nirlmn a\;ml i () i h. )
A la carène du bateau, on ne demande qu'une excellente tenue à la mer par tous les temps
et une vitesse convenable; les autres qualités sont secondaires, bien qu'on ait évidemment le
OFFICE DKS PJKCHES ÏI.UUTIMES. MKM. N" 10. -^

— 42 —
désir d'avoir de grandes soutes et de grandes cales; mais le chalutier reste toujours relativement
fin et de jauge réduite en comparaison d'un cargo de mêmes caractéristiques.
L'avant et l'arrière, qui n'ont aucun rôle dans la pêche, sont disposés pour donner la meilleure
défense à la mer, pour permettre de résister à toute tempête et cle travailler même par gros temps.
Généralement, l'avant est surélevé d'un petit gaillard ou «teugue» qui le protège et améliore
les conditions du poste d'équipage. Sur cette teugue, on ne trouve que les apparaux de mouillage.
En arrière, et jusqu'au dôme de la machine, Je pont reste libre pour les manœuvres de
pêche et ne présente que les écoutillcs de la cale et le treuil. Comme gréement, deux mâts
à pible robustes, qui sont surtout des mâts de charge, mais peuvent porter aussi une voilure
réduite pour appuyer le navire contre la houle.
Près de la moitié du bateau est occupé par la machinerie et les soutes, qui vont du maîtrecouple
jusqu'à la voûte arrière. Au-delà, on ne trouve plus que le logement du personnel de
la machine.
Le moteur est une machine verticale à pilon, triple expansion, avec condenseur par surface.
l"'i£;\ 02. Lu cLullLi 11eM- à vu|)eui' (le |M'C])0 liauluncn 1 . (T\J>u AK'i'sey.)
Sur les grands bateaux existe un changement de marche par vapeur. Le générateur est une
chaudière cylindrique à gros tubes et retour de flammes timbrée à 12 ou iâ kilogrammes.
Les types les plus anciens n'avaient que des soutes latérales, et la chaufferie se trouvait
tournée vers l'arrière, ce qui économisait un peu de place et permettait au mécanicien et au
chauffeur de s'entr'aider. Aujourd'hui, aux soutes latérales s'ajoute toujours une grande soute
transversale placée à l'avant de la chaudière et la chaufferie est nécessairement tournée de ce
côté.
La provision d'eau se trouve dans un water-ballast sous les cales de pèche. Comme appareils
accessoires, en dehors des pompes du condenseur, il y a toujours au moins un petit cheval
aux aspirations et refoulements multiples, des éjecteurs ou siphons de cale, des injecteurs,

puis, le plus souvent, une ciynamo pour 1 éclairage clu nord et la télégraphie sans lu, un uetendeur
pour le chauffage des postes par radiateurs à basse pression; enfin, certains chalutiers à
vapeur possèdent maintenant une installation frigorifique.
Le vaste dôme qui recouvre machine et chaudière porte à l'avant : la passerelle de commandement,
avec un spacieux balcon, une chambre de barre et une chambre de veille. Sur le roof
de ces chambres, le compas étalon est admirablement placé, à l'abri des perturbations et
commandant tout l'horizon. Enfin, sous la chambre de barre, à portée des timoniers, mais au
niveau du pont, la cabine du patron et du second.
De ce point jusqu'au poste d'équipage tout le navire appartient à la pêche. La cale est divisée
par: des cloisons et des étagères démontables, et on y rangera le poisson alternativement avec
des lits de glace concassée, le compartiment antérieur, contenant jusqu'à 60 tonnes de cette
dace.
l'ij;. 3.'!. La clialulici' ù vapeur laisaut la Grande l'èrlic à Terro-Ncnvc.
La manœuvre du chalut est assurée par un treuil à vapeur à double bobine sur lequel
s'enroulent les cables d'acier ou «funes» destinés à remorquer le chalut. Ces câbles sont plus
ou moins longs suivant le tonnage du bateau. Sur les chalutiers de haute mer, travaillant habituellement
aux accores du plateau continental, ils atteignent parfois de 1.000 à îioo mètres
de longueur. Leur guidage pendant la manœuvre est assuré par de robustes poupées ; la dernière
étant une énorme poulie d'acier suspendue aux arceaux ou potences disposés par paires
de chaque côté du bord : une à l'abri du gaillard d'avant, l'autre vers l'arrière. Ces potences,
qui se penchent au-dessus des pavois de chaque bord servent de portemanteau pour la mise
à l'eau des panneaux de chalut.

— !ilx • -
LA MODERNISATION DU CHALUTIER.
LES TENDANCES ACTUELLES (l).
IJO chalutier à vapeur moderne est un outil coûteux et les derniers construits valent plus
d'un million de francs, somme qu'il faut amortir assez vite. Leur armement n'est pas moins
onéreux et, pour ces bateaux, il ne peut être question de chômage, ni même de morte saison.
Il faut à tout prix trouver beaucoup de poisson et le vendre convenablement, ce qui fait, qu'à
chaque saison, le chalutier doit varier ses lieux de pêche et aller chercher le poisson là où il
est abondant, parfois très loin.
C'est pourquoi on les a vu augmenter progressivement leur rayon d'action, aller de plus
en plus loin; aux accores du plateau continental, sur les côtes d'Espagne et du Portugal,
sur celles de Mauritanie; puis, aux accores de la Mer Norvégienne, sur la côte Mourmane, en
Islande, à Terre-Neuve et jusqu'au Groenland chercher le poisson qui se fait de plus en plus
rare dans le voisinage des côtes.
Les chalutiers, ainsi obligés à des voyages de plus en plus lointains, ont dû se perfectionner
rapidement, élever leur jauge, augmenter leur puissance, développer la puissance de leur
machine et de leurs apparaux mécaniques et cette complexité de l'outillage a nécessité l'emploi
d'un personnel de plus en plus nombreux et plus instruit.
Les grands chalutiers à vapeur actuels sont dotés des derniers perfectionnements de la
science nautique : postes radiotélégraphiques puissants, goniomètres, appareils de sondage
par écho ou ultra sons (systèmes MARTI, LANGEVIN-FIOIUSSON et LANGEVIN-CUILOWSKI). Ils ont une
vitesse de route élevée pouvant atteindre de 1 i à 12 nœuds et les procédés de. conservation
du poisson à bord ont fait de réels progrès surtout depuis ces dernières années. Plusieurs
d'entre eux. possèdent, en outre des appareils pour Je traitement à bord des déchets, des poissons
de rebut et des foies.
Ce chalutier à grand rayon d'action est devenu une véritable usine flottante ; mais le fonctionnement,
l'entretien de cette usine est aussi devenu de plus en plus onéreux et c'est pourquoi
depuis quelques années le problème s'est posé impérieusement de rechercher les moyens
de réduire les frais d'exploitation de cette usine flottante. La solution qui, actuellement,
parait être la meilleure et qui, pour le moment, semble devoir donner les meilleurs résultats
s'est trouvée dans l'application du moteur à explosion à huiles lourdes aux chalutiers de moyen
et de fort tonnage.
Les chalutiers à moteur.
Le moteur à essence est, comme nous l'avons vu à propos de la motorisation des chalutiers
à voiles, le premier qui ait été utilisé dans cette application des moteurs à explosion à la pêche.

— m —
Il convient aux faibles puissances, sur des embarcations non pontées ou semi-pontées n'effectuant
que de brèves sorties ou encore ne pratiquant que des pêches saisonnières. Toutefois,
en dépit de ses qualités éminentes de légèreté et de facilité de conduite, le moteur à essence
a contre lui le danger d'incendie et la cherté du combustible et il a dû céder la place, même
dans la catégorie des petits chalutiers où il offrait le jnaximum d'avantages, au moteur à huile
lourde : semi Diesel à deux temps à paroi chaude, au semi Diesel à quatre temps et, depuis la
guerre, au Diesel à deux et quatre temps.
Cependant, le moteur Diesel ne s'est guère répandu de suite dans la pêche hautuvière
à cause des avantages que présentait la machine à vapeur pour ses qualités incontestables
de souplesse, de fonctionnement et de facilité de manœuvre, aussi bien qu'en
raison de la modicité de ses frais d'entretien et de réparations et des avantages non moins
importants qu'elle présentait pour la conduite, du treuil du chalut qui requiert une sécurité
et une robustesse absolues.
Kii|. -î/i. Lr Mairrdti. CluiJulUM' ;r nioU'iii' |>oui' la ^'raiide [MVIIO.
Mais le moteur Diesel, en supprimant la chaudière, laissait un espace disponible
sensiblement supérieur, et surtout, grâce à la réduction considérable du poids du combustible
consommé à égalité de puissance, il assurait un rayon d'action nettement supérieur à celui
d'un chalutier à vapeur d'importance analogue. Ces avantages n'étaient pas sans valeur pour
les chalutiers de grande pêche faisant des campagnes lointaines sur les pêcheries d'Islande,
de Terre-Neuve, au Groenland ou au Spitzberg; car, tandis que le chalutier à vapeur au cours
d'une campagne à Terre-Neuve se trouvait contraint de se ravitailler en charbon à un prix
relativement élevé, son concurrent à moteur pouvait embarquer, à poids égal, une quantité de
combustible liquide suffisante pour à toute la campagne aller et retour et même au delà.
OKFICt ni-;S l'Kf.llES UllirnilKS. - .111(11. N° 10. 3 à

— 46 —
Dès l'année 1928, la «SOCIÉTÉ NOUVELLE DE PÊCHERIES À VAPEUR» d'Areachon mit en service le
chalutier « Victoria» destiné à la grande pêche dont les caractéristiques étaient les suivantes :
Longueur hors tout : 63 m. 60;
Longueur entre perpendiculaires : 5 g m. 43;
Largeur : 10 mètres ;
Creux : 5 m. 67 ;
Tirant d'eau : 5 m. ad ;
Capacité des cales à poissons : 920 mètres cubes;
Capacité des soutes à combustibles : 33o tonnes;
Port en lourd : 1.075 tonnes;
Rayon d'action : environ 25.000 marins;
Vitesse de route : 11 nœuds 2 5.
Le moteur principal de ce bateau était constitué par un moteur Diesel «BURMEISTER et WAIN»
à quatre temps, simple effet, six cylindres à pistons fourreaux, développant en service continu
une force de 1.000 I. H. P. à environ i5o tours.
Le moteur actionnait directement les pompes à eau réfrigérante et à huile de graissage, celle
de transfert du combustible, les pompes de cales et son compresseur d'air.
Mais les auxiliaires de pont : le guindeau, le treuil et le servo-moteur restaient encore à
vapeur, fournie par une chaudière chauffée autant que possible par les gaz d'échappement du
moteur alin de réduire la consommation de mazout.
La difficulté consistant à assurer une manœuvre simple et pratique du treuil de pêche sans
employer la vapeur n'était donc pas résolue dans ce premier chalutier à moteur qui, dès sa
première campagne de pêche, donna les meilleurs résultats.
Deux nouvelles solutions s'offrirent, plus tard, pour la résoudre : la première consistant à
utiliser à cet effet le moteur de propulsion lui-même, en interposant entre le moteur et le treuil
un système approprié de dispositifs élastiques : courroies, embrayages à frottement, changement
de vitesse ; la seconde envisageant l'appareillage, entièrement électrique du treuil comme
celui de tous les auxiliaires.
Cette dernière fut réalisée, dès 1 93 1, sur les chalutiers « Sainl-Martin-Legasse » de la Société
LA MORUE FRANÇAISE et «L'Heureux» de la SOCIÉTÉ DES PÊCHERIES INDUSTRIELLES de Saint-Malo.
L'installation électrique du treuil comportait dans le «Sainl-Marlin-Legasse» : deux génératrices
de 7.5 kilowatts actionnées par deux moteurs ATLAS de 1 1 0 chevaux à deux cylindres,
actionnant un moteur de 70 chevaux tournant 3220 volts et 260 ampères faisant tourner le
treuil de façon à lui permettre d'enrouler £0 mètres de câble à la minute en exerçant un
effort de traction de A tonnes et demie.
De plus, la conduite électrique était encore appliquée à l'appareil à gouverner ainsi qu'aux
diverses pompes d'épuisement d'incendie, à eau douce et à pétrole.
Cependant, cette question essentielle pour la pêche : la conduite du treuil du chalut, ne
paraît pas encore, dans l'esprit de tous, pleinement résolue, et les vues les plus diverses ont
toujours cours parmi les armateurs français. Pour les uns, le moteur Diesel est à proscrire sans
appel et, pour des raisons de main-d'œuvre, la machine à vapeur doit être seule adoptée en
l'affranchissant encore de tous les perfectionnements qui en compliquent la conduite.

moteur Diesel avec appareillage entièrement électrique. Ils semblent devoir l'emporter, car
le nombre de chalutiers à moteurs pratiquant la grande pêche a régulièrement augmenté
au cours de ces dernières années, en même temps que cette solution nouvelle et économique
rencontrait également des adeptes parmi les armateurs de bateaux pratiquant le clialutage
sur le plateau et aux accores du plateau continental, ce qui provoqua la mise en service, dès
1982, de nouveaux chalutiers de 20 à ào mètres de longueur, à moteurs Diesel de 200
à 600 chevaux, au treuil actionné soit électriquement, soit par le moteur principal à l'aide d'un
dispositif à intensité constante. L'exploitation économique de ces nouveaux chalutiers s'est
montrée très avantageuse.
Le chalutier frigorifique.
Dès que l'appauvrissement des fonds de pêche littoraux obligea les chalutiers à augmenter
leur rayon d'action pour aller chercher de plus en plus loin un poisson de plus en plus rare,
le problème de la conservation du poisson qui, jusque là, ne s'était pratiquement pas posé
pour la pêche hauturière devint d'une nécessité capitale.
Jusqu'alors, on s'était contenté de conserver le poisson dans de la glace naturelle ou artificielle
embarquée en quantité suffisante au moment du départ. Or, la durée de conservation
que peut assurer ce procédé ne dépasse guère dix-huit jours ce qui correspondait alors à la
durée maximum des sorties des chalutiers. Mais, le rayon d'action de ces bateaux augmentant,
il devint nécessaire de rechercher et d'adopter un procédé nouveau pour le substituer à l'emploi
de la glace naturelle chaque fois que le poisson n'étant pas salé à bord il devenait nécessaire
de le ramener à terre à l'état frais.
L'usage des procédés frigorifiques ordinaires se révéla inadmissible à l'expérience. La chair
du poisson se détériore par une congélation trop lente, d'autre part une déshydratation inévitable
du poisson congelé se produisait dans les cales et le poisson livré en mauvais état ne se
conservait pas.
Mais, la congélation rapide et à cœur du poisson dès qu'il est sorti de l'eau (c'est-à-dire
encore vivant) obtenue par le contact direct du poisson avec une saumure froide à - 1 5, - 20 0 ,
suivie d'un enrobage immédiat dans une couche de glace donna de bons résultats, et plusieurs
procédés, basés tous sur le même principe (1) furent expérimentés et adaptés sur plusieurs
grands chalutiers de grande pêche qui, actuellement, peuvent ramener des pêcheries les plus
lointaines du poisson congelé vivant et entreposé en chambres froides à - 18 0 .
Le chalutier usine.
L'exploitation actuelle d'un chalutier de grande pêche est extrêmement onéreuse. L'application
du moteur à explosion a bien permis de réduire sérieusement les dépenses de combustibles,
mais l'armateur ne voit plus d'autres moyens de réduire ses énormes frais d'exploitation.
Le poisson péché est sa seule recette ; aussi doit-il retirer de ce poisson qui, à terre, constitue
la matière première de multiples industries, tout ce qui peut être utilisé. Pour lui, il ne
doit plus avoir de déchets, plus de faux poisson. Comme il ne peut songer à les ramener à
terre, c'est sur les lieux mêmes de pêche que leur traitement devra se faire.
(1) La congélation du poisson fera l'objet d'un chapitre spécial.
3 A.

— 48 —
Dans le chalutier moderne tout ce qui ne pourra être conservé par le sel ou par le froid
pour l'alimentation humaine, sera mécaniquement traité : les faux poissons pour la fabrication
de farines pour l'alimentation du bétail ou d'engrais pour l'agriculture, les foies et les déchets
pour la fabrication d'huiles et d'engrais.
Ki. .'15. Les plans du Mm-rellu.
Le chalutier moderne de grande pèche avec son nombreux personnel spécialisé est devenu
ainsi une véritable usine où le poisson, matière première, est traité de façon rationnelle et
intégrale. Tel est par exemple le « Marcelin », un des derniers nés de la flotte française de grande

— 49 —
pêche. Ce chalutier de 2.3Ao tonnes, mis en service en ig3A, mesure 70 mètres de long.
10 m. 5o de large, 6 mètres de creux. L'appareil de propulsion est un moteur de 1.000 chevaux
à 16 0 tours ; tous les auxiliaires sont électriques y compris le treuil de chalut. Il est équipé
d'une installation frigorifique complète permettant la congélation à cœur de 100 tonnes de
poisson qui seront conservées en chambre froide à - 18° à côté de 85o tonnes de poissons salés
par les spécialistes du bord et conservés dans une cale voisine. Enfin, des appareils spéciaux
permettent de traiter les déchets et les faux poissons pour la préparation de farines ou d'engrais
et les foies pour la fabrication d'huile de foie de morue qui sera stockée dans des réservoirs
cle 35 mètres cubes.
Le «Marcella» est le prototype du chalutier moderne d'une exploitation aussi économique
et d'un rendement aussi perfectionné que possible. Il a été pendant toute une année le plus
grand chalutier du monde ; mais, il n'a pu garder longtemps sa suprématie, car le chalutier
;• Jutland» destiné aussi à la grande pèche pour le compte de l'Armement I. HURET et qui va
être mis en service dans le courant de 193/1, l'emportera maintenant avec ses 76 mètres de
longueur, 11 mètres de largeur et 6 mètres de creux.
La flotte française de pêche au chalut n'occupe peut-être pas, par le nombre et le tonnage
de ses bateaux, une place privilégiée, parmi les nations maritimes européennes; mais, au point
de vue du perfectionnement de ses navires et de ses engins de pêche elle a su tenir un rang
très honorable se trouvant toujours en tête du progrès.
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189/1-193/1 : deux dates; la première, celle de la réalisation pratique des premiers chalutiers
à vapeur et du chalut à panneaux; la seconde, celle de la mise en service du plus grand
chalutier du monde, le «Jutland».

Nombre,
356
543
50
Entre ces deux dates : quarante ans. Une génération de marins aura vu sous ses yeux une
transformation complète de l'industrie de la pêche marine ; la vapeur, l'électricité auront
permis au génie humain de faire, en moins d'un demi siècle, un bond énorme dans la voie
du progrès que, seul jusque là, il avait été obligé de suivre pas à pas.
LA FLOTTE FRANÇAISE DU CHALUTIER.
(Ytiilicra. \ Ujifurs et )l

- 51
CHAPITRE II.
LA PECHE AUX FILETS DÉRIVANTS

— 52 —
Les premiers documents que l'on trouve sur la pêche du Hareng en France remontent à
9 3 2, époque à laquelle les salines de Capécure, près de Boulogne, fournissaient déjà les ateliers
de salaison du port.
La charte de fondation de l'abbaye Sainte-Catherine, près de Rouen, fondée en io3o,
établit encore qu'il y avait dans la vallée de Dieppe cinq salines et cinq «habitations» dont la
redevance annuelle était de cinq milliers de harengs. I ne seconde preuve, presque aussi
ancienne, de la pêche de ce poisson se trouve dans le titre que ROBERT, duc de Normandie.
accorda en 1088, pour permettre un jour de foire à l'Abbaye de la Sainte-Trinité de Fécamp
tant que durerait la pêche du Hareng.
Dans le siècle suivant, les débouchés de cette pêche ne se bornent plus à une simple consommation
faite sur les lieux. Le commerce du poisson, et notamment celui du hareng salé, commence
à prendre de l'extension.
Dès 1121, cette pêche paraît à Boulogne en pleine organisation : les bateaux y étaient armés
à la part et un règlement allouait aux patrons jusqu'à concurrence de la moitié d'une part
sur chacun des bateaux pendant la saison du Hareng et du Maquereau; mais, sous PHILIPPE-
AUGUSTE, Dieppe avec ses salines, Fécamp par sa pêche, Rouen par sa position sur la Seine,
faisaient alors la plus grande partie du commerce de ce poisson.
Un acte de 1170 fait également mention de la pêche du Hareng au Tréport, dans la concession
de droit accordée à l'Abbaye d'Eu, d'acheter tous les ans vingt mille harengs frais ou
salés exemptés de tous droits; un autre acte établit aussi que la pêche de ce poisson se faisait
aussi à Calais et sur toute la côte maritime du Calaisis.
Dans le courant du xu e siècle, plusieurs donations faites à des maisons religieuses portent
à croire que la pèche du Hareng se pratiquait aussi près des Iles Jersey et Guernesey, puisque
HENRI II relate dans les «privilèges de la ville de Pontorson», les droits à percevoir sur les
harengs frais ou salés qui passaient de là en Normandie.
On a aussi de fortes présomptions pour croire qu'elle se faisait également sur les côtes de
Bretagne, entre la Vilaine et la Loire, et différents actes, en particulier les Lois dites d'Oléroti.
établissent aussi qu'elle se pratiquait encore au Sud de la Loire.
Louis IX accorda une très grande protection au commerce des poissons de mer à la faveur
des Ordonnances de 1260, 12 54 et 12 58. La seconde surtout fut un des plus grands encouragements
que reçut la pêche du Hareng. Il y est fait mention pour la première fois de harengs
«frais», «en. secs», ou «salés»» 1 ).
;i)
Une erreur typographique qui s'est glissée dans le Fascicule Premier (lu Manuel des Péehes Maintîntes nous a laissé
écrire page -'"Si :
tfOr nous voyons — dit en 181 5 ÎNOKI. DE M MOBINIEUE ,— par une ordonnance rendue en i38o par PUILIIH'E I.K LONG,
c'est-à-dire plusieurs années avant la naissance de lîeukcls. . .
Il faut lire 1320 et non. 1380, PJUILUTK LK LOKG étant mort en J.322.
Il parait .bien d'après celle ordonnance où les harengs sont distingués en poissons saurs, blancs et Irais et par celle
plut récente de i35o , (pie l'on saunssait à cette époque Je hareng en France et. à Parts même.
Les Historiens ne sont pas d'accord sur ia date et Je lieu de naissance de W. BEUKEES. Selon les uns il est né en
18/17, se l°n les autres en 1387 ou 1397 ; les uns veulent que ce soit à BIERVUET, les autres à FNCHUSEN.
Quoi qu'il en soit, il ne peut être considéré comme l'inventeur du saurissage puisque les deu\ Ordonnances de
1820 et de i35o, éditées, l'une d'elle avaut sa naissance et l'autre quelques années après, si l'on accepte la dote de
13/17, ' oul - u( 'F l ' 01 l ' e Iwenjjs saurs préparés et vendus eu France.
M. G. VASSE, Président de la Chambre de Commerce de Fécamp, qui. nous a permis de relever celle erreur l\pographique
en nous la signalant aimablement, nous l'ait encore remarquer que, (lès le xnC siècle, d'après l'Abbé Cocu ET,

— 53 —
La pèche allait ainsi se développant sans cesse, en même temps que se répandait dans toutes
les classes de la société, la consommation du hareng salé comme '.{marchandise de carême ».
L'importation et le commerce du hareng devenaient un objet de commerce important. Les
villes du INord envoyaient à Dieppe et à Rouen le hareng salé de leur pêche, il était ensuite
exporté dans le Levant et les Dieppois lurent presque seuls pendant longtemps en possession
de ce commerce.
Ki);. 3N. l'n Hvrk on pèrbe (d'après rie JOTC, 0.. H. kniu:r, nml M. SAJ.IKI H

— 34 -
sur ceux dAarmoutli. En 1 ()^ç), cette ville comptait i 5o bateaux, mais Dieppe avait abandonné
les expéditions de pèche à la hauteur des Shetlands et ses bateaux n'essayèrent de les reprendre
que plus tard, en 1771, pour les abandonner d'ailleurs rapidement.
Boulogne, à ce moment, armait seulement de 3o à ào bateaux; mais, en 1789, reprenant
la suprématie de la pêche du Hareng en France, ce port armait de 120 a 1 3o bateaux, dont
h o à h 5 de 1 0 tonneaux; en 1 8o3, la pêche du Hareng qui occupait 63 bateaux lui rapportait
800.000 francs. En 1810, 200 bateaux étaient armés, et Dunkerque et Calais perdant à leur
tour de leur importance, la pêche du Hareng devint presque le monopole de Boulogne.
En 1821, il existait à Boulogne ià% bateaux de pêche, et, dès cette époque, nos pêcheurs
qui ne s'éloignaient plus guère des côtes de France, reprirent la pêche sur les côtes d'Ecosse.
En i 836, 160 bateaux de 3o tonneaux et au-dessous la pratiquaient; en 1869 il n'y en
avait plus que 107, mais ces bateaux jaugeaient en moyenne chacun 5o tonneaux.
A partir de cette, époque, la pêche du Hareng ne cessa de progresser donnant une intensité
sans cesse accrue aux deux grands ports harenguiers d

ùi>
l'"i;j. '•')(). T\pe de liaceneiiier do lîouJiiifrio >KeK de liaren/jiners à voile
et drifter moderne.

— 56 —
Les voiliers harenguiers.
Les voiliers harenguiers, comme les anciens lougres de 3o tonneaux environ qui, autrelois,
avec un équipage de 1 9 à 1 5 hommes, faisaient la pêche du Hareng dans la Mer du Nord, sont
entrés dans l'histoire.
Boulogne n'en arme plus depuis 1 99;) ; les chantiers de Boulogne et de Fécamp n'en construisent
plus et les derniers qui naviguent encore ne seront pas remplacés quand ils auront
terminé leur carrière.
Ces voiliers harenguiers étaient pourtant de fort beaux bateaux d'un tonnage moyen de
100 à 110 tonneaux (Pig. 39 et 4 0) ayant de 94 à 9 5 mètres de longueur de quille, 7 mètres
de largeur au maître bau et 3 m. 60 de creux. Ils pouvaient porter jusqu'à 200 tonneaux
en lourd et arrimer sur leur pont de 700 à 1.000 barils de harengs.
Tous ces bâtiments gréés en « Kelch-dandy » ou «Dundee» étaient d'excellents bateaux à la mer
de bonne tenue et bons marcheurs. Leur grand mât était à rabattement pour donner pendant
la pêche moins de prise au vent et, par suite, diminuer la dérive et le hâle. Leur mât d'arlimon
ou «malet» était fortement incliné sur l'avant : le poids du gréément tirant sur l'arrière et le
centre de cette voilure devant être nécessairement reporté sur l'avant par les constructeurs.
De l'avant à l'arrière on trouvait le poste d'équipage, puis les cales à poissons et à lilets
appelées «missels» et recouvertes de panneaux et enfin le poste arrière ou «chambre».
Lne chaudière à vapeur faisait tourner le cabestan situé à bâbord et au pied du mât d'artimon.
Un moteur à pétrole remplaçait parfois cette chaudière à vapeur.
La voilure de ces Ketchs comprenait un foc, une trinquette, une grande voile avec hunier
et un tape-cul. Quelques harenguiers mis en service après 1909 furent gréés de moteurs
auxiliaires de 900 chevaux.
U ne semble pas que cette transformation, faite avec succès dans les autres pays de pèche
du hareng, fût bien accueillie par les pêcheurs français : les grands voiliers disparurent, les
dundees mixtes construits pour le compte de l'Etat eurent relativement peu de succès et connurent
une tout autre destination. Le harenguier à voiles, malgré son bas prix de construction :
(49 à 45.0 0 0 francs en 191 3, 3oo.ooo en 1929; Aoo.ooo francs pour un mixtr dont
1 00.000 francs pour le moteur), ses dépenses moindres d'exploitation, son équipage limité
à 26 hommes, dut céder le pas devant les driveurs à vapeur, susceptibles de faire un pins
grand nombre de voyages par campagne;par conséquent, d'un rendement meilleur pour 1 armement,
et où la tente et la relève des filets, c'est-à-dire la pêche proprement dite, étaient beaucoup
moins pénibles qu'abord des voiliers, ce qui leur assura rapidement un recrutement
facile parmi les équipages.
Le «.dnveur» ou « drifter» à vapeur.
Le premier drifter à vapeur : «La Ville-dé-Boulogne » fut mis en service, en 1894, par le
comptoir BOUCLET et C ,e de Boulogne sur-Mer.
Ce navire de 1 96 tonneaux de jauge brute, construit en fer, fut le premier vapeur d'Europe
aménagé pour faire toutes les pêches aussi bien celle du chalut que celle aux filets dérivants.

— 57
Ces essais lurent tellement concluants que les armateurs de Boulogne abandonnèrent rapidement
le voilier pour le dril'ter à vapeur. Fécamp suivit bientôt et, en 191 3, Boulogne avait
3Q drifters à vapeur et Fécamp 6.
Ces grands drifters «mixtes», c'est-à-dire pouvant aussi bien pratiquer le chalutage que la
pêche aux filets dérivants, sont bien représentatifs de l'armement actuel de Boulogne et
de Fécamp. (Fig. k3.)
Rouleau
pour Iembarquementdej fi/ctJ
l''i;;. h'i. Sclirma du ('.halulicr-lIarcn^tiLcr r Océanien.
Ils mesurent en général A3 m. 5o de long, 7 m. 1 5 de large, à m. 1 0 de creux. Une machine
de 5oo CV permet à ces grands bateaux, construits en acier, d'armer au chalut quand cette
pêche leur paraît intéressante : il suffit alors de les munjr de potences et d'un gaillard amovibles,
ce qui ne demande que peu de temps.
Pratiquement ces chalutiers-drifters arment au chalut en Février et Mars, font la pèche du
Maquereau aux filets dérivants de Mars à Juin, à moins qu'ils ne préfèrent — et c'est ce que
l'on constate de plus en plus — continuer la pêche du chalut jusqu'en Juin ou Juillet, moment
où ils arment pour la pêche du Hareng aux filets dérivants en Ecosse. Ils continuent ensuite
cette pêche jusqu'au mois de Janvier suivant.
Quelques drifters de plus faible tonnage (160 tonneaux environ) n'ont que des machines
Ol'TLCK. DKS PKI'.IIKS U.MUTIMKS, lljhl. N° 10. ''

— 58 —
de 3oo CV. Ils ne peuvent doue, étant donné la faiblesse de leur machine, armer au chalut.
Ils se confinent dans le métier dérivant et restent désarmés pendant un temps plus ou moins
long entre Ja saison de pêche du Maquereau en Atlantique et la saison du Hareng en Mer du
Nord ou en Manche.
Les drifters sont reconnaissantes aux grands écubiers qu'ils ont à l'avant et surtout à leurs
deux gouvernails.
L'adoption d'un gouvernail avant est encore due à M. BOUCLET qui eut l'idée de pourvoir son
bateau d'un gouvernail avant d'abord amovible, puis ensuite fixe et situé à l'étrave, de Jaçon
à pouvoir tendre les filets par l'avant en marchant en arrière lentement et à gouverner le
bateau culant sous l'action de la dérive ou du fait de la manœuvre.
Leur mât de misaine est encore à bascule comme sur les voiliers, disposé dans une e-mplanture
spéciale, particulièrement solide de telle sorte qu'il puisse prendre une inclinaison de
45° environ. Ce mât reste constamment amené pendant toute la saison de pêche aux filets;
aussi, les grands drifters qui sont tous inunis de T. S. F., ont-ils un matereau léger placé
devant la timonerie et destiné à soutenir l'antenne. (Fig. 43.)
Vers le milieu avant du pont sont disposés à bâbord et à tribord plusieurs bacs solidement
établis et compartimentés, dans lesquels sont entassés les harengs tombant des filets sortis
de l'eau, jusqu'au moment de leur mise en caisse ou en barils. En arrière du mât de misaine,
des chevalets mobiles à rouleaux sont utilisés pour la rentrée des filets; enfin, en avant de la
timonerie, sur le pont, un ou deux cabestans à vapeur servent à la rentrée des aussières.
Les cales ou compartiments du drifter sont, de l'avant à l'arrière : le poste avant, ayant
jusqu'à 9i couchettes, la soute aux quarts à poche : flotteurs destinés à soutenir le train de
pêche au-dessous de la surface de la mer, la cale à glace, la cale à poisson très vaste pour recevoir
le hareng glacé en caisses ; fausset où s'entassent les filets et que ferme un grand panneau,
la cale à barils destinée à l'arrimage des barils de sel ou de harengs salés, la cale à filins, la
soute à charbon d'une contenance de îoo à i5o tonnes, la chaufferie, la machine, le poste
arrière. La chambre du patron, la cuisine, la T. S. F. sont, en général, sur le pont sous la
timonerie.
Un certain nombre de drifters, ceux de Fécarnp principalement, sont de construction anglaise
ou hollandaise, mais la plupart d'entre eux sont de construction française et certains ateliers
français ont acquis une réelle réputation pour la construction et l'aménagement de ces bateaux.
La valeur moyenne Ai ces drifters est de 5oo à 600.000 francs: il faut compter jusqu'à
1 million de francs pour le chalutier mixte capable de faire à la fois le métier dérivant et celui
de chalut.
Ces prix très élevés ont ralenti la construction de ces bateaux, leurs frais d'armement sont
également très lourds, leur équipage nombreux montant à 3i hommes ne se recrute pas
toujours sans difficultés. De plus, la concurrence que fait, depuis quelques années,le chalutage
du Hareng et du Maquereau à cette pêche aux filets dérivants paraît avoir sonné le glas d'une
industrie ancestrale qui devra se transformer encore si elle ne veut pas être appelée à disparaître
devant le chalutier exploité à moindres Irais et d'un rendement plus rémunérateur.

— 59 -
Epoques et Lieux de Pêche.
^Autrefois, dès la hn de Mai, quelquefois plus tôt, les premiers bateaux armaient et partaient
pour la pêche du Hareng aux filets dérivants en Mer du Nord.
Ils se rendaient alors dans les parages des Shetlands, au Nord de l'Ecosse, soit dans l'Ouest
et le Nord-Ouest de cet archipel, soit dans l'Est, au large de Lerwick et jusque sur le Viking
Bank, non loin des côtes de Norvège.
Fig. hli. Lieux et é|)onues de pèche du Hareng.
Puis, les bateaux partirent de plus en plus lard et, actuellement, il est exceptionnel qu'ils
partent avant la mi-Juin, parfois plus tard encore, suivant ce que peut leur rapporter soit la
pêche du Maquereau qu'ils pratiquent, depuis trois mois, à l'entrée occidentale de la Manche,

— 60 -
I'liolo Dr
Ki;j. /lb. La saison du Haren;; ;i liouloime-sur-niei'.
JyOS jicliLs «•llau'njj'UHTS'i apporlrnl Icni' |>IV1H\
!IU I Ml
h'ijj. 'i(5. lliii'cnj' rainoni 1 on "inu 1 ". 'l\po dc Chalulu'r liaren^uiei'
de linuloifLio-siii'-nu'i". On ppul pcmaniMOI- le liciul

— 61 —
soit le rhalutago auquel ils se sont livrés si la puissance de leur machine leur permettait ce
cbangeinenL d'activité.
Les bateaux qui partent à la mi-Juin se rendent encore dans les parages des Shetland*,
dans l'Est et le Sud-Est de ces îles. Puis, en Juillet, on les voit entre les Orcades et les Shetlands,
au large de ['Ile Fair. A partir de ce moment, ils vont se rapprocher petit à petit de l'entrée
méridionale de la Mer du Nord ; leurs voyages seront ainsi de plus en plus courts ; et le Hareng
qui, au. début de la saison, était salé à bord et mis en barils, sera bientôt conservé en caisses
glacées quand la durée du voyage permettra ce mode de conservation préférable au précédent
pour l'écoulement des produits de la pêche.
Du i er au i5 Août, les drifters tendent leurs filets dans l'Ouest de l'Ecosse, au large du
Moray Firth, de Peterhead et à'Aberdeen ; à la mi-Août, ils se trouvent dans les parages de
['Ile Coquet, où ils se maintiennent jusqu'à la fin du mois avant d'aller sur le bord Nord-Ouest
du Dogger Bank où ils resteront, ainsi que sur le Banc proprement dit, dans l'Ouest et le
Sud-Ouest du Banc, jusqu'à la mi-Octobre. A cette date, ils descendront dans le voisinage du
bateau-feu du Smith,; puis, se rapprochant petit à petit de l'entrée de la Manche, ils se trouveront
aux derniers jours d'Octobre sur les bancs des Flandres : du Sandellié au Ruylingen,
et au début de ÎNovcmbre au travers de Boulogne. C'est alors la grande saison du Hareng, le
Hareng, péché à pleins filets à proximité même des ports d'armement et de vente, est pèclié
de nuit, livré le matin même, «en vrac» sur le pont. C'est le «hareng de la nuit», le plus frais,
le mieux vendu, car de qualité excellente.
Vers la fin de Novembre, les bancs de Harengs sont déjà plus au sud, dans le voisinage de
Dieppe et de Fécamp; et jusqu'à la fin de la saison du Hareng qui d'ordinaire se termine en
Janvier-Février, ies pêcheurs resteront dans les mêmes parages, rejoignant leur port d'attache
soit avec des harengs de la nuit s'ils vont vendre à Dieppe ou à Fécamp qui sont à proximité
des lieux de pêche, ou des «harengs de deux nuits», de «trois nuits» mis en caisses glacées et
conservées en cale froide lorsque le rendement de la pêche est insuffisant pour permettre le
retour immédiat au port.
Vers la mi-Janvier, parfois plus tard, mais rarement après le 1 5 Février, les « drifters »
désarment. La saison de pêche du Hareng est terminée; les bateaux vont alors se livrer soit
à la pèche du Maquereau aux filets dérivants, soit à la pêche au chalut en attendant la première
apparition des bancs de harengs au nord de la Mer du Nord ou sur les côtes d'Ecosse et des
Shetlands.
C'est également pendant les mois d'automne et d'hiver qu'apparaissent généralement sur
les autres points de la côte de France les bancs de harengs qui l'ont l'objet d'une pêche régulière
sans avoir cependant l'importance de la précédente.
Entre l'embouchure de la Seine et le Cap de la Hougue, la pêche débute vers la mi-Octobre
et se poursuit jusqu'en Décembre ou Janvier. Le Hareng semble toutefois de plus en plus rare
dans cette région et ce n'est plus qu'en Baie de la Hougue et dans le voisinage de la pointe de
Barjleur que se font encore de bonnes pêches.
Du Cap de la Hague à la pointe Saint-Mathieu, les bancs apparaissent de Novembre à la nvi-
Ol-TICK DES PKCHliS MARCHM KS , J] KM . N° 10. /| V

Janvier; la pèche est parfois relativement abondante dans la Baie du Mont bainl. Mtcliel, clans
celle de VArguenon, en Rade de Morlaix ainsi que dans Yesluaire de la Penzé.
Sur le littoral de l'Atlantique, la période de pêche s'étend de Septembre à Janvier-Février
suivant la région, mais elle n'est réellement intéressante que dans le Golfe du Morbihan et
dans le voisinage de l'embouchure de la Vilaine.
D'Avril à Juin, les pêcheurs qui, de Concarneau à Douarnenez, tendent non loin des côtes
leurs filets dérivants pour la pêche de la sardine coureuse et du petit maquereau capturent
également des quantités parfois importantes de harengs gras.
Les Engins et la Technique de la Pêche.
Le Hareng est généralement péché entre, deux eaux ou dans le voisinage de la surface à l'aide
d'une longue nappe de filets simples descendue verticalement à la profondeur voulue.
La grandeur des mailles de ces filets est de a5 à 80 millimètres; elle est telle que le Hareng
puisse y engager la tête sans effort mais non le reste du corps; il y demeure emprisonné par
les ouïes. Les filets sont ainsi des «filets maillants» ; comme ils ne touchent pas le fond et ne
s'appuient sur aucun point fixe relié au fond, ils dérivent au gré des courants, d'où le nom
u'on leur donne encore de «filets dérivants)).
( 1 Cette longue nappe de filets qui atteint parfois une longueur de 6 à 8 kilomètres est consti­
tuée par une série d'éléments ou «Roins» fixés bout à bout. (Fig. A7.)
Çuapt à Poche
l''i;;. '17. Détails du l'ilcl ;P llai'i'ru; ou
lest suffisant pour tenir le filet vertical en
Uni,
Chaque « Roie » est une nappe
rectangulaire de filet de 30 mètres
de longueur sur 1 o mètres de haut
avec 3oo mailles de chute. Elle est
faite de coton câblé, face à la machine,
puis cachouté et coaltaré.
Le haut de chaque filet est monté
très lâche sur une ligne de tête
ou « fincclh' » qui emprisonne également
des Hottes de liège chargées
de soutenir le filet immergé. Ce
montage lait perdre au lilet un
tiers environ de sa longueur, si
bien que chaque élément tout
monté ne mesure plus que •?. 5 mètres.
Le pied du filet est renforcé
par un bourrelet de vieux filets
appelé «soitillardure »; ce bourrelet,
en s'imbibant d'eau, forme un
ni donnant une tendance à couler au tond.

