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Pascal Roméas Introduction aux peuples et aux langues germaniques<br />

La mutation <strong>de</strong>s séries consonantiques du germanique (ang. sound shift, all. germanische Lautverschiebung) est<br />

un processus connu sous l’appellation <strong>de</strong> Lois <strong>de</strong> Grimm (1822).<br />

p t k k w<br />

p h t h k h k wh<br />

f θ X X w<br />

b d g g w p t k k w<br />

b h d h g h g wh (ß ð Ŵ Ŵ w ) b d g g w<br />

Les occlusives sour<strong>de</strong>s (aspirées et non aspirées) donneront <strong>de</strong>s constrictives. Les occlusives sonores nonaspirées<br />

donneront les occlusives sour<strong>de</strong>s. Les occlusives sonores aspirées donneront à terme <strong>de</strong>s occlusives<br />

sonores, après être probablement passées dans un premier temps par un sta<strong>de</strong> où elles étaient <strong>de</strong>s constrictives<br />

sonores 2 .<br />

On <strong>de</strong>vra cependant ajouter à la loi <strong>de</strong> Grimm une loi qui conditionne ces changements à un positionnement par<br />

rapport à l’accent tel que celui-ci était en IE : la loi <strong>de</strong> Verner (1877). Verner montre que la première ligne <strong>de</strong> la<br />

loi <strong>de</strong> Grimm ne fonctionne que si la consonne est initiale <strong>de</strong> mot ou si elle suit immédiatement la syllabe<br />

accentuée du mot IE. Dans le cas contraire, les constrictives résultantes se voisent. C’est une loi qui touche<br />

toutes les constrictives, y compris celles ne résultant pas <strong>de</strong> l’application <strong>de</strong> la loi <strong>de</strong> Grimm, comme le [s] qui<br />

<strong>de</strong>vient [z].<br />

Voici un exemple d’application <strong>de</strong> ces lois, où l’ordre <strong>de</strong>s règles a son importance :<br />

proto-IE « père » * pə ’ter<br />

1- Loi <strong>de</strong> Grimm : * fə ’θer<br />

2- Loi <strong>de</strong> Verner : * fə ’ðer<br />

3- Déplacement <strong>de</strong> l’accent : * ’fə ðer<br />

4- ajustement <strong>de</strong>s timbres : ’fā ðar<br />

gotique ’fā ðar<br />

Par ailleurs, un certain nombre d’ajustements phonologiques interviennent en marge <strong>de</strong> la première mutation <strong>de</strong>s<br />

consonnes du germanique. On mentionnera notamment :<br />

- l’apophonie : phénomène durablement établi dans les langues germaniques jusqu’à nos jours, par lequel<br />

l’alternance morphologique se manifeste par une alternance du timbre <strong>de</strong>s voyelles du radical (bin<strong>de</strong>n ~ band ~<br />

gebun<strong>de</strong>n). Ceci revient à user d’un procédé morphologique <strong>de</strong> type fusionnel, mais sur le radical et non sur les<br />

désinences. Toutefois, cette évolution n’est pas le propre <strong>de</strong>s langues germaniques, puisqu’on le trouvera aussi<br />

en latin (fīdus ~ fœdus ~ fidēs).<br />

- la syllabicité <strong>de</strong> certaines consonnes en proto-IE disparaît en germanique, avec l’épenthèse d’une voyelle<br />

<strong>de</strong>vant ces consonnes, souvent la voyelle [u].<br />

2 Pour une visualisation <strong>de</strong> ce processus en <strong>de</strong>ux étapes dans la 3 ème loi <strong>de</strong> Grimm, on pourra notamment consulter la présentation qu’en font<br />

Rogers & Erwin (2001). Avec <strong>de</strong>ux étapes, le processus s’en trouve simplifié car mieux ordonné dans son déroulement. En effet, le passage<br />

<strong>de</strong> bh,dh,gh à b,d,g contrarie une autre partie – simultanée – du processus <strong>de</strong> mutation qu’est le passage <strong>de</strong> b,d,g à p,t,k. Bernard (1990) fait<br />

également état <strong>de</strong> ces tendances potentiellement contradictoires du processus à l’œuvre.<br />

L’étape constrictive intermédiaire, où bh serait <strong>de</strong>venu d’abord ß avant <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir b, trouve par ailleurs un écho dans l’hypothèse <strong>de</strong> Scherer<br />

par laquelle l’évolution <strong>de</strong> l’IE vers le haut allemand se serait effectuée en 3 étapes : t θ δ d (où l’on retrouve successivement les<br />

lois <strong>de</strong> Grimm 1 ère mutation, <strong>de</strong> Verner, puis <strong>de</strong> Grimm 2 ème mutation). Bernard (1990) évoque aussi une étape constrictive intermédiaire dans<br />

le cas <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> mutation germanique, par laquelle θ serait probablement passée par δ avant <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir d. Le processus est semble-t-il<br />

assez courant.<br />

On rappellera également que le grec présente généralement <strong>de</strong>s f là où la loi <strong>de</strong> Grimm rend compte du passage <strong>de</strong> bh à b en germanique. Si<br />

l’on fait l’hypothèse d’une étape ß entre bh et b, alors en germanique comme en grec, la logique est celle <strong>de</strong> la conservation du trait fricatif<br />

(ou constrictif, ou encore continu) porté par l’aspiration h dans la séquence occlusive+h, avec perte du trait occlusif (ou non-continu) porté<br />

par b dans cette même séquence, avec également conservation du lieu d’articulation en grec (f) comme en germanique (ß), mais perte du trait<br />

sonore dans le cas du grec. L’aboutissement, en fin <strong>de</strong> processus <strong>de</strong> mutation, à b en germanique résulterait <strong>de</strong> l’inversion <strong>de</strong> polarité du trait<br />

[continu], dans un second temps, faisant du ß continu un b non-continu.<br />

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