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Interview<br />
du Président<br />
du Conseil général<br />
André Vallini<br />
<strong>Isère</strong> Magazine : Le Conseil<br />
général lance une campagne de<br />
recrutement de nouvelles familles<br />
d’accueil. Leur rôle est important ?<br />
André Vallini : 70 % des enfants<br />
placés par le Conseil général en<br />
familles d’accueil ou en établissements<br />
le sont suite à une décision<br />
judiciaire, notamment pour maltraitance<br />
: carences éducatives, violences<br />
physiques, absence de soins, abus<br />
sexuels, dénutrition… Ces mauvais<br />
traitements sont aussi un problème<br />
majeur de santé publique, notamment<br />
par leurs conséquences à long terme<br />
sur la santé physique et mentale des<br />
enfants : suicide, délinquance… Le<br />
rôle des familles d’accueil est donc<br />
très important dans leur prise en<br />
charge et leur reconstruction.<br />
Mais au-delà de ces cas, il faut<br />
savoir, qu’en France, un enfant<br />
meurt chaque jour de violences infligées<br />
par les adultes. Le calvaire<br />
de la petite Marina, dans la Sarthe,<br />
celui de la petite Tiphaine, dans le<br />
Nord, ou encore le martyr du petit<br />
Lorenzo, mort de faim et de soif, à<br />
Péage de Roussillon, chez nous en<br />
<strong>Isère</strong>, sont insupportables.<br />
Et on pourrait citer aussi la découverte<br />
récente, en Seine Saint-Denis,<br />
des deux petits garçons enfermés<br />
dans une cave, sans eau, ni matelas,<br />
ni lumière, battus et sous-alimentés,<br />
ou encore celle des deux<br />
enfants noyés par leur mère dans<br />
une baignoire, en Haute-Saône, il<br />
y a quelques semaines.<br />
I. M. Selon vous on ne fait pas assez<br />
pour lutter contre la maltraitance<br />
des enfants. Pourtant la loi de<br />
mars 2007 réformant la protection<br />
de l’enfance s’est inspirée des<br />
propositions de la commission<br />
parlementaire de l’affaire d’Outreau<br />
que vous avez présidée.<br />
A. V. : La loi de mars 2007 rend plus<br />
efficace le repérage et le traitement<br />
des situations d’enfants en danger<br />
notamment grâce au renforcement<br />
de l’accompagnement pré et postnatal<br />
et à la création dans chaque<br />
département d’une cellule de recueil<br />
“Pour en finir avec les violences<br />
faites aux enfants”<br />
André Vallini : “Je veux faire de la lutte contre la maltraitance<br />
des enfants une grande cause nationale ”<br />
et d’évaluation des informations<br />
préoccupantes (Crip). Mais tous ces<br />
enfants martyrisés qui reviennent régulièrement<br />
à la Une de l’actualité<br />
montre bien qu’il faut aller plus loin.<br />
I. M. Vous organisez un colloque<br />
national le 14 juin prochain<br />
à Paris au Sénat sur le thème<br />
des violences faites aux enfants.<br />
Quel est son objectif ?<br />
A. V. : Je prépare ce colloque depuis<br />
septembre dernier pour réunir les<br />
meilleurs spécialistes de la maltraitance,<br />
médecins, enseignants, travailleurs<br />
sociaux, magistrats. Son<br />
objectif sera d’avancer des propo-<br />
sitions concrètes et d’en appeler au<br />
gouvernement car seule une volonté<br />
politique forte peut faire reculer ce<br />
véritable fléau.<br />
I. M. Un fléau ? L’ampleur<br />
de la maltraitance serait donc<br />
sous estimée en France ?<br />
A. V. : À l’évidence et les causes en<br />
sont multiples : insuffisances des<br />
investigations médicales, carences<br />
dans la prévention, dans le repérage<br />
des enfants victimes, que ce<br />
soit à l’école, dans les consultations<br />
d’urgence ou dans le cabinet des<br />
médecins libéraux… Ces lacunes<br />
étant elles-mêmes liées à une for-<br />
mation insuffisante ou inadaptée des<br />
divers professionnels. Enfin il existe<br />
aussi des dysfonctionnements dans<br />
la prise en charge malgré le cadre<br />
proposé par la loi de 2007.<br />
I. M. Mais pourquoi n’y a-t-il<br />
pas plus de mobilisation ?<br />
A. V. : C’est un sujet compliqué et<br />
qui dérange : il est très difficile en<br />
effet d’imaginer que des parents<br />
puissent faire endurer de telles<br />
horreurs à leurs enfants. On arrive<br />
donc parfois à dénier la réalité et à<br />
chasser ces images de notre esprit.<br />
C’est en fait un sujet tabou et les<br />
violences faites aux enfants sont<br />
trop souvent un angle mort de la<br />
politique, peut-être parce qu’ils ne<br />
votent pas et n’ont pas de lobby<br />
pour les défendre.<br />
I. M. Vous allez proposer que la<br />
lutte contre la maltraitance des<br />
enfants soit déclarée “grande cause<br />
nationale 2014”. Pourquoi ?<br />
A. V. : Ces dernières années, d’autres<br />
domaines de la santé de l’enfant ont<br />
été reconnus comme prioritaires et ont<br />
fait l’objet de politiques énergiques.<br />
J’ai donc décidé de demander au gouvernement<br />
de déclarer la lutte contre<br />
la maltraitance des enfants “grande<br />
cause nationale 2014”. Cela permettrait<br />
de mobiliser tous les pouvoirs<br />
publics et d’organiser des campagnes<br />
de prévention dans les médias, dans<br />
les services publics, dans les cabinets<br />
médicaux, dans les écoles. C’est grâce<br />
à de telles campagnes que la mortalité<br />
infantile, les morts par accidents<br />
domestiques ou encore les suicides<br />
chez les adolescents ont été divisés<br />
par deux en vingt ans.<br />
I. M. Et on pourrait faire reculer<br />
la maltraitance dans notre pays ?<br />
A. V. : En matière de maltraitance<br />
aussi, je suis persuadé que l’on peut<br />
vraiment arriver à des résultats mais<br />
il faut une prise de conscience collective<br />
et des mesures concrètes.<br />
Pour en finir avec les violences<br />
faites aux enfants, il faut s’en donner<br />
les moyens ! ■<br />
>25 <strong>Isère</strong> Magazine - juin 2013<br />
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