— 63 —
Certains pécheurs le lestent d'ailleurs davantage en y ajoutant quelques morceaux de
plomb.
Fi;;. 'IS. I)is|»isiliiin (|r la ÏYsuiv en pèche
Les filets ainsi montes sont disposés bout à bout, les bords étant généralement rapprochés
par une série de ligatures simples. Deux cents, trois cents, parfois quatre cents filets ainsi mis
bout à bout, constituent une «Tésure» qui forme en mer une nappe péchant longue de 6 à
10 kilomètres et d'une superficie de plus de 8 hectares. (Fig- û8.)
Kijf. r u). Los (lilViMvols mnnhip-cs i>m|>]ovès en MIT du iNord.
La manœuvre de cette nappe énorme ne serait guère possible dans des mers souvent
agitées, surtout quand l'engin est encore alourdi par une pêche abondante, si on ne
lui donnait pas une armature à la fois souple et résistante. Ce squelette llexible est
constitué par l'« Aussiève -• ou «Halin-», énorme câble gros comme le poignet, pesant près
de a kilogrammes au mètre courant et qu'on élonge à la mer sur toute la longueur du filet
et en même temps que lui.
L'aussière ainsi coulée plus ou moins profondément suivant les circonstances de la
pèche est maintenue à la profondeur voulue, généralement 10 mètres, par des cordages
appelés «Bandinguesn fixés tous les 95 mètres environ, qui la relient à des flotteurs appelés,
suivant leur forme, v Quarts à Pocher,, «Caudins» ou «Tanvez». (Fig. k*] et Ag.J
h A.

— 64 —
Les filets sont suspendus au-dessous de l'aussière, à 7 ou 8 mètres plus bas, par des cordages
appelés «Barsouins» disposés à chaque extrémité du filet.
La nappe péchante a ainsi sa partie supérieure à 1 5 ou 90 mètres au-dessous de la surface
de la mer; elle se trouve de cette façon à l'abri des navires qui peuvent traverser la longue file
de filets tendus, puisque l'élément le moins profond du train de pèche est déjà à 1 0 mètres
au-dessous de la surface où l'on n'aperçoit que la file ininterrompue de petits barils et de
bouées à drapeau qui soutiennent tout l'engin et indiquent de loin sa présence.
Technique de la pèche. —- La pêche du Hareng se fait essentiellement de nuit. Les filets sont
tendus dans l'après-midi ou à la tombée du jour à l'endroit jugé favorable par le patron de
pêche. 11 se base pour cela sur la routine du métier qui lui a appris que, régulièrement chaque
année, le Hareng doit apparaître à époques lixes dans des régions bien déterminées qu'il
connaît, puis aux KApparence*» cpii lui sont indiquées par la couleur particulière de l'eau,
parfois par son odeur, par des taches graisseuses caractéristiques, par les mouvements du
poisson à la surface même de l'eau, et surtout, par Jes rassemblements d'oiseaux de mer, de
cétacés qui, ayant repéré le banc de Harengs, se livrent déjà à une chasse effrénée.
Au moment de la mise à l'eau des filets, ceux-ci sont soigneusement disposés dans la cale
centrale où l'on accède par une vaste écoutille ou «aussrt», chaque «roie» est déjà pourvu de
son «barsouin»; l'aussière est lovée dans un compartiment voisin, près du cabestan ou du
treuil vertical et les flotteurs sont sur le pont, chacun d'eux étant muni de sa «bandingue».
A bord des quelques voiliers français faisant encore la pêche du Hareng, la miseàl'eaudes
filets se fait par l'arrière.
Le bateau faisant très petite route en travers du courant, les matelots commencent à dérouler
et à jeter à la mer simultanément le filet et l'aussière: au passage, un matelot saisit chaque
barsouin et le fixe sur l'aussière, puis, pareillement un autre matelot saisit une bandingue et
la fixe, un peu plus loin, sur l'aussière en jetant à l'eau le llotlour correspondant.
Ce baril reste en surface, l'aussière coule au bout de la bandingue, les filets tombent au bout
des barsouins et tout le train de pèche se déroule ainsi par l'arrière en ligne droite, le bateau
faisant en avant lentement avec tout juste la vitesse nécessaire pour que l'opération se poursuive
sans tiraillements.
Les filets étant tous mis à l'eau, on file encore un peu cl'aussière pour écarter le bateau de
ses filets ; on passe le câble à l'avant du bateau pour l'y amarrer et l'on met en panne : le mût
de misaine étant sec de toile et couché, le mât d'artimon conservant sa petite voile. Le bateau
s'oriente alors comme une girouette, le nez dans le vent et dérive lentement avec ses filets
dans la même direction et avec la vitesse du courant.
La mise à l'eau des filets par barrière est impossible à bord des drifters à vapeur dont l'hélice
pourrait saisir le filet dans son remous et le happer.
Mais, comme ces vapeurs possèdent un gouvernail à l'avant et naviguent presqu'indifléreinment
par l'avant ou par l'arrière, la mise à l'eau des filets se fait de la même façon qu'à bord
des voiliers, par l'avant, en culant lentement, le bateau se maintenant en route droite pendant
ce temps grâce à son gouvernail avant.
Le bateau dérive ainsi pendant plusieurs heures de façon à permettre au I lareng de mailler ;

- 65 —
on laisse passer notamment une étale et un renversement de courant, car c'est l'instant où le
poisson se prend le mieux.
Quand le petit jour approche, l'équipage commence à virer les filets. L'aussière, rappelée
par le cabestan, entre lentement par les écubiers de plat bord à l'avant amenant avec elle
bandingues et barsouins. Les filets sont amenés par le travers du bateau et sont rentrés,
brasses par brasses, sur des rouleaux de manière à les étaler, pièce par pièce, au-dessus du
pont pendant que les matelots les secouent vigoureusement pour démailler les harengs qui
tombent sur le pont. Toute la « tésure » rentre ainsi progressivement, et pendant que les filets
sont rangés en bon ordre dans la cale, parés pour une nouvelle pêche, l'aussière est lovée à
son poste dans le compartiment voisin.
l''i]]. 5". I.u l'clèvc clos h'jlols à Ijnrd d'un Jlai'onnuicr.
La relève des filets dure habituellement de cinq à six heures; bien plus longtemps quand
le temps est mauvais.
Quand la pêche du Hareng se pratique dans le voisinage des côtes de France, une multitude de
petits bateaux, chaloupes pontées ou non, y participent. Leur attirail est fort simplifié : six ou
huit matelots constituent l'armement fournissant chacun un ou deux filets qui sont mis bout
à bout. La manœuvre se fait sans cabestan, sans aussière et quelques coups d'aviron, ou quelques
tours du moteur dont presque tous ces bateaux sont actuellement munis, permettent
de tendre ou de relever les filets sans grands efforts.
La pèclie terminée, si le bateau se trouve près des ports d'armement, comme il arrive pendant
les mois de Novembre à Janvier, le hareng est simplement rassemblé dans les vastes bacs du
pont et le bateau revient immédiatement au port où la pêche est rapidement vendue.
(Fig. /|6.) L'unité de vente est la « mesure n ou double décalitre; cent mesures forment un
«laslv ou «lèzii qui représente théoriquement (comme dans les ports anglais d'où cette
expression est venue en France) environ 1 o.ooo harengs et pratiquement 12.000.
Aussitôt sa pêche vendue, le bateau complète ses approvisionnements et repart immédia-
:

— 66 -
tement pour les lieux de pêche de façon à pouvoir tendre à nouveau ses filets avant la lui
du jour.
Mais, cette pêche ne se fait pas toujours à proximité des cotes, ou son rendement est tel que
le bateau ne peut revenir immédiatement au port pour la vente. Dans ce cas, quand le bateau
n'est pas parti pour une campagne lointaine vers le Nord de la Mer du Nord ou la côte d'Ecosse,
le hareng est mis « en caisses», réparti dans des caisses plates de sapin entre deux lits de glace.
Chaque caisse contient environ 2 5 kilogrammes de poisson; elle est mise en cale avec delà glace
jusqu'à la fin du voyage qui n'excède cependant pas une durée de 5 à 6 jours. Dans les campagnes
lointaines, le hareng est conservé «au sel». Cette salaison en mer est très simple car les
pêcheurs français ont renoncé à caquer le hareng (c'est-à-dire à le vider) ainsi qu'on le fait
encore sur les navires étrangers.
Une glissière inclinée : la «Mée» est installée sur le pont; on y verse le hareng par paniers
avec un tiers environ de son volume de sel : le tout est soigneusement brassé à la pelle ou avec
les mains gantées, de sorte que chaque poisson arrive au bas de la glissière complètement
enrobé de sel. Il tombe de là dans un baril qui une fois plein est foncé, ou directement dans
la cale lorsque le hareng est «braillé en vrac».
Les barils arrivés au port de débarquement sont ouverts, les harengs sont lavés dans leur
saumure, triés suivant leur taille et qualité, puis ranger, très soigneusement cette fois dans de
nouveaux barils avec un peu de sel sec entre chaque lit. Ln baril de harengs pèse 1 00 kilos net
et contient de 800 à 1.300 harengs suivant leur taille.
•X- -*
La pêche du Hareng aux filets dérivants a très peu évolué à travers les siècles; elle se pratique
encore comme autrefois et telle que nous l'a décrite DUHAMEL UU MONCEAU. Ce genre de
pêche est maintenant fortement concurrencé par la pêche du Hareng au chalut; une grande
partie des drifters à vapeur ne la pratiquent plus que lorsque le Hareng est à proximité des
côtes de France et arment au chalut pour la pèche du Hareng de fond dans la région des Smalls,
du Klvndyke au voisinage des côtes d'Irlande, ou des Fladens en Mer du Nord.
La pêche à la senne tournante telle qu'elle est pratiquée en Norvège n'a pas encore trouvé
d'adeptes sur les côtes de France. Il semble cependant qu'un revirement se produit et que,
devant la forte concurrence qui leur est faite par les chalutiers, les pêcheurs aux filets dérivants
songeraient à modifier cet engin bien ancien pour le remplacer par la senne tournante et coulissante
moderne et autrement active.
Boulogne et Fécamp sont les deux grands ports harenguiers français armant spécialement
pour la pêche du Hareng. Dieppe, Sainl-Valéry-en-Caux, Le Havre n'arment plus pour cette
pêche. Cependant, quand le Hareng fait son apparition au voisinage des côtes de France, en
Manche ou en Atlantique, des bateaux de tous tonnages, de toutes catégories délaissent les

— 67 —
autres pèches et embarquent des filets dérivants ou fixes pour participer à cette pêche abondante
et généralement rémunératrice.
Les petits chalutiers et cordiers de Boulogne, les dundees de Gravelines, les cotres de Bunker
que et de Calais, les lougres de Wissani, les canots de tous les petits ports : Etaples, Berck,
Le Croloy, Saint-Valéry-sur-Somme, Cayeu.r, Elrelat, les caïques de Fécamp, Yport, Le Havre,
les cotres de Dieppe et du Tréporl s'échelonnent sur toute la côte de France : de Dunkerque à la
Baie de Seine, tandis que plus au sud, dans la Baie du Colenlin apparaissent les barques et les
vaquelottes de Saint-Vanst et de Cherbourg, les bisqumes de Gancale et de Granville.
Sur les côtes de l'Atlantique, des bancs de harengs apparaissent régulièrement au moment
de la ponte pendant les mois d'hiver et leur pêche se l'ait, particulièrement sur la côte sud de
Bretagne, entre la pointe de Crouir• et la pointe du Grand Mont, vers l'embouchure de la Vilaine,
de Septembre à Décembre, avec des chaloupes de trois à quinze tonneaux, montées par trois ou
cinq hommes et accompagnées d'un petit canot annexe qui se tient sur les filets pendant que
la chaloupe reste au mouillage à proximité des lieux de pêche.
lies filets employés sont encore des nappes simples de quarante mètres de longueur environ
sur quatre mètres de chute et garnis de lièges à la ralingue supérieure tandis que la ralingue
inférieure est légèrement plombée. Dix à douze filets sont attachés bout à bout et tendus à
l'endroit choisi au commencement de la nuit. Les lilets dérivent pendant une partie de la nuit
et sont relevés au matin.
Vers la lin d'Octobre, au moment où le Hareng va pondre, la pèche aux filets dérivants cesse ;
les pêcheurs coulent alors leurs filets sur le fond et le fixent à l'endroit favorable. L'engin est
relevé une ou deux heures après, car le Hareng est à ce moment en formations compactes et
tellement serré que beaucoup de pêcheurs ne retirent du fond que les ralingues de leurs filets,
la nappe alourdie par le poisson déchirant à mesure qu'on cherche à l'embarquer dans le canot.
Le Hareng ainsi péché est généralement vendu à l'état frais au Croisic ou à La Turballe, mais
cette pêche tend de plus en plus à disparaître. Quelques essais de saurissage tentés dans la
région n'ont pas donné les résultats escomptés.
Le Chalutage du Hareng.
Depuis que le chalut est employé pour la pêche, cet engin a toujours ramené en toutes
saisons, mais particulièrement pendant la saison de pêche du Hareng aux filets dérivants en
Mer du Nord, des quantités plus ou moins grandes de harengs pris accidentellement dans
le chalut : les mailles trop larges de cet engin le laissant facilement échapper.
Cependant, sur la côte ouest d'Ecosse, au nord de l'Irlande, dans la région dite des Rlondykea
ou à'Inishtrahull, les chalutiers anglais capturaient, assez fréquemment, pendant les mois d'été
et d'automne, d'assez fortes quantités de gros harengs ne pouvant s'échapper, étant donné
leur taille, à travers les grandes mailles du chalut.
Comme le Hareng était autrefois unanimement considéré comme un poisson pélagique,
confiné dans les couches supérieures de la mer, sa présence sur le fond de la mer resta longtemps
considérée comme exceptionnelle.
Cependant ces captiires de harengs sur le fond, renouvelées à ddférentes reprises, incitèrent

68 —
quelques «skippers» anglais à lacer les saies et la poche de leur chalut de façon à en réduire
la taille de la maille, ou encore à en doubler le dos avec de vieux filets ayant servi à la poche
i de ce poisson aux filets dérivants. Les
M
•A-.
I 'Irlande
m.
Ja71 * aj

— 69 —
les chalutiers confirmèrent la présence régulière de ces concentrations de harengs sur le fond
qui, actuellement, sont parfaitement connues, régulièrement exploitées et dont les conditions
extraordinaires de rassemblement sont maintenant expliquées.
Ce n'est que plus tard, vers 1911, que de telles concentrations de harengs sur le fond
furent connues et exploitées en Mer du Nord. Leur exploitation intensive, la concurrence
qu'ils firent immédiatement aux iiarengs péchés aux filets dérivants alarmèrent les Armateurs
qui reprochèrent aux chalutiers de capturer d'immenses quantités de petits harengs immatures,
de détruire les œufs, d épuiser le stock.
I'IV. 5-'!. f.rs fonds do chaludim' du Jfaiviiff en Moi 1 (In iSard
Leurs plaintes entraînèrent une série d'enquêtes dont les conclusions furent favorables au
chalutage du Hareng auquel on ne put alléguer aucune preuve sérieuse contre les reproches
qui lui étaient faits: le chalutage du Hareng prit ainsi d'année en année un développement
de plus en plus intense particulièrement en Allemagne, en Belgique et en France.
Les chalutiers français furent d'ailleurs parmi les premiers à exploiter ce nouveau genre de

— 70 —
pêche. Dès 1907, on les voit dans la région des Smalls, puis, dans le sud-ouest de Start Point
et en Baie de Plymouth qu'ils furent les premiers à exploiter de cette façon.
Ils n'apparurent que bien plus tard, après 1997, en Mer du Nord, dans la région des
Fladen, du Gui, du Dogger Banket du Brucey's Garden qn exploitaient de façon intensive depuis
1 91 3 les chalutiers allemands munis d'un chalut spécial. À la même époque ils s'aventurèrent
jusqu'au Klondike's Grounds au nord de l'Irlande.
Actuellement, le chalutage du Hareng a pris une telle importance en France et à Boulogne en
particulier, que les armateurs boulonnais ne voient pas sans inquiétude pour l'avenir de la
pêche aux filets dérivants les chalutiers de tous tonnages ramener à longueur d'année des
Smalls, des Klondykes, de l'ouest de la Manche, des dilFérentes régions de la Mer du ÎNord, du
Dyck et du Sandeltié et même du voisinage de leur port, d'excellents harengs de chalut qui, sur
le marché, leur font une concurrence redoutable.
l'ijj. 54. Le Clialut à Marene; (ancien modèle).
Lieux et époques de pêche. — Dans la région des Smalls, la plus anciennement exploitée parles
chalutiers boulonnais suivis maintenant par les Dieppois et les Fécampois, les premières
concentrations de harengs apparaissent sur le fond dès le début de Juillet. La pèche commence
de suite, est abondante, quoique irrégulière, pendant les mois d'Août et de Septembre. Les

— 71 —
captures diminuent ensuite d'importance jusqu'à la fin de cette saison de pêche qui généralement
se termine vers Novembre.
Au nord de l'Irlande, sur les fonds du Klondyke ou d'Inishlrahull, la pèche commence dès
la fin de Juin et se poursuit avec des alternatives variables jusqu'au mois d'Octobre, parfois
jusqu'en "Novembre. Les mois d'Août et de Septembre sont généralement les meilleurs.
En Manche Occidentale, la pêche du Hareng de chalut a diminué d'importance depuis
l'exploitation des fonds de chalutage de la Mer du Nord. Cependant les chalutiers français
vont toujours à la recherche du Hareng, au sud-ouest de Start Point et au sud à'Eddy stone
pendant les mois d'hiver et en particulier de Janvier à Avril.
En Mer du Nord, la pêche débute dès la première quinzaine de Juillet sur les F laden Grounds
(57°5o — 58°3o Nord et o° à i° Est) et se poursuit dans la région pendant tout le mois de
Juillet et d'Août.
Dès le début de Septembre, les chalutiers
vont un peu plus au sud, sur le « Gui» (f)7°
à 58" Nord et i°ao à a°3o E.) où ils se
maintiennent pendant la première quinzaine
de Septembre avant de se rendre ensuite
entre le Gui et le Dogger Bank : sur les
«Outer Herring Trawling Grounds (5 5°3o à
56°3o et i° à 3°3o E.).
A la fin du mois et dès le début d'Octobre
ils arrivent sur le «Brucey's Garden» [oâ à
55°3o Nord et o" à i°3o Est). La pêche sur
le « Brucey's Garden » se termine à la fin
d'Octobre : les chalutiers boulonnais se rendant
alors dans les parages du Dtjck et du
Sandettté, à l'entrée sud de la Mer du Nord
où ils capturent du hareng «plein» ou
Kl;;. 55. Dispositifs aducls rie CIKIIIIIIIJJC du ITuim
«guai» jusqu'au début de Mars. A la même
i'l du \lai|urrc;iii.
époque, certains d'entre eux réalisent encore
de belles captures dans le voisinage de la pêcherie aux filets dérivants qui, à ce moment, se
lient soit dans les parages de Boulogne, soit plus au sud dans le voisinage de Dieppe eL de Fécamp.
Le Chalul à Harengs.—Le chalut à harengs, tel qu'il est employé par les Français, est un chalut
léger, sans ailes et à mailles étroites, de dimensions variables suivant la force du chalutier
qui l'emploie,tout en conservant approximativement les proportions suivantes mesurées sur
un engin du type courant (fig. ô/|) :
Corde de dos 20 mètres.
Bourrelet ai à à3 mètres.
Saie ou Aile 10 mètres.
Grand dos 7 mètres.
Bas de dos et Amorce à mètres.
Ballongc et Cul Allongés (longueur variable).

— 72 —
Les mailles de ce chalut sont rétrécies particulièrement dans le bas de dos, l'amorce et le
cul.
Ce chalut, déjà d'un modèle ancien,
a été modifié à différentes reprises. Le
chalutage du Hareng exige un chalut
léger pouvant être traîné rapidement
sur le fond. A vrai dire, il. doit plutôt
frôler le fond et non y traîner, car le
Hareng ne se tient pas sur le fond, mais
plus exactement, à quelque distance auiïi;;.
r>0. Moilî'le (le Chalut français avec ccrf-\'olanl (i ;)•>..'!). (lessu^ (]u fond
C'est pourquoi certains Armateurs de
Dieppe et de Boulogne avaient préconisé depuis longtemps l'emploi de cerfs-volants placés
sur le rahan de dos du chalut, destinés à le soulager pendant la traction et à agrandir l'ouverture
de l'engin. (Fig. 56.)
Mais les essais faits ne recueillirent guère d'encouragements de la part des armateurs
français, jusqu'au jour où ils se rendirent compte des importantes captures réalisées par les
chalutiers allemands qui employaient un troisième plateau construit enbois léger, long d'un mètre
environ, large de Go centimètres, et placé au milieu du raban de dos sans être relié d'aucune
façon soit avec le bateau, soit avec les plateaux du chalut.
Ce troisième plateau des Allemands n'était rien autre que le cerf-volant déjà essayé et préconisé
en France. Il l'ut dès lors adopté par tous les chalutiers qui, dès 1927, modifièrent
leur chalut pour y adapter un, deux, voire même plusieurs plateaux, libres d'abord, perfectionnés
depuis et reliés comme dans les chalutiers allemands par des funes accessoires, soit aux deux
plateaux latéraux du chalut, soit directement au bateau. (Fig. 55.)
Les résultats obtenus par l'emploi de ces plateaux supplémentaires agrandissant l'ouverture
du chalut, le dégageant du fond, ont été convaincants; ils sont actuellement adoptés sur tous
les chalutiers pratiquant le chalutage du Hareng ou du Maquereau.
Le chalutage du Hareng se fait maintenant de jour comme de nuit. Cependant, cette pèche
est meilleure pendant le jour et souvent nulle, pendant la nuit, le Hareng effectuant alors son
mouvement quotidien de montée vers la surface. En certaines régions et suivant les époques,
elle se fait toutefois aussi bien de jour que de nuit. La durée du trait de chalut est en général
rie deux à trois heures : le bateau conservant une vitesse de trait de trois nœuds et demi à
quatre nœuds. Quand le Hareng est abondant, des traits très courts de deux heures suffisent
souvent pour remplir le chalut qui remonte chargé de plusieurs tonnes de harengs.
Quelques autres Engins employés pour la Pêche du Hareng.
Le chalut mouillé ou Diable.— Cet engin qui est employé en Baie de Seine pour la pêche du
hareng d'hiver, est un filet fixe en forme de poche pyramidale ou conique de 20 à 2 5 mètres
de profondeur monté sur un cadre de bois de h à 5 mètres de long sur deux mètres de haut,
les mailles sont très étroites : de 1 5 à 18 millimètres de côté. L'engin est mouillé à la marée

— 73 —
montante sur petits fonds, face au courant. Lfn filin en patte d'oie le relie à l'ancre du bateau
pêcheur qui reste ainsi sur son fdet. Dès que la mer est étale, le bateau haie son chalut avec son
ancre.
Parfois le diable est mouillé simplement sur une ancre reliée par un orin à un flotteur permettant
de repérer ia position de l'engin.
Le clialul à l'étalage. (Fig. 5 7.) — Cet engin est uniquement employé sur le littoral de la Mer du
Nord par les pêcheurs de Dunkerque,
Grave-lines, Calais et
Boulogne. Comme le «diable»,
c'est line vaste poche maintenue
béante par des Jlotteurs
de liège frappés sur sa ralingue
supérieure et par des plombs
fixés sur la ralingue inférieure.
Il est envergué par une longue
perche de 7 à 10 mètres qui |.-;„ :>1_ L, (.|ia|u, ;, Vé[:i\a^.
assure l'écartement des côtés.
Cet engin est encore tendu debout au courant mouillé sur une ancre et relevé à la marée.
Fileta fives. — En différents points de la côte de France, des filets fixes sont tendus perpendiculairement
au rivage au moment du passage du Hareng. Certains pêcheurs emploient
également des sennes ou des sennes à aiguillettes. Enlin, sur la côte sud de Bretagne, des
harengs sont capturés, parfois en très grand nombre, dans les filets dérivants tendus pour la
pèche de la grosse sardine coureuse.
Utilisation des Produits de la Pêche du Hareng.
On a longtemps cru, en se basant sur les apparitions successives de plus en plus méridionales
des bancs de harengs au cours de la grande pêche de ce poisson en Mer du Nord et en Manche,
à des migrations lointaines du Hareng.
Dans cet ouvrage au caractère purement technique, nous ne discuterons pas cette hypothèse.
Nous dirons seulement qu'elle n'a plus cours et que les recherches scientifiques actuelles ont
prouvé que les bancs qui apparaissent ainsi, successivement en Mer du Nord et en Manche,
n'appartiennent pas à une seule population énorme entreprenant régulièrement de longs
voyages, à certaines époques, après avoir hiverné dans les régions arctiques, mais, en réalité,
à différentes populations locales ayant chacune leurs caractères distmetifs maintenant nettement
déterminés et leur aire de distribution parfaitement localisée.
Les pêcheurs, les mareyeurs, les industriels de la pêche ont d'ailleurs su, de très bonne heure,
distinguer ces dillerentes sortes de harengs quant à leur origine et dans ie commerce de la
marée on trouve depuis très longtemps des termes particuliers qualifiant les harengs suivant
leur aspect et leur provenance.

— 74 —
C'est ainsi, par exemple, que suivant leur état sexuel qui, actuellement, est scientifiquement
défini à ses différents stades, les pêcheurs distinguent : les harengs «vierges» n'ayant pas encore
pondu, les harengs «gras» avec leurs mésentères intestinaux chargés de matières grasses et
leurs glandes génitales peu développées; les harengs «francs» avec leurs glandes génitales
déjà volumineuses, sans trace de graisse intestinale; les harengs «pleins» aux rogues et lailances
fortement développées, les harengs «bouvards» ou «bousards» aux organes génitaux
parfaitement mûrs et coulants ; enfin, les harengs «guais» ou vides qui ont lâché leurs produits
génitaux, et sont maigres et émiacés.
Dans l'industrie harenguière, ces différentes qualités de harengs, parfois de même origine,
étaient et sont encore diversement appréciées.
Il en est de même des différentes sortes de harengs
suivant leur provenance.
t'if;-. 58.
Un Irait de chalut à la pèche, du Hareng.
INous avons déjà signalé que, suivant la saison
et l'éloignement des lieux de pèche, le hareng était
conservé de différentes façons à bord : «Hareng
dune nuit», de «deux miliar*, «livré en vrac», sans
glace, quand la. pêcherie étant à proximité des
ports de débarquement; ce poisson peut être livré
dans un état de très grande fraîcheur ; harengs
en «caisses glacées», quand, le poisson péché plus
loin peut cependant être conservé en glace pendant
quelques jours; enfin, «harengs salés» en cales ou en
barils, quand l'éloignement des lieux de pêche, ou
les moyens de navigation nécessitent des voyages
de longue durée pendant lesquels le hareng péché
ne peut pas se conserver suffisamment en caisses
glacées.
Dans les différents ports de vente, qui sont en
général les ports d'armement, le hareng se vend
encore de la même façon qu'autrefois : soit frais, en
caisses glacées, ou salé en tonnes et en barils.
Les deux plus grands centres de vente du hareng en France sont Boulogne et Fécamp. Les
ventes du hareng dans ces deux ports ont toujours lieu publiquement aux enchères : au plus
offrant et dernier enchérissant; les modalités de vente varient cependant suivant les ports.
\ Boulogne, la plus grande partie du poisson est vendu en Halle par les soins d'un Service
municipal. Les acheteurs doivent déposer une caution réelle ou personnelle pour être admis
à prendre part aux enchères.
La vente se fait sur présentation d'un échantillon déposé à la Salle des Ventes. Les harengs
frais se vendent au «last» de 100 mesures (la mesure équivaut au double décalitre et contient
environ 1 90 harengs) ; les harengs glacés se vendent par caisses de 2 5 kilogrammes contenant
de 1 00 à 200 harengs suivant grosseur; enfin, le hareng salé en tonne se vend au «last;; de
1.000 kilogrammes net; ceux qui sont salés en vrac au «last» de terre de 1 00 mesures pesant
de 2.100 à 9.9 0 0 kilogrammes, ou quand les quantités rapportées n'atteignent pas ce poids :

— 75 —
par too kilogrammes. Depuis quelques années, le hareng glacé en vrac est encore vendu par
c;coffres de halle, i\ du poids de ôo kilogrammes environ.
A Fécamp. la vente se l'ait aux enchères dans une des salles de la Bourse et est encore réservée
Kl;;. on. élises du Hareng en caisses à bord d'un chalutier.
aux acheteurs ayant fourni un cautionnement. Les harengs frais se vérifient à la mesure de
33 litres contenant environ iôo poissons ou encore en baril de 8oo à i .ooo poissons. Mais,
comme Fécamp consacre la majeure partie de son activité au poisson salé, .la vente se l'ait surtout
Kijf. (io. Harerijjs mis en barils ïi bord d'un clialulior.
en barils. L'unité employée est le

76
Utilisation. — Une partie du hareng Irais ou conservé en glace est expédiée par les soins
des mareyeurs vers l'intérieur du pays ou à l'étranger, particulièrement rpiand le marché
QUANTITÉS
ru kilogrammes
el
valeur en francs
105.000.000
100.000.000
95.000.000
90.000.000
85.000.000
80.000.000
75.000.000
70.000.000
G5.000.000
60.000.000
55.000.000
50.000.000
45.000.000
40.000.000
35.000.000
30.000.000
25.000.000
20.000.000
15.000.000
îo.ooo.ûoo
,1902
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1904
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Pêche du HARENG de 1902 à 1932.
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français est saturé. Ces exportations se l'ont, généralement vers la Pologne, 1 Allemagne, la
Belgique et la Suisse.
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— 77 —
Le reste, ainsi que la totalité du hareng salé, est dirigé sur les ateliers de salaison ou de fumaison.
du hareng qui leur font subir une préparation définitive en permettant la conservation
pendant un temps plus ou moins long.
()G ateliers a Boulogne et 5o ateliers à Fécamp salent ou fument le hareng, préparations
qui feront clans cet ouvrage l'objet d'une étude particulière.
De plus, certains ateliers de Boulogne et de Fécamp ont entrepris depuis plusieurs années
la préparation de conserves hermétiques des filets de harengs sanrs à l'huile, de harengs
marines au vin blanc ou au vinaigre, de harengs à la sauce tomate et des rollmops, préparations
qui ont conquis le marché étant donnés leur excellente qualité et leur prix abordable pour toutes
les bourses.
Utilisation des sous-produits. — Les rogues de harengs sont fréquemment employées comme
succédanées des rogues de morues pour la pêche de sardine. Elles servent encore avec les
laitances à la préparation de conserves appréciées.
Les déchets de fabrication des ateliers de salaison et de saurissage du hareng- sont employés
directement comme engrais pour le fumage des terres ou livrés aux usines qui préparent :
soit un guano de poisson recherché en agriculture pour sa forte teneur en azote et en acide
phosphorique, soit une larme de poisson qui a l'inconvénient d'être trop riche en graisses
pour l'alimentation du bétail ou de la volaille. Des procédés nouveaux d'extraction de l'huile
permettent cependant d'en faire une farine convenable et d'obtenir une huile de hareng qui
sert à la fabrication du savon ou de certaines huiles de graissage.
Les arêtes pulvérisées servent encore à préparer une poudre d'os et les écailles de hareng
trouvent parfois des acquéreurs pour la fabrication de l'essence d'Orient employée dans la
fabrication des perles artificielles.
La production de la pêche du Hareng se maintient actuellement en France entre 55 millions
et Go millions de kilogrammes de harengs annuellement débarqués, soit approximativement
un cinquième de la production totale de la pêche en bateau. La valeur des produits de cette
[îêche peut être évaluée, à 7 0 millions de francs environ. Le graphique ci-contre extrait des
Statistiques des Pèches 'maritimes. Année 1932, montre ses iluctuations en France au cours des
trente dernières années.
L. BKONKHOKST.
L. CAMJ.
La pêche du Hareng (Paris 1938.)
I II \T. w;gs I;U\SI i.TÉs,
La pèche à Boulogne. (Boulogne-sur-Mer et la région Loulonnaise, Boulogne, i8(j(|.)
A. CUCNY.
La pèche et l'industrie du Hareng. (But. EnseigneineiU Teclui. el Profes. Pèches Maritimes, 1909.)
E. DESEIIXE.
Histoire de la pèche à Boulogne depuis ses origines. (Boulogne, 1873.)
J. LE GALL.
Études diverses sur la question du Hareng. (t\oLes et Rapports de l'Office Scientifique et Technique des Pèches
maritimes, n° 48, 199.6.)
Les principales pèches maritimes de la France. Les filets et engins qui y sont employés. (La Pèche Maritime, n° ti(J6,
ig3i.)
M.-A. VALENCIENNES.
Histoire Naturelle du Hareng. (Paris, 18/17.)
OmCE CJES l'ÈCHES MAIUTIMES. — JlÉ.M. N° I O. 5 A

— 78 —
LA PÊCHE DU MAQUEREAU.
Historique.
La pêche du Maquereau est en France une industrie probablement aussi ancienne que celle
du Hareng; car, on lit déjà dans un diplôme de Louis VII, donné en 1179a la ville à'Etampe.s.
la défense d'acheter aucune denrée dans cette vide pour l'y revendre ensuite, excepté le Hareng
et le Maquereau salé. Ce maquereau salé provenait sans doute de la Normandie qui, à cette époque,
ravitaillait déjà Paris et les vides voisines en sel, épiceries et poissons salés.
Clidié lîoiilognc MiiiTP. — Mcprixlnrlion d'imp ftravinr. nriricrttic iColleH ion .1. V.)
Fig. Gi. l.a pèdie du Maquereau au mancl au XVId' sicVIe.
La pèche du Maquereau se faisait comme celle des harengs à bord des bateaux dits vdreigeurs»,
parce qu'ils se servaient pour capturer le Maquereau (ou le Hareng) de grands filets
appelés « diriges ».
Cette pèche commençait en Manche dès le mois de Mai, durait jusque vers le 9 0 Juillet et
était pratiquée par les pêcheurs de Dunkerque, de Boulogne et de Dieppe, d'Audreselles, de
Wissant, de Saint-Valéry, de Cayeux qui, sortant tousles jours, débitaient le soir leur poisson
frais, sauf à Boulogne où de très bonne heure l'habitude fut prise de le saler.
Mais ces pêches ne constituaient, en somme, que le «petit métier», car elles se pratiquaient
en Manche non loin du port d'attache. De bonne heure également, les « dreigeurs » de Picardie
et de Normandie se rendirent vers l'entrée occidentale de la Manche où les Bretons péchaient

— 79 —
en quantité des maquereaux qu'ils expédiaient, en majeure partie salés, sur Paris. Ils rejoignirent
sur la côte du Léon, les bateaux du Havre, de Granville, de Saint-Malo, de Sainl-Brieuc
et de Roscojf qm attendaient au passage, d'avril à juin, les bancs de maquereaux paraissant se
diriger vers la Manche orientale.
Puis, les grands «dreigeurs» de 20 à ho tonneaux s'aventurèrent plus loin encore, vers les
Sorlingues, et la côte d'Irlande où. les maquereaux apparaissaient plus tôt, étaient plus grands
et de meilleur goût. Partant dès le début d'Avril, ils pratiquèrent ainsi, comme pour le Hareng,
le « Grand Métier» au large des côtes, avec salaison du poisson à bord, métier qui fut continué
jusqu'à nos jours par les vodiers bretons, fécampois ou boulonnais jusqu'à ce que l'emploi
de la glace pour la conservation du poisson et la transformation des navires leur permît de
faire des voyages de moindre durée et de conserver le maquereau frais pendant le temps
voulu à bord. Les Fécampois cependant ont conservé encore leur vieille coutume de saler le
poisson à bord et une grande partie des maquereaux capturés dans l'ouest par les « drifters •;
de Fécamp revient sous cette forme au port de débarquement.
La pêche aux filets dérivants est encore à l'heure actuelle le mode de capture le plus employé
pour la pêche du Maquereau. C'est celle dont il sera parlé tout d'abord. Cependant, depuis
plusieurs années, le chalutage du Maquereau a pris, comme le clialutage du Hareng, une grande
extension et est venu concurrencer redoutablernent un vieux métier qui déjà périclitait d'année
en année et ne se maintenait que pour entretenir les équipages en forme pour la grande pêche
du Hareng.
En dehors de ces deux modes de pèche, le Maquereau est encore capturé à la ligne, à la senne,
aux filets tournants, à la turlutte ou, en Méditerranée, dans les madragues. Ces derniers modes
n'ont que le caractère de petite pêche et ne, sont pratiqués que temporairement et accessoirement
quand les bancs de maquereaux se dispersant, après la ponte, passent dans le voisinage
des côtes.
La Pêche du Maquereau aux Filets Dérivants.
Boulogne et Fécamp sont encore les deux grands ports de pêche du Maquereau aux filets
dérivants. A côté d'eux, il faut citer Douarnenez dont les «dundees» viennent se joindre, de
Mars à Juin, aux drifters boulonnais et fécampois, puis Guilvinec et Andierne dont les cotres
et les chaloupes à moteur pratiquent également cette pêche quand le Maquereau, en lin de
saison, c'est à-dire de Mai à Juillet, se rapproche des côtes du Finistère.
Les Bateaux et leur Armement.
Ce sont les harenguiers à voiles, à vapeur ou à moteur qui, sitôt terminée la pêche du
Hareng sur les côtes de la Manche orientale, débarquent leurs filets à harengs, prennent
les filets spéciaux au nouveau genre de pêche qu'ils vont pratiquer, et, après une très
courte période de désarmement, se rendent sur les pêcheries de l'entrée occidentale de la
Manche.
5 A.

— 80 —
Ces bateaux ont déjà été décrits ; leur effectif est sensiblement le même que pour la pêche du
Hareng, variant de i 5 à a A hommes sur les voiliers — en voie de disparition — et de a 5 à
3o hommes sur les vapeurs qui, également, abandonnent de plus en plus cette pêche.
En Bretagne, la pêche du Maquereau aux filets dérivants, industrie déjà très ancienne, après
avoir périclité pendant de longues années a pris, depuis 19a3, un développement considérable
sur l'initiative des marins douarnenistes, grâce à l'emploi pour cette pêche des dundees
thonnicrs de 3o à 4 5 tonneaux qui, à l'époque d'armement à la pêcbe du Maquereau, étaient
désarmés en attendant la saison de pêche du Germon dans le Golfe de Gascogne.
Vif 1 ;, (ui. Lieux iln pèche du Maquereau à IVulréc ucrideul.ale
de la Manche.
Les grandes chaloupes pontées de ao à a5 tonneaux des quartiers de Douarnenez et de
Morgat, les chaloupes semi-pontées de 18 à 9 0 tonneaux à'Audierne et de Guihrnec, excellents
bateaux doués de belles qualités nautiques leur permettant d'aller dès le mois de février tendre
leurs filets au large des côtes anglaises, ont maintenant pratiquement disparu. Le cotre a,
dès 1993, remplacé la chaloupe dans les ports où les dundees de fort tonnage ne pouvaient
accéder, puis a fait place au «dundee thonnier», bateau de 3o à £5 tonneaux, provenant de
Camaret, Auiierne, Le Guihinec, Concarneau, G voir, enfin de Douarnenez où ils sont les
plus nombreux et qui reste le véritable centre de l'armement dérivant en. Bretagne avec ses
75 dundees armés dont la valeur moyenne est d'environ 100.000 francs et représentant un
tonnage global de près de 3.3oo tonnes.
Aucun bateau douarneniste actuellement en service ne possède ni moteur, ni appareil pour
la rentrée des filets à bord, mais quatre dundees de Douarnenez sont pourvus d'un moteur
auxiliaire de 5o à 60 CV dont l'emploi leur est d'un très grand secours pour louvoyer sur les
lieux de pèche et pour revenir rapidement au port par temps calme.

