BnÉsrL CunpnDA DIAMANTINA écidé à poursuivre mon chemin seul, je laisse Jaja proposer ses services de guide aux voyageurs qui viennent d'arriver au village. Lençois est traversé par une rivière qui porte <strong>le</strong> même nom ; sa partie aval me semb<strong>le</strong> plus intéressante que I'amont, pour trouver <strong>des</strong> <strong>tortues</strong>. Au lieu de lonser <strong>le</strong> cours d'eau, je préfere marcher sur <strong>le</strong> fond du ruisseàu, bien que <strong>le</strong>s rochers soient de véritab<strong>le</strong>s patinoires. Ca <strong>et</strong> là, de gran<strong>des</strong> vasques profon<strong>des</strong> semb<strong>le</strong>nt de bons refuges pour <strong>le</strong>s <strong>tortues</strong>. En c<strong>et</strong>te saison, <strong>le</strong> débit est faib<strong>le</strong> <strong>et</strong> <strong>le</strong>s eaux assez basses, <strong>et</strong> c'est sans nul doute la meil<strong>le</strong>ure saison pour visiter un tel biotope. Dans c<strong>et</strong>te région, on devrait observer <strong>des</strong> phryntops ou <strong>des</strong> Mesoc<strong>le</strong>nlmys, <strong>et</strong> mon intention est de repérèr <strong>le</strong>s lieux afin de préparer <strong>le</strong>s sorties nocturnes. Les deux espèces, comme je I'ai déjà noté <strong>dans</strong> l'état voisin du Tocantins (Maran, 2004) peuvent cohabiter <strong>dans</strong> une même rivière. Les trous d'eau <strong>et</strong> <strong>le</strong>s vasques moins profon<strong>des</strong> sont occupés par de nombreux tê1ards, dont certains atteignent 6 cm. Toutes ces larves d'amphibiens se regroupent à la surface en bou<strong>le</strong>s compactes <strong>et</strong> grouillantes. Les poissons sont éga<strong>le</strong>ment nornbreux, <strong>et</strong> très vifs. J'aperçois un peu plus loin un gros tuyau qui déverse directement <strong>dans</strong> la rivière toutes <strong>le</strong>s eaux usées de la vil<strong>le</strong> <strong>et</strong> I'odeur devient de plus en plus nauséabonde. C<strong>et</strong>te pollution provoque une invasion d'algues rouges, vertes <strong>et</strong> blanches, qui recouvrent <strong>le</strong>s rochers <strong>et</strong> <strong>le</strong>s berges irnmergées. L'eau parait savonneuse <strong>et</strong> la faune aquatique a disparu. La rivière s,est transformée en un dépotoir insalubre <strong>et</strong> malodorant. Des rnilliers de sacs plastiques, bouteil<strong>le</strong>s vi<strong>des</strong> <strong>et</strong> pièces de tissusjonchent <strong>le</strong> sol ou pendent aux branches <strong>des</strong> arbres, <strong>et</strong> la désolation de ce spectac<strong>le</strong> m'otilige à rebrousser chemin. Il est un peu plus de l8 heures <strong>et</strong> je m'assois à la terrasse d'un bar pour déguster un jus de mangue frais. pendant c<strong>et</strong>te première journée, j'ai repéré quelques sites qui rne semb<strong>le</strong>nt propices à I'observation de <strong>tortues</strong>. A mesure que <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il disparaît de l'autre coté <strong>des</strong> montagnes, la place centra<strong>le</strong> de Lençois s'anime <strong>et</strong> la fou<strong>le</strong> semb<strong>le</strong> gaie <strong>et</strong> insouciante. Après un bon repas à base de ..feijlo,' (haricots noirs) <strong>et</strong> de riz, je remonte la rivière en balayant avec ma lampe fronta<strong>le</strong> <strong>le</strong> cours d'eau. D'innombrab<strong>le</strong>s grenouil<strong>le</strong>s, de bel<strong>le</strong> tail<strong>le</strong>, s'agitent en voyant ma lumière vive, <strong>et</strong> coassent bruyamment ,.ouuuuua, ouuuuua". Dans c<strong>et</strong>te partie de la rivière, <strong>le</strong>s berges sont assez hautes <strong>et</strong> me pem<strong>et</strong>tent de surplornber <strong>le</strong> cours d'eau, car Ia lampe n'éclaire que ies premiers centimètres <strong>et</strong> ne perm<strong>et</strong> pas de pénétrer jusqu'au fond. Soudain, <strong>dans</strong> <strong>le</strong> faisceau lurnineux, je vois la tête d,une tortue qui fi<strong>le</strong> sur ma droite. Je plonge <strong>dans</strong> une gerbe d'eau, mais naturel<strong>le</strong>ment ma lampe fronta<strong>le</strong> devient