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Pascal Roméas Introduction aux peuples et aux langues germaniques Leur origine est située soit dans le sud de la Scandinavie, soit sur l’île de Gotland en Suède, soit encore sur la frange littorale sud de la Baltique. En fait, cela dépend sans doute de la période à laquelle on fait remonter l’appellation de Goths. On sait que les Goths étaient fixés en Ukraine et dans l’actuel Belarus dès le II e siècle de notre ère, et qu’ils menèrent au III e siècle des expéditions vers le sud jusqu’en Grèce et en Asie Mineure, avec plus ou moins de succès. C’est à cette époque qu’ils sont christianisés (premier peuple barbare, c’est-à-dire non-romain, à être christianisé). C’est aussi à cette période qu’ils se scindent en deux peuples, deux lignées royales et deux territoires : les Wisigoths, repoussés sur la rive nord du Danube par les Romains dans un premier temps ; et les Ostrogoths, qui fondèrent un royaume plus à l’est 1 , sur la rive nord de la mer noire. Wisigoths Tout au long du IV e siècle et jusqu’à la fin de l’Empire Romain, les Wisigoths seront tantôt les ennemis tantôt les alliés des Romains contre d’autres peuples d’origine germanique, comme les Vandales. D’une manière générale, la fin de l’empire se caractérise par des retournements d’alliances fréquents entre les Romains et les différents peuples germaniques. L’expansion de la domination wisigothe vers l’ouest se fait surtout à partir de l’an 400 : Sac de Rome en 410, entrée en Gaule en 412 (où Vandales et Suèves les ont déjà précédés), entrée en Espagne à partir de 416 (idem), alliance avec Rome contre les Huns en 451 en échange de territoires dans l’ouest de la Gaule, entrée au Portugal en 458. Toutefois, dans les avancées successives, les Wisigoths de souche, même s’ils se déplacent souvent par familles entières, restent une minorité à fonction essentiellement militaire. Pour Martina Pitz (2006), ceci explique sans doute une assimilation linguistique assez rapide, malgré l’interdiction des mariages mixtes. L’apogée territoriale des Wisigoths se situe aux alentours de l’an 500. Les Wisigoths contrôlent alors l’essentiel de la péninsule ibérique, le littoral méditerranéen de la Gaule jusqu’à la Ligurie ainsi qu’un large quart sud-ouest de la Gaule. Malgré les attaques franques, les Wisigoths conserveront et unifieront la péninsule ibérique jusqu’à l’entrée des Arabes par le sud au début du VIII e siècle. Ostrogoths La place laissée à l’est des Alpes par les Wisigoths est prise par les Ostrogoths, qui eux aussi finiront ainsi par migrer vers l’ouest. Etant les plus à l’est, ils furent, avec les Gépides, les premiers peuples germaniques à entrer sous la domination des Huns (à partir de 370, et jusque vers 460). On observe à cette période une migration partielle vers les Balkans, d’autres Ostrogoths demeurant en Ukraine. Après la chute de Rome (476), la migration vers l’ouest se poursuit au point que la majorité les Ostrogoths sont désormais établi dans l’actuelle Hongrie / Croatie puis en Italie du nord. Ils domineront finalement toute l’Italie, comme l’avaient fait les Wisigoths avant eux. Pendant une courte période, Ostrogoths et Wisigoths s’unifient politiquement sous le règne de Théodoric le Grand. Le Royaume couvre alors l’Espagne, une partie de la Gaule et l’Italie. 1 Toutefois, certains travaux d’étymologie ne voient pas dans l’opposition de ces deux appellations une opposition ouest / est, mais une opposition se référant à une origine ethnique distincte et plus ancienne (il y aurait eu, dès avant la migration vers l’est, deux sortes de Goths). Ainsi Wisi- pourrait provenir de la racine wise (sage). Quant à Ostr-, cela pourrait faire référence à une ancienne province du sud de la Suède ou signifier « glorieux ». 4