- 81 —
La majeure partie des bateaux pratiquant la pêche du Maquereau aux filets dérivants ont
des équipages généralement composés de Douarnenistes : ces pêcheurs ayant acquis dans ce
métier une réputation justifiée. Cet équipage est généralement très nombreux et certains
dundees douarnenistes ont de 18 à 9?7 hommes régulièrement embarqués sur leur rôle.
C'est là le fait des conditions même d'armement pour cette pêche : se faisant uniquement à la
part, chaque homme apportant ses filets, ses vivres et sa glace; mais, pratiquement, à chaque
voyage une partie de l'équipage reste à terre, laissant ses filets à bord, et touche, malgré son
absence, la part qui lui revient de droit dans le partage des bénéfices de la pêche. II. convient
d'ajouter aussi cpie, dans un louable esprit de solidarité, certains bateaux embarquent encore
un lot de filets appartenant soit à des marins blessés ou malades, à des veuves ou à des orphelins
d'hommes ayant fait partie de leur équipage. Ce lot donne droit à une demi-part au profit
de leur propriétaire.
Lieux et Epoques de Pêche.
Les dundees douarnenistes sont généralement les premiers rendus sur les lieux de pêche
à l'entrée occidentale de la Manche, dans le Sud-Ouest de Bishop et de Longskip, ou plus au
Aord : dans le Nord-Ouest des Scillys, au large de Longship. Ils partaient, il y a quelques années,
dès la lin fie Janvier; mais, maintenant, le départ ne se fait plus guère que vers la mi-Février.
après la fête des Gras.
Les Boulonnais qui quittent leur port vers la fin de Février les retrouvent à Newlyn-Penzance,
port de relâche des drifters boulonnais et des dundees bretons pendant cette première partie
de la saison. Ils pèchent donc, en début de saison, du Sud-Ouest au Nord-Ouest, parfois même
dans le Nord-Est des Iles Scilh/s.
En Mars, tous s'écartent de la côte ; les Boulonnais, que les Fécampois ont rejoint, se tiennent
alors dans l'Ouest des Scillys, dans les parages du Banc Jones, du Banc Coekbnrn, au Nord-
Est du Banc Saint-Germain et de la Grande Sole, c'est-à-dire approximativement entre les
4o,°/i5 et ôo°3o de latitude Vorcl et le 8 e et le Ç)°i5 Ouest Gr. Les Bretons, à la même
époque, sont un peu plus au Sud et dans l'Est et restent à l'ouvert Nord de la Manche, dans
un quadrilatère limité par les /ig° et 5o°3o Nord et 6° et 8o° Ouest Gr.
En Avril, les Bretons se tiennent encore, dans les mêmes parages, tandis que Boulonnais
et Fécampois se rapprochent de la côte d'Irlande, tendant leurs filets au nord de la Grande
Sole et dans les parages du Banc Hard au sud de Fastnet. Mai les retrouve dans les mêmes
parages avec une tendance à se rapprocher toutefois de la côte anglaise, vers le Labadie Banc
ou. vers les Bancs .Jones, Cockbuni et Melnlle où ils se trouvaient déjà en Mars précédent. Les
Bretons se rapprochent également de la côte du Finistère et se trouvent vers le Banc Shamrock,
le Parson, le Kaiser-I-Ilin.d entre les /18° et /ig° de latitude Nord et les (j° et 8° de longitude
Ouest Greenwich.
En fin de Mai, Boulonnais et Fécampois sont non loin des iles Scillys et se portent, dès le
début de Juin, au large d'Ouessant, de 3o kâo milles de l'Ouest au Nord-Ouest de cette île
où ils finissent généralement la saison, tandis que les Bretons travaillent toujours dans les
[tarages d'Ouessant et de Sein jusqu'au moment de désarmer vers la mi-Juin pour se préparer
à la pêche du Thon.

— 82
La pêche du Maquereau aux filets dérivants continue cependant pendant quoique temps
encore dans cette région, pratiquée par les pinasses ou vedettes à moteur de Douamenez.,
Audierne, Penmarch et Guilvinec, péchant soit la Sardine de dérive, appelée encore Sardine
coureuse, ou le Maquereau.
Les Engins et la Technique de la Pêche.
La technique générale de la pêche du Maquereau aux filets dérivants est la même que celle 1
du Hareng. Le Maquereau, poisson pélagique se déplaçant par bancs, «lève» pendant la nuit ;
une longue nappe de filets dérivant avec les vents et les courants est tendue sur leur passage;
les poissons viennent s'eminailler dans les filets.
Mais la taille courante des maquereaux est généralement plus grande que celle des harengs ;
par conséquent, la maille des filets devra être plus forte. De plus, le Maquereau se tient non pas
au-dessous de la surface, comme le Hareng, mais dans fe voisinage même de la surface. Les
filets devront être tendus de façon différente, de telle sorte que la nappe péchante ne soit plus
en profondeur, comme pour la pèche du Hareng, mais, au contraire, en surface. (Fig. G3\ ( i ).
~ \ Barsouina
Bandingues
l'ijj'. 6-'i. In driller en pèche.
Disposition iki train de pèche pour la pèche ;iu Maquereau.
Les filets employés pour la pêche du Maquereau sont appelés «Manels»: ris sont conçus
sur le même principe quo les croies», mais sont généralement plus longs et moins profonds.
Leurs dimensions courantes sont les suivantes : longueur de 97 à 3o mètres, profondeur
de 637 mètres; la maille ayant de âo à h 5 millimètres de côté. Ces filets sont en coton,
tannés et goudronnés comme les filets à harengs. Jls sont assemblés au nombre de 200
à 4oo pour constituer le train de pêche ou «Tésure». Mais ici, la nécessité d'avoir la nappe
péchante dans le voisinage de la surface de l'eau entraîne une disposition différente, du train
de pêche.
L'aussière qui constitue encore l'armature souple et résistante de cette longue nappe de
filets pouvant atteindre de 6 à 1 0 kilomètres de longueur, est, cette lois, coulée en profondeur.
retenue au niveau voulu par une série de « quarts de poche » munis de longues «bandingues ».
Les filets, qui sont fortement liégés sur la ralingue inférieure, simplement alourdis à la ralingue
inférieure par la «souillardure» constituée par un bourrelet de vieux filets, flottent en surface
tombant verticalement et sont reliés par leur base et à chaque extrémité par des «barsouins»
de longueur voulue, à l'aussière qui est au-dessous.
(1) Comparer avec la ligure /18, pa^c 63.

Les filets sont tendus dans la fin de l'après-midi aux endroits où la
odeur particulière, la présence de squales, de
cétacés, d'oiseaux de mer indiquent la présence
probable du poisson. L'opération se fait de la
même façon que pour la pêche du Hareng. Puis,
les filets tendus, le bateau dérive une partie de la
nuit entraînant avec lui son train de pêche.
Vers deux à trois heures du matin, la relève
des filets commence. Cette relève des filets se
fait encore de la même façon que pour la pêche
du Hareng précédemment décrite. Il est donc
inutile d'insister ici sur ces deux opérations.
Les filets bretons. — Les filets bretons sont plus
fins et plus légers que ceux des Boulonnais ou
des Fécampois. Ils ont de 35 à ào mètres de long
( 1.000 mailles) sur A mètres (ôo mailles) de
chute, les mailles ayant de a 8 à 3o millimètres
de côté.
Ces filets sont en coton jumel passés au cachou
mais non goudronnés. Fortement liégés
en surface ils sont lestés à la base par des galets
fixés tous les 5 à G mètres sur leur ralingue inférieure.
nouleu ir de
Deux cents à trois cents filets sont fixés bout à bout et jetés à l'eau sans aussière
L'opération se fait de la manière suivante :
l''ig. G'i. Mise à l'eau des filets à bord
d'un driller lionloituais.
eau, une
Les bateaux arrivés sur les lieux de pêche se placent sous le vent, en travers de la lame, et,
au coucher du soleil, les filets sont sortis de la cale et filés après avoir été noués bout à bout,
par le travers du bâtiment qui se laisse dériver sous voilure réduite.
Le premier et le dernier filet de la longue nappe ainsi constituée, qui peut atteindre de 5 à
6 kilometres de long, portent chacun à leur extrémité un fanal à acétylène, monté sur un large
plateau marqué au nom du bateau. En général, un troisième fanal se trouve placé vers le milieu
du train de pêche.
Pendant une grande partie de la nuit ce train de pèche dérive. Mais, à l'inverse des pêcheurs
du Aord, les dundees bretons ne se laissent pas dériver avec leur tésure. Pendant toute la
nuit, ils passent et repassent autour de leurs filets, ou,restant en panne sous le vent se laissent
dériver à côté d'eux.
La relève se fait au petit jour, par le travers du bateau et uniquement à bras, aucun dundee
ne possédant encore de moteur ou de treuil de levage.

Fi;;. 65. Drillers Jirelons. J'réparalifs de déparl pour lu pèche ;ui
Macpicreau. Le lannaye des Voiles.
84 - -
I'"ijj. (iti. Drillers hrelons. l'roparalifs de dépari pour la pèche du
Maquereau. Nel loyale el mspei-lion des roques.
l'jjf. (i-y. Inlets à Maquereau séchaul dans les rues de Douarnencz, Kie. (iS. Drifter Breton en pèche.
1>U\CHE VI.
Drifters bretons faisant la pêche du Maquereau. Séchage des Jilels.

— 85 -
*
* *
Les bateaux boulonnais et fécampois l'ont de 5 à 7 voyages par campagne de pèche du
Maquereau; la durée de ces voyages étant d'autant plus courte que les bancs de maquereaux
se rapprochent de l'entrée occidentale de la Manche. Le premier voyage dure environ un mois ;
le deuxième 9.0 jours, le troisième de 1 5 à 90 jours, les suivants sont plus courts et leur durée
qui va de 6 à 10 jours dépend du rendement de la pêche et de l'éloignement de la pêcherie.
Les voiliers boulonnais et fécampois pratiquant cette pêche ont pratiquement disparu, ils
ne réussissaient à faire que deux voyages pendant la saison, les plus favorisés pouvant en
accomplir parfois trois.
Les pêcheurs bretons font, en moyenne, de 8 à 11 voyages ou « tournées » par campagne,
chaque tournée variant de 3 à 8 jours suivant l'éloignement des lieux de pêche et la quantité
de maquereaux péchés.
Conservation du Poisson à Bord.
a. Salaison. — Les anciens voiliers du Nord et les Fécampois encore salent le Maquereau
dès sa capture.
Aussitôt le poisson démaillé, les pêcheurs le vident et pratiquant deux incisions transversales
sur le ventre du poisson, l'une au niveau de l'anus, l'autre à la hauteur des ouies, ils
retirent les branchies, le foie, l'estomac, l'intestin et les rogues ou laitances.
Puis, ils «daguent.» le poisson, c'est-à-dire bourrent de sel la cavité abdominale. Le maquereau
«dagué» est alors salé en vrac dans la cale, tandis que les petits maquereaux et les
ttmangettes », c'est-à-dire les poissons qui ont été abimés pendant les opérations de pêche,
sont salés en barils d'environ 600 poissons.
Les rogues sont recueillies à part et salées dans des tonnes. Elles servent à la préparation
d'une rogue ou «résure» employée depuis longtemps pour la pêche de la Sardine.
b. Conservation par la glace. — Ce mode de conservation a été pratiqué pour la première fois
vers 1887 par M. FOURNY, armateur à Boulogne, qui transforma plusieurs de ses bateaux en
dépôts de glace et les mouilla en Baie de Bantry, sur la côte Sud d'Irlande. Ses autres bateaux
pratiquant la pêche vinrent s'y approvisionner en glace et deux petits caboteurs furent destinés
à rapporter en France le poisson glacé et à ramener pour les pêcheurs de nouveaux approvisionnements
de glace et de vivres.
Cette préparation du maquereau en glace fut continuée malgré dilférentes difficultés d'ordre
administratif tant que dura la pêche à bord des voiliers. Elle fut poursuivie à bord des nouveaux
drifters à vapeur qui ramenèrent rapidement au port de débarquement les maquereaux
rangés dans des caisses de sapin contenant chacune ào, 80 ou 110 poissons suivant leur grosseur,
placés sur une couche de glace finement concassée disposée au fond de la caisse et recouverts
ensuite d'une autre couche de glace.

— 86 -
C'est de cette façon qu'arrivent toujours à Boulogne les maquereaux pècliés en Atlantique.
Les Fécampois sont cependant restés fidèles à la salaison à bord, mais la conservation en glace,
favorisée par la durée bien plus courte des voyages, tend, de plus en plus, à remplacer le mode
de conservation par le sel.
Les dundees bretons conservent également leurs poissons en glace en le disposant sur tie
légères étagères placées de chaque côté de la cale et en le recouvrant de glace concassée (1).
Les dernières marées sont, quand cela est possible, ramenées à l'état frais. Les chaloupes
et les cotres qui, de Mai à Juillet, n'effectuent pas de sorties supérieures à 72 heures, ramènent
généralement tout leur poisson à l'état frais.
Ports de vente.
Boulogne et Fécamp dans le Nord, Douarnenez en Bretagne sont les trois grands ports spécialisés
pour la vente du Maquereau. Boulogne ne reçoit généralement que du Maquereau frais ou
glacé. Fécamp reçoit encore du poisson salé. Douarnenez, grand centre du Maquereau dans le
Finistère reçoit également son poisson frais ou glacé. Les bateaux A'Âudierne et de Guilvinec
rentrent cependant à leur port d'attache où ils trouvent les débouchés voulus pour leur poisson.
Cette pêche du Maquereau frais aux filets dérivants est une pêche exclusivement française
peu pratiquée dans les autres pays. Aussi les drifters français vont-ils vendre parfois les produits
de leur pêche à Nevolyn, Milford, Fleetwood ou même à Ostende et Ymuiden où ils trouvent
souvent des prix rémunérateurs.
Le Chalutage du Maquereau.
Le Maquereau, poisson pélagique comme le Hareng, se tient pourtant, comme celui-ci, à
certaines époques, en formation serrées sur le fond de la mer.
La biologie du Maquereau étant encore mal connue, ce fut une surprise générale quand,
pendant l'hiver 1901, un chalutier de Boulogne rentra au port avec une grande quantité de
maquereaux, qu'il disait avoir péché dans la Manche dans les environs de Start Point.
Ce, pêcheur fut même soupçonné d'avoir acheté ses maquereaux en Angleterre pour les
revendre ensuite en France à un bon prix. Mais, après plusieurs voyages accomplis avec le
même résultat, il fallut admettre la réalité de cette pêche. Depuis lors, elle est complètement
entrée dans la pratique.
Ces bancs de maquereaux sont extrêmement denses et il n'est pas rare de voir le chalutier
qui a pu les repérer, capturer jusqu'à 500,000 maquereaux dans sa journée; cetLe pêche
«'effectuant principalement de jour.
Les rassemblements de maquereaux sur le fond sont maintenant mieux connus ; et, aux premières
concentrations exploitées par les chalutiers en Manche : dans les parages de Start
Point et à'Eddyslone, -par 60 à 80 mètres de profondeur, au voisinage de Dieppe par 9 5 à
(j) Les Douarnenislcs ont récemment adoplc l'emploi de caisses pour l'emballage el la conservation eu glace du
Maquereau.

- 87 —
3o mètres, au svid du Banc du Vergoyer, par s>o mètres environ et exploitées pendant les mois
d hiver, il faut maintenant ajouter les pêcheries de Smalh et des Saltees dans le voisinage de la
côte Sud-Est d'Irlande, puis celles d'Inwhlrahull (figures 5 i-bn), au nord de cette grande île
où des bancs denses de maquereaux sont rassemblés non loin des bancs de harengs
qu'exploitent, de la même façon avec un chalut léger, de Juillet à Novembre, les chalutiers
boulonnais auxquels sont venus se joindre depuis quelques années ceux de Fécamp et de Dieppe.
De même, en Mer du Nord, sur les Fladem (figure 53), où se pêche le Hareng, le Maquereau
abonde aussi fréquemment à la même époque : d'Août à Novembre. Poursuivant leurs
recherches les chalutiers boulonnais le retrouvèrent en Novembre, Décembre, Janvier, aux
accores du plateau continental de la Mer du Nord, dans les parages d'Utsire et du Viking
Bank, où en Avril-Mai il reparaît encore, sur le fond, suivi dans son mouvement de migration
vers le Skagerrak par les chalutiers qui le pèchent encore là jusqu'à la fin de Juin.
D'autre part, en Atlantique, là où apparaissaient les premiers maquereaux en surface, les
chalutiers réussirent encore, ces dernières années, à le découvrir sur le fond dès le début de
Mars. Leurs abondantes captures rapportées sur le marché, bien avant les premiers drifters
qui, jusqu'alors, avaient la primeur des premiers maquereaux de printemps, firent à l'armement
aux filets dérivants la plus dangereuse concurrence. Capturant de Mars à Juin, sur le fond,
pendant le jour, en quantités souvent énormes, les maquereaux qu'attendent les drifters
tendant le soir dans les mêmes parages leur longue nappe de filets, ramenant rapidement
cales pleines, sur le marché des quantités énormes de poissons, provoquant la chute des cours,
le chalutage du Maquereau, comme celui du Hareng, n'est pas étranger à la disparition constatée,
d'une année à l'autre, des drifters et du métier séculaire de la pêche aux filets dérivants.
Les maquereaux capturés au chalut sont, comme ceux pris aux filets dérivants, mis en
caisses glacées de ho, 8o ou 110 suivant leur taille et vendus principalement sur le marché
de Boulogne qui, depuis le développement du chalutage de ce poisson, a pris encore une extension
nouvelle au détriment des autres ports.
Utilisation des Produits et Sous-Produits de la Grande Pêche du Maquereau.
Le maquereau débarqué irais ou en caisses glacées est très généralement destiné à être
consommé directement, il est expédié par les soins des mareyeurs sur les marchés de l'intérieur
en France ou à l'étranger.
Le maquereau salé en barils est repaqué à terre et vendu sous cette forme dans les régions
agricoles de \ormandie, de Beauce où il est assez recherché. Ln soixantième environ de la
production totale de la pêche du Maquereau est ainsi traité pour la conservation par le sel.
Enfin, les usines de conserve qui préparent les maquereaux de différentes façons : maquereaux
marines au vin blanc, au vinaigre et aux aromates, petits maquereaux à l'huile, filets de
maquereaux marines ou à la sauce tomate absorbent également une partie de la production.
Les laitances et rogues, prélevées au moment de la pêche du Maquereau en Atlantique,
servent à la préparation de conserves hermétiques ou d'une «rogue» salée ou « résure »
depuis longtemps employée comme appât pour la pêche de la Sardine dite «de rogue».

— 88 —
La Petite Pêche du Maquereau.
Les concentrations de maquereaux rencontrées au
large des côtes et exploitées par les pêcheurs aux
lilets dérivants ou par les chalutiers, sont généralement
des concentrations de ponte ou de préma tu ration
sur le fond. La ponte accomplie, ces concentrations
se dispersent et les bancs moins denses se
rapprochent alors de la côte où ils trouveront une
nourriture abondante.
C'est ainsi qu'à diverses époques suivant les régions,
apparaissent à proximité de terre des bancs de
maquereaux qui, sur tous les points du littoral français, feront l'objet d'une pêche active. Sans
atteindre l'importance de la grande pêche du Maquereau aux filets ou au chalut, cette pêche
a néanmoins un rendement assez abondant pour alimenter non seulement les marchés
locaux, mais encore un grand nombre de fabriques de conserves et d'ateliers de salaison.
En Manche, le Maquereau apparaît dès le mois d'Avril. Dès ce moment, jusqu'à la fin de
Septembre ou le début d'Octobre, les canots et les sloops bretons, les bisquines de Cancale,
et de Granville, les flambarts de la [longue et de Lannion, les cotres de Cherbourg, les Câïques
de Fécamp et d'Yporl, les barques du Nord le pèchent à la ligne traînante ou à la «turlutte».
Sur les côtes de Bretagne où il est abondant d'Avril à Octobre, il est encore péché à la ligne
traînante, appelée, suivant les différents quartiers, «traîne», «caille» ou «stocker/», par les
chaloupes et les canots du sud du Finistère, tandis que les pinasses et les vedettes à moteur
le pèchent soit dans les filets de dérive mouillés pour la pêche de la Sardine coureuse, soit au
filet tournant et coulissant, dit «de Saint Gnénolé», quand les bancs de petits maquereaux apparaissent
en Baie à'Audierne vers la fin de l'été et au début de l'automne.
Sur toute la côte de nombreuses barques le pèchent encore à la ligne à mains jusqu'au
moment où, vers la fin d'Octobre, le Maquereau s'écarte des côtes pour regagner les eaux plus
chaudes du large.
On le trouve cependant pendant l'hiver à proximité des côtes landaises et basques où tous
les procédés de pêche que nous avons rapidement passés en revue sont employés et auxquels
il faut encore ajouter le « filet bolinche» également employé pour la pêche de la Sardine.
En Méditerranée, le Maquereau ordinaire est plus rare; on y trouve surtout le Maquereau
espagnol [Scomber collas) péché, tout aussi activement, à la ligne ou au filet ainsi que nous le
verrons en étudiant les pêches françaises de la Méditerranée.
JAI pèche à la Traîne.
Ce mode de pêche du Maquereau est déjà très ancien. Pratiqué sur tout le littoral de la
France, il est connu sous différents noms : «à la traîne», au «plomb», «à la caille», «à la
sloclcen»; mais, quelles que soient les régions, les modalités de ce genre de pêche changent
peu et la description que nous ferons de cette pêche telle qu'elle se pratiquait il y a encore
quelques années à Boulogne, conviendra pour toutes les régions.

— 89 -
La pêche à la traîne se pratique sous voiles avec des lignes plombées à la traîne. Pour «fignolera
ainsi, les petits bateaux qui font cette pêche portent de chaque côté un espar flexible en
sapin long: de h à 6 mètres (Fig. 69), à l'extrémité duquel se trouve fixé une maîtresse-ligne
assez longue pour que le plomb conique qui la termine touche le fond de la mer ou la zone
intermédiaire dans laquelle se trouvent les bandes de maquereaux au moment de la pêche.
De place en place, des baguettes en fanon de baleine ou v.clipols», longs de quinze centimètres
environ, sont disposées très régulièrement sur la ligne et s'écartent de cette corde
pour supporter une empile longue de 5 à 1 3 mètres et que termine l'hameçon. Chaque
maîtresse-ligne porte de 6 à 9 «clipots» et autant d'hameçons. I ne troisième ligne, aussi
longue et moins richement armée en hameçons, est souvent attachée sur un matereau flexible
ajouté en tête du mat ou du tape-cul.
L'appât importe peu. Le maquereau est vorace et se précipite sur tout ce qui passe à sa portée
; on amorce avec des vers marins, des crevettes, avec de la
chair de poisson brillant, des fragments de queue de morue, ou
de préférence avec une languette de peau de maquereau fraîche
ou salée, découpée sur le premier poisson péché.
Il importe seulement que le bateau ait une vitesse suffisante
pour que l'hameçon coure entre deux eaux. Le maquereau vorace
se précipite sur la ligne, tire violemment sur l'appât et s'enferre.
La pêche commence dès les premières lueurs du jour et se
prolonge plus ou moins longtemps dans la. journée suivant l'importance
des prises, l'éloignement du port et l'heure favorable
pour la vente des captures.
Avec les maquereaux, les pêcheurs prennent encore quelques
Orphies (Jklone belone), quelques merluches (Gadus. pollachiu-s L) '-''!!'• 7"- '•" !; la l im -
et des Piloncaux (Dorades grises ou roses).
Parfois, pour attirer le poisson autour du navire pêcheur on emploie un appât abondamment
distribué, (l'est ainsi que dans le Morbihan, on laisse traîner derrière le bateau un panier rempli
de coquillages écrasés et de débris de poissons. C'est la pêche à la «caille» ou à

— 90 —
travers de la lame sur les côtes du Boulonnais, soit bout à la lame sur les côtes bretonnes.
Pour faire lever et retenir les bancs de maquereaux autour de leur bateau qui dérive lentement,
les pêcheurs bretons jettent à la mer une bouillie constituée
par un mélange de farine d'arachide et de hachis de poisson (tètes
de sardines saumurées achetées à l'usine de conserves, maquereaux
des précédentes pêches, caringues ou chinchards) préparée à
bord à l'aide d'un hache-viande de grande taille et brassée après
addition d'eau de mer.
La taille du maquereau attiré autour du bateau décide de l'engin
qui va servir à le capturer.
Si le poisson est gros et se maintient à une certaine profondeur
au-dessous du bateau, l'engin employé est une ligne à main,
généralement en crin de cheval (de 9 à 20 brins) et montée sur
catgut ou sur crin de Florence peu visible dans l'eau. Cette ligne
est courte, entre 1 et 5 mètres, plombée suivant la force du
courant et la profondeur à laquelle se tient le poisson et munie
d'un seul hameçon appâté avec une languette de peau de maque­
•'•
reau, ou, sur la côte basque, avec d'abord un petit morceau de
Kijf. 7 i. Turlullcs
In piVIie du Alaquei caoutchouc, puis,
pui
ensuite, avec une lanière de maquereau.
Quand le poisson mord, le pêcheur tire rapidement sa ligne et
d'un geste vif détache le poisson qui n'a pas eu le temps de s'enferrer complètement.
Quand le poisson est trop petit pour être pris à la ligne on le pêche à l'« épuiselle » ou .
t'iy. 7;!. Kpuiselle pour la pi'che du AfaipuTcau.
Mais, pour cela, le Maquereau doit être retenu en surface. Dans ce but, l'appât huileux est
alors abondamment distribué. Quand le poisson est tout contre le bord du bateau, l'havenot
entre en action. C'est un filet conicrue à fortes mailles de 5o à 60 centimètres d'ouverture, de

— 91 —
î mètre de profondeur, fixé sur un cercle solide de métal, tenu au bout d'un manche de 1 m. 5o
environ. L'engin est rapidement passé dans l'eau troublée par l'appât et ramène à chaque fois
de nombreux poissons.
Enfin, lorsque le poisson est de grande taille et ne mord pas, la «lurlulte» ou «lige lurîullev
est préférée. C'est une tige métallique de 1 mètre de longueur garnie d'hameçons sans dardillon
disposés en hélice. Après avoir fait lever le Maquereau, les pêcheurs plongent leur tige turlutte
le long du bord, puis la retirent brusquement en fauchant; il n'est pas rare de voir la plupart
des hameçons garnis d'un poisson accroché généralement par le ventre.
L'emploi de cet engin exige une grande dextérité; mal manœuvré il ne réussit qu'à épouvanter
le poisson ; il a de plus le gros inconvénient de le blesser, ce qui lui enlève une partie de
sa valeur marchande. Cette pêche fut d'ailleurs interdite pendant un certain temps car elle
avait aussi le grave inconvénient de blesser inutilement un nombre relativement grand de
poissons qui, réussissant à s'échapper, périssaient sans profit pour personne.
Ecoulement des Produits de la Petite Pêche du Maquereau.
Les maquereaux de petite pêche sont généralement vendus pour la consommation à l'état
frais; débarqués dans un parfait état de fraîcheur, ils sont toujours bien vendus et sont fréquemment
expédiés sur les marchés de l'intérieur. Ils ont cependant l'inconvénient de se gâter
très vite en raison des fortes quantités d'appâts qu'ils absorbent avant d'être capturés et qui se
décomposent très rapidement. Il convient donc de les vider aussitôt que possible pour prolonger
leur conservation.
Ces maquereaux sont également utilisés par les usines de conserves pour la préparation des
maquereaux marines au vin blanc ou des filets à l'huile. Enfin, à Douarnenez, où de Juin à
Septembre, des bancs importants de maquereaux pénètrent en Baie à la poursuite des bancs de
petits sprats et sont capturés à la ligne à main, les matelots bretons ont l'habitude de saler
ces maquereaux en barils en alternant les couches de poissons soigneusement nettoyés, vidés
et lavés avec des couches de sel sec. Ils les conservent ainsi pour leur consommation pendant
l'hiver.
Les Statistiques des Pêches Maritimes publiées par le Ministère de la Manne Marchande pour
l'année IQ32 évaluent la production totale de la pêche du maquereau en France à :
Maquereaux frais : 9 0.8Go.3i7 kilogrammes valant 57.52.3.814 francs.
Maquereaux salés : 3a8.432 kilogrammes valant 872.860 francs.
Ports de la Manche :
Maquereaux frais : 13.0S8.819 kilogrammes pour 36.oi3.o66 francs.
Maquereaux salés : 328.432 kilogrammes pour 879.860 francs.
Ports de l Atlantique :
Maquereaux frais : 6.305.85 1 kilogrammes pour 1 A. 166.1 56 francs.
G.

Ports de la Méditerranée :
- 92 —
Maquereaux frais : î.aSi.Ag^ kilogrammes pour 6.4i3.o52 francs.
Dans les principaux ports d'armement cette production s'élève ainsi :
QUANTITÉS. VALEUR.
Boulogne-sur-Mer g.4go.3o8 kilogrammes. 2/1.642.271 francs.
Douarnenez 3.i8o.i3i — 4.920.372 —
D ieppe 2 . 0 G 8. 4 0 0 — 5.3 a 6. G 0 0
Fécamp : frais + salés g 2 8 . 0 13 — 2 . 7 r G. 2 5 g
Le Guilvinec 922.400 1.476.320 —
Penmarch 766.600 1.285.92a —
Marseille 576.02.5 3.877.313 —
Agde s 3 6.0 0 0 735.5oo —
Sainl-Jean-de-Luz 166.670 891.670 —
Lorie nt 160.078 618.742 —
Le graphique (fig. 73 bis) indique les fluctuations de cette pêche au cours des trente dernières années.
L. BnONKHOBST.
La pêche du Maquereau. (Paris, 1928.)
BiBuocnipniE.
ft. CASU.
La pèche à Boulogne. (Boulogne-sur-Mer et la Région houlonnaise, Boulogne, 1899.)
J. LE GALL.
Les principales pêches maritimes de la France. Les filets et engins qui y sont employés. La Pèche Maritime,
1" mars 1 g3 i.)
K. PRIOL.
La Pèche du Maquereau à la ligne. (La Pêche Mariiime. octobre ig3 2.)

QUANTITES
en kilogrammes
laleur en francs
75.000.000
70.000.000
65.000.000
60.000.000
55.000.000
•50.000.000
45.000.000
40.000.000
35.000.000
30.000.000
25.000.000
20.000.000
15.000.000
10.000.000
I
f
93
Pêche du MAQUEREAU de 1923 à 1932.
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i
i
A N N I-; G S
Quantités en kilogrammes
Valeurjn franca —
OFFICE DES HiElIKS AU 1IITI MES. 1IK.M. N in. 6i

— 94 —
CHAPITRE III.
AUTRES GENRES DE PÊCHE EN MER.
LA PECHE DE LA SARDINE nV 'SI.VIIV llook. trouve non seulement dans tout le bassin de la Médi­
Fig. 7.!'). La pC'clu» à la Sardmfi en Brctag'ue. terranée, mais encore dans l'Atlantique Oriental,
depuis les Canaries, Madère, les Açores et la côte de Mauritanie jusqu'au sud de Y Irlande,
dans la Manche et aussi dans la Mer du Nord, où elle est d'ailleurs peu commune et ne fait
l'objet d'aucune pêche.
En Méditerranée, elle n'est l'objet d'une pêche fructueuse que dans Y Adriatique et sur toutes
les côtes de la Méditerranée occidentale; mais, dans l'Atlantique elle est capturée en abondance
aux Açores, aux Canaries, et sur la côte du Maroc, puis, sur la côte européenne, depuis
Cadix jusqu'à la pointe de Bretagne, enfin, en Manche, sur les côtes de Cornouailles et du
Devonshire.
Bien qu'il ne soit capturé qu'en certaines régions de la côte de l'Atlantique et de la Méditerranée,
ce poisson peut être considéré, néanmoins, à bon droit comme un poisson international
: sa distribution sous forme de conserves à l'huile étant devenue en moins de cent ans
quasiment universelle.
En chaque point de la côte où elle abonde, la Sardine fait l'objet d'une pêche active et
vivre toute une industrie qui, depuis que la première confiserie de sardines créée par BLAN-
CHABD s'établit à Lorient en 1 8s5, s'est rapidement développée sur toute la côte du Golie de
Gascogne, en France, puis plus tard sur le littoral Ibérique et le Nord Africain.
Les Sardines qui peuplent l'Atlantique d'une part et la Méditerranée d'autre part, font
PAR JE AN Le GAI.L.

— 95 —
partie de la même espèce : CLUPEA PILCHARDUS WALHAUM, mais forment deux grands groupes
morphologiquement et biologiquement très différents, auxquels on a attribué parfois la valeur
de variétés de la même espèce: la forme typique, la vraie Sardine: (CLUPEV SARDINA PILCHARDUS)
W'ALBAIJM existant seule dans l'Atlantique oriental, la variété SARDINA PILCHARDUS SARDINA Ihsso
étant la forme méditerranéenne.
Ces deux groupes sont eux-mêmes divisés en populations ou races locales nettement caractérisées
; et, en Atlantique, les recherches récentes ont permis de distinguer :
— une population de la Manche et du nord du Golfe de Gascogne;
— une population du fond du Golfe de Gascogne et du. nord de l'Espagne;
— une population ibérique;
— et une population spécifiquement marocaine.
Chacune de ces populations évolue dans une aire strictement limitée, apparaissant à certaines
époques dans des endroits bien déterminés dans le voisinage de la côte, pour se retirer ensuite
au large quand la température des eaux côtières se refroidit.
La théorie migratrice des sardines, aux termes de laquelle les sardines passeraient l'hiver
dans les eaux chaudes de l'Atlantique tropical et remonteraient ensuite vers le Nord au fur et
à mesure que la saison s'avance ne peut donc plus être soutenue actuellement.
De plus, contrairement à ce que croient encore certains pêcheurs et même certains industriels
de la conserve, les sardines connues sous le nom de «Sardines de dérive», «Sardines coureuses »
ou «Sardines sauvages» ne constituent pas des races spéciales différentes de la Sardine commune
couramment désignée sous le nom de «Sardine de rogue».
Ces différentes sortes de sardines ne sont que des états différents de l'unique espèce de
Sardine: Clupea pilchardus. La Sardine de rogne, ainsi nommée parce qu'elle est généralement
pêchée aux filets droits en l'attirant en surface au moyen d'un appât constitué par de la rogue
de morue, est l'individu jeune, immature, généralement âgé de moins de trois ans, tandis que
la Sardine de dérive, sardine coureuse ou sauvage, pêchée le plus souvent à l'aide de filets dits de
« dérive», est l'adulte de l'espèce, généralement âgé de plus de trois ans.
C'est cette grosse sardine, adulte, capable de se reproduire qui est connue en Angleterre,
où elle est abondante sur les côtes de Cornouailles et de Devonshire, sous le nom. de Pilchard.
Elle ne convient pas pour la préparation de la sardine à l'huile qui exige la forme jeune, immature
de l'espèce, de qualité nettement supérieure et nous rappellerons ici que le Merchandise
Marks Acts de 1887 et Y Arrêt de la Cour de Police de Boiv-Street de Londres du 10 mars 1 g 14-,
réservent l'appellation commerciale de «Sardines» au Clupea = Sardina pilchardus WALBAUM
NON ADULTE, conservé avec de l'huile dans des boîtes.
La Pêche de la Sardine sur les Côtes de France.
La Sardine fréquente tout le littoral atlantique français depuis la frontière d'Espagne jusqu'à
la pointe Saint-Mathieu. Elle est moins abondante sur le littoral de la Manche; toutefois elle
apparaît encore régulièrement sur quelques points de la côte Nord du Finistère, en particulier
dans le voisinage de Roscoff, puis, plus à l'Est, dans la Baie de Lannion, où une pêche régulière
6 A.

— 96 —
se fait chaque année dans les parages de Locquémeau; de plus, d'Octobre à Décembre, des bancs
de sardines coureuses connues sous le nom de K Célansv ou « Céhns», appartenant comme les
pilchards de Plymouth à la population de la Manche et du nord du Golfe de Gascogne, apparaissent
sporadiquement au large des côtes de Picardie et sont capturées de temps à autre dans
les fdets tendus pour la pèche du Hareng.
En Méditerranée, la pêche de la Sardine s'effectue encore sur tout le littoral français de Port-
Vendres jusqu'à Nice, ainsi que dans les étangs de Thau et de Berre.
Elle est rare sur le littoral de la Corse; par contre sur tout le littoral algérien elle est abondante
et fait l'objet d'une pêche intensive.
Sur la côte Àtlanto-Africaine, elle est extrêmement abondante et les richesses sardinières du
littoral marocain entre Tanger et Agadir ont pu être évaluées à six fois environ les ressources
de la côte bretonne de Douarnenez à Concarneau.
Lieux et Epoques de Pêche.
— Sur la côte Atlantique du Maroc,la Sardine peut être capturée toute l'année ; mais, en réalité,
au Maroc français, la pêche n'a lieu que d'Août à Janvier et atteint son maximum en Septembre,
Octobre, Novembre.
— En Méditerranée, la Sardine se pêche toute l'année dans les eaux du quartier d'Oran;
de Février à Septembre-Octobre dans le quartier à'Alger; de Janvier à la fin de Juillet, dans les
quartiers de Philippeville et de Février à Août clans le quartier de Bône. Elle se raréfie en approchant
de la côte de Tunisie où la pêche de la Sardine est relativement peu importante.
Sur le littoral français de la Méditerranée,la Sardine n'est guère abondante avant le mois de
Mars et se raréfie dès Novembre. Elle apparaît d'abord sur les côtes d'Espagne, puis gagne vers
le Nord: les côtes du Roussillon, cependant que sur les côtes provençales elle apparaît progressivement
de l'Est à l'Ouest.
— En Atlantique, la Sardine apparaît dans le fond du Golfe de Gascogne, vers Saint-Jean-de-
Luz, dès le mois d'Octobre et sa pêche se poursuit jusqu'en Avril.
En Mai, le poisson apparaît près A'Arcachon, à la même époque on le signale dans les parages
des Sables-d'Olonne et de Saint-Gilles; puis, il gagne progressivement vers le Nord : Y lied' Yeu,
VHerbaudière, Saint-Nazaire, Le Croisic, La Turballe.
Au début de Juin, la Sardine apparaît dans les eaux de Quiberon et de Belle-Isle, puis vers
Port-Louis, Doëlan, Concarneau, L'Ile Tudy, Lesconil, Le Guilvinec et Penmarch. En fin de Juin,
elle se montre sur la côte Ouest du Finistère : Audierne, Douarnenez ; puis, en Juillet, plus au
Nord vers Camarel et Brest. Ce n'est qu'en Août-Septembre et Octobre qu'on la trouve sur la
côte Nord, vers Roscoffet en Baie de Lannion.
Ces bancs de sardines qui apparaissent ainsi successivement du Sud au Nord, laissant croire
à une migration périodique du poisson, sont en majeure partie constitués par des jeunes
sardines immatures qui seront capturées aux filets droits en les attirant à la surface au moyen
de rogues. C'est laSardine de Rogue. Sapêche se poursuit jusqu'aux premiers froids et se termine
en Octobre ou Novembre, persistant exceptionnellement jusqu'en Décembre lorsque l'été a été
beau et chaud et que la température des eaux dans le voisinage de la côte est restée exceptionnellement
élevée.

