Ultimes Ballades Fiche pédagogique - Opéra de Rouen Haute ...

III) Les oeuvres
La Malédiction du chanteur (Des Sängers Fluch)
Schumann s’inspire de ce que l’on considère aujourd’hui comme l’une des meilleures ballades de l’écrivain romantique Ludwig Uhland (1787-
1862). Ce dernier fut très célèbre pendant tout le XIX e siècle puisque son premier recueil de poèmes connut pas moins de 64 rééditions. Uhland fut
un combattant en faveur de la liberté et de l’émancipation et son œuvre poétique, écrite pour l’essentiel avant 1820, le révèle. Richard Pohl fut
critique musical allemand (1826-1896). Il défendit notamment Liszt et Wagner dans la revue fondée par Schumann (Die neue Zeitschrift für Musik).
La ballade originelle de Ludwig Uhland comprend 16 quatrains. L’adaptation de Richard Pohl et la musique de Schumann comprennent 14 parties et
font intervenir cinq solistes, un chœur et un orchestre. Les personnages sont les suivants : la Récitante (mezzo-soprano), la Reine (soprano), le
Jeune Homme (ténor), le Harpiste (baryton) et le Roi (basse).
La Récitante situe l’action dans un passé lointain : deux musiciens, l’un âgé (le Harpiste), l’autre jeune et joyeux (le Jeune Homme) se dirigent vers le
beau château d’un roi maussade. Le Harpiste encourage le Jeune Homme à chanter. Mais ce dernier est angoissé : comment émouvoir le Roi et
comment revoir sans trouble la Reine qu’il a connue jadis et qui est française comme lui ? Les voici tous deux dans la salle du trône. Le Roi, terrifiant,
ordonne de chanter pour la Reine. Celle-ci, fragile, demande une mélodie de son pays. Accompagné du Harpiste, le Jeune Homme chante un
chant provençal qui veut redonner vie à l’amour courtois. Alors que la foule est émue, le Roi s’énerve. Il veut un chant plus héroïque qui évoque une
épreuve que l’épée résout par le sang. Le Harpiste chante alors un chant souabe : c’est la Ballade du roi Sifrid qui rappelle comment un troubadour a
tué le roi Sifrid qui lui-même avait assassiné traîtreusement son frère. Dans la salle du trône, l’assistance pressent un drame alors que le Roi prend
cette chanson pour un appel provocateur à la révolution.
La Reine reproche au Harpiste son chant. Elle en souhaite un plus héroïque, à la gloire de la patrie et l’assistance encourage cette demande. Les
deux musiciens chantent l’hymne germanique qui est un appel à la liberté. A l’exception du Roi, l’assistance est bouleversée. La Reine aspire à
retourner en France, tandis que le Roi voit dans cet épisode la marque d’une trahison qui se prépare. Il souhaite que les musiciens s’en aillent. La
Reine les retient encore pour un dernier chant. C’est le chant du « renoncement ». Toute l’assistance se demande en tremblant si le Jeune Homme
va oser chanter ce texte. Le Roi lui ordonne de commencer. Son chant raconte comment un troubadour amoureux, dans une cour méprisant l’amour,
avait reçu de la reine un bague le faisant l’homme le plus riche du monde. La Reine se joint au chant du Jeune Homme : le Roi, jaloux de cette complicité,
tue le Jeune Homme. La Récitante intervient de nouveau pour dire comment le harpiste emporte le Jeune Homme, brise sa harpe et maudit
le château. On entend alors la malédiction du Harpiste appelant l’anéantissement et l’oubli sur le château et sur le Roi. La Récitante et le Chœur
interviennent une dernière fois pour l’efficacité de cette malédiction : plus aucune chanson ne rappelle le nom du Roi, totalement oublié.
Schumann n’entendit jamais cette partition. La création, prévue en 1852, ne put avoir lieu, faute d’une harpe dont le rôle est essentiel dans la partition.
Les musicologues insistent sur la variété des styles musicaux dans cette œuvre et sur la dextérité de Schumann à diversifier les rapports entre
l’orchestre, le chœur et les solistes.
Le Page et la Fille du Roi (Vom Pagen und der Köngistochter)
Schumann s’inspire cette fois de quatre ballades du poète Emmanuel Geibel (1815-1884). Ce poète est aujourd’hui bien oublié mais il fut considéré
de son vivant comme l’un des plus grands poètes du XIX e siècle, comparé à Goethe. À sa mort, ses poèmes avaient été édités près de cent fois !
Schumann adapte lui-même les quatre ballades de Geibel, pour les besoins de la partition. Ainsi les quatre poèmes donnent naissance à quatre
parties qui font apparaître un dispositif vocal plus complexe que celui de La Malédiction du Chanteur : la Récitante (mezzo-soprano), la Reine des
Nymphes (soprano), la Princesse (soprano ou mezzo-soprano), le Page (ténor), le Triton (baryton), le Ménestrel (baryton) et le Roi (basse). Les
quatre ballades sont adaptées en quatre parties.
Dans la première ballade, la Récitante raconte comment le vieux Roi et ses hommes partent à la chasse. La Princesse les accompagne ; elle
s’écarte du chemin et le Page lui déclare son amour. S’ensuit un duo amoureux dans la forêt alors qu’on entend au loin la chasse. La Récitante introduit
un dialogue entre le Roi et le Page, dialogue pendant lequel, reconnaissant au doigt du Page une bague de sa fille, le Roi tue le Page et l’envoie
courtiser la Reine des nymphes. Et le page, mort, de s’enfoncer sur son cheval dans la mer. La troisième ballade se passe chez les nymphes. Le
Triton (ou plus exactement l’Homme de la mer – der Meermann, en allemand) les fait danser lorsqu’elles découvrent les ossements d’un homme.
La Reine demande au Triton de fabriquer une harpe avec ces os. Il s’exécute et demande à la Reine ses cheveux d’or pour servir de cordes. Tout se
calme et s’endort au son de cette harpe magique. La Récitante raconte dans la quatrième ballade le mariage de la Princesse avec un prince
Ultimes Ballades - Fiche pédagogique