inuti<strong>le</strong> <strong>et</strong> ie n'aperçois plus I'animal, après ce plongeorr trés A2 - |  TôPT| lF t\1o71 t"itlôt rnn improvisé. Trempé jusqu'au cou, je préfere rire de ma mésaventure, mais je regr<strong>et</strong>te surtout d'avoir laissé fi<strong>le</strong>r la tortue. Et tard <strong>dans</strong> la nuit je rentre à mon auberge, sans avoir c<strong>et</strong>te fois obtenu ce que je cherchais. Ainsi vont <strong>le</strong>s aventures naturalistes. Le <strong>le</strong>ndemain, je quitte la "pousada" à 5 h.30 en compagnie de Jaja. La veil<strong>le</strong> au soir, ce nouvel ami est venu me par<strong>le</strong>r d'une cascade, située en amont, où certains de ses amis ont I'habitude de pêcher <strong>des</strong> <strong>tortues</strong>. C'est certainement un excel<strong>le</strong>nt endroit pour trouver ces animaux fugaces. Nous longeons la rivière puis nous utilisons un sentier qui traverse la forêt sèche. Après une heure de marche, nous atteignons la base d'une bel<strong>le</strong> cascade, qui tennine sa chute <strong>dans</strong> une r<strong>et</strong>enue d'eau peu profonde, étrangement cristalline. C'est probab<strong>le</strong>ment la nature minéra<strong>le</strong> <strong>des</strong> fonds aquatiques qui explique c<strong>et</strong>te apparence scintillante. Il n'est que 6 h.40 quand je me j<strong>et</strong>te à I'eau avec mon masque <strong>et</strong> mon tuba. La fraîcheur de I'eau me fait I'eff<strong>et</strong> d'un alcool fort. La visibilité est excel<strong>le</strong>nte, <strong>et</strong> <strong>le</strong>s têtards <strong>et</strong> poissons sont omniprésents. Le fond sablonneux est par endroit recouvert de feuil<strong>le</strong>s <strong>et</strong> de détritus végétaux en décomposition <strong>et</strong>je cherche <strong>dans</strong> ce substrat en espérant rencontrer une carapace. Un bloc rocheux de grande tail<strong>le</strong> coupe la vasque en deux <strong>et</strong> je tente de voir ce qui peut se dissimu<strong>le</strong>r sous ce dôme naturel. L'eau s'est un peu fioublée à cause de ma nage rapide <strong>et</strong> la faib<strong>le</strong> lurnière venant de la surface rnontre en contre-jour la silhou<strong>et</strong>te d'animaux aquatiques, qui se dissimu<strong>le</strong>nt sous <strong>le</strong> rocher. Je devine alors une tête assez plate, à I'extrémité d'un coup reptilien... Ia gorge de I'animal bouge régulièrement, mais je crains d'effrayer la tortue, <strong>et</strong> qu'el<strong>le</strong> fi<strong>le</strong> sous <strong>le</strong> rocher <strong>et</strong> se dissimu<strong>le</strong>. J'attends patiemment qu'el<strong>le</strong> se déplace, car el<strong>le</strong> semb<strong>le</strong> ne pas m'avoir deviné. Fina<strong>le</strong>ment, au moment où el<strong>le</strong> esquisse un geste, je tente de l'attraper mais l'animal glisse <strong>dans</strong> mes doigts <strong>et</strong> disparait. Encore raté. Entre hier <strong>et</strong> ce matin, j'ai rnanqué deux bel<strong>le</strong>s occasions d'identifier l'espèce qui vit <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te rivière, <strong>et</strong> cela me fait enrager. Mais naturel<strong>le</strong>ment je garde l'espoir. Je me suis éloigné du rocher <strong>et</strong>je nage <strong>dans</strong> <strong>le</strong> bassin d,eau en espérant revoir <strong>le</strong> chélonien fugace. Fina<strong>le</strong>ment, en m'approchant par un autre coté de c<strong>et</strong>te cach<strong>et</strong>te naturel<strong>le</strong>, j'ai la chance de voir sortir la tortue d'une anfractuosité, <strong>et</strong> je la capture. Il est 7 heures du matin, <strong>et</strong> je suis lreureux de tenir en main la première torfue de c<strong>et</strong>te région sauvage de l'état de Bahia. Jaja, moins têtu que moi, dort comme une souche au bord du marigot, <strong>dans</strong> une innocence queje lui envie. La tortue est d'évidence une Mesoc<strong>le</strong>mrulLs, identique à cel<strong>le</strong> que j'ai observée <strong>dans</strong> l'état de Tocantins (Maran. 2004). El<strong>le</strong> est très agressive <strong>et</strong> veut absolument mordre lna main ou tout obj<strong>et</strong> qu'on lui présente. Je la place <strong>dans</strong>