Les centres d'armement
pour la pêche de la
SARDINE en FRANCE
Douarnenez
Àudierne '
V^A Concârncàu
Penmarth- ^-^^ Lorient
r NezairQ
J T 6I/UJ
ej Jdblej
d'olonne
IkAR. ^{uRocne/fe
ftrcàchon
Bordeaux
.S Jean de Luz
97
Co/Zioure
_\ Port Vendre/
Pig. 7/1. — Les centres d'armement pour la pêche de la Sardine
sur les cotes de France
(au cealre, la répartition de la production, française.)
•

— y» —
Lorsque la Sardine de Rogue a disparu du voisinage de la côte et regagné les eaux chaudes
du large ou profondes, les pêcheurs vont chercher au large vers le Plateau de Rochebonne
une grosse sardine dite « Sardine Sauvage » qui se maintient encore quelque temps dans ces
parages. Enfin, sur les côtes du Finistère, particulièrement dans les eaux du quartier de Dovarnenez,
Audierne, Guilvinec et de Concarneau, ils trouvent de Décembre à Mai, une grosse sardine
adulte, comme la sardine sauvage de Rochebonne, qui se maintient en profondeur. Cette
Sardine pêchée à l'aide de fdets dérivants, coulés en profondeur, est connue, ainsi que nous
l'avons déjà vu, sous le nom de «Sardine de Dérive». Sa pêche se poursuit jusqu'au moment où
réapparaît dans la région la sardine de rogue.
Kig. 75. "Voles ou Biscayennes
se manœuvrant à la voile ou à la rame
et faisant, au XVH" siècle
la jièclie à la Sardine.
Historique de la Pêche de la Sardine en France.
D'après Ouix.
L'origine de la pêche de la Sardine est certainement
très ancienne. Ce poisson était déjà bien connu des Anciens,
car on en trouve la mention expresse dans les écrits
de PLINE, de GALLIEN. Dans la Méditerranée, on l'a péché
de toute antiquité et la Provence, le Languedoc le firent
activement de très bonne heure comme tout le littoral
méditerranéen.
Sur les côtes de l'Atlantique, La Rochelle fut, dès le
x c siècle, un centre important de pêche et de salaison:
les marins de l'Aunis, du Poitou et de la Saintonge péchaient
et préparaient la sardine sur leurs côtes.
Au xn c siècle, Paris recevait les Célins de la Manche et
la Sardine salée était déjà consommée loin des lieux de
pêche, en particulier en Flandre où elle était connue
sous le nom de « Serdenne ».
En Bretagne, des chartres du xiv e et du xv e siècles mentionnent déjà les presses à sardines
et les presseurs bretons faisaient, dès 1/108, le commerce de sardines salées conjointement à
celui de Congres et du Merlus salés. Pendant les années d'abondance, ils exportaient leurs produits
en Espagne, aux Canaries, en Angleterre.
Au xvi° siècle, La Rochelle est toujours un centre sardinier important; au xvi e et au xvu°
siècles, Domrnenez fait un grand commerce de sardines pressées, de sardines sauries ou
« Soueltes•» ; puis de sardines anchoisées et on connaît déjà la pêche de la sardine de rogue et
celle de la sardine de dérive. En 1759, l'unique commerce de Delle-Isle est celui de la sardine
et 200 chaloupes sont armées pour cette pêche.
La guerre de Sept Ans arrête le développement de cette industrie qui ne reprend son essor
qu'après le Traité de Paris ; mais, la perte du Canada, qui fait passer le monopole de la vente des
rogues entre les mains des armateurs de Bergen et la concurrence des Anglais, des Espagnols
qui exportaient leurs sardines pressées vers la Navarre et dans le Labourd W apportent une
(1) Le pajs de Labourd dépendait de l'ancienne Gascogne et a\ait pour chef-lieu B.VÏONKE.

entrave pénible au développement de la pêche sarcomere. Les deux aspects du problème sardinier,
toujours pendant à l'heure actuelle : la concurrence étrangère et la cherté des rogues, se
présentent déjà et les doléances des pêcheurs du littoral atlantique se feront dès lors fréquemment
entendre près des pouvoirs publics.
A. la veille de la Révolution française, 3.000 bateaux
se livrent en France à la pêche de la Sardine.
Dansle Finistère, centre de beaucoup le plus important
pour cette pêche, 4.0,58 marins en vivent et la
production annuelle s'élève à 85.750 barils de 170
livres et à 870 barils d'huile.
L'application des découvertes faites en i8o4 par
Nicolas APPERT, sur la conservation artificielle des
produits animaux, donna un nouvel essor à l'industrie
sardinière française. La première confiserie de
Fly. 7I). Les Sables d'Olonue.
Premier t\pe de Chaloupe ponl.ee, 18^7.
D'après C. \fKni:EMEAL'.
sardines établie par BLANCHARD à Lorient en 1 8 9 5 fut
suivie de l'installation d'une «friture » aux S able sd'Olonne
en i83'3, puis des usines s'installèrent à
Belle-Isle, s. La Turballe, et, au cours des années
1860-1880, l'industrie sardinière connut une nouvelle ère de prospérité qui entraîna la
création de 160 usines nouvelles de Brest k Saint-Jean-de-Luz.En 1880, la France possédait
900 usines de traitement de la sardine, l'Espagne: ho et le Portugal: 18.
Cet essor provoqua la transformation complète de régions
jusque-là peu peuplées et même la création de ports
nouveaux, particulièrement dans la région bretonne, surtout
dans le Finistère où le développement de cette industrie
s'est fait le plus intensément sentir.
Actuellement la production sardinière française atteint
annuellement 9 5 à 3o millions de kilogrammes de poissons
péchés, pour une valeur voisine de 100 millions
de francs. Près de 19.000 personnes sont employées,
de Locquemeau à Hendaye, dans les usines, les ateliers de
salaison ou de marée fraîche pour travailler les sardines
que leur apportent plus de 90.000 inscrits maritimes
se livrant régulièrement à cette pèche.
Fie;- 77. Canol de Sardine
des Sables d'Oloimc.
T\pe 1870 utilisé jusqu'en îtji'i-
D'après il. PI). Ducuos.
Ces derniers chiffres montrent toute l'importance de cette pèche et des industries qui en
dérivent dans l'économie nationale du pays et permettent de comprendre combien peuvent
être graves les conséquences des crises qui viennent trop souvent l'affecter.
Les Centres d'Armement.
De nombreux ports de pêche, grands et petits, répartis sur tout le littoral français de Locjuémeau
à Hendaye sur l'Atlantique, de CoUioure à Menton, sur le littoral français de la Méditer-

anee, cl uvan a liizerie : en Algérie, et cle langer a Agadir sur la cote marocaine arment pour la
pèche de la sardine. Mais, cette pêche ne présente une véritable importance que dans les ports
cle l'Atlantique où elle revêt un caractère saisonnier et domine pendant plusieurs mois la vie
économique de régions entières.
II. serait fastidieux d'indiquer ici tous les centres d'armement pour cette pèche; nous ne
citerons que les plus importants avec leur production annuelle, telle qu'elle est indiquée dans s
les dernières «Statistiques des Pèches Maritimes» publiées par le Ministère de la Marine Marchande.
PORTS. PRODUCTION. VALEUR.
Douanienez 5.888.180 kilogrammes. 18.98a.138 francs.
Quiberon a.664.688 - io.ot.5.i85 -
Saint-Jean-de-Luz 3.oi8.s55 6.676.140 —
Audierne i.5a3.ooo 5.988.9/19
Penmarch 1. a 9 9. 9 3 0 — 5.435.397 —
La Turballe 1.289.571 3 . g 3 5 . 6 g 6 —
Les Sables-d'Olonne 978.868 — 3.5gg.889
Sainl-Gilles-sur-Vie 960.760 — 3.397.600
Concarneau 868.999 — 4. 45g. 541 —
Cuilvinec 552.800 — i.86a.54o
Le Croisic 543.g5o — i.g5o.990
Ces quelques chiffres montrent que la plupart des centres d'armement pour la pêche de la
Sardine, tout au moins les plus importants, se trouvent en Bretagne, au Aord de la Loire.
C'est, en effet, la région de pêche de la Sardine de beaucoup la plus importante et, en examinant
encore les résultats de la pèche par région on peut voir que (Fig. 'yà) :
Au nord de la Loire : côtes de Bretagne, le rendement annuel de la pèche s'élève environ à
1 5.6oo.ooo kilogrammes, tandis qu'entre la Loire et la Gironde, sur les côtes du Poitou ,de
l'Aunis et de la Saintonge, elle n'atteint que près de 3 millions de kilogrammes; environ
2 millions de kilogrammes sur les cèles de Gascogne; 3.500.000 kilogrammes sur le littoral
français de la Méditerranée et Zi.5oo.ooo kilogrammes sur les côtes A'Algérie.
La production bretonne reste donc, chaque année, nettement supérieure à celle de toutes
les autres régions françaises réunies.
Les Bateaux et leurs Equipages.
Autrefois et jusqu'au début de ce siècle, la pêche de la Sardine se faisait à bord de grandes
chaloupes ou «sardinières» cle 1 0 à 1 2 mètres de long, bateaux creux, relativement légers, de
forme fine et élancée, portant deux voiles au tiers et possédant des qualités nautiques incomparables.
(Fig. 76-77.) Le filet se «tenait debout» avec la «sardinière» elle-même, et, pendant
des heures, les pêcheurs devaient manier de lourds avirons de 7 à 8 mètres de long. Il en
fut ainsi, en Bretagne comme en Vendée, jusqu'en 1898 et la pêche se pratique encore de
cette façon dans quelques rares quartiers.
Mais, en 1898, le tonnage des bateaux dut être augmenté pour pouvoir aller pêcher la Sardine

M tS
— 101 —
IMJJ. 7ft. Tvjn.'U(î OliMonpes Sardinirrcs. Douariirne/. if)i'i.
Fiif. 79. T\pe de CJiaJoupes Sardinières. Elel IQI/I. Fi;j. 80. Les lilets Meus scellant au\ mais des chaloupes.
Kifj. 81. Chaloupes modernes employées pour la pèclie de la Sardine
de ro;;ue, de la Sardine de dérive cl du llaopiereau.
PLAM'.M Vil.
Types de barques bretonn
faisant la pèche à la Sardin

-- ]()'J -
plus au large. Les pêcheurs sablais qui allaient chercher la Sardine à 1 5 ou 20 milles au large
prirent alors l'habitude de pêcher avec deux canots qu'ils remorquèrent sur les lieux de pêche :
le grand bateau, à bord duquel ne restait qu'un homme pendant la durée de la pêche ne servit
plus qu'à abriter l'équipage, à le conduire sur les lieux de pêche et à transporter le poisson à
terre, toute la pêche se pratiquant uniquement à bord des deux canots annexes.
Les pêcheurs bretons prirent bientôt l'habitude de faire la pèche comme les Sablais avec
des canots annexes, mais en n'employant qu'une seule annexe par chaloupe.
Sur tout le littoral français, la pêche de la Sardine se pratique maintenant, d'une façon générale,
à bord, de ces petites annexes amenées sur les lieux de pêche par des chaloupes à voiles
ou à moteur, des pinasses ou des vedettes à moteur.
La chaloupe bretonne, la «sardinière classique» qui représentait autrefois le type du bateau
sardinier a presque complètement disparu, on n'en rencontre plus que quelques rares exemplaires
(Fig. 78, 79, 80), il en est de même des barques sablaises ; partout maintenant régnent
le côtre mixte et la vedette à moteur, le cotre mixte étant lui-même appelé à disparaître dans
un avenir plus ou moins éloigné. (Fig. 8 1.)
I''ijj. 83. Les nouvelles pinasses de pèche à luol.eur
du Bassin d'Arcachon.
Au Sud des Sables-d'Olonne, la flottille sardinière n'est plus représentée que par des vedettes
à moteurs d'un tonnage moyen de 1 2 tonnes environ, munies de moteurs de 20 à a 5 chevaux.
Mais, vers Arcachon, berceau de la pêche à moteur, l'ancien type de bateau ne s'est guère modifié
et la «Pinasse» conserve encore
la faveur des pêcheurs sardiniers.
C'est une embarcation
rie 1 0 à là mètres de long, légère,
assez étroites, à fond plat
et pointue aux deux extrémités.
(Fig. 8a.) Sa construction spéciale
en fait un bateau très
marin, se levant admirablement
à la lame, roulant fort peu.
Jusqu'en 1906, les pinasses
d'Arcachon étaient pourvues de
D'apivs SANM HOOK
t'ijf. 8.'î. Pjnasse à rnoleur pour la pèche de la Sardine.
3 paires d'avirons et d'une voile
au tiers; à cette époque furent
installés les premiers moteurs et leur nombre s'accrût rapidement à mesure qu'augmentait
le tonnage des nouvelles pinasses dont certaines sont actuellement munies de moteurs allant
jusqu'à 5o CV.
A Saint-Jean-de-Luz, les pêcheurs basques ont adopté, dès avant la guerre, à l'exemple de

leurs voisins espagnols, des petits vapeurs pontes, de 2 o a oo tonneaux, munis d une machine
de i5 à 20 CV leur donnant un grand rayon d'action. (Fig. 9 3.) Ces « Trainières » à vapeur
utilisées pour la pêche au filet bolinche sont susceptibles d'aller très au large. Elles se transforment,
d'ailleurs, actuellement : les marins basques songeant à remplacer sur leurs trainières,
leurs machines à vapeur par des moteurs semi-Diesel dont l'exploitation est plus économique.
Les Annexes.
Le type des annexes actuellement employées pour la mise à l'eau des filets de sardines varie
suivant les ports. Dans toute la Bretagne, exception faite de Sainl-Nazaire, elles sont toutes du
type « canot » dont le modèle et le tonnage varient suivant les conceptions de chaque port.
A Saint-Nazaire, apparaissent les «dons» type «pinasson» qui, jusqu'à La Rochelle, se partagent
la faveur des pêcheurs, avec les canots légers susceptibles d'être hissés à bord; le
«pinasson» règne ensuite sans conteste A'Arcachon à la frontière espagnole.
Sur toute la côte de Bretagne chaque bateau possède, suivant les conventions locales, une
ou deux annexes montées par quatre hommes d'équipage; l'effectif moyen des sardiniers
bretons est ainsi de 5 à 8 hommes sur les voiliers ou cotres mixtes, pour passer à g
et 1 9 hommes sur les vedettes et pinasses qui utilisent deux annexes ou plus.
A Sainl-Nazaire, les vedettes emploient fréquemment de 8 à 10 doris ; sur la côte de Vendée
le nombre d'annexés employées est généralement de deux à quatre, suivant l'effectif de leur
équipage qui s'élève de 5 à 8 hommes. A Arcachon comme à Sainl-Jean-de-Luz, les vedettes ou
pinasses ont de 8 à 12 doris ou pinassons comme annexes; leur équipage est généralement
de 1 à à 1 5 hommes.
Les Appâts.
En Méditerranée, la pêche de la Sardine se fait un peu au hasard, et sauf dans le cas de la
pêche au feu, rien n'est fait pour attirer le poisson en surface.
Sur le littoral de l'Atlantique, il est indispensable de «faire lever» la Sardine pour qu'elle
vienne se mailler dans les filets tendus ou se faire prendre dans les sennes tournantes.
On l'attire en surface en lui distribuant largement un appât constitué le plus souvent par
des œufs de poisson et connu sous le nom de «Rogue».
La rogue la plus employée est celle de morue, de provenance norvégienne, française, américaine
ou allemande. Cette rogue est constituée par des ovaires de morues salés sur les lieux
mêmes de pêche et mis en barils. Arrivées à terre, les rogues sont dépaquetées, triées suivant
leur qualité et repaquées en barils avec une saumure concentrée dans laquelle elles séjournent
de deux à trois semaines avant d'être à nouveau triées, et repaquées en barils avec du sel sec.
La rogue de morue la plus connue est la Rogue de Norvège, dite de BERGEN, généralement
d'excellente qualité mais qui a l'inconvénient de coûter fort cher. Aussi nos pêcheurs emploientils
encore des rogues rapportées d'Islande ou de Terre-Neuve par les voiliers et chalutiers
français, des rogues américaines et canadiennes très mélangées et de qualité inférieure à la
rogue de Bergen ou à la rogue française et des rogues allemandes qui, en général, sont reconnues
de bonne qualité.
OFFICE DES PKXIIF.S ,\lAIMT1MKS. MV.M. N^ 10. 7

— 104 -
Pour obvier à l'inconvénient de ces rognes de morues très souvent onéreuses, les pêcheurs
sardiniers emploient également une rogue de hareng préparée avec les œufs de ce poisson, de
Septembre à Janvier, dans les ateliers de Boulogne et de Fécamp en France, à Yarmouth et
Lowestoft en Angleterre, à Altona en Allemagne et encore en Norvège.
Cette rogue est plus dense que la rogue de morue,
son odeur est plus forte et elle est préférée
par certains pêcheurs. Une rogue excellente préparée
avec les œufs de maquereau est aussi
fabriquée à Boulogne et à Fécamp mais elle est
relativement peu employée en raison de son prix
élevé et de sa rareté.
Ki;;-. 8'i. Cli.ilo u|>o Sai-cl
l'Uimert'.
Des succédanés ont été recherchés pour remplacer
les rogues naturelles, toujours vendues à
un prix élevé et on a réalisée différentes reprises
des rogues artificielles ou «simili-rogues•» se conservant
bien et se rapprochant autant que possible
par le goût, l'odeur et l'apparence des
rogues naturelles.
Ces simili-rogues sont généralement préparées
avec des déehets de poissons triturés, des farines
de poisson, des poudres de coquilles d'huîtres,
de graines alimentaires et plus ou moins mélangées
de rogues naturelles. Plusieurs d'entre elles
ont donné d'excellents résultats, mais elles ne paraissent
pas, malgré leur faible prix, conquérir la
faveur des pêcheurs qui leur préfèrent toujours la rogue naturelle qu'ils économisent en
employant, en même temps, la farine d'arachide, résidu des graines d'arachides dont on a
extrait l'huile, et qui, délayée dans la saumure, un jour ou deux avant d'en faire usage, est suffisante
pour faire lever la sardine. Le poisson une fois levé es) maintenu en surface par une
nouvelle distribution de farine d'arachide additionnée, cette fois, de rogue.
Les Engins et la Technique de la Pêche.
Les Filets Droits ou Dérivants.
Sur tout le littoral du Golfe de Gascogne, l'engin le plus couramment employé pour la
pêche de la Sardine est h Jîlet droit ou filet maillant.
C'est une simple nappe rectangulaire de fil de coton ou de lin extrêmement fin, teintée de
bleu par un passage dans un bain de sulfate de cuivre, de façon à rester aussi peu visible que
possible une fois les filets tendus en mer.
Chaque nappe de filet a de a 5 à 35 mètres de longueur, sur o, à 10 mètres de profondeur
(soit de Aoo à 5oo mailles de chute). Line ralingue supérieure fortement liégée maintient le

105 -
filet en surface et la nappe lestée à sa ralingue inférieure par quelques plombs, ou par quelques
gros galets, tombe verticalement dans l'eau.
La pèche se pratique à bord de petites embarcations (canots non pontés, plates ou doris)
conduites sur les lieux de pêche par une grande chaloupe : sardinière à voiles (dont le type
disparaît petit à petit) ou par les vedettes ou pinasses à moteur.
Sur la côte de Bretagne, le patron, arrivé sur les lieux de pêche, embarque avec deux ou trois
hommes dans une annexe laissant un seul homme à bord de la chaloupe qui, pendant toute la
pêche, restera mouillée ou tirera de lentes bordées autour des petites embarcations.
Il emporte dans son canot : une «baille» d'un mélange de farine d'arachide saumurée et de
rogue, une baille de rogue pure et deux filets d'une taille convenablement choisie. Les avirons
sont armés et l'équipage nage doucement debout au vent pendant que le patron, debout à
l'arrière, prend un filet, le file petit à petit à la mer et le fixe par une corde de deux à trois
mètres à l'arrière de l'embarcation. (Fig. 85.)
1% 85. POctie ;iu l'ilcl dnul.
Du «geste auguste du semeur», il jette alors de part et d'autre du filet le mélange de farine
d'arachide et de rogue qui attirera la Sardine. Il fait ainsi «lever» le poisson. Puis, quand la
sardine a «levé », qu'elle s'ébat autour du filet, il lance à poignées de la rogue pure : une mince
pellicule huileuse s'étend bientôt sur la surface de l'eau; la sardine se précipite sur les fragments
d'arachide, sur les œufs de morue; elle «travailler,, va de ci de là, et, n'apercevant pas
dans sa course les mailles du fin filet bleu, elle vient se mailler par les ouïes dans ce filet.
De temps à autre, le patron ramène doucement à bord une petite partie du filet, la visite
rapidement. Quand il juge la pêche suffisante, il tire le filet à lui, donne le signal aux hommes
du canot qui, saisissant le filet par brassées, le liaient à bord en le secouant doucement pour
faire tomber le poisson.
Les individus qui constituent un banc de sardines sont généralement tous de la même taille
ou de tailles très voisines ; mais, d'un endroit à l'autre, du jour au lendemain parfois, la taille
DKKICE DES PÈOUES M.1IUT1 11 ES. JIÉ.M. S° 10. 7

Kij;. 87. 'Relève, du lilel..
PLAlN'CHK Mil.
Pèche de la Sardine et entretien des filets.
— 106 —
ta
l''ii{. 80 « el. h. Annexe d'un sardinier en pèche
Kij;'. 88. Réparai ion d'un li)el à Saidinc.

107
du poisson varie car des bancs constitués par des individus de taille et d'âge différents peuvent
se succéder sur une même pêcherie.
Le choix du filet à employer, ou plus exactement la grandeur de la maille de ce filet, a donc
son importance. Si la maille est trop grande, le poisson passe au travers sans être retenu; si,
au contraire, elle est trop petite, le poisson est arrêté avant d'y avoir complètement engagé la
tête; dans un cas comme dans l'autre, il ne «maille» pas.
Le pêcheur sardinier doit ainsi avoir à sa disposition tout un jeu de filets aux mailles de
grandeurs variables qu'il emploiera suivant son idée sur la taille des sardines sur les lieux de
pêche qu'il fréquente habituellement.
Ces différents filets sont pratiquement délinis suivant leur «moule». Ce «moule» est la longueur
maximum, exprimée en millimètres, comprise entre cinq nœuds du filet en extension
complète; autrement dit c'est la longueur maximum de deux mailles entières. Ainsi : sur un
filet du «moule 60», la distance entre cinq nœuds consécutifs sera de 60 millimètres et le côté
d'une maille de ce filet mesurera 1 5 millimètres d'un nœud à l'autre.
Le moule des filets est pratiquement compté de deux en deux millimètres, et, pour la pêche
de la Sardine, varie d'une façon générale du moule 38-4o au moule 76-78.
Par extension, il est devenu d'habitude courante de définir le poisson péché par le moule du
filet employé pour le capturer. Cependant, dans certains ports sardiniers le moule du poisson
est encore défini par le nombre de sardines nécessaires pour équilibrer le poids d'un kilogramme.
Une confusion est donc possible pour l'observateur non averti. Le tableau ci-dessous
établit la corrélation entre ces deux données commerciales courantes.
MOULE DL FILET.
Kll millillirlres,
72-7/,
7O - 7a
68 — 70
66 - 68
6/1 - 66
62 - 6/1
60 - 62
58 - 60
56- 58
5/1 — 56
52 - 5/1
5 0 — 5 2
/18 - 5 0
/16 - /18
/1/1- '16
h 9, - /1/1
h 0 — h 2
38 - io
36- 38
3/i - 36
MOLLE AU KILO
Nombre île sardines r
1/1 i 6
16-18
J8 - 20
•2 0 — s '>.
2 2 — 2 5
9 5 — s (j
a 9 — S 2
3 2 — 35
35 - lio
/10 - A6
l\ 6 5 a
5a - 58
58 -65
65 - 7 3
73 -82
82 - 9/1
0 h — 100
1 1 0 — 13 5
13 5 — 160
160 — 200
Chaque bateau doit ainsi posséder un jeu complet de 20 à 25 filets et emporte toujoius 5
ou 6 de moules différents appropriés aux diverses tailles de sardines qui fréquentent les
7-

108 -
lieux de pêche habituels. Ces fdets sont, suivant les régions, fournis par l'armateur, par le
patron souvent propriétaire des embarcations, ou par les pêcheurs eux-mêmes. Ils reviennent
aujourd'hui à environ 3oo francs la pièce; un jeu complet constitue donc une mise de fonds
de 5 à 6.000 francs environ.
-^4r
A "
89. La probe de ta Sardine
à Arcachon.
Dans le Sud du Golfe de Gascogne, les pinasses ou vedettes
à moteurs emploient un certain nombre de dons ou pinassons
qui sont mis à l'eau à l'endroit où l'on présage
la présence du poisson. Un seul pêcheur monte à bord de
chaque doris avec un filet et une baille de rogue et de farine.
Il pêche pour son compte et la pinasse va de l'un à
l'autre embarquant les filets pleins et en passant de nouveaux.
La pêche terminée les pinassons sont rembarques et
la vedette rentre rapidement au port.
Les filets de dérive.
Ces filets ne sont employés que pour la pêche de la grosse
sardine dite «sardine de dérive», «sardine coureuse» ou
encore «sardine profonde».
Ils sont beaucoup plus résistants que les précédents,
ont de 35 à 55 mètres de longueur, 7 à 8 mètres de chute
et leurs mailles sont également beaucoup plus grandes :
moule 70 et au-dessus. Leur montage est également différent
car la nappe péchante doit être maintenue à une certaine
profondeur.
Pour cela, la ralingue supérieure est garnie d'un certain nombre d'orins (quatre généralement)
de même longueur, garnis de flottes de liège qui maintiennent le filet à une certaine
distance de la surface (six à douze mètres suivant les fonds). La ralingue inférieure est également
plus fortement lestée que dans le filet droit.
Dix à quinze filets réunis bout à bout constituent ainsi une tésure de lioo à 5oo mètres
qui, mouillée la nuit, dérive seule avec une bouée lumineuse frappée à chacune de ses extrémités,
ou reste fixée au bateau qui, toute la nuit, dérive lentement au gré des vents et des courants
entraînant avec lui la nappe de filets tendus.
Les Différents modèles de Si
ennes.
Les filets droits ou dérivants sont des engins ancestraux, d'un type que l'on pourrait qualifier
de «passif», car le poisson attiré en surface par l'appât répandu à profusion maille dans le
filet tendu. . . ou ne maille pas.
Or, la rogue coûte cher; quand le poisson ne maille pas c'est non seulement du temps mais
encore de l'argent perdus inutilement. Aussi, s'est-on de bonne heure employé à rechercher
les moyens de doter les pêcheurs de filets perfectionnés, à grand rendement, et qui, en encer-

109 —
clant rapidement le poisson attiré en surface, offraient les plus grandes chances de le capturer
facilement.
Ces engins qualifiés «actifs» par opposition aux filets dérivants du type «passif» sont les
Sennes Tournantes.
La plus ancienne en date est la Grande Senne Belot du nom de son inventeur qui la réalisa
en 1879. C'était une grande nappe de filets permettant d'encercler rapidement le banc de
poissons et qui, en se coulissant à la partie inférieure ou profonde, le retenait enfermé dans
une sorte d'immense épuisette d'où le pêcheur les retirait ensuite aisément.
La Grande Senne Belot nécessitait l'emploi de deux bateaux, elle était encombrante, d'un
maniement complexe et, de plus, fort coûteuse pour l'époque. Adoptée par certains pêcheurs,
délaissée par d'autres, son emploi provoqua de vives polémiques qui se terminèrent par un
décret officiel en interdisant l'usage pendant une grande partie de l'année.
I' , IJÎ 90. La senue Guozruncc.
Mais, par la suite, des engins tournants de proportions réduites furent réalisés, et, comme
ils présentaient tous les avantages de la Grande Senne BELOT sans en avoir les inconvénients,
ils furent, d'une façon générale, bien accueillis par les pêcheurs.
Les modèles de sennes tournantes en usage sur les côtes de France sont actuellement nombreux
et variés. Ils ne sont que des perfectionnements du modèle le plus simple, réalisé en
1881-1882, par les pêcheurs de Saint-Guénolé-Penmarch et connu sous le nom de Filet, de
Saint-Guénolé. Cet engin est constitué par une nappe de filets droits fixés bout à bout, de 1 00
à 1 5o mètres de long, de 1 6 à 9 5 mètres de chute, avec laquelle le pêcheur tente d'encercler
le banc de sardines attiré en surface. Aux deux extrémités et sur la ralingue inférieure de la
nappe ont été fixés des anneaux dans lesquels passe une corde qui, manœuvrée de l'embarcation
du bateau, permet de coulisser et de fermer rapidement le filet à sa partie inférieures
Arrivé sur les lieux de pèche, la chaloupe de pêche met à l'eau une ou deux annexes montées
chacune par un homme chargé de «faire lever» la sardine en lui distribuant la rogue ou appât.
Le résultat obtenu, le bateau principal, généralement une pinasse à moteur, entoure rapidement
l'annexe avec le filet, puis coulisse celui-ci, pendant que les annexes s'échappent en passant
! 1FKI(!li DBS l'BCHES M II1ITIMKS. —- JIKM. S° I 0. J \

— 110 —
par dessus la ralingue supérieure de l'engin qui flotte en surface. Parfois, les pêcheurs jettent
la rogue du bateau même et filent leur senne comme un filet ordinaire en le maintenant en
demi-cercle pendant que la sardine monte ; le poisson levé est alors vivement encerclé et le
filet coulissé. Le poisson retenu dans la senne est sorti au moyen de paniers ou de grandes
épuisettes.
La Petite Senne Belot, h Jilet Eyraud sont des perfectionnements de la Senne Saint- Guénolé,
opérant toujours sur les mêmes principes.
Le Filet Guézennec est quelque peu différent, (Fig. 90.) Sa forme, très originale, est celle d'une
véritable boîte flottante, de 9 0 à 7 0 mètres d'ouverture de poche, ouverte en haut et à une de ses
extrémités maintenue béante par une perche. Remorquée doucement par un canot, cet engin
engloutit la sardine que le pêcheur a fait lever en lui distribuant de la rogue et qu'il dirige
vers l'ouverture du filet en jetant l'appât à l'intérieur de l'engin. Quand la sardine est abondante
dans la boîte flottante, le pêcheur coulisse et ferme l'ouverture de la poche, la perche est
alors enlevée, le filet est partiellement entré et le poisson recueilli à l'aide d'épuisettes.
Fijf. 91. Le Bolmclie.
Le Coulisseau, employé à Saint-Jean-de-Luz, est aussi une sorte de senne tournante de
80 mètres environ de longueur, 1/1 mètres de chute et dont les mailles ont de 8 à 1 0 millimètres
de côté. Une coulisse placée à la base de l'engin permet de le fermer une fois que le
banc de poisson a été encerclé. Cet engin, connu depuis très longtemps, /DUHAMEL DU MONCEAU
le décrit en 1 77^) était en honneur au pays basque jusqu'à ces dernières années : on péchait
au coulisseau en Octobre, au début de la saison quand, par suite de la trop grande limpidité
des eaux, la sardine ne «maillait); pas encore, puis, en fin de saison, en Mars-Avril, lorsque les
bancs de sardines se trouvent mélangés avec des anchois.
Ici, la rogue n'était plus nécessaire pour faire lever la sardine : les marsouins abondants dans
ces régions se chargeant d'effrayer le poisson et de l'obliger à monter vers la surface de la
mer. Les pêcheurs suivaient donc les ébats des Cétacés qui leur indiquaient la présence du
banc de poissons, l'entouraient de leur senne, laissaient échapper leurs bénévoles rabatteurs
et, coulissant le filet, recueillaient la sardine.
Mais, depuis quelques années le Coulisseau a été peu à peu remplacé par le Bolinche dont le
pouvoir de capture est nettement supérieur à tous les engins employés actuellement pour ce
genre de pèche sur les côtes de France.

• I l l —
Lièges espaces de O.OSc Longueur-. 1/8 mètres 80
ailles d'armature supérieure 0.25 * 0.25
ailles d'armature inférieure
OOOOOOB O O O O DO »Ooooooooooooooop'
DQOO OOOOOOOOC
0.30 x
0.30
Partie renforcée
10 12 13 14- 15
Partie renforcée
Plombs espacés
de ov.zz
>0 o O O OO D O O O OO
TTI^TlT7TlT|flT>TlT^7Tp^TTTl1TTTTHT11TTT
O OO O O oooooo OOOOOOOOOOOO ooo
oooooooooooooOooooooooooooo ooooobooooooct
Lest en plomb
Corote de coulissage
:
[ longue Ion de 225 a* 300 mètres [
Lest en plomb
\ t \{\. gr!. Filet tournant, dit irBoliuche». Mudo. d'annal.iiro.
FJ;;. g3. La manœuvre du lilet itBoliiichcr

— 112 —
Le filel Dolinche est encore un filet tournant et coulissant. Il a, développé, la forme d'un
trapèze dont la grande base mesure habituellement de 100 à 190 mètres de longueur, et la
petite 100 mètres seulement. Sa hauteur est de 35 mètres au milieu et de 95 mètres seulement
aux extrémités qui constituent les ailes du filet. (Fig. 91-99.)
La ralingue supérieure est garnie de flotteurs de liège de 1 o centimètres de diamètre au
nombre de i.5oo environ; la ralingue inférieure est plombée et porte de plus 7 anneaux
métalliques dans lesquels coulisse un filin de 19 à 18 millimètres de diamètre. Enfin, des
bras fixés à chaque extrémité du filet permettent sa manœuvre.
Le filet Bolinche est manœuvré à bord d'un petit vapeur de a5 à 3o tonneaux, muni d'une
machine de i5 à 20 chevaux, appelé «Trainière» montée par au moins dix hommes. Chaque
trainière embarque deux ou trois plates qui sont mises à l'eau sur les lieux de pêche avec, dans
chacune d'elle, un homme chargé de faire lever la sardine en lui distribuant la rogue. Quand
le poisson lève, le vapeur commence à mouiller le filet par l'arrière en décrivant à petite vitesse
un grand cercle de giration avec le doris comme centre, puis, le cercle terminé, il haie doucement
à lui par l'avant et par l'arrière les deux extrémités de la ralingue supérieure flottante en même
temps qu'il serre la ralingue inférieure qui, passant dans les anneaux, forme coulisse et ferme
le filet qui prend ainsi la forme d'une poche dans laquelle se rassemble le poisson, et que l'on
hisse ensuite à bord. (Fig. g3, 9Zr, g5.)
Le Lamparo, employé en Méditerranée est encore une senne tournante dont la ralingue
inférieure beaucoup plus courte que la ralingue supérieure forme poche dès que la partie
flottante du filet a formé le cercle destiné à entourer le poisson. La ralingue supérieure de ce
filet a généralement de 180 à 200 mètres de long; elle porte les lièges. La ralingue inférieure,
plombée, n'a que de 120 a 1 3o mètres, elle force donc la partie inférieure du filet à se replier
en dedans en formant cuvette circulaire. Nous reviendrons sur son emploi en étudiant les pêches
de la Méditerranée.
Le Retz volant, employé pour la pêche de la Sardine ou de l'Allache en Algérie n'est qu'un
grand Lamparo.
Sur la côte Atlantique du Maroc, c'est encore le Lamparo qui est le plus souvent employé
pour la pêche de la sardine et sa supériorité sur les engins habituels est manifeste dans cette
région.
Enfin, il convient de citer que le Chalut, bien que n'étant pas spécifiquement employé pour
la pêche de la Sardine, réalise néanmoins de très fortes captures quand ce poisson se tient,
par suite des conditions hydrologiques, rassemblé sur certains fonds quelque temps avant
l'époque de la ponte. De fortes pèches de sardines ont ainsi été réalisées par les chalutiers
opérant en Baie de Plymouth au printemps de chaque année,puis, à différentes reprises sur les
côtes du Maroc ou dans le Golfe de Gascogne.
L'Ecoulement des Produits de la Pêche.
Les ports de vente de la Sardine sont à quelques exceptions près, les mêmes que les grands
centres d'armement. Ce sont parmi les plus importants : Douarnenez, Le Guilvitiec, Concurueau,
les S able a (ïOlonm, Arcachon, sur la côte Atlantique; Collioure sur la côte Méditerranéenne,
Castiglume et Or an en Algérie; Fedhala, Casablanca et S a fi sur les côtes du Maroc.

l'LANCHK IX.
Manœuvre du filet tournant.
Fifj.

— 114 —
De plus, sur de nombreux points du littoral, de nombreuses usines traitant la Sardine pour
la conserve se sont installées et fonctionnent pendant toute la durée de la pêche de ce poisson.
Camaret, Audierne, Saint-Guénolé-Penmarch, Kérily, L'Ile Tudy, Loctudy, Doellan, Port-Louis,
Aurai/, Quiberon, Belle-Isle, Le Croisic, La Turballe, Noirmouliers, Saint-Gilles, La Rochelle
Saint-Jean-de-Luz possèdent ainsi plusieurs usines qui, en dehors de la saison de pêche de la
sardine, ferment ou se livrent à la préparation des conserves de légumes ou d'autres poissons.
Mode de vente de la sardine. — La sardine est un poisson très fragile, se corrompant rapidement ;
aussi la vente de ce poisson a-t-elle Heu, en principe, dès l'arrivée des bateaux au port.
D'une façon générale, cette vente se fait au Mille, la sardine étant délivrée dans des petits
paniers ou caissettes contenant soit 100 ou 200 poissons. La vente se fait à l'amiable ou aux
enchères, à la criée, sur présentation d'un échantillon. Dans certains ports, particulièrement
depuis quelques années, la vente se fait toujours au Poids, le prix étant établi généralement
par 100 kilogrammes.
Utilisation du poisson.
Consommation en vert. — La sardine destinée à être consommée immédiatement sur place
est vendue au consommateur telle qu'elle sort du filet. C'est la «Sans Sel», la plus appréciée
des gourmets.
Celle qui est destinée à l'expédition est légèrement saupoudrée de sel et emballée en caissettes
ou en paniers. Le développement de la locomotion automobile a considérablement
développé la consommation de la sardine «en Vert» qui pénètre maintenant jusque dans les
campagnes les plus éloignées des voies ferrées.
Mais la sardine se prête mal aux expéditions à longues distances et son rayon de distribution
reste limité. Des essais de sardines «givrées», tentés en 1 g3 1, ont donné de bons résultats
et ont permis l'exportation de ce poisson de choix vers l'Allemagne et les pays centraux.
La Sardineàl'Huile. — La plus grande partie des produits de la pêche de la Sardine est
préparée de diverses manières en vue de sa conservation pendant une durée plus ou moins
longue.
La préparation la plus connue, la plus commune est celle de la Sardine à l'Huile. Cette préparation
sera étudiée spécialement clans le chapitre réservé aux Industries de la Conserve et, poulie
moment, nous dirons simplement que dès leur arrivée à l'usine, les sardines sont lavées,
saupoudrées de sel, étêtées, vidées, saumurées pendant une heure ou deux, séchées, cuites
dans un bain d'huile, égouttées, mises en boîtes métalliques et recouvertes d'huile de bonne
qualité, généralement d'huile d'olive. Les boîtes pleines sont alors serties et stérilisées.
Outre la sardine à l'huile proprement dite, les usines de conserves préparent encore des
Sardines aux Achards, à la Tomate, à la Bordelaise, à la Provençale. Dans ces divers modes de
préparation, l'huile est additionnée d'aromates ou remplacée par de la tomate ou une sauce
quelconque. Des conserves savoureuses sont également préparées avec les grosses sardines
dites sardines de dérive ou (-sauvages» qui sont marinées au vin blanc ou au vinaigre.
Sardines Fumées ; Sardines Anchoisées. — En quelques endroits de la côte atlantique, la grosse
sardine de dérive est fumée ou saurée. La méthode est la même que celle employée pour le
saurissage du Hareng : la sardine légèrement saumurée est soumise pendant plusieurs jours
à l'action d'une fumée de copeaux de chêne enflammés, couverts de cendres de jonc. L'opéra-

115 —
tion dure de 7 à 8 jours quand l'air est sec, de 10 à 12 s'il est humide. Les produits ainsi
obtenus sont excellents. Cette utilisation de la sardine est malheureusement très restreinte.
On prépare également les sardines suivant la recette employée pour la préparation des
« Anchois de Norvège » en saumurant le poisson et en le mettant à mariner pendant plusieurs
mois dans une saumure fortement épicéc et chargée d'aromates après l'avoir légèrement
fumée. Cette préparation, comme la précédente, reste peu employée.
Sardines Salées. — L'industrie de la sardine salée est une industrie méditerranéenne par
excellence, car la sardine de la Méditerranée, petite et délicate, ne peut être pressée. Son
centre principal est à Colhoure où 22 ateliers absorbent non seulement la pêche du port mais
encore celle de plusieurs quartiers méditerranéens et même de quelques ports algériens.
La sardine destinée à être salée est disposée dans de grandes bailles en alternant régulièrement
une couche de sel et un lit de poissons. Quand la baille est pleine, on la recouvre d'une
sorte de saumure composée de sel, d'un peu de salpêtre et de 300 grammes environ d'ocre
rouge par 100 kilogrammes de sel employé. Les sardines demeurent de cinq à six mois dans
la saumure ainsi constituée, puis sont arrimées dans des barils de chataîgner pouvant contenir
suivant leur taille de 5 à 5o kilogrammes de poissons.
Ces sardines sont expédiées un peu partout dans l'intérieur de la France, aux colonies et
en Amérique.
Sardines Pressées. — Cette industrie, très ancienne, fut pendant longtemps une des principales
ressources des ports de pêche bretons; mais, dans cette région, elle a fait place à l'industrie
de la conserve à l'huile et les « Presses à Sardines T> sont actuellement rares en France : l'Espagne
étant maintenant maîtresse du marché de la sardine pressée créé par nos presscurs bretons et
vendéens.
La préparation de la sardine pressée est simple et peu coûteuse.
Le poisson non vidé est soigneusement rangé dans des cuves : une couche de sardines alternant
avec une couche de gros sel. La saumure ne tarde pas à se former et recouvre entièrement
la sardine qu'on laisse mariner dans la saumure pendant 1 o à 1 5 jours suivant sa grosseur.
Après l'avoir dépotée, lavée dans une saumure fraîche, on l'arrime par couches successives
et serrées dans des tonnelets : le poisson étant rangé par couches rayonnantes de façon que
la pile de lits dépasse l'ouverture du tonnelet de 90 à 3o centimètres, le dernier lit étant disposé
de façon à ce que tout les poissons soient rangés le dos en l'air (rang bleu). Puis le
couvercle est disposé sur la couche supérieure et le tout est comprimé au moyen d'une presse
à vis ou tout simplement à l'aide d'un levier chargé d'une grosse pierre. Le couvercle se met
ainsi de lui-même en place et le baril est alors foncé.
Un baril de 80 kilogrammes de sardines pressées contient ainsi de i.5oo à 2.000 sardines
salées dont la durée de conservation est d'environ six mois.
Une Presse de capacité moyenne peut traiter environ de 5ooà 600.000 sardines par semaine
et à peu de frais. Ces sardines pressées sont surtout consommées dans le Midi de la France et
en Bourgogne; une certaine quantité est également exportée vers l'Espagne et l'Italie.
Utilisation des Sous-Produits.
Dans la plupart des ports de pêche les déchets de la préparation des sardines en conserve
sont vendus aux cultivateurs pour la fumure des champs. Il existe également quelques fabriques

Il tm.fcn.dlb UUl dUlloLbllL LIS l_lcl,Ilolo b l ILo L/. dlLtJIll JUU1 ld ld.UlRd.LJ.UIl U. tUiKidlo uAUbuo, UA.< &*.UdllUo
de poisson ou d'huiles.
x- *
La production annuelle de la pêche de la Sardine en Fiance se maintient approximativement
depuis quelques années autour de 3o à 35 millions de kilogrammes évalués à environ 68 millions
de francs.
Les dernières Statistiques des Pêches Maritimes publiées par le Ministère de la Marine Marchande
évaluent la production de 1 g3^ à 30.176.809 kilogrammes pour 66.912.à67 francs
avec la répartition suivante par régions :
POIDS EN KILOGRAMMES. VALEUR KS FRANCS.
Manche 2 20 . 3 î n kilogrammes. 38 1 . 680 francs.
Océan Atlantique .1 9 . l\ 19 . 36g — .'18 • 38 1. 1 2 5 —
Méditerranée A.198.808 — I3.6i5.g55 —
Algérie G.338.322 - 5.533.707 -
9.666 bateaux ont armé pour la pêche aux filets droits ou dérivants; 65o avec d'autres
engins ; près de "?oo usines ont traité le poisson employant pour cela plus de 1 1.000 ouvriers
et ouvrières.
Le graphique ci-joint indique les fluctuations de la pèche de la Sardine au cours des trente
dernières années. . . .
Oi:VUW;ES CONSl'LTKS.
P. ARNE.
Résultats contrôlés du rendement du filet tournant dans la région de Saint-Jcan-cIc-Luz. (Revue des Travaux de
VOffice des Pêches, t. V, l'asc. à, 1982.)
G. BELLOC.
La question de la Sardine dite nsauvageji. (B.ei)ue des Travaux de l'Office des Pèches, t. Ill, f. 1, 1980.)
Contribution à l'étude de la Sardine des côtes françaises de l'Atlantique entre Loire et Gironde. (Revue des Travaux
de l'Office des Pêches, t. V, f. 2. ig3a.)
L. BRONKHOUST.
La pèche à la Sardine en France et en Afrique du Nord et le problème sardinier. (Mémoire présenté au XII e Congrès
National des Pèches Maritimes, ig3i.)
P. DESBROSSES.
Élude de la Sardine de la côte de Bretagne depuis Concarneau jusqu'à l'embouchure de la Loire. (Revue des Travaux
de l'Office des Pêches, t. VI, f. i, ig33.)
J. LE GALL.
Contribution à l'étude de la Sardine des côtes françaises de la Manche et de l'Atlantique. (Revue des Travaux de
l'Office des Pêches, t. I, f. il, 1928.)
Contribution à l'étude de la Sardine des cotes françaises de la Manche et de l'Atlantique. (a c partie, La Sardine des
côtes de Bretagne (Revue des Travaux de l'Office des Pêches, t. III, l. I, 1980.)
Les principales pêches maritimes de la France. Les filets et engins qui y sont employés (Pêche Maritime, 1 "mars 1981).
A. Orna.
Histoire de la pèche de la Sardine en Vendée et sur les côtes voisines. (Les Sables-d'Olonne, 189U.)