Pascal Roméas Introduction aux peuples et aux langues germaniques Le règne des Ostrogoths en Italie se termine par la domination de Byzance à partir du milieu du VI e siècle. Burgondes Originaires du sud de la Scandinavie comme les autres peuples germaniques, et peut-être plus précisément de l’île aujourd’hui danoise de Bornholm (Burgundarholmr) Contrairement aux Goths, leurs migrations ne les entraînent pas à l’est, mais vers la Rhénanie et la Bavière. Ils furent soumis tantôt aux Huns, tantôt aux Romains, tantôt aux Alamans, ce qui les amena à se déplacer vers la Suisse, le Jura et la Savoie actuelles vers le V e siècle, pendant qu’Ostrogoths et Wisigoths se partagent l’Espagne, l’Italie, le sud et l’est de la Gaule. Les Burgondes n’ont jamais été très nombreux. Certaines sources parlent de 80 000 personnes, essentiellement concentrées autour de Genève et du Jura. Seuls des cantonnements militaires isolés existaient dans les régions plus excentrées (toute la Bourgogne et la vallée du Rhône). Il paraît assez certain que leur influence linguistique sur les peuples de ces régions a, pour cette raison, été minime, et qu’en revanche, leur assimilation linguistique à des langues gallo-romaines a été forte et rapide. Ceci a probablement été favorisé par la légalité des mariages mixtes en zone burgonde. Au VI e siècle, la culture Burgonde s’efface devant la culture mixte franque et gallo-romaine, leur religion passe de l’arianisme au catholicisme, et leur royaume disparaît au profit de celui des Francs. A ce stade, toute pratique de langue ostique a disparu dans la région. Vandales Comme les Burgondes, les Vandales quittent la Scandinavie pour migrer vers le continent. Ils s’établissent un temps entre l’Oder et la Vistule, puis s’enfonce vers le sud et peuplent la Silésie et la Slovaquie actuelles (II e et III e siècle), à une période où les Goths sont déjà au bord de la mer noire. Au début du V e siècle, les Vandales traversent la Gaule puis l’Espagne, en les pillant. La reprise en main entreprise par les Wisigoths les divise et les accule à demeurer en Andalousie (à laquelle ils laissent leur nom « Vandalousie », arabisé ensuite en « Al Andalus »), puis à franchir la Méditerranée pour émigrer en Afrique du nord. Leurs alliés les Suèves, seront quant à eux repoussés en Galice. Les Vandales finiront par s’établir en Afrique du nord (Algérie littorale, Tunisie). Selon des sources romaines de l’époque, environ 80 000 Vandales passèrent le Détroit de Gibraltar. A la fin du V e siècle, ils conquièrent la Sardaigne et la Corse. Au début du VI e siècle, leur royaume d’Afrique s’effondre face à Byzance. Langues ostiques Les langues ostiques (notamment le gotique, qui est la seule que l’on connaisse bien) sont réputées plus proches des langues scandinaves que de la branche westique. Outre le gotique, on compte quelques autres langues germaniques du groupe ostique : le burgonde, le vandale, le suève notamment. Le gotique est la langue des Goths (puis des Wisigoths et Ostrogoths) jusqu’aux V e -VI e siècles en Europe du sud, période à laquelle elle s’estompe au profit des formes créolisées de latin qui prévalent à cette époque. Le caractère minoritaire et la fonction militaire des Wisigoths parmi les populations romanisées de Gaule expliqueraient que les toponymes soient restés gallo-romains, et que les langues romanes de ces régions aient conservé très peu de traces gotiques (Pitz, 2006). Les Wisigoths d’Espagne aux VII e et VIII e siècles ne parlent donc plus des langues germaniques, mais des variétés gallo-ibères émergentes. En Gaule, au VIII e siècle, la Chronique de Lorsch, source carolingienne (donc issue de la culture Franque) fait état de deux langues vernaculaires en usage : la rustica romana lingua et la theodisca lingua, par laquelle il faut 5
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