QUANTITES
fti kilogrammes
valeur en franc*
130.000.000
125.000.000
120.000.000
115.000.000
110.000.000
105.000.000
100.000.000
95.000.000
90.000.000
85.000.000
80.000.000
75.000.000
70.000.000
G5.000.000
60.000.000
55.000.000
50.000.000
45.000.000
40.000.000
35.000.000
30.000.000
25.000.000
20.000.000
15.000.000
10.000.000
5.000.000
19U2
1903
J
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117 --
Pêche de la SARDINE de 1902 à 1932.
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l'JOG
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1918 ]
1919 |
Quantités en kilogrammes
Valeur OT francs
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1920 1
1921 |
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1923
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1925
1926
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1928
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1931
1932 1
L
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1
1
l

^
118 —
LA PÊCHE DU THON BLANC OU GERMON

ÏM;;\ ()8. Tlionnier avec ses lanmins relevés
l'I.W'GIIF X.
Tlionnier s en pêche.
Fijf. 100-101. Débanpiement du Germon à Cnncarnean.
Fi". ()7- Armcini'iii fies Tlinnniers à Groix.
V
I'IJ;'. 99. 'Hummer en pèche.
"

- 120 -
C'est un curieux spectacle de voir Port-Tudy quelques jours avant le début de la campagne
de pêche. Une forêt de mâts et de perches se dresse au-dessus des jetées où sèchent quelques
voiles fraîchement tannées. Les
dundees et les sloops coquettement
repeints de couleurs vives se pressent
bord à bord dans les deux bassins.
Dans quelques jours le port sera
vide. Un à un tous les thonniers auront
pris le large, toutes voiles dehors
et il ne restera plus dans l'île que les
enfants, les femmes et les vieillards.
Dès que la passe est franchie, les
voiles sont hissées, les tangons
F%. .02. La Pèche du Thon (Germon). abaissés en position de pèche et
d>ics s»...:* HOOK, l'équipage grée les dernières lignes.
(Fig. 99-102.)
Les Engins et la Technique de la Pêche.
Les tangons sont de longues perches de 1 5 à 16 mètres placées de chaque côté du grand
mât et que l'on rabat latéralement pendant la pèche, ils portent les lignes qui se terminent par
un avançon en laiton de trois ou quatre brasses, auquel est fixé un hameçon à double crochet,
sans ardillons.
L'appât est artificiel : il est composé ordinairement de crin blanc ou de paille de maïs
peignée ; on emploie aussi parfois une bande de caoutchouc blanc enroulée autour de l'hameçon
et fendue au ciseau dans le sens de la ligne de manière à lui donner une vague ressemblance à
des tentacules de calmar.
Ce procédé de pèche est fort ancien. D'après DUHAMEL, les Saintongeais se rendant à Terre-
"Neuve, il y a presque deux cents ans, péchaient le germon à l'aller et au retour avec des «haims
à deux crocs et un leurre de bège garni de quelques plumes ».
Il y a sept lignes sur chaque tangon : cinq lignes proprement dites et deux autres lignes
appelées Grand plomb et Petit plomb.
Les lignes proprement dites sont fixées à deux brasses l'une de l'autre à partir de l'extrémité
distale du tangon, elles sont désignées d'après leur rang : la première étant la plus
éloignée et la cinquième la plus rapprochée du bord.
Le Grand plomb est fixé à mi-distance entre la première et la deuxième ligne, le Petit plomb
entre la troisième et la quatrième; elles sont ainsi appelées parce qu'elles sont lestées par un
fragment de chaîne placé à quelques brasses de leur point d'attache.
Les lignes proprement dites sont d'autant plus longues qu'elles sont plus éloignées du
bateau ; elles ont respectivement, non compris l'avançon :
La première : 39 brasses environ;
la deuxième : 3a brasses;

La troisième : 2 5 brasses;
La quatrième : 18 brasses;
La cinquième : 11 à 1 2 brasses.
— 121 —
Cette disposition permet, lorsqu'un germon s'est enferré sur l'une d'elles de la ramener
à bord sans accrocher les autres lignes et les emmêler.
Le Grand plomb a 7 brasses.
Le Petit plomb: 3 brasses.
Toutes ces lignes sont reliées au navire par des filins appelés «hâlc à bord A qui permettent
leur manœuvre, le tangon restant fixé.
Un plomb supplémentaire est placé d'ordinaire sur la ligne du large au vent.
Le train de pêche comprend en outre trois lignes supplémentaires placées sur le couronnement;
elles ont respectivement 1 1 brasses, 1 brasse et i5 brasses, ce sont le «bonhomme»
le «rikilnv et la «bonne femme».
Enfin une dix-huitième ligne est parfois fixée en tête du mât arrière, c'est la «sévaille» des
Groisillons.
Autrefois on installait des sonnettes sur les lignes pour avertir qu'un germon venait d'être
capturé; cette habitude n'est plus en usage, sauf pour les lignes du tableau arrière où la
sonnette est quelquefois remplacée par un marteau de bois, et les pêcheurs reconnaissent à
coup sûr les morsures de thon à la brusque tension des lignes.
Le Germon ne mord à l'hameçon que pendant le jour, aussi les lignes sont-elles rentrées à la
tombée de la nuit et filées à l'aube.
L'hameçon et l'appât sont l'objet de soins minutieux, la paille de maïs est souvent peignée ou
remplacée lorsqu'elle a pris une couleur jaune sale, le crin est changé, et tous les soirs, lorsqu'on
rentre les lignes, les hameçons sont séchés et suiffés.
A la tombée du jour, on capture souvent des Castagnoles {Brama Rayi) sur les lignes à thons.
Dans la journée on prend parfois des Mérous (Polyprion cernium) ou des Squales: Peaux bleues
(Carcharias glaums) et Oxyrhines (Oxyrhina Spallanzani).
La vitesse nécessaire à la pêche est de 5 à 7 nœuds, aussi la pêche du germon est-elle parfois
très décevante : par temps calme, le navire n'a pas une vitesse suffisante ou reste en place,
roulant bord sur bord dans un claquement de voiles, les lignes pendent verticalement et ne
pèchent pas.
A d'autres moments, bien que la vitesse soit suffisante, le germon fait des bonds désordonnés
hors de l'eau autour du bateau, mais ne mord pas sur les lignes, et les journées se passent
sans aucune capture. Nous avons constaté que, dans ce cas, les germons se trouvent au milieu
d'une nourriture abondante et dédaignent l'appât de nos pêcheurs.
L'équipage est alors taciturne ou furieux. Il faut avoir passé une marée à bord de ces bateaux
pour réaliser cet état d'esprit, auquel succède brusquement une folle gaieté lorsqu'une
ligne se tend; la joie est à son comble lorsque plusieurs lignes sont prises en même temps,
tout le monde est sur le pont et chacun s'affaire à rentrer les lignes : elles sont rapidement
lovées sur le pont, les doigts sciés par les avançons saignent, mais le blessé lui-même ne s'en
aperçoit pas. Lorsque le poisson est amené ainsi le long du bord, il est vivement accroché par
OPKJI'.E DES l'ÈCHES MARtTI.MKS. JIji.M. N° 10. 8

les ouïes à l'aide du tcbaz-croc » (hameçon fixé à un manche en bois) soulevé et lancé sur le pont
où il se débat et bondit en agitant très rapidement la queue.
Le Traitement du Germon à Bord.
Il faut le tuer au plus vite : c'est le mousse qui est chargé de l'exécution tandis que le pêcheur
file à nouveau la ligne. A genoux sur le pont, il saisit le germon qui lui glisse entre les mains,
l'immobilise entre ses jambes et lui enfonce un poinçon dans le crâne. L'animal est foudroyé ou
blessé à mort, il agite encore convulsivement !a queue dont les claquements sur le pont deviennent
plus faibles et de plus en plus espacés, puis il cesse tout mouvement.
Lorsque les captures se succèdent rapidement, ils sont ainsi une vingtaine et parfois plus
sur le pont, baignant dans leur sang et ils se déplacent aux mouvements du bateau jusqu'à ce
qu'un moment de répit permette aux pêcheurs de les vider.
On commence d'abord par leur enlever les branchies. Le poisson est ensuite fendu de l'anus
à la gorge, l'appareil digestif et le cœur sont retirés tandis que le sang: rouge et chaud s'écoule
en abondance et se coagule aussitôt sur le pont. L'estomac et le cœur qui continue à battre
longtemps après qu'il a été isolé, sont conservés précieusement pour la cuisine du bord, ce
sont des morceaux de choix pour le pêcheur.
Puis à l'aide d'une cuillère, on extrait les pseudo-branchies, organes très sanguins placés
à la partie supérieure et postérieure de la cavité buccale, et, en appuyant fortement sur les
lianes du poisson, d'arrière en avant, on décongestionne les deux niasses musculaires brunes
situées latéralement sous la peau. Ces précautions sont indispensables pour la bonne conservation
du poisson.
Après ce nettoyage on le pend par la queue à un filin et on le lave, à grande eau le long du
bord.
On tranche ensuite les opercules pour assurer une meilleure circulation de l'air et on suspend
les germons, la tête en bas, à des chevalets spécialement installés sur le pont pour cet
usage. Ce procédé de conservation, d'une extrême simplicité, est le seul qui soit employé.
Il est loin d'être parlait et nos pêcheurs en l'ont souvent la triste expérience, malgré toutes
les précautions qu'ils prennent. Pour les protéger des embruns, de la pluie et du brouillard,
ils les recouvrent à l'aide d'une bâche, mais cela n'empêche pas que plusieurs centaines de
poissons sont parfois perdus en quelques heures par temps d'orage ou de brouillard. Il faut
alors les rejeter à la mer, et, s'il ne faut pas retourner à terre pour renouveler la provision
d'eau ou de vivres, recommencer la pêche qui peut-être sera beaucoup moins productive.
Les thonniers font ordinairement de huit à dix sorties par saison de pêche. La durée de
ces sorties est indéterminée, elle dépend du vent — presque tous les bateaux sont à voiles, —
de l'éloignement des bancs de thons et du rendement de la pêche elle-même.
La pêche débute ordinairement dans le Golfe de Gascogne, quelquefois plus au large,
au delà de la ligne des vapeurs Ouessant-Finisterro, quelques bateaux vont même plus loin
encore, à600 milles de nos côtes en direction des Açores. Vers la fin de la saison, les déplacements
du poisson entraînent parfois nos pêcheurs au large de la Grande Sole et à l'ouest de
l'Irlande. (Voir planche XL)
Le poisson capturé est vendu à la douzaine ou au poids dans l'un des centres d'usines de
s.

— 124 —
conserve qui jalonnent le littoral, quel que soit le port d'attache du bateau,mais le plus souvent,
si les vents le permettent, les dundees retournent à leur port.
Les pêcheurs de germons sont d'excellents marins et la plupart pratiquent la pêche au
chalut pendant l'hiver. Si leurs connaissances nautiques sont élémentaires, ils sont d'habiles
manœuvriers et naviguent parfaitement à l'estime. Les patrons savent au moins faire une
latitude méridienne, la longitude leur est donnée par les lignes de vapeurs et la position des
chalutiers en pêche.
Fi({. Ki8. Tliminjpr i'i \apcui'
de Sainl-.lean de Luz.
Longueur : 1 s à i à mètres ;
Largeur : 3 m. à 3 ;
Tonnage brut : là tonneaux;
Tonnage net : k ton. 67.
La Motorisation des Thonniers.
L'installation de moteurs à bord des thonniers
pourrait rendre de grands services en supprimant les
inconvénients produits par le calme et les vents
contraires; elle permettrait en outre l'emploi de
chambres froides ou d'appareils réfrigérants. La plupart
des pêcheurs y sont opposés sous prétexte que
le bruit de l'hélice éloignerait le poisson : c'est là
une idée fausse et la meilleure preuve est fournie
par les Basques qui emploient uniquement pour
cette pêche de petits navires à vapeur et ils capturent,
à la ligne de traîne, aussi bien les germons que les
thons rouges.
Saint-Jean-de-Luz est le seul port de pêche
français qui arme des bateaux à vapeur pour la pêche
du Thon.
Les petits vapeurs luziens, à faible tirant d'eau, très
maniables et très marins, sont à peu près du même
type que ceux des ports de la côte nord d'Espagne.
Ils ont les caractéristiques suivantes :
Ils sont munis d'une machine de 20 chevaux pouvant donner une vitesse de 7 à 9 nœuds;
leur rayon d'action s'étend à 80 ou 100 milles.
L'équipage comprend 11 à 12 hommes, le patron compris.
Les lignes de traîne semblables à celles des pêcheurs bretons n'en diffèrent que par l'avançon
et par l'hameçon. L'appât est le même, les pêcheurs basques ajoutent souvent à la paille de
maïs quelques brins ou un galon de laine rouge.
Ces lignes sont en fort cordonnet de 12 à 27 brins d'une longueur de 170 à 200 brasses
et munies d'un avançon en fil d'acier, les Basques ont abandonné le laiton depuis quelques
années. Les hameçons de k à 5 centimètres en fer forgé et étamé sont simples et portent un
ardillon. Us emploient parfois pour la pêche du Germon un hameçon double à ardillon.

— 125 —
Les lignes au nombre de onze sont disposées de la façon suivante :
Six lignes gréées sur deux antennes de i o mètres de longueur environ (trois sur chaque
antenne) disposées de chaque bord en arrière de la cheminée, à la manière des tangons des
voiliers ;
Deux lignes sur deux perches fourchues plantées sur le couronnement.
La onzième ligne est fixée à un espar placé en avant-
La pèche se fait à toute vitesse, cette dernière est réduite dès qu'une morsure est signalée.
Le Thon Rouge plus puissant et plus vigoureux que le Germon exige beaucoup plus d'adresse
et de force pour être ramené à bord. Suivant l'expression du pêcheur, il faut le «noyer» pour
s'en rendre maître : c'est ce qui explique la plus grande longueur des lignes des pêcheurs
basques.
La pêche des thons commence au début d'avril et cesse fin octobre. Le Thon Rouge apparaît
le premier dans la baie de Biscaye, le Germon ne s'y rencontre guère avant juin et à la fin de
la saison il se tient ordinairement plus au large que le Thon Rouge.
Les pêcheurs luziens ne s'éloignent guère de leur base, les bancs de thons n'étant jamais
très éloignés de la côte, et ils rapportent tous les jours au port le produit de leur pêche.
En 1928, les armateurs de Saint-.Tean-de-Luz ont tenté des essais dépêche du Thon et du
Germon : ils ont employé pour cela un filet coulissant du même type que le bolinche, mais à
grandes mailles. D'après ÀRNÉ, les résultats ont été encourageants : i5o thons ou germons
ont pu être parfois capturés d'un seul coup de filet.
Le Thon Rouge fréquente aussi la Mer du Nord, mais sa pêche n'est pas organisée en France
comme elle l'est en Norvège, elle n'est qu'une simple distraction des harenguiers boulonnais
lorsqu'ils travaillent sur le Dogger Rank.
Les pêcheurs utilisent le harpon ou la ligne.
Les chalutiers rochclais, en pêche sur les côtes marocaines, rapportent quelquefois des
thons capturés au harpon. Ces thons appartiennent aux espèces qui font l'objet d'une pêche
régulière à Madère et aux Canaries.
Ce sont : le Patudo des Madériens — Paralhynnus obesus LOWE, le Judio des Gomcrythcs —
Neolhynnus albacora LOWE.
Parmi ces apports, nous avons trouvé un échantillon que nous croyons pouvoir identifier
à Neothynnus macropterus, SCULEGEL, qui n'avait été signalé à notre connaissance que dans les
mers indo-pacifiques.
Sur les côtes de Provence et du Languedoc, le Thon Rouge est pris à la « cerne » ou à la « seinche.)>
avec des filets mobiles. Cette méthode de pêche, d'origine très ancienne (elle est décrite
par OPPIEN) est pratiquée à Martigues, Carro, Sète et Àgde, pendant tous les mois de l'année,
sauf les mois de juin et juillet où le Thon disparaît pour aller pondre. Les meilleures captures
ont ordinairement lieu en avril.
Les tableaux suivants donnent l'importance de la flotte se livrant à cette pèche, tant à la
ligne qu'au filet, et les quantités pèchées en kilogrammes et en valeurs, pendant la période
1 9 2 à-1 9 3 1.
0 FI- - r G13 DES PÈCHES MAlilTIMES. MEM. N° 10. S A

1912/1.
1925.
1926
1927.
1928.
1929.
1930.
1931.
I 1 ) Donl. 1 de T résilier sur la Manclu
192/i
1925
1926
• 126 --
Balcaux .se livrant à la pêche au Ilion.
nu WTIÏI-;^.
0.9.53.26(1
'1.722.339
6.G46.75a
1927 6.989.870
1928 7.682.007
1929 7.523.287
1930 G.178.185
19,31 10.68.3.596
ATLASTiOl E.
7.8
7 53
78i
8-M)
8a 6
839
885
856
II
II
II
II
5
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Pêch le au ion. n
r, iiis.\ioN
27.978.665
67.103. i/i3
38.o45.s6G
5/1.750.725
6 a. 1 73.908
69.0.57.979
77.1.52.930
MWHTClUiANKt;. T 0 T A i; ,\
16
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3 l
1.)
l 9
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65
1.1 do.o'io
81.2.98a
78/1.070
706.62/1
1.387.927
1.5 5 9.0 a 6
1.5 0 9.678
1.5 19.908
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2.35
a 5 6
07 5
17&
3 0 3
295
TIION H01GK.
a.086.97 i
6.285.208
4.1.34. (1/19
6.619.181
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10.7 G 5.9 •'! 3
11.200.693
11.390.897
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VA 1,1; L" L:
30.7.39.069
3a.265.873
5 1.2,57.792
62.666.4/17
66.156.970
53.9.39.861
(in. a 5 8.67 a
88.563.827
Le thon est consommé à l'état frais ou sous forme de conserves.
Les principaux centres d'usines de conserves de thons sont : Camaret, Douarnencz, Audierne,
Guilvinec, Concarneau, Lorient, Port Louis, Groix, Etel, Belle-Ile, l'Ile d'Yeu, Les Sablesd'Olonne,
La Rochelle, Saint-Jean-de-Luz sur l'Atlantique et Sète sur la Méditerranée.

— 127 —
LA PÊCHE AUX CRUSTACÉS en.
Les différentes Espèces de Crustacés pêchées.
En France, la pêche aux Crustacés s'exerce aux
dépens des Homards, des Langoustes, des Scyllares,
des Langoustines, des Crevettes, des Crabes et des
Araignées de mer.
Le Homard [Homarus vulgaris) vit dans les fonds
rocheux par de faibles profondeurs et se rapproche de
la côte pour pondre d'avril à juin.
Il existe deux espèces de Langoustes sur les côtes
de France : la Langouste commune et la Langouste du
large. La Langouste commune [Palinurus vulgaris) vit
sur nos côtes jusqu'à la profondeur de 1/1.0 mètres,
elle si rapproche du rivage pendant la période de
ponte, s'éloigne pendant l'hiver et gagne la profondeur
où les variations de température sont moins im-
Kijf. 1119. l/i |)rrlir des CnisUi-.és. portantes. La Langouste du large [Palinurus mauritaniens)
est parfois capturée par nos chalutiers en pêche :
elle fréquente les fonds de 100 à k 00 mètres et vit ordinairement près des coraux [Lophohelia,
Amphhelia). Elle ne fait pas l'objet d'une pèche spéciale.
Nos langoustiers vont aussi sur les côtes de Mauritanie où ils capturent la Langouste
verte ou Langouste royale [Pahnurus regius); elle voisine parfois avec la Langouste du large
dont l'habitat est plus rapproché de la côte dans cette région. Des essais de pêche dans les
eaux de nos colonies antillaises, où la Langouste américaine [Palinurus argus) abonde, ont été
très fructueux.
Les Scyllares ou Cigales de mer [Scyllarus ardus : petite Cigale et Scyllarides latus : grande
Cigale) sont surtout abondants en Méditerranée.
La Langoustine [Nephrops norvégiens) est très largement distribuée, on la trouve sur les fonds
vaseux ou sablo-vaseux aussi bien en Méditerranée que dans l'Atlantique.
Les Crevettes parmi lesquelles on distingue : les Crevettes roses ou Bouquets [Paloemon
serralus) et les Crevettes grises ou Boucs [Crangon vulgaris) vivent dans la zone littorale.
Les crabes sont nombreux : le plus estimé est le Tourteau [Cancerpagurus) ; viennent ensuite
l'Etrille [Portunuspubvr) et le Crabe vert [Carcinus moenas).
Enfin l'Araignée de Mer [Maia) moins appréciée, est consommée surtout par les pêcheurs.
•'•> l'ai- Gérard Iki.i.nc. 8 v.

128 - -
('. Centres d'Armement, Bateaux et Engins.
Les principaux ports qui arment pour la pêche des gros crustacés (Langoustes, Homards)
sont : Morlaix, Loguivy, TAlervrach et le Conquet, sur la Manche, Camaret, Douarrwnez,
Groix, Belle-Ile, le Çroisic, Noirmoulier, Vile d'Yeux, Les Sables d'Olonne, La Rochelle et
Saint-Jean-de-Luz sur l'Atlantique; Port-Yendres, Banyuls, Palavus, Marseille, Cassis, la
Ciotat, la Seym, Salins d'Hyères, Saint-Tropez, Sainl-BapLaël, Cannes et Villefranche sur le
littoral méditerranéen; Baslia, Màcinaggw, Calvi, Ajaccio, Propiano et Bonifacio en Corse.
Les bateaux utilisés pour cette pêche sont de types et de tonnages divers suivant les ports
d'armement et les lieux de pèche pratiqués. Leur tonnage varie de 1 à 100 tonneaux : canots
de i à 3 tonneaux dans les petits ports, de Lorient à Belle-Ile principalement; sloops non
pontés de 3 à 5 tonneaux à Morlaix et l'Abervrach; cotres pontés de î 5 tonneaux à Camaret.
Douarnencz, Audierne, Lorient, Noirmoutier ; dundees de 90 à 5o tonneaux à Camaret, Douarnenez,
Groix; dundees de plus de 5o tonneaux à Douarnenez, pour la pêche lointaine. Tous
ces bateaux sont à voiles et quelques-uns disposent d'un moteur auxiliaire. La plupart d'entre
eux, à partir de î 5 tonneaux, ont un vivier. Ce vivier est constitué par un cofferdam étanebe
placé au centre du navire et dont la partie supérieure doit être toujours au-dessus de la ligne
de Jlottaison. Ce cofferdam est en communication constante avec la mer au moyen de cinq à
six rangées d'ouvertures placées de chaque bord de la coque et dont les dimensions sont de
i5 à ao centimètres de longueur et.3 ou 4. centimètres de largeur. Le vivier est accessible
du pont par une ou deux ouvertures où viennent aboutir des puits étanches partant du plafond
du vivier (K.ERzoNcuFF).Les bateaux à vivier n'ont pas de chargement et leur lest est placé très
bas.
I92'i
1925
19 2 G
I9'27
1928
1929
AA'A'Kt'S.
930
1931
Bateaux se livrant à la pêche des Homards et des f/ingousles.
1990
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LANGOUSTE.
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Fij>;. iio. Un bateau langoustier faisant la pèche en Mauritanie.
PLANCHE XII.
Bateaux langoustiers.
Fip;. 112. Lanj;ouslie,rs à Ganiarel.
Fi;>;. îii. Un bateau cliarmi tie casiers.
l'i.f. n:!.
Ki(j. i i-'>- Bateaux langoustiers à Aiulienie.

— 130 —
l'île de Groix, Belle-Ile, les bancs de Guérande et la Banche, les parages de Noirmoutier
(îlot du Pilier et Plateau des Bœufs), l'île d'I'cu, l'île de Ré (pointe des Baleines), le plateau
de Rocheboune, l'île d'Olérou (plateau de Chardonnière) et la côte basque. En Méditerranée,
les côtes rocheuses des Pyrénées-orientales, la côte de Provence et la côte d'Azur,
la côte occidentale de la Corse; en Tunisie, les fonds rocheux de la Galite, du Cap Bon et de
Cani, les fonds rocheux de l'Algérie.
Nos pêcheurs fréquentent aussi les eaux des Iles Britanniques, le long des côtes occidentales
et méridionales d'Irlande et les hauts fonds rocheux de Cornouaillcs, à Seven Stones
autour des îles Scdly et près d'Eddystone. Sur les côtes de la péninsule ibérique, du côté
atlantique, les parages du cap Ortegal et du cap Finisterre, autour des îles Berlingues, les
environs de Péniche et le cap Saint-Vincent ; en Méditerranée, aux îles Baléares et sur la côte
catalane; enfin sur la côte occidentale de la Sarclaigne.
Depuis une vingtaine d'années, plusieurs langoustiers bretons fréquentent régulièrement
les eaux mauritaniennes, dans les environs du cap Blanc, où la Langouste royale est très abondante.
La Langouste ordinaire et le Homard se rencontrent aussi sur plusieurs points de la
côte marocaine : dans les parages de Fedala, Casablanca, Mazagan, le cap Cantin et le cap
Ghir; les plus riches sont ceux de Mogador.
Les engins de pêche.
La pêche des gros crustacés (homards, langoustes, crabes) est pratiquée à l'aide de casiers
ou de filets.
Les casier a à langoustes sont cylindriques, à une ou deux entrées ; ils ont de o m. 85 à 1 m. 9, 5
de longueur, leur diamètre est de 0 m. 45 à 0 m. 60. Leur armature latérale est ordinairement
en lattes de châtaignier; dans le pays basque on emploie le Tamaris qui est à peu près imputrescible.
Lorsque les lattes sont très espacées, elles sont tendues d'un filet ou d'un grillage
métallique, où l'on ménage une ouverture pour faciliter l'installation de l'appât. Les deux
bases sont fermées par un filet à grosses mailles, en fil à chalut. Dans le cas d'une seule entrée
(Camaret), l'un des fonds est tendu, l'autre forme un tronc de cône qui va en se rétrécissant
vers l'intérieur et dont la petite base est maintenue ouverte par un cercle de bois. Dans les
casiers à deux entrées, les deux bases sont semblables.
Les casiers sont lestés à l'aide de pierres ou de barreaux de grilles, l'appât est constitué par
du poisson Irais et placé en arrière de l'ouverture. Les pêcheurs choisissent du poisson blanc,
à chair résistante, le Grondin de préférence. Beaucoup de bateaux pèchent leur appât au
tramail, surtout quand le courant de la grande marée rend la pêche aux casiers impossible :
une partie du poisson est conservée vivante dans le vivier du bord. Le reste du temps ils s'approvisionnent
dans les ports de pèche au chalut comme Lorient, Les Sables-d'OIonne et La
Rochelle.
La pêche a lieu surtout en morte-eau. Le nombre des casiers dépend naturellement du
tonnage du bateau : il atteint 40, 60 et parfois même 80. Les casiers sont placés ordinairement
sur une filière et séparés l'un de l'autre par une dizaine de brasses, à l'une des extrémités
de l'orin de relcvage est fixée une bouée à voyant.

Fig', ni. Casier à Laugoustes : Bretagne. Fi" 1 . 115. Casier à Homards : lie cl'Veu.
PLANCHE .Kill.
asiers et Iramaih pour la pêche des crustacés.
Fie/. ii6. Casiers à Homards, .Brelaene.
Fi;;-. î 17. Tramails et casiers pour la péclie des crustacés. Sur les
cordes, sèchent les poissons employés comme appât dans les
casiers,

— 132 —
Les casiers à homards sont hémisphériques ou demi-cylindriques, plus lourds et plus résistants
que ceux que l'on utilise plus spécialement pour la pêche de la Langouste. Ils sont construits
ordinairement en lattes de châtaignier, percés d'une ouverture unique à la partie
supérieure arrondie et lestés de deux cailloux ou de deux gueuses métalliques, pour être
mouillés bien à plat sur le fond et ne pas être déplacés par les courants.
L'appât est constitué par toutes sortes de poissons : débris de raies, de baudroies, de
grondins; pendant la campagne de pèche au Thon, le meilleur appât est la tête de Germon
fendue dans le sens de la longueur. L'appât est suspendu dans la nasse; on en met ordinairement
deux, de part et d'autre de l'ouverture.
Les casiers, fortement lestés, sont mouillés sur les fonds rocheux, isolément ou par paire;
un orin dont la longueur varie suivant la profondeur, les relie à une bouée à voyant.
La pêche des crabes aux casiers se pratique en grand sur le sable de la baie d'Audierne ;
ailleurs elle n'est pas spécialement organisée.
Les casiers à tourteaux et les appâts employés, sont les mêmes que pour le homard. Les
casiers sont mouillés en chapelets, jusqu'à âo et plus, séparés par 10 mètres environ de filin.
PJRIOL a remarqué que la pêche sur fond de sable en baie d'Audierne, capturait une grande
majorité de femelles (plus de 90 p. 100), tandis que les
mâles constituaient la proportion la plus forte des captures
par les casiers destinés à la pêche du Homard.
Dans les cas où les casiers ne peuvent être employés
pour la pêche de la Langouste, en Mauritanie, par
exemple, on utilise des filets : le tramail et le filet dit
tt Langoustier ».
Le tramail est formé de trois nappes de filets superposées,
les nappes extérieures, mimées, ont de grandes
fi,;. 118. Tnimail. mailles en forme de carré ou de losange, d'environ
0 m. 1 2 au carré ; la jîue, ou nappe intermédiaire a de petites
mailles de o m. oao au carré. Le tramail est garni de lièges à sa partie supérieure et de
plombs à la partie inférieure, il a ordinairement
3o h âo mètres de long et
1 m. 5o à 9 mètres de haut.
Les Langoustiers sont des filets
droits en coton mesurant de 90 à
3o mètres de longueur et de 1 à
3 m. 70 de hauteur, avec des mailles
très larges de 17 centimètres de
côté. Ils sont fortement lestés et garnis
de liège à leur ralingue supé- VH

La Pêche à la Crevette.
La pêche à la crevette est pratiquée en bateaux à l'aide de casiers et de chaluts à crevettes
et à pied avec des haveneaux.
Les casiers à crevettes sont un modèle réduit de casiers à langoustes. Ils sont ordinairement
construits en fort fil de fer galvanisé et tendus de filet à mailles de 1 centim. Ix. L'appât est
constitué, de préférence, par des têtes de sardines que l'on met dans un petit sac en filet.
Ils sont mouillés en chapelet sur une filière unique : l'été dans les rochers, le long du rivage,
]'"]{[. )âo. (iasiiTS à Crcvcllcs.
l'hiver sur la vasière, à proximité des roches, en bordure des fonds à langoustines, par 80 ou
100 mètres de profondeur. Cette pèche est pratiquée par de petits bateaux; en Bretagne ce
sont bien souvent les annexes à moteur des sardiniers. (Fig. 130.)
Le chalut à crevettes est un petit chalut à perche de 8 mètres de longueur sur Ix de largeur,
avec des mailles qui doivent avoir, au minimum 1 centim. à au carré. L'ouverture de ce chalut
est soutenue par une traverse en bois, munie à ses extrémités de deux chandeliers en fer à

— 134 —
bouts relevés ou palms de o m. 5o de hauteur et dont le, poids total n'excède pas 9 kilogrammes.
La partie intérieure du filet entre les deux patins, appelée bourrelet, est chargée
de 4 kilogrammes de plombs. Le fond de ce chalut, tranché carrément, est maintenu par une
verge en fer ou en bois et mesure le cinquième de l'ouverture. (Fig. i -2 i.)
L'usage du chalut à crevettes fait actuellement l'objet d'une réglementation très sévère et
lend môme à disparaître en raison de l'hécatombe d'alevins qu'il occasionne.
Ki[{. 13 i. Filet de Chalul à Creu'lles au sérham'.
Les haveneaux (fig. 123) sont des filets à mailles de 1 centim. 9. au carré, montés sur
une fourche à laquelle est adapté un manche et que l'on pousse devant soi dans l'eau, à
marée basse, surfond de sable à proximité des rochers. Les extrémités de la fourche sont réunies
par une traverse en bois ou une corde de 1 m. 9 o au maximum ; la corde peut être chargée de
0 kilogr. 5oo de plombs. L'usage de cet engin est permis toute l'année, mais pendant le
jour seulement.
Les Viviers à Crustacés.
Les langoustes, les homards et les crabes sont ramenés à terre vivants et vendus immédiate-

Fig. i^3.
Vivier a crustacés à Argenlun
(Finislère).
PLANCHE XIV.
Fig. 125.
Grand Vivier de Rusrof
Fig. 122.
La péclic ù la Crcvelle
le Ion;;' des «Trêves.
'o
J u
Fig. 12/1.
Viviers lloltaiils, à marée liasse.

• 136 —
ment aux mareyeurs au débarquement ou placés clans des viviers en attendant la vente. Ces
viviers sont de deux sortes : les viviers flottants et les viviers fixes.
Les viviers flottants sont de grandes caisses à claire voie, de 6 à 8 mètres de longueur et de
a à 3 mètres de largeur; leur hauteur varie de î mètre à t m. 5o. Ils sont amarrés dans les
baies et dans les ports.
Les viviers fixes sont construits parmi les rochers de la côte sur le domaine maritime ou
dans des propriétés privées en des lieux convenablement choisis où l'eau est pure et peut
être facilement renouvelée : la proximité des rivières et des déversoirs des usines est soigneusement
évitée, car les apports d'eau douce trop abondants et de produits toxiques causeraient
une grande mortalité parmi les habitants du vivier. Le fond du vivier doit être rocheux, les
murs en pierres ou en ciment armé; il y a intérêt à les recouvrir en totalité ou en partie pour
donner un abri aux crustacés et empêcher réchauffement rapide de l'eau en été.
Les viviers sont visités au moins une fois par jour pour enlever les animaux morts qui, en
se corrompant, entraîneraient rapidement la perte des autres. Les langoustes sont très
délicates surtout à certaines époques ; les homards sont plus robustes, mais aussi plus
belliqueux et plus voraccs, pour les empêcher de se mutiler et de s'entredévorer dans
les viviers, on prend la précaution de leur inciser le muscle préhenseur des pinces ou
bien on leur introduit une petite cheville de bois dans l'articulation de la pièce mobile
sur la partie fixe de la pince.
Il existe plus de 200 réservoirs à crustacés le long des côtes de France, nous citerons parmi
les principaux, ceux de Roscoff, des Glénans, de Concarneau et de l'île d'Yeu. Ils peuvent
recevoir jusqu'à 5.ooo tonnes de langoustes et homards, d'une valeur de plus de 5 milbons
de francs.
La Pêche de la Langoustine (1> .
Les chalutiers travaillant dans le Golfe de Gascogne, aux abords de la Grande Sole, du
Banc de la Chapelle, dans le voisinage de la fosse des Smalls, à Inishtrahull; aux Ffaden ou
dans les parages du Dogger Bank, en bien d'autres endroits encore, capturent fréquemment,
à la limite des fonds de sable et de vase, de fortes quantités de Langoustines (Nephrops norvégiens
L.) qu'ils ramènent au port quand la durée prévue du voyage leur permet de garder
ces petits Crustacés de conservation difficile.
Ces Langoustines, cuites à bord dès leur capture ou conservées en glace, sont toujours bien
accueillies par les mareyeurs et bien vendues sur les marchés. Cependant, à Boulogne, Dieppe,
Lorient, La Rochelle, grands ports d'armement de chalutiers, elles n'ont jamais fait l'objet
d'un armement spécial ou d'une exploitation particulière; capturées incidemment par les
chalutiers, elles sont : ou rejetées par dessus bord, ou parfois conservées par les hommes
de l'équipage qui trouvent dans leur vente un léger profit supplémentaire.
Les petits et moyens chalutiers faisant de courtes sorties à la mer, les conservent régulière-

— 137 -
ment; et, comme il n'est pas rare qu'ils en capturent de 100 à 1 5o kilogrammes par coup de
chalut, les Langoustines arrivent à constituer parfois le quart du produit de leur pêche.
Mais, sur la côte sud de Bretagne, ce Crustacé fait l'objet d'une pêche particulière qui, au
cours de ces dernières années a même pris une certaine extension.
La pêcJw de la Langoustine sur la côte sud de Breta-gne.
Sur la côte Sud de Bretagne, en bordure de la Grande Vasière qui s'étend de Penmarch
au large des Charentes, les Langoustines sont très abondantes et se trouvent rassemblées par
bancs d'individus de toutes les tailles. Depuis une dizaine d'années, ces bancs deviennent
de plus en plus nombreux, indiquant un peuplement intense des fonds côtiers par la Langoustine,
dû, soit à une pullulation sur place, soit à une invasion venant du large.
Actuellement, tous les ports de
l'Atlantique, de Saint-Guénolé à La
Rochelle, pratiquant le chalutage
reçoivent régulièrement des Langoustines
pendant toute l'année,
surtout de Novembre à Juin, moment
où ce Crustacé paraît être plus
abondant dans le Golfe.
Mais, cette pêche s'est surtout développée
sur la côte sud du Finistère
; et, maintenant, Le Guilvinec
arme spécialement i5o bateaux,
Conmrneau une cinquantaine, qui,
dès que se termine en Novembre la
pêche de la Sardine de rogue, arment
pour la pêche de la Langoustine qu'ds
poursuivront jusqu'au retour île la
Sardine dans la région : au mois
tic Juin suivant.
Fijj. îati. Principaux lieu* de pèclic de la Laneouslinc.
Ces bateaux sont les cotres mixtes ou les vedettes à moteur employés pour la pêche de la
Sardine. Ils se servent de chaluts à perche dont le filet est à mailles très étroites : 16 à 18 millimètres
de côté, qu'ils vont traîner en bordure de la Grande Vasière, principalement entre les
Etocs, près de la pointe de Penmarch, et Grow, en passant par le sud-ouest des Glénans,
le sud et le sud-est de la Basse-Jaune, sur les fonds de sable vaseux ou de vase allant de Go
à îoo mètres (î). (Fig. ia6.)
''' Les aulres (omis de rVduU"'0 de la Lan pmslinc dans le Galle de Gascogne se trouvent enlrc Groiv et liclle-
Isle, dans les environs de riorhcfcrmae ol au larju de la Gironte. Ils ne saut pas fréquentés par les cèlres on les
vedelles (le Coucurneau cl du Guilwncc.
OFFICE DES PÈCUES MARITIMES, MÉM. N* I O.

— 138 —
La durée de leur sortie n'excède pas vingt-quatre heures et les Langoustines pêchées sont
vendues fraîches, encore vivantes aux mareyeurs qui en font l'expédition ou aux usines qui les
traitent pour la conserve. fl
En effet, depuis une dizaine d'années, un certain nombre d'usines de la côte sud de Bretagne
ont entrepris de conserver la Langoustine de la même façon que le Homard et la Langouste,
en boites hermétiques. La queue de la Langoustine est seule utilisée. Cette préparation a donné
de très bons résultats, depuis que la cuisson des langoustines faite dans une eau légèrement
acidulée a permis d'éviter le noircissement et la décoloration de la chair si désagréables dans
les conserves de crustacés.
Il est possible d'évaluer approximativement à 800.000 kilogrammes la quantité de langoustines
ramenées annuellement dans les ports sud de la côte de Bretagne.
''"'!'>• 1;! 7 e ' '-8- Drajjueurs de Langoustines au (iuilvmec.
Cette destruction intensive de ce crustacé n'est d'ailleurs pas sans danger pour la conservation
du stock. Déjà, on constate une diminution des apports et surtout une forte diminution
de la taille des Langoustines capturées : les grosses Langoustines deviennentrares, les petites
sont encore relativement abondantes ; mais leur longueur ne dépasse plus guère, mesurée
de l'extrémité du rostre à celle du telson, plus de 6 à 1 0 centimètres.
Les pêcheurs ont dû, pour en capturer davantage, diminuer encore la taille des mailles de
leur chalut ; de ce fait, ils capturent de grosses quantités de poissons immatures, n'ayant aucune
valeur marchande et qu'ils doivent rejeter par dessus bord, morts le plus souvent.
Dans l'intérêt général des pêcheurs, il n'est donc pas souhaitable de voir cette industrie,
intéressante pour quelques ports seulement, se développer outre mesure sur la côte Sud de
Bretagne.

urn
1928
1929. ...
1930
1 931
- — • — -
'eo kilogr.)
856.i io
1.3 13.197
979.48G
879.598
8r, 7-779
IIO.MUilW.
139
Importance de la pêche des crustacés en France.
-—-
(en Crans.)
9.A80./181
'7-' l 99-' l 7i
1G. 5 9 5.19
nu'. 1 6.667
1 38.55/i
1 3 3.14 7
173.71 1
,83.303
15 i.5g3
OFEICli DES PECHES MARITIMES. MEM. Is 10
EN IUTEAIJ.
4.64i.868
7- l 77-9 (i 7
8.363.068
8.658.997
8.908.307
1/1.71 i. 513
i G. 5 3 3.77 5
1 7.891.35 1
PÈCHE X PIED.
739.35G
1.033.443
1.371.33 G
g3 1,3g4
8io.3 3 0
1.1 Go. 1 oG
1.108.318
i.3 10.589
13 1 .1)03
3o5.4g/i
i.jo.781
330.35.3
2/16.60.5
233.086
195.2.3a
1 O7.IO !
81.6 6 5
',',.937
6/1.62.5
99.583
g8.'jg6
80.38a
84.03,6
1 13.830
1.622.132
2.714.203
2.656.346
3.583.643
3.970.083
3.4 6 3.5 4/i
4.3 7 /i. 3 13
3.516.69g
84 1.3 11
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1.108.700
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1
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6.2 G 4.0 0 0
9.893.170
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1.3.878.289
18.17/1.056
30.798.988
31. 4 0 8.0 5 0
1.570.567
1.663.8/12
2./179.93G
s. 4 0 5.8o 3
2.45 t.âgli
3.70g.486
3.i3/i.5t7
3.336.01/1
:\TKKl'0SbS.
Valeur;..
S 3.97 1.7/19
3 3.534.364
3 0.3 G s. 3 g 0
.38.393.4/i3
5 3.3 3 6. G'13
4 1.870.99'!
33.178.4'13

I°ig. ]si|. L'Ilinireux l'iklieuv
aLIriliui' à l'arlisle Cn ic.nnv.r.ioN
(d'après P. H.umur.'s ; the (jriochisclion
AleistiTclialloii PI. f>, |i. 07).
140
LA PÊCHE AUX LIGNES.
Aussi loin que l'on remonte dans les annales des
peuples primitifs, on y rencontre les traces certaines
de l'emploi des lignes et des hameçons pour la pêche.
Ce mode de pêche est né des premiers besoins de
l'homme, il n'a guère varié depuis; l'hameçon a encore
conservé sa forme préhistorique ; sa matière seule a
changé.
En différents points du littoral français on retrouve,
d'ailleurs, les anciens noms qui, autrefois, servaient à
désigner lignes et hameçons : les lignes de fond, cordées
ou palangres sont encore appelées «Calhèles»
comme à l'époque romaine; l'hameçon est encore désigné
sous le nom de ^Haimn et les descriptions CI'OP-
PIEN dans son poème sur VArt de la Pêche, dédié à
MARC AURÉLE et à COMMODK, conviendraient encore pour
les lignes à mains ou les lignes do fond actuellement employées.
Mais ce mode de pêche séculaire a perdu petit à petit de son importance avec le perfectionnement
des engins de capture du poisson de mer. La pêche à la ligne à mains se pratique encore
sur tout le littoral français, mais, à part quelques genres de pêches particuliers, ce n'est plus
une pêche industrielle. Elle fait la joie des amateurs le long des quais ou des rivages poissonneux,
elle assure le modeste gagne-pain des vieux marins retraités, qui, à proximité de la
côte, à bord de petits canots, vont, pendant la belle saison, jeter leur ligne à l'eau, pour ramener
les quelques poissons qui assureront le repas familial ou, dans le cas exceptionnel de pèche
abondante, seront rapidement écoulés dans le voisinage.
La pêche aux palangres ou lignes de fond est plus importante. Elle se pratique encore dans
la «Grande Pèche» à Terre-Neuve; elle fait l'objet d'un armement particulier, de caractère
familial, retrouvé sur toutes les côtes de France, mais qui n'a pris une certaine importance
que dans le quartier maritime de Boulogne, où la pêche dite v aux cordes », bien qu'elle diminue
de jour en jour, a conservé encore le caractère d'une pêche hauturière.
La Pêche aux Lignes à Mains.
Ce serait sortir du cadre de cette étude que de vouloir décrire les différentes modalités de
la pêche aux lignes à mains.
' l'ai' .leau LE GALI..

141
L'engin est bien connu : une corde, la ligne proprement dite, de grosseur variable suivant
la taille des poissons à capturer, de longueur sulllsante pour atteindre la profondeur voulue,
porte un ou plusieurs avançons ou «pelles» de longueur et de grosseur variables qui relient
le ou les hameçons garnis d'appât à la ligne.
Les hameçons en 1er étamé ou en acier dur sont plus ou moins gros ; les plus petits
ont de i5 à aïo millimètres, les plus forts de 90 à 3o. Pour certaines pêches particulières,
comme celle des squales, des grosses raies ou des thons, les hameçons ont parfois de 5 à
8 centimètres de longueur. Le mode d'attache de l'hameçon sur l'avançon varie suivant
les hameçons employés. Ce montage est tout un art et, de même,
le choix de l'appât doit être judicieusement fait; car bien que la
voracité du poisson soit proverbiale, il n'en est pas moins vrai
qu'il soit très souvent méfiant, et le pêcheur doit ruser pour attirer
le poisson qu'il convoite et l'amener à s'enferrer sur l'hameçon qui
le retiendra. Un Bar ne se laisse pas prendre sur une ligne montée
pour la pêche à la Morue et il ne faut guère songer à prendre
des Maquereaux quand on a préparé ses lignes pour pêcher des
Vieilles et des Dorades.
Les détails de ces différentes pêches ont leur place dans les
traités spéciaux; il ne saurait en être question ici.
D'une façon générale, la pêche aux lignes à mains se pratique
en France pendant toute l'année le long du littoral, quand la profondeur
d'eau le permet, ou à quelque distance de celui-ci dans
des petites barques mouillées, naviguant sous voiles ou dérivant
légèrement avec le courant.
Les espèces capturées à la ligne à mains sont des plus diverses
suivant les régions, l'époque de l'année et la profondeur à laquelle
la ligne est filée.
En surface ou dans le voisinage de la surface, le Maquereau
l'
[Scomber scomber LINNÉ) est péché, soit au mouillage, soit à la traîne,
pendant les mois de printemps et d'été à proximité des côtes de la Manche et de l'Atlantique.
Cette pêche se prolonge jusqu'en hiver dans les parages de Saint-Jean-dc-Luz.
Elle n'est pas sans importance par la quantité des produits annuellement péchés et nous
en avons fait, dans un chapitre précédent, une étude particulière.
Le Germon (Germa alalunga GMELIN) est également péché à la ligne à mains et sa pêche, qui
se pratique au large des côtes, fait l'objet d'une industrie importante qui a également fait
l'objet d'un chapitre spécial.
Le Thon Rouge (Thunnus thynnus LINNÉ) est encore péché à la ligne à mains dans le voisinage
de la surface, quand, après la ponte, ses bancs se dispersent et entreprennent de longs voyages
qui les entraînent dans les régions poissonneuses du nord de l'Irlande ou de la Mer du Nord.
Les pêcheurs de Boulogne le capturent avec un très fort hameçon de ào à 5o centimètres
de long, à fort dard bien acéré, en acier forgé, monté sur fil d'acier de 8 à 1 0 millimètres,
Ions: de 9 à 3 mètres et fixé à un filin de 90 millimètres,delongueur voulue, dont une extrémité
A ij['. [.')0. Lilinurcl
ou iiiitcr ilosLi.T.
)asse sur
une des poupées du treuil du bâtiment.
Ol'I-ICE DES PÈCHES MARITIMES. M Ml. S° 10. 0 (

— 142 —
Cet hameçon énorme, monté sur une ligne résistante est, d'autre part, fixé à l'extrémité
d'une longue perche de bambou et, en définitive, sert comme gaffe, pour harponner au passage
ce gros poisson.
Celui-ci est attiré, en surface, dans le voisinage du bateau, par des poissons de toutes sortes
qui lui sont jetés du bord. Quand d passe à proximité, sous l'hameçon porté au bout de la
perche juste à la surface de l'eau, le pêcheur, d'un geste rapide, cherche à l'accrocher. L'hameçon
s'enfonce dans les chairs; le poisson file vers le fond, entraînant la ligne; mais, le treuil
rapidement mis en route ne lui permet pas d'aller très loin et le Thon est ramené le long du
bord, élingué et hissé à l'aide d'un palan.
Cette pèche particulière demande une grande dextérité et des hameçons très résistants.
Beaucoup de pêcheurs lui préfèrent l'hameçon ordinaire, de taille convenable : 8 à 10 centimètres
de long, en acier forgé, et monté comme la gaffe, sur fil d'acier et gros filin. I n maquereau
bien frais est le meilleur appât. La ligne appâtée est établie à l'aide d'un tangon et d'une
bosse cassante juste au-dessous de la surface, à 1 ou 9 mètres du bord et une abondante
distribution de poissons attire les thons près du bord. Le Thon ferré sur l'hameçon tente de
s'échapper en filant vers le fond, mais des bouées frappées sur la ligne ralentissent sa marche,
l'épuisent rapidement. Il est alors viré à la poupée du treuil et hissé à bord au palan.
Il est débarqué, chaque année, à Boulogne, entre les mois de juillet et d'octobre, environ un
millier de Thons Rouges.
Le poids moyen de ces Thons est d'environ 200 kilogrammes. Ils sont vendus pour la consommation
courante ou sont destinés à la conserve.
Sur ces mêmes lignes à thons, les pêcheurs capturent encore des Taupes (Lamna cornubtea
GMEUN) OU des petits requins bleuets (Carcliarias glaucus LINNÉ) qui sont également bien
vendus sur les marchés.
L'Orphie ou Bécasse de mer (Belone acits Bisso) et le Balaou (Scombresox saurus WALBAUM)
sont des petites espèces capturées incidemment à la ligne de surface sur les pêcheries de
maquereaux. Elles ne font pas l'objet de pêches particulières, sauf la Bécasse de mer qui est
parfois pêchée à l'aide de lignes délavantes en surface.
Sur le fond, les espèces capturées à la ligne à mains sont encore très variées. Ce sont d'abord
des Baies de toutes sortes, capturées sur le fond ou dans le voisinage du fond, les Roussettes
(Scyllium canicula LINNÉ et Scyllium catulus CUVIEH), les \iguillats (AcanlJnas vulgaris Risso) qui
s'enferrent sur les hameçons tendus pour la pêche d'autres poissons, car ils ne sont pas
spécialement recherchés par les pêcheurs; puis les Poissons Plats : Carrelets [Pleuronecles
platessa LINNÉ), Flets (Pleuronecles flesus LINNÉ), Limandes (Pleuronecles limanda LINNÉ); les
Merlans (Gadus merlangus), les Morues (Gadus morrhua LINNÉ) que l'on retrouve encore à
différentes profondeurs au moment où ils se rapprochent de la côte, particulièrement en
Manche, pendant les mois d'automne et d'hiver.
Entre deux eaux, se pèchent encore : les Lieux ou Merluches jaunes (Gadus poUachius LINNÉ)
abondants en Bretagne pendant l'arrière-saison, de septembre à décembre et que l'on pêche
dans les courants avec des lignes spéciales connues sous le nom de Balances ; les Colins noirs
(Gadus vixens LINNÉ), rares en Manche, abondants sur les côtes de Bretagne pendant toute
l'année, les Tacauds (Gadus luscus LINNÉ) voraces et faciles à capturer quand ils approchent du
rivage pendant les mois d'été, les Caringues ou Chinchards (Caran.% /racAwrws LINNÉ) également

valeur marchande. Enfin, les Viedles (en particulier le. Labrus berggylla ASCAJVIUS) péché dans le
voisinage des herbiers, à proximité des fonds de roches, les Daurades variées (Pagellus
cenlrodonlus DELVROCHE, Pagellus auralus LINNÉ, Pagellus bogaraveo BRUNNICE) abondantes en
été sur les côtes de Bretagne et du Cotentin et, enfin, les Bars (Morone Labrax LINNÉ) qui, en
été et en automne, se rapprochent des rivages et dont la pêche, une des plus difficiles qu'il
soit, reste un sport d'amateur plutôt qu'une occupation professionnelle.
Ainsi qu'on vient de le voir, la ligne à mains et un engin maintenant désuet, pratiquement
abandonné, qui n'est plus employé dans la technique des poches industrielles qu'à certaines
époques, au passage des bancs de poissons migrateurs et pour certaines pêches particulières
comme celles du Maquereau et du Thon Blanc. Elle est, évidemment, moins ,
onéreuse que toutes les autres, mais son rendement est minime, et elle
disparaît petit à petit devant la technique moderne actuellement représentée
par le chalut et la senne tournante. Elle reste encore employée
pour la Grande Pêche de la Morue en Islande, mais, comme on le
verra dans le chapitre spécial consacré à cette pêche, l'emploi de la ligne
à mains disparaît également dans ces parages comme il a pratiquement
disparu depuis longtemps sur les Bancs de Terre-Neuve, remplacé par
les palangres qui bientôt devront disparaître, à leur tour, devant les
chalutiers modernes.
C'est de la même façon que la pêche de la Morue sur le Dogger Bank
qui et ait encore pratiquée, il n'y a pas un demi-siècle, par nos pêcheurs
du nord de la France (Dunkerque, Grave.lines, Boulogne et Fécamp) a
rapidement disparu dès l'arrivée sur les mêm< s lieux de pêche des premiers
chalutiers à vapeur. [.-,
Nous décrirons, pour terminer ce chapitre, cette pêche du Dogger
Bank qui, au cours du siècle dernier, étail encore pratiquée par une centaine de bateaux,
occupait plus d'un millier d'hommes et rapportait, d'avril à août, près de a.ooo tonnes de
morues souvent plus grosses que celles d'Islande et toujours très estimées.
Dès le milieu du xvm c liât,
' siècle, alors que les Hollandais possédaient en France le monopole
du commerce de la morue salée, les armateurs de Boulogne équipèrent des navires destinés
à la pèche en Islande et sur le Dogger Bank (1) dans la Mer du Nord.
La pêche d'Islande, reprise pourtant avec activité après le Premier Empire, fut bientôt
abandonnée à Boulogne qui, dès 1890, se spécialisa dans la pêche du Hareng. Cependant,
la pêche de la Morue dans la Mer du Nord, dite pêche du Dogger Bank fut maintenue et traversa
des périodes de grande prospérité durant laquelle des centaines de bâtiments armaient chaque
année pour cette destination.
Ces bâtiments pratiquaient ordinairement, en même temps, la pêche du Hareng qu'ils
salaient aussi à bord; d'où le nom de Pêche Mixte qui était donné à cette pêche combinée.
(î) Dofjger est un vieux mot hollandais qui veut dire «Morue».

ou des déhris de poisson.
Les lignes à mains étaient du même modèle que celles employées en Islande : longues cordes
de â à G millimètres de diamètre, de 1 oo à 1 5o mètres de long et lestées d'un plomb de 7 à
8 kilogrammes, traversé dans sa partie inférieure par une tringle de fer de 70 à 80 centimètres
de long portant à chaque extrémité un avançon d'environ deux brasses et garni d'un hameçon
n° 1 ou d'un gros hameçon plombé convenablement appâté. Ces lignes sont connues sous le
nom à'Arbalète ou de Balancier.
La pêche débutait en Avril dans les parages de Sunburgh : au Sud des Shetlands, puis sur
les bancs dans l'Ouest de ces Iles ou des Iles Orkneys. En fin d'Avril et en Mai, les pêcheurs
opéraient dans l'Est des Shetlands, aux accores du plateau continental de la Mer du Nord et
jusqu'au Banc Viking. En Juin-Juillet, ils se trouvaient dans l'Ouest et le Nord-Ouest de
l'Ecosse, puis également sur le Fisher Bank, au Sud-Ouest de la Norvège; en Août, sur les
Long-Forties, dans l'Ouest d'Aberdecn, et enfin, en Septembre, sur le bord Xord-Ouest et
Ouest du Dogger Bank.
La pêche de la Morue se terminait alors, la plupart des navires la pratiquant armant à ce
moment pour la grande pèche du Hareng.
Les morues pêchéea en Mer du Nord étaient directement travaillées à bord : vidées, lavées,
tranchées et salées en barils.
Les morues se raréfiant dans les parages ordinaires de la pêche en Mer du Nord, les pêcheurs
boulonnais se rendirent, après 1898, dans le Nord-Ouest des Hébrides, où ils tentèrent la
pêche de la morue à l'aide de lignes de fond appâtées avec du Hareng ainsi qu'aux lignes à
mains ; mais, petit à petit, leur nombre diminua d'année en année. Depuis 1 9 1 0, on peut dire
que cette pêche de la Morue en Mer du Nord est pratiquement abandonnée par les pêcheurs
français et les voiliers qui la pratiquaient se consacrèrent uniquement à la pêche au chalut
ou à celles du Hareng et du Maquereau aux filets dérivants.
La Pêche aux Cordes ou Palangres.
Tout le long des côtes de France, un nombre considérable de petits bâtiments : voiliers,
bateaux à vapeur ou à moteurs pratiquent la pêche aux palangres ou cordes. C'est là l'armement
familial par excellence, celui qui exige le moins de capitaux ; il reste, par conséquent,
facilement accessible aux petits pêcheurs.
Les {{Petites cordes », « Cathètes » ou s Vppelet» employées à bord des petits cordiers à voiles
ou à moteur, bateaux non pontés ou semi-pontés, de six à dix mètres de quille, voilés d'un bourcet,
un mallet et un foc et montés par 6 à 10 hommes, sont des pièces de lignes de 80 à
1 00 mètres de long, plus ou moins fortes suivant les poissons à capturer, et garnies, toutes les
brasses environ, d'un avançon ou «pelle» d'une demie-brasse (o m. 80 environ], muni d'un
hameçon de la grosseur voulue. Plusieurs pièces de lignes, mises bout à bout, constituent une

— 145
et qui fournissent chacun leurs lignes, peut allonger sur le fond de 1 o à îS.ooo hameçons
appâtés comme il convient.
Parvenus sur les lieux de pêche, les cordiers disposent leurs cordes au fond de l'eau et l'em-
Ki;j. i •'!'>. Lieux de pèche des Cordiers en mer du Nord
e[ en Mnnclic.
barcation, rappelée debout au vent par la voile de mallet, reste ancrée, à l'extrémité de la
cordée. Après plusieurs heures d'attente, pendant le jour dans la pêche du Merlan et pendant
la nuit dans celle du Congre, les pêcheurs mettent en route à l'aviron, à la voile ou au moteur
pour cueillir leurs cordes. A la fin de cette opération qui dure plusieurs heures par bonne

— 146 —
brise, le bateau regagne le port pour vendre la pèche, réamorcer les cordes et revenir le plus
tôt possible au même point quand la pèche est fructueuse.
Les espèces capturées sur les côtes de France, dans cette pêche aux petites cordes, sont des
plus variables suivant les saisons et suivant les régions où cette pêche se pratique.
Sur les côtes françaises de la Mer du Nord et celles voisines de la Manche, les petits cordiers
pratiquent surtout la pêche du Merlan (Gadus merlangus LINNÉ) et de la Morue (Gadus mon-hua
Pij; 1 . i33. La ppclie aux Cordes (disposdiou du li'aiu de pirlicj
En Ittiat : La pùc.lie sur le loud. En, Ims : Lijjucs déi-naulos.
LINNÉ) qui approchent du rivage pendant les mois d'hiver. Pendant l'été, les Tacauds (Gadus
luscus LINNÉ) sont plus abondants. Il en est de même sur les côtes du Golfe de Gascogne. Dans
chacune de ces régions, les poissons plats : Limandes (Pleuronecles limavda LINNÉ), Carrelets
(Pleuronectes platessa Linné), Flets (Pleuronecles flesus LINNÉ) sont capturés pendant presque
toute l'année, mais particulièrement vers la fin de l'hiver et le début du printemps quand ils

— 147 —
approchent de la côte pour frayer ; les Turbots [Rhombus maximus LINNÉ), les Barbues [Rhombus
laevn (RONDELET] GOTTSCHE) se font prendre également sur ces petites cordes quand, en été,
ils s'approchent du rivage. Enfin : les Raies [Raia sp), les Roussettes et les Chiens de Mer
[Scyllium et Acatdhias) viennent visiter trop souvent ces lignes tendues pour d'autres poissons
et se font prendre sur les hameçons au grand dam des pêcheurs, car ces Sélaciens n'ont pas la
valeur marchande des autres poissons.
Les Grandes Cordes ne diffèrent des précédentes que par leur taille. Destinées à capturer
des gros poissons : des Congres [Conger conger LINNÉ), des Raies variées [Raia s-p), des Emissoles
[Muslelus vulgaris MULLER), des Milandres ouHàs [Galeus vulgaris FLEMING), des Turbots
[Rhombus maximus LINNÉ), des Barbues [Rhombus loevis [RONDELET] GOTTSCHE) ou encore des
Morues [Gadus morrhaa LINNÉ), des Elingues ou Juliennes [Moka vulgaris FLEMING), elles sont
beaucoup plus fortes que les petites cordes, plus longues, et les hameçons qui les arment sont
choisis de taille voulue pour retenir les poissons désirés. Leur montage est également particulier
et varie suivant les pêcheurs et les régions de pêche.
Les Grandes Cordes sont, comme on le sait, employées encore pour la pêche de la Morue à
Terre-rNeuve. Il en sera fait mention cfans le chapitre consacré à cette pêche.
Mais, en plusieurs points des côtes de France, elles sont aussi régulièrement employées
pour la pèche au large; en particulier, par les pêcheurs bretons de Douarnenez, de Kerily,
de Guilvmec, qui vont tendre leurs palangres sur les fonds rocheux à l'entrée des chenaux du
Four ou de l'Iroise, dans les parages du Banc de la Chapelle, ou sur les plateaux rocheux de
Borhebonne et de Belle-Isle ; puis, dans le INord, à Boulogne par les pêcheurs de Granville et
de Cancale ; où la pêche aux cordes constitue un armement particulier dont nous dirons quelque
s mots.
Les Cordiers à Vapeur.
Ce sont de solides bateaux en 1er ou en acier de i5 à so mètres de longueur, avec un grand
tirant d'eau, une grande largeur au maître bau et possédant des qualités nautiques remarquables.
Il n'est pour ainsi dire point de tempête qui puisse interrompre, même en hiver,
le travail de ces bâtiments.
L'aménagement intérieur de ces cordiers est très simple. En outre du poste d'équipage et
de la chambre des machines où sont réunies la chaudière et la machine elle-même développant
une force de soo à 3oo chevaux et assurant au petit navire une vitesse de 9 à 1 1 nœuds, le
cordier à vapeur possède une cale arrière où sont arrimés tous les agrès, accessoires des pêcheurs
et une cale spéciale pour l'arrimage du poisson glacé.
Les engins de pêche restent rangés sur les côtés du bateau, sur le pont, et, dans les modèles
ne possédant pas de cale spéciale à poisson celui-ci est placé dans deux coffres à l'arrière du
gouvernail et sur les côtés de la barre.
La mâture des cordiers à vapeur est amovible; le plus souvent le mât de misaine reste incliné
dans son emplanture et appuyé sur un support rivé dans la tôle de la cheminée ou sur la
passerelle de navigation. Cette position clu mât de misaine est avantageuse dans la route
Kauprès du vent» et durant l'ancrage au voisinage des cordes tendues sur le fond de la mer.

— 148 —
L'armement des cordiers se fait encore à la part. Le bateau conserve environ le tiers du rendement
net de la pêche ; le mécanicien est payé à gages ; mais l'équipage fournissant les engins
de pêche se partage les deux tiers du produit net.
Un pêcheur à cordes doit fournir sur les cordiers à vapeur deux cordes à huit «bouts»
de 45 à 5o brasses (80 à 90 mètres) pour la pèche des gros poissons.
Sur ces huit bouts de cordes, il y a environ 1 5o hameçons en fer étamé avec leurs avançons
ou empiles (encore appelés «pelles»). Comme il y a généralement de 1 5 à 22 pêcheurs embarqués
sur ces bâtiments, il en résulte que chaque cordier à vapeur peut étendre sur le fond de
la mer pour la pêche des Congres ou des Raies, près de deux kilomètres de lignes armées' de 4
à 6.000 hameçons.
hi;;'. iM'i Un coriluT à vnpcur
Pour la pêche des petits poissons, chaque pêcheur fournit deux « caliiés » comprenant chacun
huit pièces de 5o brasses (90 mètres), sur lesquelles les hameçons avec leurs empiles sont
écartés de o m. 80 environ. Un cordier armé pour la pêche du Merlan emploie, ainsi, de seize
à vingt-deux mille hameçons pour la capture du poisson.
Les pêcheurs réparent, entretiennent, réamorcent à chaque pèche les cordes qu'ils apportent
dans la communauté.
Les grands cordiers boulonnais travaillent le plus souvent en Manche, dans le voisinage de
la Fosse Centrale, soit, dans les parages des Casquets, des îles Anglo-normandes où ils trouvent
du Congre [Conger conger LINNÉ) et des Raies, soit près des Roches Douvres, où de Mars
à Mai et de Juin à Septembre, ils pèchent le Turbot. Us s'aventurent également à l'entrée occidentale
de cette mer sur le plateau rocheux de l'Ile Vierge, dans le Chenal du Four, ou dans

— 149 —
le voisinage des Iles Scillys. Parfois, ils vont en Mer du Nord, jusque sur la côte de Hollande,
dans les parages du bateau feu de Terschelling.
Arrivés sur les lieux de pêche, les lignes amorcées et lovées dans les paniers sont mises à
l'eau. Une ancre munie d'une bouée est d'abord mouillée, elle maintiendra la cordée en place
tandis que la bouée permettra de la repérer en surface. Puis, le bateau faisant «en avant toute »
les lignes, lestées d'une pierre ou d'un galet de 1 kilogramme environ tous les 100 mètres,
sont jetées à la mer par paquets de spires qui se déroulent rapidement et s'élongent sur le
fond.' (Fig. i 33.)
Liane à qros poissons
Ligne a morue
î . ; . f , p*^
Echelle
Il b
Kl-;. io.">. Disposition des ;i\ aurons sur les palan;p'rs.
La cordée étant entièrement mise à l'eau, une autre ancre, garnie d'une bouée est fixée à
son extrémité et mouillée. La mise à l'eau des lignes dure environ i heure et demie à deux
heures. Elle a commencé s heures avant le coucher du soleil. La relève des lignes commencera
i heure après le coucher du soleil. La première bouée est d'abord rentrée, purs l'ancre est
hissée, les lignes sont ensuite relevées à bras, cette opération dure toute la nuit. Quand elle
est terminée, le poisson capturé est mis en caisses, tandis que les lignes sont vérifiées, lovées
et appâtées pour une nouvelle «traînée».
La pèche terminée, le cordier rentre au port, le poisson est vendu à la criée et, après cette
opération, chaque matelot, aidé des siens, passe la revue de ses cordes qu'il «love» encore
en bon ordre dans les mannes d'osier, en démêlant les empiles (pelles) et en limant, les «hains M
(hameçons) pour que leurs pointes restent bien acérées.
La besogne terminée, les amorces sont préparées, fixées sur les hameçons et, dès que les
provisions de bord sont renouvelées, un nouveau départ a lieu pour la pêche. Les appâts
sont, suivant les saisons, constitués par du Hareng ou du Maquereau frais, de la Seiche ou
de l'Encornet : ces Mollusques étant les meilleurs appâts pour la pêche des Congres.
Quand les bateaux font la pêche aux petites cordes, pour le Merlan, la Limande, le Carrelet,
etc., le travail change, complètement. Dès que les poissons péchés arrivent à bord, ils sont
aussitôt mis avec un peu de glace dans des caissettes de sapin d'un format déterminé. Ces
caisses sont clouées à bord du bateau même, mises en cales; et, dès leur arrivée au port de
pêche, elles partent par le premier train pour les villes de l'intérieur ou la vente est plus profitable.
Ces poissons péchés aux petites cordes sont d'une qualité nettement supérieure;
leur vente est facile sans qu'il soit nécessaire de recourir à l'intermédiaire des mareyeurs.

150 —
Ces petites cordes sont débarquées à terre après chaque sortie. Elles rentrent alors chez les
pêcheurs eux-mêmes où les femmes et les enfants ont la charge de les préparer à nouveau et
de les amorcer soit avec des Vers de Sable (Arenicolapiscalorium) ou avec des Coques (Cardium
edule).
Les grands drifters armés pour la pêche du Maquereau ou du Hareng aux filets dérivants
se livrent encore à la pêche aux grosses cordes, particulièrement au cours du printemps ou
de l'été quand ils sont dans les parages de la côte Sud d'Irlande, des hauts fonds de la côte
Sud-Ouest d'Angleterre ou de la côte de Bretagne. Ils capturent ainsi des gros poissons qui
viennent compléter leur approvisionnement et augmenter les gains de l'équipage : la vente du
poisson péché dans ces conditions restant généralement au profit des hommes.
E. CANU.
OUVRAGES CONSULTÉS.
La pêche à Boulogne. In : Boulogne-sur-Mer et la région boulonnaise. (Boulogne, 1899.)
S. LE GAIX.
Les principales pêches maritimes de la France. (La Pêche Maritime, n" 666, 1981.)
E. P. PKIOL.
La pêche du Thon Rouge à Boulogne-sur-Mer. (La Pêche Maritime, n° 725, p. i3g, 1933.)

— 1S1 —
CHAPITRE IV.
LA PÊCHE LITTORALE»'.
Il est nécessaire de préciser ici en quelques mots ce qu'il est convenu d'appeler Pêche Littorale.
La Pêche Littorale est celle qui se pratique sur la côte elle-même, à pied, dans la zone de
balancement des marées, ou en bateau, au moyen de petites barques montées seulement
par quelques hommes, à proximité du rivage ou sur les haufe-fonds voisins de la côte.
Cette définition englobe donc une partie des Pêches Côtières qui, au point de vue administratif,
se font dans les eaux territoriales de France et d'Algérie, en deçà d'une limite fixée à trois mille
marins au large de la laisse de basse mer et la pêche dite «.

— 152 -
Bas-Parcs.
On désigne sous le nom général de Bas-Parcs toute une série d'engins connus, suivant les
régions, sous les noms de «Collerettes», «Courtines», «Bas-Parcs» (La Rochelle, fiochefort,
Marennes, Bordeaux, Àrcachon), de «Polets» dans la région de Poniic et de Noirmoutiers ;
de «Bavoirs», d'«Êtentes», d'«Elaliers», de «Bêts traversants» de « Cibaudières» sur les côtes
de la Manche et de la Mer du Nord et qui peuvent tous se ramener à un même type ainsi
conçu. (Fig. î 36.)
I''ii;. i36. Ii;is Parc à nii-miirrr,
Une nappe de filets, soutenue par une série de piquets est tendue sur la côte, principalement
dans les régions où la mer en se retirant laisse une grande étendue de terrain et où les
courants sont assez rapides. Le poisson qui a suivi le Ilot et approche du rivage peut passer
par-dessus les filets tendus à marée hasse {Elentes, Bavoirs. Polets, Courtines), etc., ou, qui,
mis en place à mer basse, gisent d'abord sur le fond et ne se tendent qu'à marée haute (Bèls
traversants). Quand la mer se retire, ces poissons qui ont pu franchir le barrage sont retenus
derrière les filets tendus, et, à marée basse, les pêcheurs viennent les recueillir au pied du
filet alors à sec.
Pour leur assurer une bonne solidité, une résistance plus grande à l'action des vagues, et
aussi pour qu'ils retiennent davantage de poissons, les pêcheurs enfouissent généralement la
ralingue intérieure de l'engin assez profondément dans le sol (d'où son nom de Bas-Parc).
Dans ces conditions, les algues, les menus débris que la mer entraîne avec elle en se retirant,
restent retenus au pied du filet, s'accumulent et forment un gros bourrelet qui retient les
jeunes poissons et les laisse à sec à marée basse. Ces engins sont ainsi très destructeurs d'immatures,
car ces jeunes poissons laissés au sec par le jusant, sont morts quand le pêcheur qui
attend que la mer se soit complètement retirée vient visiter son engin. Aussi, leur emploi
est-il maintenant interdit ou soumis à une réglementation sévère qui fixe les époques de pêche,

— 153 —
variables suivant les arrondissements, refuse la création de nouveaux Bas-Parcs, prescrit
leur suppression progressive chaque fois que l'occasion se présente, ou : iixe la hauteur des
pieux (1 m. 5o), leur écartement (1 m. 60), leur ouverture vers le rivage (80 mètres et 160
mètres), le développement des bras et des pannes (160 mètres et 820 mètres), le placement
des pieux (un seul angle dans le fond de la pêcherie), la distance entre les Bas-Parcs : (20 à
5o mètres dans le sens perpendiculaire à la côte, 100 à 200 mètres dans le sens parallèle à
la côte) et enfin la taille des mailles du filet qui doit être au minimum de 2 5 millimètres au
carré : l'engin étant tendu de manière que ses mailles restent toujours ouvertes.
Les Pêcheries Fixes ou Parcs.
En certains points du littoral, sur les côtes basses et rocheuses, des dépressions du sol
forment des cuvettes naturelles dans lesquelles l'eau pénètre avec le flot et se retire ensuite
Kl;;. 107. IV'clicrie live. — \ uc C.YIITMWI', la nasse tinïiiinalr\
avec le jusant par des passages plus ou moins étroits. En fermant ces passages par où s'écoule
l'eau à marée basse, il est possible de constituer des Parcs ou Réserves de poissons. Si, au con-
OKFICG DES PÈCHES .M.MUTIMES. ,MÉM. N° 10. 10

— 154 —
traire, on garnit ces ouvertures de filets, de masses, ou de guideaux, l'eau s'écoule et le poisson
reste retenu. Des parcs naturels ont ainsi été aménagés en «Pêcheries» et c'est ce qui a amené
les riverains à construire sur les côtes basses des enceintes de pierres sèches, de pieux ou
pâlots ou de clayonnage, à grande ouverture tournée vers le rivage, qui retiennent, de la même
façon, le poisson quand la mer qui les a recouvertes à marée haute se retire avec le jusant, les
eaux étant alors canalisées vers une ouverture étroite tournée vers le large et munie d'une
nasse où s'accumule le poisson.
Ces Parcs ou Pêcheries sont d'origine très ancienne. Leur nocivité a été depuis longtemps
reconnue et elles furent réglementées à différentes reprises dans leur exploitation. La loi
l'uj. 138. Pèclici'io fixe. — Vue intérieure, le couloir terminal.
(Remarquer le colmatage
à peu près hermétique des parois par les algues.)
de 1803 en interdit de nouvelles créations et le Département de la Marine décida, en igod,
leur suppression progressive par voie d'extinction de leurs détenteurs.
Il en existe encore quelques-unes connues sous le nom de «Bouchots» dans la région de
Cancale et la Baie du Mont Saint-Michel. (Fig. 187-138.) Elles sont construites à une
distance de deux kilomètres environ du rivage et formées de deux immenses claies de 2 5o mètres
de long, disposées en V dont l'ouverture est tournée vers la rive et le sommet vers la mer.

— 155 —
L'angle du V conduit dans un couloir de 2 mètres environ de longueur, large de 1 m. 5o
environ, au bout duquel est placée une nasse d'osier : la «Bourrache» qui filtre l'eau et où
s'accumule le poisson. A chaque marée, le propriétaire de la pêcherie vient visiter la nasse
et recueillir les poissons divers, les crevettes et les crustacés retenus par les claies ou accumulés
dans la bourrache. Il existe encore une vingtaine de Bouchots dans la Baie du Mont
Saint-Michel.
Les Hauts-Parcs.
Les Hauts-Parcs (Fig. 1 31)) sont encore des pêcheries
fixes formées de filets tendus verticalement
sur des hautes perches de â à 5 mètres de hauteur,
solidement enfoncées dans le sol suivant une ligne
généralement perpendiculaire à la côte, près de la
laisse de basse mer dans la zone de balancement
des marées et formant fréquemment crochet à leurs
extrémités. La ralingue inférieure des filets reste
constamment libre au-dessus du sol, contrairement
aux Bas-Parcs où, comme on le sait, elle est enfouie
Kij;. ]•'((). Un Jlaul-JKiPT.
dans le sable; d'où leur nom de Haut-Parc. La maille de ces engins assimilés aux filets flottants
au point de vue de la réglementation n'est assujetti à aucune condition de taille.
Ces engins ne sont employés que dans le quartier de Bordeaux où leur installation qui se
t'ait du i5 Août au î 1 " Janvier est néanmoins soumise aux règlements : Développement maximum
du haut-parc : 300 mètres, y compris les crochets ou demi-enceintes qui peuvent avoir
le tiers de la longueur du filet quand elle n'excède pas 1G0 mètres; distance entre chaque
engin : supérieure à 90 mètres dans le sens perpendiculaire du rivage et d'au moins 100 mètres
dans le sens parallèle; taille des mailles : minimum 9 centim. 7 au carré; distance de la
ralingue inférieure au-dessus du sol : 33 centimètres, sauf dans les extrémités formant crochet
où elle doit être de 60 centimètres.
Ces filets sont destinés à capturer les poissons de passage : Sardines, Maquereaux, Mulets,
etc.
Quelques Hauts-Parcs sont également installés sur le littoral de la Manche, sur les côtes
de Normandie et de Picardie, au moment du passage des bancs de Harengs ou de Maquereaux.
Les Verveux, Varveux ou Louves.
Sous sa forme la plus simple, le Verveux est un filet conique de 1 à 2 mètres de longueur et
de 75 centimètres à 1 mètre d'ouverture. Le corps de ce filet est soutenu par des cerceaux en
bois léger, de plus en plus petits à mesure que l'on va vers la pointe. A l'ouverture de cette
nappe conique, se fixe une avancée aux mailles plus grandes, s'évasant plus rapidement que
le corps du Verveux : c'est la Coiffe, soutenue également par un arc de cerceau dont les extrémités
inférieures sont réunies par une corde ou par une tringle de bois. Cette «coiffe» se

- 107­
27 millimètres), la longueur des ailes (8 mètres au maximum) et la grandeur de leurs mailles
(45 millim.) sont aussi réglées. De plus, ces engins ne peuventêtre établis sur la côte qu'à une
distance minimum de 30 mètres, cette distance étant calculée entre l'extrémité des ailes; leur
usage n'est autorisé que pendant une partie de l'année, généralement du t 5 Août au
15 Juin. Ils sont surtout employés sur les côtes du Golfe de Gascogne: dans les quartiers
de Nantes, des Sables d'Olonne et de la Rochelle pour la capture cles Poissons Plats.
Folles, Tramails.
Ce sont encore des filets fixes, ne changeant pas de position une fois calés sur le fond mais
qui sont tendus temporairement en eaux profondes, à quelque distance de la côte en dehors
de la laisse de basse mer.
Ils sont constitués par une nappe de filets plus ou moins longue suivant le genre de
pêche envisagé, à simple, double ou triple nappe, lestés à l'aide de plombs ou de galets sur
leur ralingue inférieure, légèrement flottés sur leur ralingue supérieure de façon à se tenir
verticalement dans l'eau. Ils sont allongés et mouillés sur le fond à l'endroit voulu et maintenus
en position à l'aide d'une ancre ou d'un corps mort pesant fixé à chaque extrémité.
Suivant leur destination, suivant les régions où ils sont employés, suivant leur montage,
différent suivant le genre de pêche pratiqué, ils ont reçu différents noms.
Les Folles sont des filets à grandes mailles employés sur les côtes normandes pour la pêche
du Turhot ou de la H.aie, (d'où leur nom de R(àeux qui lem est donné en NormandiE-)- suries
côtes de Bretagne et du Golfe de Gasc:ogne pour la pêche des gros poissons, des Raies, des
Squales. Les Folles mesurent environ 28 mètres de longueur sur 2 m. 5a envi ron de profondeur
et ont suivant les localités des mailles de 13 à 20 omtimètres au carré. Leur ralingue
inférieure est garnie de pierres ou de galets taillés en forme de gourde. Vingt à vingt-cinq folles
mises bout à bout constituent une tésure qui est mouillée sur le fond avec une g:rOSSt' pierre,
signalée en surface, par une bouée fixée à chaque extrémité de la tésure.
Les TramatÎs sont des filets formés de trois nappes superposées les unes aux autres. (Fig. 1 18.)
Les deux nappes extérieures, appelées ccJ1umées" sont à très grandes mailles carrées ou en
forme de losange de 2 a centimètres environ de eôté. La nappe intérieure ou c( Flue" est, au
contraire, faite de petites mailles de 2 a à 35 millimètres. La dimf'nsion des mailles des nappes
extérieures doit être suffisante pour laisser passer les gros poissom, qui, venant donner contre
la Flue, la poussent entre les mailles de l'aumée opposée et se trouvent ainsi pris comme
dans une bourse dont ils ne peuvent se dépêtrer. Les trois nappes sont montées sur la même
fincelle; mais de telle façon que les Aumées se trouvent tendues et qut' la Flue reste flottante.
Le filet est tendu sur le fond, où il se trouve maintenu verticalement dans l'eau par des
plomhs fixés sur sa ralingue inférieure et des flottes de liège fixées sur la ralingue supérieure.
Une ffrosse pierre, ou un grappin fixé à chaque extrémité maintiennent le filet en place.
Les Tramails ont généralement 50 à 6 a mètres de long sur 2 ID. 50 de chute. Les Tramails
à H.aies employés sur les côtes de Bretagne n'ont guère plus de 25 à 3a mètres de long sur
deux de ehute, les mailles des Aumées ont 20 centimètres de côté. Les Filets à Chiens de Mer
1.0 A

- 108­
sont montés comme les tramails à raies, mais la maiHe des Aumées est plus petite et a la eentimètres
au earré. Ces filets sont tendus au cœur de l'hiver dans les parages de Quiberon.
Sous le nom de Tramails sédentaires ou cc Sadours" on désigne des Tramails à maille des
1 5 à 2 a eentimètres pour les aumées et de 35 millimètres pour la flue disposés à proximité
du rivage pour la pêche des poissons divers: Tacauds (Cadus Tacaud LINNÉ), Vieilles (Labrus sI')
Poissons Plats, ete. Ces filets tramaillés sont employés sur tout le littoral du Golfe de Gaseogne.
Les Sedors son t des filets tramails réglementaires placés perpendiculairement à la côte
pour la pêche du Saumon dans les quartiers de Concarneau, de Saint-Nazaire ct de _'antes.
Autres Filets Calés.
Difl'érents modèles de filets calés sur le fond sont encore employés pour des pêches particulières.
Les filets cl FOU1:lles sont de grands filets droits, genre Folles, de longueur variable, hauts de
2 mètres environ, à grandes mailles de 8 à la œntimètres au carré, employés pour la pêche
des gros Chit'ns de mer (Scyllium canùula LINNÉ, Scylliurn catulus CUVlER), des Taupes (La1llna
cOl'nu6ica), des Émissole" (JYlustelus vulgaris MmLER et HENLE), des Hâs (Caleus vulgaris FLEMING),
dans les quartiers de Lorient, La Hochelle, Hochefort, Marennes, Oléron, Bordeaux et Bayonne.
Les Picots, ou Demi-Folles, ou Aiguûlettes, sont encore des filets sédentaires à mailles de
25 uùHimètres au carré employés en bateau pour la pêches des Aiguillettes (Belol1e acus HISSO),
dans le quartier d'Auray.
Les Filets à Rougets-Barbets (Fig:. 142) employés sur la côte sud de Bretagne, pour la pêche
des Hougets (MIIIlus surrnuletus LINNÉ) sont des filets droits de 5a mèl res de longueur et de
1 m. 3a de chute, à mailles de 26 millimètres de côté, liégés sur la ralingue supérieure par
6a à ï a lièges. lestés à la ralingue inférieure par des plombs (environ 15 kilOGrammes

uis, tes Kfilets a ivieuilsi); mets dérivants de 100 metres ae longueur et ae a menés ue
chute, à mailles de a 5 millimètres au carré, liégés sur la ralingue supérieure (5 o lièges environ),
plombés sur la ralingue inférieure (a kilogrammes de plomb en olives répartis sur la longueur
du filet) et mouillés, de nuit, par une embarcation munie d'un feu tandis que l'extrémité
libre de l'engin est attachée à une bouée également munie d'un l'eu. (Fig. \àà.)
Cet engin, employé sur les
côtes de l'Ile de Ré, audessus
des fonds de 8 à
1 o mètres, d'Avril à Octobre,
capture des Meuils (Mugil
cephalus LINNÉ), des Rougets
Barbets {Mullus surmulelus
LINNÉ), et des Orphies (Belone
vulgarm-acus Risso).
Les Filets à Sprat de dérive,
employés pour la pêche
du Sprat, au printemps, en
Baie de Douarnenez et dans
1/1/1. h'ilol i'i Ucnils.
le quartier de Guilvinec sont
des filets de sardines usagés.
long de 3o mètres, haut de 6 mètres, à mailles de 9 à 1 5 millimètres (moule àS à 56).
La « Coule», filet dérivant ou flottant non tramaiilé est un filet de i3o mètres de long sur
à à 5 mètres de chute, à mailles de a 6 millimètres au carré, employés sur les côtes du Languedoc
et de Vendée pour la pêche des poissons de surface.
LES SENNES'».
L'emploi de la senne est général sur toutes les côtes françaises, sur les grèves, dans les
anses à fond plat et cet engin connu depuis l'antiquité est encore d'usage fréquent. Mais, en
raison de son emploi dans une zone bien déterminée : la zone littorale proprement dite, cet
engin est éminemment destructeur de poissons, particulièrement de jeunes immatures, aussi
n'est-il autorisé que dans certaines conditions et, dans chacjue quartier maritime, à des époques
bien déterminées.
La Senne (Fig- )A5) est un filet en nappe simple, beaucoup plus long que haut, dont les
dimensions et la taille des mailles varient suivant les régions et les règlements locaux. La
nappe de filet ou la «Flue» qui constitue l'engin est montée sur deux ralingues : la supérieure
est garnie de liège, l'inférieure garnie de plomb de façon à ce que la nappe péchante
se maintienne verticalement dans l'eau. La partie centrale du filet est souvent plus haute
que les parties latérales ou Ailes, de façon à former une sorte de poche; les mailles sont
également plus petites dans cette partie du filet et vont en «'agrandissant vers les ailes. De
plus, dans certaines sennes, les mailles de la partie supérieure du filet sont plus grandes et
(1) Par Jean LE G u.i..

161
faites de fil fin, tandis que les mailles du bas de filet, qui doit traîner sur le fond, sont plus
serrées et de fil plus fort.
A chaque extrémité de l'engin, un bâton de bois assure l'écartement des ailes et la verticalité
de l'engin une fois déployé dans l'eau.
De longues cordes ou bras, fixées à chaque
extrémité de la Senne permettent sa manœuvre
Jjiii. dans tous les endroits où cet engin est employé,
est sensiblement la même : une extrémité
de l'engin étant fixée à terre, le bateau portant
le filet décrit une courbe en partant du rivage
tout en déployant le filet et revient porter l'autre
extrémité à terre.
La Senne est aussitôt halée à bras. Les haleurs
tirant de chaque côté en se rapprochant petit à
petit. L'engin «drague» ainsi le fond en recueillant
tous les poissons qui se sont trouvés pris
dans la superficie enclose par le filet déployé.
On prend avec ces filets un grand nombre
d'espèces de poissons : Soles, Plies, Turbots,
Limandes, Flets, Vieilles, Merlans, Orphies, Mulets,
Bars, petits Congres, Lançons, Prêtres,
Dorades, et une grande quantité d'immatures de
toutes sortes, inutilement détruits.
La Senne est encore traînée à la mer. en
pleine eau, en bateau. La « GRANDE SENNE À JET ••.
employée pour ce genre de pêche aux environs
m'Uinaire.
de La Rochelle, dans le quartier de Lorient ou
sur les côtes du Calvados, a, suivant les régions : de 9 5 à 3oo mètres de long, de 8 à
i 9. mètres de chute ; liégée à sa ralingue supérieure, elle est fortement plombée sur sa ralingue
inférieure ( a 5 o grammes environ de
plomb par brasse) ; la maille du filet
au centre a de «o à 35 millimètres.
çon à le faire rentrer régulièrement
L'engin se manœuvre d'une embarcation,
avec les deux bras fixés :
l'un à la poupe, l'autre à la proue,
l'ic l'ili. ManuMivrc de la Sienne le l»ii|; du ri\aj;e
; lii'[)iûsej)(alioii srliémalrquc).
à bord sans retourner la poche où s'est rassemblé le poisson.
le bateau dérivant de travers. Après
un certain temps, le filet est ha.lé
avec de grandes précautions de fa-
Quelques autres modèles de sennes, toujours construites suivant le même principe quoique
différentes dans les détails de leur construction ou montage, sont destinés à des pêches spéciales
et leur emploi est autorisé à des époques bien déterminées.

— 162 --
Tels sont les « Collereis v, grandes sennes employées sur les côtes basses des Flandres et sur
celles du Saintonge et qui, traînées parallèlement au rivage par les pêcheurs qui, se l'ont une
espèce de bandoulière ou de collier avec les cordes ou bras de l'engin pour le haler plus i'acile-
''ifv. J'17. La Senne : Ile
ment — d'où son nom de «colleret» — opère exactement comme un chalut manœuvré sur le
bord même du rivage. Son emploi est maintenant interdit.
i'l8. La Senne : Le lend de ]Ynem esl ramené à lerre.
La senne à Lançons est une petite senne de 80 à /10 mètres de long, de 9 m. 5o de chute,
nu mai liage de 8 millimètres employée en Baie de Douarnenez pour la pêche des Lançons ou
Equilles (Ammodyles sp.). On l'appelle encore Senne drue dans le 1" arrondissement maritime

— 163 —
où elle est employée pour la pêche des Éperlans (Osmerus eperlanus LINNÉ), Senne à Prêtres
(Long : 2/1 mètres, haut. : 9 m. ào, Mailles : là millimètres) pour la pèche des Petits Prêtres
(AlJwrina presbyter JENYNS), senne de Risteou, à Arcachon et Bayonne pour la pêche des Éperlans
et des Mulets.
Pour la pêche du Sprat (Clupea spr alius LINNÉ), deux sortes de sennes sont en usage sur les
côtes de Bretagne, la grande Senne à Sprats, longue de 900 mètres, haute de 16 mètres, à
maille de 19 millimètres et la petite «Senne à Sprats, longue de 3o à 60 mètres avec de 8 à
10 m. 3o de chute, la maille étant également de 19 millimètres. Cette senne inanœuvrée en
pleine eau, à bord d'un ou de deux bateaux, n'a pas la nocivité des engins précédents traînant
sur le fond.
Différentes sortes de Sennes sont encore employées pour la pêche des Mulets (Mugik sp.)
et des Bars (Morone labrax LINNÉ). Sur les côtes de Bretagne, ces sennes sont faites de pièces
de filets de 8 à 10 mètres de chute, moule i3o à \ko millimètres, placées bout à bout de
façon à former une longue nappe de longueur variable qui lestée par des gros galets est rapidement
déployée sur le passage des bancs de Mulets. Cet engin est d'ailleurs retrouvé sur les
côtes nord de France sous le nom de «Corret».
Le Correl ou ce Cingent» est une senne d'un genre particulier, très mobile, imaginée pour la
pêche de certains poissons se déplaçant rapidement comme les Mulets, et employée sur les
côtes d'Artois et de Picardie pendant la saison d'été.
("est un filet en nappe simple de 1 5 à 90 mètres de long sur 55 mailles de chute (soit
1 m. 70 environ), la maille ayant 34 millimètres de côté. A chaque extrémité du filet est fixé
un guindineau de bois de 9 mètres de hauteur, permettant la manœuvre de l'engin.
La ralingue inférieure est constituée par deux fineelles de 6 millimètres de diamètre dont
une est garnie de plombs de 80 à 100 grammes espacés de 5o centimètres environ. La ralingue
supérieure n'est pas garnie de Hottes qui gêneraient les déplacements rapides de l'engin, et
ce sont les deux guindineaux qui, en étant maintenu verticalement à chaque extrémité du filet,
assurent la verticalité de l'engin dans l'eau.
Vers le milieu de l'engin, la nappe est plus haute et a de 70 a 80 mailles de chute : disposition
qui provoque la formation, au centre du filet, d'une poche dans laquelle se rassemble
le poisson.
Quand les bancs de Mulets sont signalés à proximité du rivage, les pêcheurs se mettent à
l'eau et, en maintenant les guindineaux verticalement, s'efforcent d'entourer rapidement le
banc de poissons. Plusieurs équipes participent parfois à la même pêche ; les filets sont alors
mis bout à bout et les pêcheurs se déploient rapidement en soutenant leur guindineau quand
le pêcheur de tête a aperçu le banc de Mulets et commence le mouvement d'encerclement qui
retiendra le banc dans l'enceinte de filets.
Cette pèche se pratique surtout à l'heure de la pleine mer, au moment des grandes marées.
Bile est meilleure pendant les mois d'été : de Juillet à Septembre, particulièrement après les
tempêtes ou les gros temps.
Dans la réglementation française sur l'emploi des filets, la Grande Senne à.let entre dans la
catégorie des Filets Traînants et, comme elle est généralement employée en deçà des trois milles
de la côte, les mailles de cet engin doivent avoir au moins 9 5 millimètres au carré. Les autres
genres de sennes entrent dans la catégorie des «Filets Divers pour des pêches spéciales» et

— 166 —
C'est un chalut très réduit, constitué par une armature rigide, en fer, qui racle le fond
de la mer en détachant les animaux qui y sont fixés, prolongée par un sac ou poc/ie en filet
ou à mailles métalliques dans laquelle s'accumulent les coquillages, et autres animaux
recueillis sur le fond et qui n'ont pu passer au travers des mailles de la poche.
Les dimensions des dragues sont très variables suivant qu'elles sont employées pour la
pêche des Huîtres, des Vanneaux, des Pétoncles ou des Coquilles Saint-Jacques.
Leur forme varie également suivant le genre de pèche pratiqué, mais, toutes fonctionnent
de la même façon : traînées sur le fond à la manière d'un chalut que l'on relève
fréquemment car l'engin fonctionne très généralement sur des fonds durs et les débris
s'accumulent rapidement dans le filet.
Différents modèles de Dragues sont employés pour la pêche des Huîtres sur les côtes
de, France.
Ces dragues sont constituées par un cadre de fer rectangulaire ou trapézoïdal, portant
sur sa base inférieure une lame étroite et amincie en forme de couteau. A ce cadre sont
fixées, d'une part, une vaste bourse en filet et, d'autre part, une armature métallique
rip-ide, généralement constituée par trois tiges de fer réunies à une extrémité et fixées de
l'autre sur les côtés latéraux du cadre et au milieu du bord
supérieur. Un anneau fixé au sommet de cette armature sert à
attacher un filin qui permettra de remorquer l'engin sur le
fond. Leur description complète sera faite dans le chapitre
réservé à l'Ostréiculture.
l'"i|;. L5-'..
Sclii'iriatleliiclrrtjjuo à Coquilli
Sainl-.lacqucs.
La Pêche des Coquilles Saint-Jacques.
Pour la pêche des Coquilles Saint-Jacques (Peclen maximum
LINNÉ), Jjamellibranche abondant sur toutes les côtes de France et
péché avec une activité sans cesse accrue en Manche Orientale, en
Baie de Saint-Brieux, en Bade de Brest et sur la côte sud de Bretagne,
les dragues à coquilles généralement employées sont de
grandes tailles. Ces dragues à étriers ou «grèges» se composent
de deux parties : le râteau qui racle le fond, et le sac.
Le râteau est une armature triangulaire rigide, en fer plein, de
a mètres de base sur 1 m. 80 de hauteur, traînée par le sommet,
dont la base recourbée est munie de 90 à 99 dents taillées en
biseau, mesurant 70 millimètres de haut, 35 millimètres de
large, 1 o millimètres d'épaisseur et rivées par leur extrémité
supérieure sur la base du râteau. (Fig. 1 59-1 53-)
Le sac est constitué de deux parties : le ventre et le dos respectivement
fixés aux deux barres horizontales du râteau.
Le « Ventre» qui est en contact avec le sol doit être très résistant; il est pour cela constitué
par des séries parallèles d'anneaux métalliques, de 85 millimètres de diamètre, réunis par des

167
crochets ovales, de façon à former une nappe rectangulaire fixée antérieurement sur la barre
inférieure du râteau, et sur les bords de laquelle viennent s'attacher les côtés du « Dos » constitué
par une alèse en fil de chalut doublé, à mailles de
45 millimètres, fixée d'autre part à la barre supérieure
du râteau.
En arrière, le Ventre et le Dos sont réunis par de
solides crampons à une barre de bois de am. 5o de
long et dont la section carrée a 8 centimètres de
côté. (Fig. i 53.)
Au sommet du râteau triangulaire, un fort anneau
de i5 centimètres de diamètre, auquel est fixé un
solide émerillon, permet d'établir le câble de chanvre
ou «Halin» qui relie la drague au bateau qui doit la
remorquer.
Les bateaux pratiquant la pêche de la Coquille
Saint-Jacques en Manche Orientale sont des petits
cbalutiers à vapeur de Boulogne ou de Dieppe, des
voiliers gréés en sloop, inscrits au port de Grand-
ri;;. i.V-i. Le PiaLcau de la Drayuc
i'i Coquilles Sainl-.lacqiios.
Gam]) et des bateaux mixtes, cotres à tape-cul, de 3o à 5o tonneaux, munis de moteurs de
8o à îoo chevaux, venant également de Port-en-Bessin ou de Grand-Camp.
Chaque bateau porte suivant son tonnage de six à quatorze dragues qui sont .mises à l'eau
successivement, en commençant par celles de l'arrière, puis sont relevées tour à tour après
rijj. i")/i. Schéma d'un dragueur en jièclio.
3o à 6o minutes de dragage sur le fond. Sur les voiliers, cette relève des dragues se fait à bras,
sur les bateaux mixtes et sur les vapeurs, au moyen du treuil.
Les dragues relevées, les matelots procèdent au triage des coquilles, cailloux et débris de
toutes sortes retenus dans l'engin. Les cailloux et débris sont rejetés à la mer, les Coquilles
Saint-Jacques mises en sacs solidement ficelés sont descendues en cale.

-• I OS
Un bateau armé de huit dragues peut arriver à capturer de 6 à 10.000 Coquilles par vingtquatre
heures de pêche, vendues entre Ao et 160 francs le cent suivant les cours du marché.
En même temps que les Coquilles Saint-Jacques, ces dragues ramènent encore des Vanneaux
[Pecten opercularis) des Huîtres [Oslrea Edulis de grande taille et Oslrea lamellosa). Quelques
rares Poissons Plats sont également retenus dans l'engin.
Sur les côtes de Bretagne et du Golfe de Gascogne, la pêche des Coquilles Saint-Jacques se
fait uniquement à bord de bateaux mixtes ou de voiliers. A bord des voiliers toutes les dragues
sont mises en pêche du côté du vent et établies en carré. Les engins employés sont d'ailleurs
sensiblement différents de ceux employés en Manche orientale.
La drague est lisse, c'est-à-dire sans dents au râteau, lorsque la pêche se fait dans les eaux
territoriales. En dehors de ces limites, les dragues sont toujours garnies de dents plus ou
moins longues. Leurs dimensions, variables suivant les régions et la force des bateaux qui les
emploient, vont de 60 centimètres à 1 m. 60 d'ouverture à la base et sont toujours inférieures
à celles des grandes «Grèges» employées en Manche orientale.
La pêche de la Coquille Saint-Jacques est meilleure, sur toute la côte, pendant les mois
d'hiver. Elle est d'ailleurs réglementée et ne peut se faire que du i5 Septembre au
1 5 Mai.
J^a quantité de Coquilles Saint-Jacques pèchées annuellement sur les côtes de France est
variable suivant les années. Les dernières statistiques des Pêches Maritimes de 10,3 a donnent
les résultats suivants :
NOMBRE DE COQUILLES. VALEI H EN EHAiXCS.
1928 7.792.097 5.177.081 fiT nés.
1929 si.sijo.5o5 g.G7o.386 -
1930 8.711.981 5.939.71s -
L931 3i.8()3./i!)8 i8.5s8.50s -
1932 14. .3.G5o; Fécamp : 910.900; Le Havre : 833.400; Port-en-Bessin : 590.000:
Saint-Vaast-La-Hougue : 9.67.000); 3.8 â9.910 sur les côtes de l'Atlantique (Concarneau :
43.700; Quiberon : i9.85o; La Turballe : 1 5.4 00).
La pêche des Pétoncles (1) .
Sous les noms de «Pétoncles», «Vanneaux», «Olivettes», «Petites Palourdes» on désigne,
en les confondant fréquemment, deux espèces de coquillages de la même famille que la Coquille
Saint-Jacques dont l'une le « Chlamys opercularis » ou Vanneau ou Pétoncle blanc, a la coquille
blanche, rouge, jaune, orangée et vit librement, tandis que l'autre, le « Chlamys varia, le «Vrai
Pétoncle» à coquille de'coloration extrêmement variable, se fixe temporairement aux rochers
et aux pierres au moyen d'une petite touffe de filaments appelée «byssus». Ces deux espèces
sont très abondantes sur toutes les côtes de France.
(1) Par Gérard BKLLOU.

MI;. I T> ;j. Drague à l'éloucle |iour load dur- (vue par dessous).
PI.W'.HK \V.
odèles de Dragues à Pétoncles.
109 —
DlT. DES l'KUllïS MAI'.. - .M KM ._\" 10, Kif;. 157. Drajjue à Pétoncles poui' loml de vase.
l''i;;'. i 5[). l)ra;ji)o à Pétoncle |>our fond dur ( vue (Le .'î/'i),

- 170 —
Les Pétoncles blancs ou Vanneaux sont exploités sur les côtes de la Manche par les bateaux
de Boulogne, de Dieppe, de Cherbourg, de Granville et de Cancale, puis sur les côtes de
l'Atlantique et, particulièrement, en rade de Brest où ce coquillage est abondant et est péché
par les dragueurs de la rade : cotres de huit à douze tonneaux, montés par quatre hommes,
appartenant aux ports de Plougastel, Lopéret, Logonna, Hôpital Cam fro ut, Le Fret et
Morgat. L'engin employé est le même que pour la pêche du vrai Pétoncle, également abondant
en rade de Brest, trouvé encore sur les côtes du Golfe de Gascogne et exploité régulièrement
sur les côtes de Vendée et des Charentes (Ile de Bé dans le quartier de La Bochelle).
Les navires qui se livrent à cette pêche sont ordinairement de petits bateaux gréés en cotre,
avec un moteur auxiliaire et des pinasses. Ils pèchent à l'aide de dragues, dont l'armature en
fer rond de 9/1-96 millimètres de diamètre, forme un triangle equilateral de 1 m. oo de côté,
présentant un anneau libre au sommet et dont la base a la forme d'un U renversé, très bas et
très ouvert, l'extrémité des deux branches porte une barre métallique ou « couteau » destinée
à racler le fond. (Fig. 1 55 à 157.]
lin fdet en forme de poche est fixé sur l'armature de hase, il a 1 mètre d'ouverture et 80 centimètres
de profondeur au maximum.
On emploie des dragues différentes suivant la nature du fond sur lequel on pêche; ces
dragues diffèrent par la forme du «couteau» et par le maillage du filet.
Sur les fonds vaseux, le couteau est une barre de fer ronde et les mailles du dos du filet sont
larges, en corde, au nombre de 35 environ dans la largeur; 3 rangées de mailles en fil de fer
de 1 millim. 8, au nombre de 3a, forment la partie postérieure du dos. Le ventre du filet est
tout entier formé de mailles métalliques semblables à celles qui viennent d'être décrites.
Sur les fonds rocheux, le couteau est une lame métallique résistante de 5 centimètres de
largeur. Le maillage du filet est plus serré : àb mailles environ dans la largeur du dos. Les
madles du ventre, qui doivent être plus résistantes que sur les fonds mous, sont en fil de 1er
double.
Dans les deux cas, une barre de bois est fixée au fond de la drague, qu'elle dépasse de part
et d'autre, d'une largeur de main et permet aux pêcheurs de la renverser plus aisément dans
le fond du bateau.
PÊCHR AU PÉTONCLE.
Production annuelle sur les côtes de France.

1 7 1 • -
La majeure partie de cette production provenant des côtes du Golfe de Gascogne (38.1 3/i hectolitres),
le reste de la rade de Brest et; des côtes de la Manche (7-3o hectolitres).
NASSES, CARRELETS, FOËNES ET ÉPUISETTES

I ? jj[. i5f). Cibaudiùre développée à marée liaulf
'd& ^Z=
l'ifj. i(ii. Haul parc pour la pèche du llarcn;;.
l'"i|T ifi'i. r'ocnncs.
Planche Wl.
Différents engins de pèche.
l'"i|;. i(io. Grand Haveneau.
l'j;;'. ili.'i. I.njjrand Carrelet ou Kcliiipnc
'i{;. i()2. I'll pell I Carrelel ou Balance

— 173 —
s'insèrent les quatre pièces de l'arceau. Un orin fixé sur cet assemblage permet de couler et
de relever l'engin.
Le Carrelet (1), appâté avec des déchets de poisson est coulé sur le fond, par faible profondeur,
puis relevé de temps à autre. En remontant, le fond du Carrelet prend la forme d'une
cloche où le poisson surprrsse rassemble et ne peut s'échapper. Les petits Carrelets, tendus à
l'extrémité d'une perche solide, se relèvent facilement. Les grands Carrelets nécessitent une
installation spéciale pour leur relève qui est facditée par l'emploi d'un petit treuil à main.
Cette pêche au Carrelet se fait principalement à l'embouchure des rivières ou à l'entrée des
ports, dans les eaux peu profondes. Dans certains ports comme à Dunkerque, Calais, Rocbefort,
La Rochelle, cette pèche se fait le long des digues, et les Carrelets sont montés sur des sortes de
brouettes qui permettent de les déplacer facilement. On ne pêche jamais de grosses pièces
de poisson avec le Carrelet, aussi est-il peu employé par les pêcheurs de métier et n'est le plus
souvent qu'une distraction pour les touristes venant au bord de la mer.
Les Foëncs sont des fourches avec un nombre plus ou moins grand de dents pointues terminées
comme les hameçons par une barbe ou un ardillon. Cette fourche est fixée à l'extrémité
d'un manche de longueur variable retenu à la main par une cordelette. (Fig. i 6£.)
La pêche à la Foëne se fait à pied ou en bateau dans les eaux peu profondes. Elle est surtout
employée en Méditerranée pour la pêche des anguilles dans les étangs salés. Le pêcheur qui
reconnaît la présence de l'anguille sur le fond fait descendre doucement, sa Foëne (ou Fichouira)
au-dessus de l'endroit repéré, frappe un coup sec sur le manche avec la paume de la main
et ramène le poisson embroché.
Le même engin sert encore en Méditerranée pour la pêche des poissons en surface ou à
faible profondeur, penclantla Pêche au Feu. Les gros poissons attirés par la lumière près du
bateau sont harponnés, ce moyen de capture du poisson exige toutefois une grande adresse.
Sur les côtes de l'Océan, la Foëne est parfois employée pour la pêche des Poissons Plats,
et encore, pour la pêelre des Aiguillettes ou Orphies [Belone acus Risso) qui se déplacent par
bancs au printemps et en été à la surface de la mer.
Cette pèche se fait «au feu» qui attire les poissons autour du bateau dérivant lentement
et les pêcheurs munis d'une Foëne spéciale à nombreuses dents barbelées frappent sans
relâche pour les attraper.
L'emploi de la Foëne est réglementé dans la plupart des arrondissements maritimes. Cette
réglementation porte sur le nombre de dents de l'instrument, l'espace entre chaque dent et
les époques de pêches autorisées.
Les Epuise t tes ou Havewaux servent surtout à la pêche des Crevettes roses (Leander et Polemor)
dans les rochers et des Crevettes grises [Crangon) sur les plages de sable à marée basse. Ces
instruments sont connus de tous. Sur les plages basses du Nord, sur les côtes du Golfe de
Gascogne, cette pêche fait l'objet d'une petite industrie et se fait à marée basse, le long de la
laisse de basse-mer, à l'aide de grands Havcneaux (fig. 160) connus sous le nom de Filadièves
(1) Des petits carrelets appelés -Balances-» servent pour la pèche des crabes et des crevettes dans les rochers ou
l'enlvéc des ports. (Pift. 163.)
OFFICE DES PÈCHES M IIIITIMF.S. — ,MÉM. \° 10. n A

- 17/1 —
et de Reisà Sauterelles. Elle se fait aussi en bateau, et l'engin employé est. comme on l'a déjà vu.
un petit chalut à bâton ou Boncol. dont les mailles de la poche sonl extrêmement étroites, () millimètres
au carré. Ce chainl, employé sur les côtes basses des Flandres, dansions les estuaires
de la Manche, notamment en Baie de Seine, sur les côtes basses de la Vendée et de la Charente-
Inléricure est éminemment destructif, car l'engin ramasse pêle-mêle tout ce qu'il rencontre
s UT son passage et le retient dans ses mailles serrées. Or les baies, les estuaires cl les hauts
fonds littoraux où se plaît la Crevette grise sont en même temps les habitats des immatures de
tous les Poissons Plats (pu sont irrémédiablement, détruits clans le chalut. Pour une poignée
de crevettes capturées, des milliers de larves sont inutilement détruites; aussi, une réglementation
de pins en plus sévère tient-elle, avec juste raison, à restreindre de plus en plus l'emploi
de ces engins sur les côtes de France.
La quantité de crevettes grises ou roses pêchées annuellement en France au cours de ces
dernières années a atteint les chiffres suivants :
kll.OCruMMES. VVU-'.Ulî E\ FIUNCS.
1028 j . :ï 5 S . 0 8 i kilogrammes. 9.7i.S.5:>7 francs.
1029 o. i.-)7.'!•>.() - J5.87I.(U.S:îo.7So - I7.(Ï3I.Ç)(|:J —
1931 3. if)-l ./Ci- - iri.nn.qiu -
1032 3.0.8.88/, ~ -ù.ôo'i.àou -
se répartissant ainsi :
Pèche en bateau :
yâô./iyp kilogrammes pour la région de la Manche

comment se péchaient les Coquilles Saint-Jacques, les Vanneaux, et les retondes. Les autres
mollusques comestibles : Moules [Mylilus edulis), les Palourdes ou Clovisses [Tapes decussatvs).
les Praires ( Venus verrucosa), les LaVJgnons [Scrolncuiaria p/perala), les Vernis [Meretnx chione),
les Coques ou Menons [Cardiam edule). les Fléons, Fiions, Olives ou Truilles [Dnnax villains),
les M vos, Becs de .lar ou Clanques [My a arenoria et Mi/a truncala), les Martres [Maclra corallinci),
les Lutraires ou Lacogne [Lulraria, eUiplica), les Limes [Lima squamosa), les Couteaux [Solen
sp), puis, les Ormeaux. Oreilles tie nier ou Ormets [Haliolis tuber cul a la), les Bigorneaux ou
lattormes [Litlortna littorea), les Pians ou Buccins [Bucanum midalum), les Murex ou Bious
îarpus [Murex brandarts), les Berniques ou Patelles [Patella vulgata et Patella cœrtdea^. sont
cueillis le plus souvent à la main sur les rochers ou sur le sable ou ramassés à l'aide d'instruments
permettant de les atteindre plus facilement ou de les détacher plus aisément lorsqu'ils
adhèrent solidement aux roches.
C'est ainsi que dans le Bassin d'Arcaehon, sur les côtes basses de la Somme, dans l'estuaire
de la Cancho et de la Somme, en Baie du Mont Saint-Michel, la pèche des Coques ou lierions

— 176
CHAPITRE IV.
LA GRANDE PÊCHE ci)
On comprend sous le terme générique de GRANDE PÈCHE l'exploitation des régions lointaines
i'est-à-dire, pour l'armement métropolitain : le centre de Terre-Neuve et le centre d'Islande.
I. CENTRE D'ISLANDE.
L'Armement à la Pêche d'Islande.
Le tableau suivant résume la situation de l'armement islandais dans ces dernières années.
(1) Par le Comraandiinl L BE»UGK.
1890.
1895.
1900.
1905.
1910.
D'autre part, voici la
guerre :
l'OJUERS
/0
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EFFECTIFS.
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h . 2 5 0
3.i8i
3.812
3.2.3o
progre ssion suivie depuis
.682
3/12
Hi
'12.3
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3 5 s
4.,
Afin
43(i
388
3?.8
k 2 2
/,77
4o8
5 0 3
/1/18
2
9 5
C1I.IJ.UTIKBS.
33
2 1
iS
3o
3/1
1
fi
1 2
15
a 9
i5
•'FBOTIFS
95/|
720
57i
. 182
.017
3,8
2 36
A73
5 A 0
i5(i
:! 99
19/1
S 0 0
50'i
.2 03
.012
(1-78

177 —
C'est donc depuis la guerre que l'Islande a commencé à être désertée par l'armement français.
La raison principale de cet abandon est la loi islandaise du 2 1 avril 1999 qui interdit aux
navires étrangers le ravitaillement des navires de pêche, le transbordement des produits de
pêche sur des «chasseurs», l'utilisation des fjords et des havres pour abriter les navires du
mauvais temps et leur permettre de travailler le poisson capturé en dehors des eaux territoriales.
Il faut joindre à ce motif capital la difficulté de poursuivre le poisson, en bien des cas,
sans posséder un matériel spécial, les «rouleaux ou diabolos» dont on garnit le bourrelet
du chalut pour passer les fonds durs sans accrocher. Enfin, il faut bien le reconnaître,
nos pêcheurs avaient pris la douce habitude de pénétrer dans les eaux territoriales
pendant l'absence du garde-pêche, et lorsque le gouvernement islandais posséda ties navires
suffisamment rapides pour poursuivre les délinquants, les amendes furent sévères.
Ces causes réunies ont amené un abandon qui ne semble pas prêt de cesser. L'intérêt
de la grande pêche s'est reporté sur Terre-Neuve.
On peut signaler toutefois que les excellents résultats obtenus par les chalutiers en
iq3o et iç)3i ont amené un plus grand nombre de navires à fréquenter ces parages les
années suivantes. Mais l'abondance de la morue sur les lieux est fonction d'un mouvement
de migration et de reproduction périodique et le retour de la phase déficitaire a
commencé à se faire sentir en 10,34 par la réduction des navires pêcheurs dans ces
eaux.
Ports d'Armement et Matériel.
Le tableau suivant résume la situation depuis i gs3 :
Voiliers.
rom-s. 1923 192/1 1925 1920 1927 1928 1929 1930 1931 1932 1933 193A
Dunkerque i i a a î ~ a a i i « «
Gra\eliiios îi is ii JO i o 10 n j 3 in î a 10 i o
Paimpol 4 5 (i 0 5 3 5 7 7 9 8 2
Cltalm H'rt.
Bordeaux a :: y a // :i 1: a 3 3 a 3
Boulogne 4 3) 3 4 n n 11 n a 3 a
Fécamp A 3 9 n, A 7 •> 7 « 1 13 8
Le Havre u // // // // 1 // 11 8 A o a
La Rochelle // // // a 11 « « :i 13 A s
En 193/i, les armements sont les suivants :
Gravelines 10 voil. moleur. J .553 tonnes. 9 ,5 hommes.
i voilier 3i3 — 38 —
Paimpol 1 voilier 81 — 2 fi
1 voil. moleui'. 187 — aO
Bordeaux 3 chalutiers .. •• 55C — 133 —
Boulogne a. chalutiers 1 167 80 —
Le Havre a chalutiers . . 1 .A87 — 81 —
Fécamp 8 chalutiers . . 6.846 — 384 —

- 178 -
Les Bateaux.
Chalutiers. — Les chalutiers qui fréquentent ('Islande appartiennent, tous à la ilotle Terre
Neuvienne. Nous verrons plus loin leurs caractéristiques.
Voiliers. — Les voiliers d'Islande sont de deux types : le type Gravelinois et le type Paimpolais.
I'"i;j. i 00. CiiC'lolli' :i Hunier.
Les navires de Gravelines sont des goélettes latines ou des dundees de i 80 tonnes de port
en lourd. La Paimpolaise (fig. J66) est une goélette de même tonnage moyen mais dont le
mat avant porte un hunier à rouleau. Elles sont plus fines que les autres et très bonnes marcheuses.
La construction est faite en chêne et orme; le pitchpin est réservé pour les œuvrer
mortes et les ponts. La mâture est en pitchpin, au moins dans ses parties principales.
La goélette, moyenne d'Islande (fig. 166) a 35 mètres de long, 7 m. 5o de large et à m. 5o
de tirant d'eau arrière en charge, 3 m. 30 devant. L'avant est réservé au poste, d'équipage
et aménagé en couchettes superposées. Le poste a environ huit mètres de long et possède de
chaque bord, huit couchettes superposées sur deux rangs. La cale est au centre et mesure
de 10 à 12 mètres de. long,puis viennent la cambuse et la chambre arrière. Le moteur est
généralement installé à la place d'une des cambuses sur l'avant du poste arrière.
La cale est divisée longitudinalement par des bardas mobiles qui empêchent le sel de se porter
d'un seul bord et de compromettre la stabilité à la mer.
Le pont porte une cabane qui abrite la cuisine et sert de logement au moteur du guindeau.
Le canot de sauvetage est unique et repose sur deux arc-boutants placés sur le couronnement.
Les Paimpolais possèdent,par contre,deux embarcations reposant sur des chantiers. L'équipage
est trof) nombreux pour prendre place dans ces canots. Actuellement les capitaines
réclament à leurs armateurs des doris comme les Terre-Neuvas pour l'amélioration de leurs
méthodes de pêche. Nous aurons l'occasion de revenir sur cette question. Il n'est pas douteux

-- 17!) -
que cette transformation |)ermettrait en même temps d'augmenter [es moyens rie sauvetage
qui sont bien précaires.
Si les goélettes de Painipol sont meilleures marcheuses, par contre les dundees (fig. iliy)
sont plus maniables, se manœuvrent avec moms de personnel, dérivent moms et tiennent
mieux la cape, par gros temps. Leurs qualités sont encore accentuées par l'adoption des
moteurs dont ce type de navires a été l'initiateur. Actuellement le moteur a passé à Paimpol
et Ion ne construit plus de voiliers islandais sans ce complément dont les marins ne \eulent
i'i;;'. 1(17. I 11 (liiiicti'i' j;r;n rhums . le -II1//1/ Fnrsyn.
Pl;m rlr HHIIIIT.
plus se passer, car il leur a rendu des services signalés pour se relever d'une cote où les poussait
la tempête, et pour se déplacer par calme.
Les premiers moteurs employés ont été ties moteurs à explosion, mais les risques d'incendie
et la nécessité d'augmenter la puissance trop faible des premiers modèles en service a conduit
l'armement à adopter généralement le moteur semi-Diesel, type Bolinders ou similaires. Un
moteur de i 5o chevaux parait sullisant pour une goélette de 180 tonnes de portée. Mais
cette puissance est rarement atteinte. Il est plus fréquent de rencontrer des moteurs de
100 chevaux. Leur fonctionnement donne satisfaction.
Un point à signaler, comme conséquence de la modification du matériel, c'est l'insullisance
actuelle des compas en service. On a conservé en effet le compas liquide de voilier en bois, qui
n'est pas compensé et ne s'y prête guère à cause de son emplacement. Et il est fréquent, que
le moteur placé à l'arrière, ou à son défaut le train d'embrayage situé juste au-dessous de la
boussole en faussent considérablement les indications. Ce détail secondaire acquiert une hnpor-

tance capitale lorsque les goélettes passent en ete au trroemand comme certaines d entre elles
prennent l'habitude de le faire depuis 1996. La faible force cléviatrice, l'amplitude considérable
de la déclinaison deviennent des causes d'erreurs qu'il est impossible de négliger. Une
rectification du matériel d'armement à ce point de vue s'impose.
Malgré quelques améliorations de rendement assez récentes et dues au passage de quelques
unités d'Islande au Groenland pendant l'été, il semble bien que l'armement des voiliers
islandais ne se maintient plus que par routine. Comme nous le verrons au rendement, il
entraîne un gaspillage d'hommes important par rapport aux engms industriels modernes et
ne se soutient pas. Il est d'ailleurs imperfectible. Sur ces petits navires, la place est extrêmement
limitée, l'habitabilité déplorable, les conditions de vie déplaisantes, l'utilisation des
sous-produits impossible. Avec son propulseur et son moteur de gumdeau, cet engin de capture
désuet semble avoir atteint la dernière limite de ses capacités d'adaptation au. modernisme.
Le Matériel de Pêche.
Le pêcheur islandais ne connaît que la ligne à mains. Comme le Terre-Neuva pendant le
premier tiers du xix" siècle, il recherche les accores des bancs par expérience, car il sait que
la morue y passe en remontant des grands fonds. Aussi est-il particulièrement favorisé lorsque
le vent fait dériver son navire dans le sens
des isobathes et non perpendiculairement.
Les hommes sont placés au vent le long de
la lisse sur laquelle ils placent un taepict de
bois dur nommé «mèque» (fig. 168). qui
sert à étabnguer la ligne. La ligne a 5 millimètres
de diamètre et une longueur de
5o à i5o brasses suivant les fonds. A l'extrémité
le plomb conique de 3 kiloer. 5oo
I' 1;;. I blS. Le tt Wt'ijun. ' ' . . L
est traversé par une barre de fer de 5o centimètres
de long nommée balancine. Aux
extrémités de la balancine, l'avançon de 1 m. 5o de long soutient un hameçon plombé
(fig. 169). La boette est indifférente. On utilise les entrailles d'oiseaux demer, la couenne
de lard, la viande salée; en été, sur la côte ouest, l'encornet donne et assure de fort belles
pêches. Le manque d'installations spéciales interdit l'usage des boettes fraîches d'une façon
continue. Le hareng salé n'est pas plus avantageux que les déchets de poisson. Et les
navires ne sont pas outillés pour garder le hareng frais, ce qui est une grosse infériorité seules
pêcheurs Danois ou Islandais. On s'en aperçoit particulièrement lorsqu'on pèche dans le
voisinage d'un concurrent mieux appâté. Le hareng fait le vide autour de lui comme le ferait
une suceuse. Il n'y en a que pour lui. A défaut de changement radical dans le procédé de
pèche de nos Islandais, il semble qu'au moins l'adoption d'un petit compartiment, d'une
simple armoire frigorifique renfermant du hareng frais s'impose comme une nécessité d'expé-

•— 181 —
nence que les progrès de l'industrie du froid permettraient de réaliser immédiatement et à peu
de frais.
Il en est une deuxième qui consisterait à adopter une innovation des Féringiens. Lorsque
la dérive est faible, on constate souvent que le grand nombre de lignes mises à l'eau à côté les
unes des autres semble chasser le poisson. Trois ou quatre lignes font de belles captures;
18 lignes ne prennent plus rien. Pour remédier à cet état de choses, les pêcheurs des Féroés
l''ij[. 1 (). Tiij'iios ;i hultini'iiT.
ont eu l'idée d'embarquer trois ou quatre doris qui dans les temps calmes s'écartent à quelques
centaines de mètres de la goélette et dérivent avec elle. La pêche est ainsi améliorée sensiblement.
Il est facile d'imiter cette tactique. Mais il est peu probable que le rendement soit augmenté
de façon à égaler celui de la pêche à la ligne de fond Terre-Neuvienne. Malheureusement
l'état de la mer, la soudaineté des coups de vent ne permettent pas de laisser les dons s'écarter
à longue distance du bord.

I r ij[. 171. (Relet te bretonne
i[inltunl son iriouillajje.
- 18-2
Kicj. i 711. Dumlees el (inrldlrs an monill.-im 1 à Rïlri\l'j

l'i,;. \ !'•'•,. Tniis-nii'ils en pèche sin 1rs coles d'lshindr
I''!;;-. 17"). (lorlello lii-cliinnr ra pècli
I'LAiNCHK Will.
\oiliers m pêche sur les coles d'Islande.
— 183
l''j(f. J 7/1. Lin dimdco jp-avelinois.
iff. 176. LVipiipajjT sur 1 le pont, d'un dundee «jravcliaojs.

— 184 —
Le Per inel.
Outre le capitaine, le second, deux lieutenants, le saleur, le cuisinier et le mousse, la goélette
i Paimpol compte 1 9 matelots, celle de Gravelmes 1 5. Il y a donc de 2 3 à s 6 hommes à bord.
Beaucoup de moteurs ayant moins de JOO chevaux, le
mécanicien est un simple marin titulaire du permis de
conduire. Au-dessus de 100 chevaux, il faut un mécanicien
pratique qui remplace un homme d'équipage.
A Gravelines, les hommes sont embarqués à la tâche.
Ils sont payés à tant par queue, de morue prise par eux.
En plus ils touchent des avances en partie à l'engagement,
en partie à l'embarquement. Ces sommes sont à
valoir sur les bénéfices de campagne. Enfin une petite
prime supplémentaire est donnée au moment de l'embarquement.
À Paimpol, on voit fonctionner concurremment avec
l'engagement à la morue une charte partie qui accorde
à l'équipage le tiers net de la vente des produits de pèche,
déduction faite des escomptes, commissions, frais de
courtage, pilotage, remorquage, déchargement, achat de
sel, frais du chasseur, assurances comprises, frais du navire
pour la livraison des produits de pêche, assurances
sur armement avances et pèche. Le tiers est réparti suivant
un barème de parts qui avantage les lieutenants de
I'IJ.;. 177. Dons de pi'clic ô TCLTP-NPUU' 10 p. 100, le second de 3o p. 100 et le capitaine de
n'apivs S»vt.l-iroor:k.
ào p. 100. En outre, dans ce mode de répartition
comme dans l'autre, le capitaine possède souvent des avantages supplémentaires qui lui
sont concédés par contrat secret avec son armateur. De même, il existe pour les hommes
un cadeau d'embarquement de plus en plus important qui dépasse souvent 3 et 4.000 francs
et que la marine et le rôle ignorent complètement. C'est un don personnel et différent pour
chaque homme. Le bon pêcheur s'achète par l'appât du denier à Dieu.
II. CENTRE DE TERRE-NEUVE.
L 'Armement.
Le tableau suivant résume la situation de l'armement terre-neuvas dans les dernières
années.

— 185 —
I;[.'M-:(;TIFS. CMAI.IJTIFIÏS. EI.-I-I-:I:T[FS.
Kl'FKCÎlFS.
i.3 i o
1.208
1.191
1.1 7 2
1.2 2 5
1.171
1.1/18
1.0 7 2
3.088
i.95/i
1.920
1.93 0
1.67/1
'•'99
1.35 g
1.2 b S
SAINT-IMIÏHIIK.
1890 i43 3.777 « 30 541 4.711
1895 i33 3.6oo 319 38o 4.686
1900 195 5.918 196 292 3.913
1905 316 6.734 101 38o 2.628
1910 2i5 6.098 17 520 52 382 i.58o
1913 235 6.820 i5 5i7 29 317 1.188
Voici d'autre part la progression suivie depuis la guerre.
J.NNKKS. VOll.lF.l'.S. EITE'.ITFS. Fit W.ljTIIiUS
1919 59 i.85i 38
1920 74 3.337 32
1921 100 3.207 3o
1922 m 3.495 28
1923 12O 3.980 29
192/1 129 4.o3/i 28
1925 125 3.868 27
1926 12.5 3.8/11 39
1927 100 3.109 4 7
1928 97 3.o8i 44
1929 89 2.871 43
1930 7/1 2.374 4.
1931 43 i.465 36
1932 53 1.098 27
1933 36 i.22i 3o
1934 39 1.109 s 8
DlIlllS S -1MKM1E.
3/1/4
296
3oo
2/11
3.3 1
235
277
a fi 3
EFFECTIF
Après une progression marquée dans les armements de voiliers de 1919 à 19p.d, aucun
navire nouveau n'a été mis en chantier et l'élimination progressive des bâtiments anciens
a réduit peu à peu l'armement. Les mauvaises années traversées par la pêche à Terre-Neuve
depuis 1927 ont lassé les armateurs. Les capitaux se détournent d'entreprises qui ne sont
plus rémunératrices. La découverte de fonds de pêche excellents au Groenland semble devoir
être sans effet sur l'armement malouin qui fournit le contingent principal de voiliers. On
manque même de l'argent nécessaire pour transformer les unités existantes et les adapter aux
besoins reconnus de la pèche moderne. Par contre, les armements de chalutiers ont beaucoup
augmenté dans les années 192/181927 et l'effet des constructions neuves, entreprises pendant
les excellentes années 193/1, 1925, 1926, s'est produit au moment où la pêche traversait
sa crise périodique. Il est à prévoir que les enseignements récents de l'océanographie viendront
corriger à l'avenir ces armements à contre-temps, comme l'exploitation du Groenland viendra
apporter à l'armement son correctif naturel dans les années mauvaises de Terre-Neuve. Et
déjà, on entrevoit depuis 1980, de la part de compagnies nouvelles en formation et de la part
de celles que leur situation financière mettait à l'abri des années mauvaises, une transformation
du matériel qui permettra de continuer l'exploitation de la pêche aux cordes sur de nouvelles
bases et d'utiliser un personnel excellent qui ne demande que des moyens modernes pour
continuer à servir. Nous étudierons cette question à propos du matériel et des engins de
pêche.
Ot'FICE 1>ES LÈCHES MARITIMES. MEM. N° 10. 12
688
59 2
600
48a
462
/170
55/4
534

— 186 —
Ports d'Armement et Matériel.
Le tableau suivant résume la situation depuis 1993.
poms. 1923
Arcachon 3
Bordeaux à
Boulogne à
Fécamp n
Le Havre ' a
Rochefort à
Sainl-Malo 1
Granville /<
La Rochelle
Saint-iVazaire
ToiAi 2 g
1924
3
A
3
1 0
â
2
n
n
1925
3
4
a
10
•
l\
à
n
1926
3
4
a
l 7
3
4
6
Chalutiers
1927
2
10
//
18
3
a
9
1
1928
3
11
//
16
••
II
9
'2
1
1929
2
i4
n
16
•2
II
5
1930
1
5
a
30
3
II
6
2
8
193
98 a 9 44 à 2 45* 37*
KoîYi'ers.
1
3
i
9
2
11
6
1
1/1
1932 1933
2
3
II
18
2
a
3
//
6
193
2
4
1!
l 7
2
n
3
II
II
3/1* 28*
POUTS. 1923 192/1 1925 1926 1927 1928 1929 1930 1931 1932 1933 1934
Dahouet 1 1 1 1 " » ' " " " " "
Fécamp 18 19 16 16 11 12 n 6 2 2 1 1
Granville 8 9 9 9 6 6 7 3 3 3 2 / /
La Rochelle 3 2 3 3 1 1 // » 3 // // //
Lorient 3 3 3 3 1 « » n n 11 // //
Paimpol 5 h a 2 // « » " » » » "
Salnt-Malo 88 90 90 90 77 7b 69 63 35 47 3i 3o
Binic 11 1 1 1 1. « « » « a » »
Bordeaux 11 n « " 3 3 2 2 // 1 2 1
TOTAL 126 12g 126 126 100 97 89 74 43 53 36 3a
En 1 98.4, les armements sont les suivants :
Arcachon 2 chalutiers. *-g4g tonnes brutes. 97 hommes.
Bordeaux 4 chalutiers. 3-756 — 181 —
1 voilier . . . 267 28
Fécamp 17 chalutiers. 16.422 762
1 voilier . . . 786 5a
Le Havre .'. 2 chalutiers. 1.487 ^°
Saint-Malo 3 chalutiers. 2.685 i45
30 voiliers .. 10.919 1.029 —
TOTAUX 60 navires. 38.271 tonnes brutes. •2.36â hommes.
* Y compris les chalutiers faisant une demi-campagne en Islande.

— 187 —
Chalutiers. — Les tonnages des chalutiers sont répartis de la façon suivante
Saint-Malo
3oo
//
a
/IOO 1
" i
:l
5oo
;
i
6 0 0
:
3
i
à
700
PI
a
0
1
//
1
h
us tie
800
1
//
//
1
0
900
//
H
3
//
•>
5
1.000
1
i
//
//
h
1.100 tonnes.
1 1 1 1 1
8 -
La comparaison des armements par port a une très grosse importance pour se rendre
compte de l'évolution des idées.
Les navires de moins de 700 tonnes sont anciens et datent de 1 91 h à 1993. Ils sont considérés
comme trop petits actuellement pour avoir un rendement convenable. Il faut en effet tenir
compte de la nécessité de se rendre à plus de 9.000 milles de la base d'armement pour travailler.
Cette considération, jointe au désir de toucher le moins possible à Saint-Pierre et
Miquelon pour ravitaillement et déchargement en cours de campagne, a conduit à augmenter
considérablement le tonnage des chalutiers de grande pèche. Les forts tonnages actuellement
en service peuvent faire illusion sur la puissance de la flotte qu'ils constituent. En réalité, ils
constituent une charge très lourde et une cause de faiblesse derendement indiscutables. Lne
1'"IJ;. 178. Le plus jfrand chalutier du monde, lo chalutier français «Julhittl».
I.ili'jrciij' lien's (nul : S m. $.i rin. I'ornmsn'' : i.soo Ionui's.
seule chose les justifie jusqu'à un certain point : la situation excentrique et mauvaise de la
France par rapport aux centres de pêche. Le premier bond d'accroissement a amené les navires
à un tonnage de 800 à 900 tonnes où il semble bien que soit rajuste mesure. Les armements
les plus anciens, comme celui de Fécamp entre autres, se sont gardés jusqu'en 1 g3 a d'accroître
outre mesure la dimension des navires. Il y a à cela deux, raisons : un gros chalutier ne peut
pêcher plus qu'un petit car le chalut qui sert à tous ne saurait être augmenté sans être impos-

— 188 —
sible à manœuvrer. Même avec des traits d'une heure et demie la quantité de poisson est souvent
telle que les mailles ne résistent plus à l'elTort de traction du relevage. On ne saurait
accroître la capacité de l'engin sans commettre une grosse faute de principe car un gréément
est d'autant plus péchant qu'il est plus fin. Il y a donc une limite à garder entre la résistance
et la finesse. Mais, le gros chalutier dépense beaucoup plus et le combustible représente une
part considérable (70 p. 100) des frais généraux. Le gros navire est donc un poids mort. De
plus, la place supplémentaire entraîne à embarquer un personnel plus nombreux qui peut
être justifié en certains cas d'abondance extraordinaire de poisson, mais qui devient un
encombrement gênant en cas de disette de pêche et qui provoque, au moment de la liquidation
des comptes, la diminution du quantum des parts. À tous points de vue l'augmentation de
tonnage et surtout l'augmentation de personnel est donc déplorable. Cependant les armements
nouveaux se sont lancés dans cette voie et l'on peut constater l'apparition en io,3o
de â navires de 1.178 et 1 de 1.017 tonnes, en 193 1 de 1 navire de 927 tonnes, en 1 g32 de
1 navire de 1.160 tonnes, en IQ33 de 9 de 1 1 à 1.900 tonnes, en 1934, de 1 navire de
1.160 tonnes. Il est permis de se demander si c'est vraiment là une heureuse solution de la
question qui se pose à des armateurs éloignés de leur champ d'action et s'il n'eut pas été d'un
rendement très supérieur, pour une exploitation rationnelle, d'imiter le groupe industriel
moderne de la pêche à la baleine, en séparant, somme toute, l'engin de transport ou de stockage
et l'engin de pêche proprement dit.
Le navire de 1.000 tonnes de jauge brute déplace 2.000 tonnes, il a 70 mètres de longueur,
10 m. 5o de large, 6 mètres de tirant d'eau. Sa cale peut contenir 700 tonnes de morue. Sa
machine de 1.200 chevaux consomme 12 tonnes de mazout ou 18 tonnes de charbon. Il a
60 hommes d'équipage. La question de l'allongement du chalutier est d'abord un problème
de tactique ou d'organisation générale. Convient-il ou non de faire passer le navire à Saint-
Pierre et de décharger en cours de campagne ? Est-il préférable au contraire de couper la
campagne, ce qui permet de l'allonger, et de rapporter en France chaque chargement ?
Dans ce cas, il est évident qu'il y a intérêt à ne pas exagérer le nombre des rentrées en France
qui constituent une période de manque à gagner. On est alors conduit à construire des navires
portant soit la moitié, soit le tiers de la production totale moyenne de campagne qui depuis
la guerre oscille entre 20.000 et 3o.ooo quintaux par chalutier. Le chalutier type devra donc
porter 1 S.ooo ou au minimum, pour trois voyages 9 à 10.000 quintaux. C'est cette considération
qui l'emporte dans le choix des navires nouveaux.
Le moteur Diesel permet de diminuer l'encombrement et le poids. La machine de cargo
pèse de i5o à 180 kilogrammes par cheval et le Diesel ne dépasse pas 100 kilogrammes, ce
qui pour un moteur de 1.200 chevaux représente 100 tonnes de bénéfice. En outre, il y a une
grosse différence de consommation. La chaudière à mazout brûle 8 tonnes par jour en marche
sur les Bancs, pendant le travail. On est obligé en effet de la maintenir en pression pendant
les stoppages qui représentent un minimum de 8 heures par jour. Avec le moteur, il y a arrêt
complet de consommation pendant ce temps. La consommation tombe à moins de 2 tonnes
pendant les mêmes 2â heures. Malheureusement la mise en marche du grand treuil de pêche,
des auxiliaires et la fabrication d'huile de foies nécessitent une petite chaudière auxiliaire, qui,
en principe, doit marcher avec les gaz d'échappement du moteur, mais qui, pratiquement, doit
donner son effort principal pendant les stoppages et est alors alimentée au mazout. La consom-

— 189
ination monte alors à près de à tonnes par 9J1 heures. C'est une économie de 5o p. 100 sur
le combustible ou une augmentation du double du rayon d'action.
Depuis 1 980, les chalutiers mis en service sont tous à moteur. Pour éviter une consommation
exagérée de mazout avec une chaudière auxiliaire on a muni ces navires de treuils électriques.
Le rayon d'action, la portée utile des navires a beaucoup augmenté ; mais, la fréquence des
l''i;;. 179. Trois \lnls (iorlcllr.
manœuvres, les grandes variations d'allure rendent l'utilisation du moteur au chalutage très
discutable pour les unités de cette importance. Pour la pêche fraîche, il semble que les avantages
l'emportent sur les inconvénients. Pour les navires de forts tonnages destinés aux croisières
lointaines, il ne semble pas que la solution adoptée soit sans reproches.
Il est vrai d'ajouter que la machine à vapeur se défend. Sur les chalutiers, la fréquence des
manœuvres nécessite l'emploi de la machine à triple expansion desservie par une chaudière
cylindrique. L'utilisation de réchauffeurs spéciaux et d'organes de distribution asséchant la
vapeur a permis de réaliser une économie de 3o p. 1 00 de consommation sur les navires actuellement
en service.
Le chalutier plus grand est également un peu plus confortable comme logements. La seule
critique à lui faire est qu'on l'a agrandi homothétiquement, sans tenir compte des modifications
apportées dans la stabilité et dans l'assiette. Le rayon métacentrique est trop grand
et il en résulte des roulis exagérés et de période trop courte, d'où synchronisme trop fréquent
avec les périodes de la houle. En outre, il n'a pas "toujours été tenu compte de la répartition
des poids. Il est nécessaire de ménager une cale soute à l'avant de la cale à poisson pour
conserver l'assiette en cours de chargement et éviter les mises sur le nez. Il est nécessaire de
OÏFICE CES l'ECUES MARITIMES. - MEM. jV 10. 1 2 I

— 190 —
renforcer la coque iongitudinalement et transversalement au centre, pour éviter la déchirure
des tôles à la suite de porte-à-faux par grosse mer. Les dernières unités en service ont su
corriger ce dernier défaut.
Voiliers. --
Les tonnages des voiliers sont répartis comme suit :
Saiul-iMalo
y oo
î
//
k
5
3 0 0
//
Û 9
a a
/loo
/'
3
3
Plus de
5oo
//
//
,
Goo
//
a
il
700
//
1
//
1
900 lonnrs.
// •—•
// —
1 —
i —
À l'exception de deux navires nouveaux qui sont des bâtiments à moteurs, l'armement des
voiliers est compris entre 200 et Aoo tonnes de jauge brute. Les navires sont de trois types :
le trois-mâts goélette (fig. 1 79), c'est-à-dire portant un phare carré devant, le trois-mâts hunier
qui porte au moins une misaine et un double hunier au mât de misaine, le trois mâts latin
qui n'a que des voiles auriques. Ces derniers sont achetés à l'étranger, Canada ou Portugal.
On les transforme presque toujours en leur adjoignant une misaine de fortune. Enfin quatre
navires récents sont à quatre mâts sans que leur tonnage soit pour cela plus important.
*
F if. 180. TJO Trois-AIàl.s Goelt'lU 1 créV/l. Louis Hiclianh.
Le tonnage des navires sensiblement inférieur avant la guerre a été augmenté pour permettre
aux navires de faire toute la campagne sans relâcher à Saint-Pierre, sauf cas urgent d'avaries
ou de maladie. Un bâtiment de 35o tonnes peut porter 8.000 quintaux de morue. Les équipages
sont calculés pour permettre le travail de la quantité de poisson que doit porter le
navire.

I''ijj. 181. Une uijj'iie sur le lianr île Tene-Xeiive.
Pig. 183. Voilier sur le Rauc fie Terre-Neuve.
1>U\CHE XIX.
La pêche à voiles sur le banc de Terre-Neuve.
I
Fii;'. 18s. l'n niorulier sur le liane.
M;f. -Î8/I. Vn (Inns en pèche.

— 192
Les voiliers sont aménagés sur le même modèle que les goélettes islandaises que nous avons
décrites. Ils sont tout aussi inconfortables, humides, empoisonnés par le sel et malpropres.
Tous sont construits en bois. Les chantiers français emploient le chêne et l'orme. Les navires
de l'étranger sont souvent en simple sapin d'une durée beaucoup moindre. A l'heure actuelle,
les chantiers ont cessé de construire depuis dix ans; les approvisionnements en bois n'existent
plus. Cette construction a vécu.
La seule modernisation du matériel des voiliers Terre-Neuvas consiste dans la transformation
du guindeau à moteur, au lieu de l'appareil à brinqueballes qui nécessitait de sept à huit heures
de travail pour un appareillage. Quelques-uns sont également munis de la T. S. F.
Enfin, on voit apparaître un nouveau type de navire beaucoup plus grand que les précédents,
de 6 à 800 tonnes de jauge, c'est-à-dire 3 à A fois plus fort. Celui-ci possède un moteur, une
chambre frigorifique, un moteur de guindeau, une pompe à moteur. Il est en fer. Le confort
augmente sensiblement. (Fig. 180.]
Si le tonnage du chalutier ne nous semble pas devoir augmenter sans inconvénients, par
contre, il n'y a aucune limite à l'accroissement du tonnage du voilier, qui est un porteur et non
un pêcheur. Les pêcheurs travaillent autour du bord en cloris. Le voilier est un magasin et
un atelier. La conception ainsi comprise se justifie parfaitement car il existe bien des endroits
comme nous le verrons où la pêche est impraticable aux chaluts et ne peut être faite qu'aux cordes
ou à la rigueur aux filets fixes.
Matériel de Pêche.
Tous les vapeurs chalutent avec l'engin Dahl plus ou moins perfectionné suivant les goûts
du capitaine. C'est un chalut de à8 mètres de bourrelet, dont la corde de dos est lestée d'un
nombre variable de boules de verre, en moyenne au nombre de 180. L'état des fonds de pêche
fréquentés dispense d'employer
le rouleau qui sert sur les fonds
durs d'Islande. Cependant l'usage
des diabolos s'est beaucoup
répandu depuis ip,3o, les navires
fréquentant des fonds très
durs au Groenland et en mer de
Barents. (Fig. 1 85.) Tous les
navires sont installés pour travailler
des deux bords, mais le
chalutage se fait presque exclusivement
par tribord, position
rendue plus favorable par le pas
de l'hélice. Les traits sont en
l'ijf. i85. IJoum'li'l di" CluiluL irarni de tt bubiiics'i ou rdlabolos^
général de 2 heures. Le relevage
dure une demi-heure à une heure suivant la profondeur et la quantité de poisson capturée.
Le treuil de pêche est placé en travers sous la passerelle. La manœuvre est classique et ne
présente rien de particulier. Les parcs à travailler le poisson sont situés sur le pont avant. A

— 193
tribord et à bâbord courent deux barrières de bois sur lesquelles sont posées les tables de
tranchage et entre lesquelles passent les cables. On monte ordinairement cinq tables sur les
grands chalutiers. Toutes ne sont pas garnies, car lorsque le poisson donne médiocrement on
ne fait travailler que deux tiers du personnel. Un trancheur occupe un mousse laveur, un
novice décodeur et trois matelots piqueurs. Plusieurs chalutiers de moins de 600 tonnes ont
un équipage insuffisant pour former deux équipes. Le travail est interrompu pendant cinq
heures par nuit. Sur les derniers modèles, le travail est continu. L'augmentation de rendement
obtenue par ce moyen est assez faible (i5 à 20 p. 100). En effet, on s'aperçoit rapidement
que le poisson cesse de donner pendant une période de jour ou de nuit qui se maintient
plusieurs semaines de suite avec un certain régime hydrologique. L'accroissement de personnel
n'est donc pas très avantageuse et nuit naturellement au décompte des parts, de telle sorte
qu'il arrive à ne plus être suffisamment rémunéré. Les hommes montrent cependant un
certain engouement pour les chalutiers et passent volontiers sur ces navires qui leur assurent
un peu plus de confort et moins de risques que les voiliers.
Les voiliers emploient tous le doris, dont le nombre varie avec les dimensions des navires.
Les plus petits ont sept doris ; les plus grands: dix-huit. Chaque doris est monté par deux hommes
qui mouillent de 10 à 3o pièces suivant la quantité de boette dont ils disposent et le
rendement de la pèche. Les lignes ont 133 mètres de long et portent 70 hameçons fixés au
bout d'une greffe nommée empile ou avançon (Fig. 186).
I'i;j. iS(i. Les lignes de fond pour la [icclic de la morue à Terre-iNeuve.
La boette employée varie avec les saisons. Depuis 1885, date où le «Bait Bill» interdit aux
sujets Terre-Neuviens le commerce de la boette, les pêcheurs français utilisent le Bulot, un
Gastéropode que l'on trouve en abondance dans certains parages bien connus des pêcheurs.
Le Bulot se pêche avec la chaudrette, une sorte de haveneau monté sur un cercle de fer que l'on
appâte avec des têtes de morue et au début de la campagne avec de la viande de cheval conservée
dans le sel. Il faut distraire deux doris soit quatre hommes sur 34 pour le service de la
boette. Si l'on calculait le prix de revient de cette boette qui va du sixième au neuvième du rendement
de la pêche, il est certain que les armateurs auraient intérêt à hoëtter les cordes avec
de la boette congelée conservée dans un petit local frigorifique. L'essai tenté, il y a bien des
années par trois Fécampois avait échoué par insuffisance de puissance frigorifique, mais il a
parfaitement réussi à bord des grands voiliers à moteurs nouvellement apparus sur les bancs
et d'un navire cordicr à vapeur qui semble une excellente réalisation du problème, avec sa
chambre froide et ses doris à moteur.

— 194 —
En été, on peut boëtter les pièces au Capelan, petit Salmonidé très abondant surtout dans
les parages de Saint-Pierre; et avec Y Encornet, Céphalopode qui apparaît sur les Bancs en
juillet, années moyennes, et se montre particulièrement avantageux. Toutes ces boettes, salées,
ne valent absolument rien comme appât, à l'exception de l'Encornet qui garde assez longtemps
ses propriétés. Elles ne sont bonnes que fraîches, ce qui assure une grande supériorité aux
navires qui possèdent une chambre froide.
Le boëttage des cordes se fait l'après-midi de deux heures à quatre heures; puis les pêcheurs
partent mouiller leurs lignes dans l'aire de vent que le sort leur désigne et qui varie suivant un roulement
fixé d'avance. Le relevage se fait à trois heures du matin. Le travail du poisson commence
sans désemparer et se poursuit souvent assez tard dans la soirée, lorsque le poisson donne.
Il y a en général deux trancheurs sur un voilier, le capitaine et le second. Là aussi, une modification
s'imposerait pour moderniser ce mode de travail. Il est certain que l'armement verrait
le rendement augmenter si les pêcheurs, personnel spécialisé, dilïicile à recruter, ne faisaient
que la pêche et si le travail du poisson était exécuté par une équipe de trancheurs et de graviers,
comme au temps où la pèche se faisait dans les baies du Treaty-Shore. En ce cas, il serait
possible de pratiquer ce qu'on appelle le xpaumoyage», c'est-à-dire le relevage, le reboëttage
et le remouillage immédiat des pièces que l'on visiterait deux et trois fois dans les vingt-quatre
heures.
Le « Trealy-Shorev, autrement dit le «French Shore», est la partie delà côte occidentale et septentrionale
de Terre-Neuve, où la France gardait depuis le traité d'I.itrecht le privilège exclusif
de la pêche. Jusqu'en ip,o5 les navires malouins conservèrent l'habitude d'y pécher pendant
une partie de l'année. Les navires, montés par un grand personnel, se rendaient dans une haie
désignée avant l'armement à l'Inscription Maritime de Fécamp et de Saint-Malo. Les charpentiers
organisaient des «cliauffauds» ou installations de séchage et de couchage pour le personnel.
On péchait en chaloupe, soit aux cordes, soit à la ligne à main, soit à la senne au rivage.
Les dernières années peu favorables, pendant que la pêche du Banc était fructueuse, et les
agissements tatillons des Terre-Neuviens firent abandonner cette pêche. Les accords de 1 qo4
enlevèrent à la France le privilège de l'exclusivité. Pratiquement notre droit reste sans emploi
depuis cette époque, mais il subsiste et il suffirait d'un mode de gréément spécial, entre autre
de l'adoption de la boette congelée, que possèdent les seules unités mises en service depuis
1925 pour qu'il soit facile de le reprendre avantageusement dans certaines années défavorables
sur le Grand Banc.
Les petits pêcheurs de Saint-Pierre-Miquelon arment encore 2 5 0 «Warysv ou doris à moteurs
montés par deux hommes. Ils pratiquent exclusivement la pêche à main. Ces engins, d'un rayon
d'action très limité, sont d'un rendement médiocre. Il serait beaucoup plus avantageux pour les
pêcheurs, avec une installation frigorifique convenable, de spécialiser leur activité à la capture
de la boette, en particulier de l'Encornet et du Hareng qui foisonnent à certaines époques. Les
navires du Banc trouveraient alors la boette fraîche sur place au lieu d'être obligés de l'apporter
de France ou de se la voir refuser par les ports canadiens ou terre-neuviens. Mais il faudrait,
pour cela, rompre avec des habitudes ancestrales et vaincre un individualisme qui comprend
fort mal l'utilité de l'association et de la discipline.

— 193 —
Le Personnel.
Le plus petit chalutier possède 36 hommes d'équipage; le plus grand 5a. Tous comprennent
comme personnel mécanicien, un chef, deux mécaniciens, trois chauffeurs. Les charbonniers
ont en plus un soutier. Quelques-uns ont trois mécaniciens. L'état-major de pont comprend
le capitaine, le second, deux lieutenants ramendeurs et trancheurs, un treuilliste ou
deux, deux saleurs. Si l'on défalque deux cuisiniers boulangers et deux mousses de cuisine,
il reste de 18 à 34 hommes pour le service de la pêche. C'est donc de trois à six groupes de
tranchage que l'on peut constituer, puisqu'un groupe de tranchage, comme nous l'avons vu,
comprend 5 à 6 hommes.
Ce personnel est excellent. Si l'on voulait marquer une nuance, on signalerait plus d'endurance
et de ténacité chez les Normands, plus de hardiesse et d'initiative chez les Malouins.
Les capitaines connaissent admirablement les lieux et leur métier; on ne peut que leur souhaiter
le léger bagage de connaissances océanographiques dont l'utilité est incontestable.
Les voiliers ont de a 3 à 39 hommes à l'exception des navires à moteur qui en comptent
5?,. Si l'on excepte capitaine, second, cuisinier mousse, saleur et novice, il reste de 17 a
33 hommes pour la pèche, c'est-à-dire de huit à seize doris. C'est un personnel d'élite dont
la bravoure, la force physique, la résistance aux fatigues est légendaire et le mérite. On remarque
toutefois, chez les jeunes, peu d'empressement à embrasser ce métier, malgré le revenu
qu'il assure aux bons pêcheurs. La sécurité du chalutier, le confort relatif luttent avantageusement
contre les avantages pécuniaires qui varient du simple au double et davantage. 11
sera nécessaire, pour conserver ces hommes, d'améliorer et de moderniser le navire de pêche
sédentaire. Le remède est dans l'adoption du navire central à moteur ou du cargo à vapeur,
muni d'une chambre froide et possédant, avec le chauffage central, l'eau et la lumière, des
locaux plus habitables et plus sains. La pêche se ferait, non plus avec des doris à bras qui l'ont
perdre un temps précieux en va-et-vient, mais avec des warys à moteur, comme ceux des Miquelonnais,
installés au-dessus du pont sur des chantiers, hissés et amenés au treuil (1) .
Le règlement des comptes se fait à la part. Sur les chalutiers le personnel prélève sop. 1 00
du brut, le capitaine possède un contrat spécial qui lui assure 5 p. 100, le chef mécanicien
a p. 100 des produits de vente. Sur les voiliers, le quart de la vente est à l'équipage. Le capitaine,
rémunéré à part, a bien souvent 8 et même 1 0 p. 100. De plus les hommes sont recrutés
par l'appât d'un denier à Dieu qui dans les dernières années montait à 3.000 francs. Cette
dernière concession, jointe aux avances assez élevées, grève lourdement l'armement et tarit
le recrutement. Aussi, la plupart des voiliers n'ont-ils plus l'équipage qui. leur revient normalement.
Cependant l'exemple de la facilité de recrutement des équipages de voiliers à moteur
prouve surabondamment que l'on peut encore trouver des hommes et d'excellents si on les
attire par la perspective d'une installation modernisée dont ils comprennent aisément tous les
avantages.
Le premier pas dans celle voie i'ut l'ail, eu iy3o pai: le Mulhouse, vapeur de 1.800 tonnes de portée.

— 196 —
l*'i \ 187. Un iceben;- sur lr liane de Torn'-Ncuvo.

197
TABLE DES FIGURES.
L La Dreige. La pèche à la dreige a o
a — Le bâtiment et sa grand voile 3 o
3 — Le bourset et son gréement ai
à La Grande Aissaugue ai
5 Le Gangui et le Gangui bœuf a a
6 Le filet tartane a h
~l Sorte de drague nommée «chalut.» en Bretagne a5
8 Bateau à voile traînant une chausse ah
g Deux anciens modèles de dragues ou chaluts à perche a6
i o Le chalut à perche 37
11 Les patins ou étriers du chalut à perche actuel 37
1 9 Un des premiers modèles de panneau t-otter board» ag
t3 Chalut à plateaux 3o
1/1 Un plateau de chalut moderne 3o
i5 Schémas d'un chalutier à vapeur montrant l'« Otter Trawl n en pêche 3 1
16 à 19 Diverses opérations de la mise à l'eau et de la relève du chalut (Planclù I) 3a
ao Le chalut V. D 33
2 1 Chalutier à voiles utilisant le chalut à perche 3a
23 à a5 Quelques types de chalutiers à voiles (Planche II) 36
26 Chalutiers à voiles. La potence arrière, la perche et son patin 'À~j
27 à 29 Quelques types de chalutiers à moteur utilisant le chalut à plateaux (Planche III) 38
30 Un des premiers types de chalutier à vapeur employant encore le chalut à perche 4o
31 lu chalutier à vapeur : 1' isie. Type d'avant 19 1 à 4 1
3a l n chalutier moderne de pèche hauturière : Type Mersey âa
33 Un chalutier à vapeur faisant la grande pêche à Terre-Neuve 4 3
34 Le xMarcelhn. Chalutier à moteur de Grande Pèche 45
3 5 Les plans du rr Marcello » 4 8
36 La flotte de pêche française J0
87 Pèche du Hareng. Un « drifter» en pèche 5 1
38 Un Hulk faisant la pêche du hareng 53
3g à h a Types de harenguiers à voile et drifter moderne (Planche IV) 55
43 Schéma du chalutier harenguier « Océanien 57
44 Lieux et époques de pèche du hareng ao,
-45-46 La saison de pêche dans un grand port harenguier. Boulogne (Planche V) 60
47 Détails d'un filet à Hareng ou t-Boie» G a
48 Disposition de la tésure ou et train de pêche» 63
4g Les différents montages employés en Mer du Nord 63
5o La relève des illets à bord d'un drifter '»o
5 1 Le Banc des Nymphes et la fosse de chalutage des Smalls 68
52 Les fonds de pêche du RTondyke au Nord de l'Irlande 68
53 Les fonds de chalutage du Hareng en Mer du Nord 6g
5/i Le chalut à Hareng 7°
55 Dispositifs actuels de chalutage du Hareng et du Maquereau 71
56 Modèle de chalut français avec cerfs volants 7a
57 Le chalut à l'étalage 7 J
58 Un trait de chalut à la pèche du Hareng "-'
5g Mise du hareng en caisses à bord d'un chalutier 70
60 Harengs mis en barils à bord d'un chalutier 70

— 198 —
0 t La pèche du Maquereau au manet au xvm' siècle 78
62 Lieux de pêche du Maquereau à l'entrée occidentale de la Manche 80
63 Disposition du train de pêche pour la pèche du Maquereau 82
Gâ Mise à l'eau des filets à bord d'un drifter boulonnais 83
65 à 68 Drifters bretons faisant la pêche du Maquereau. Séchage des filets (Planche VI) 84
69 La pèche du Maquereau à la traîne 88
70 Un grappin 89
7 1 Turluttes pour la pèche du Maquereau g0
72 Epuisettc pour la pèche du Maquereau uo
73 La pèche à la Sardine en Bretagne r)/i
7 / i Les centres d'armement pour la pêche de la Sardine en France 0,7
75 \oles ou biscayennes faisant au xvn'' siècle la pêche de la Sardine 08
76 Premier type de chaloupe pontée aux Sables-d'OIonne en i83 7 qg
77 Canot de sardine des Sables-d'OIonne. Type de .1870 ()9
78 à 8 1 Types de barques bretonnes faisant la pèche de la Sardine (Planche VII) roi
83 Les nouvelles pinasses de pèches à moteur du bassin d'Arcachon 102
83 Pinasse à moteur pour la pèche de la Sardine 10H
8/1 Une chaloupe sardinière lnty
8 5 La Pêche aux filets droits x 0 5
86 à 88 Pèche de la Sardine et entrelien des filets (Planche VIII) 106
89 La pèche de la Sardine à Arcachon 108
90 La sennes Guézennec -, 0q
9 1 Le Bolinche , ( 0
92 Mode d'armature du filet tournant dit «Bolinche v j. t,
93 La manœuvre du filet Bolinche H l
g^-gS Manœuvre du filet tournant (Planche IX) ! L3
96 Le Germon 1 Lg
97 Armement des thonniers à Croix (Planche X) lic.
f)8 Thonnier avec ses tangons relevés (Planche X) un
99 Thonnier en pèche (Planche X) l tX
1 0 1 Débarquement du Thon à Concarneau (Planche X) , , ,*•
102 Pèche du Thon (Germon) i.,,0
1 o3 à 107 Les lieux de pèche du Germon (Planche XI) l.,.,
1 08 Thonnier à vapeur de Saint-.fean-de-Luz , .,/,
10g La pèche aux Homards l9n
1 1 0 à ( 1 3 Bateaux langoustiers (Planche XII) x .,„
1 1 â à 117 Casiers et tramai Is pour la pèche des Crustacés (Planche XIII) 13 \
118 Un tramai! pour la pèche de la Langouste ,3,
i 19 Filet langoustier l§.)
1 2 0 à 12 2 La pèche à la Crevette 1 3 3-13 4
12 3 à 1 2 5 Viviers.à crustacés (Planche XIV] _, ;;5
126 Principaux lieux de pèche de la Langoustine 137
1 27-1 28 Dragueurs de Langoustine au Guilvinec j 38
12g L'heureux Pécheur l/|n
130 Libouret ou pater noster x/u
131 Balance , •>
ida Lieux de pêche des Cordiers en Manche et en Mer du iVord ,45
i33 La pêche aux cordes. Disposition du train de pèche j/jfi
13h Un cordier à vapeur / o
i35 Disposition des avançons sur les palangres !/,,,
136 Bas Parc à mi-marée r.,,
1 3 7 Pêcherie fixe. Vue extérieure, la nasse terminale ! 5 3
138 Pêcherie fixe. Vue intérieure l y,
1 3 g Un Haut-Parc 1 g g
i à 0 Un verveux tendu avec ses ailes t 5p,
1 4 1 Détails du verveux r(;
i4â Filet à Rouget Barbet 5g

— 199 —
143 Rets à bouées i 5g
i44 Filet à Meuils : 160
r45 Détails d'une senne ordinaire i6 î
î 4 G Manœuvre de la senne le long du rivage 161
i^7 Le halage des bras de la senne 169
L48 Le fond de la senne est ramené à terre 162
i4g-i5o La pèche des Civelles J G A -16 5
1 5 1 Un dragueur de coquilles de Porl-en-Bessin 105
L 5 o Schéma de la drague à coquilles 1 56
1 53 Le râteau de la drague à coquilles Saint-Jacques 167
1 54 Schéma d'un dragueur en pèche 167
t 55-i 50 Drague à pétoncles, a. Vue par dessous; h. Vue de trois-quarts (Planrlie XV) 169
1 57 Drague à pétoncles pour fonds de vase (Planche XV) 169
1.58 Une nasse à anguilles 171
159 Cibaudière déployée à marée haute (Planche XVI) 179
r Go Grand haveneau (Planche XVI) 17a
1G 1 Filet haut parc pour la pêche du Hareng (Planche XVI) 179
[ G9 Un petit carrelet ou balance (Planche XVI) 179
1 63 Un grand carrelet ou échiquier (Planche XVI) 179
r 6/1 Foènes (Planclte XVI) 179
1 65 Dundee en pêche en Islande 176
r 66 Goélette à hunier 178
j G7 Un dundee graveliuois. Le «Willy Fursy-n. Plan de voilure 17g
L 6 8 Le c' mèq ue ^ 180
169 Lignes à balancier 181
170 à 17G Voiliers en pèche sur les côtes d'Islande (Planches XVIJ et. XVIII) 1 8?2-183
177 Doris de pèche à Terre-Neuve 184
1 78 Le « Jutland JI. Chalutier moderne 187
17g Trois mâts goélette 189
180 Le trois-màts goélette Commandant Louis-Richard 190
1 8 î à 184 La pêche à voiles sur les bancs de Terre-Neuve (Planche XIX) 191
1 85 Bourrelet de chalut garni de «diabolos^ ig9
186 Les lignes de fond pour la pèche de la .Morue à Terre-Neuve 1 g3
187 Un iceberg sur le Banc de Terre-Neuve 1 9&