Envenimations en Afrique francophone : actes du deuxième ... - IRD
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Figure 4.<br />
Discussion<br />
V<strong>en</strong>te de serums antiv<strong>en</strong>imeux au Sénégal <strong>en</strong> 2003.<br />
Antiv<strong>en</strong>om deal in S<strong>en</strong>egal <strong>du</strong>ring the year 2003.<br />
Le transect que nous avons choisi traverse la zone la plus<br />
peuplée <strong>du</strong> Sénégal, mais néglige deux régions importantes<br />
tant par le nombre d’habitants concernés que par la situation<br />
zoogéographique : la Casamance, où la d<strong>en</strong>sité de serp<strong>en</strong>ts est<br />
importante, et la vallée <strong>du</strong> fleuve Sénégal où probablem<strong>en</strong>t<br />
Echis ocellatus, vipère particulièrem<strong>en</strong>t dangereuse, joue un<br />
rôle non négligeable. En outre, il serait utile de m<strong>en</strong>er une<br />
<strong>en</strong>quête dans le Ferlo, vaste steppe située au c<strong>en</strong>tre et au nord<br />
<strong>du</strong> Sénégal, certes peu peuplée, mais haut lieu de pâturage et<br />
de transhumance qui constitu<strong>en</strong>t un risque pot<strong>en</strong>tiel élevé. À<br />
l’évid<strong>en</strong>ce, une <strong>en</strong>quête dans ces trois régions est indisp<strong>en</strong>sable<br />
pour compléter cette étude.<br />
Les données obt<strong>en</strong>ues ne sont pas homogènes, ce qui peut<br />
être dû, soit à des situations zoologique et anthropologique<br />
différ<strong>en</strong>tes, soit à un problème méthodologique.<br />
Les <strong>en</strong>quêtes dans les c<strong>en</strong>tres de santé prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t le plus souv<strong>en</strong>t<br />
une insuffisance de docum<strong>en</strong>ts sources, registres ou dossiers<br />
d’hospitalisation, per<strong>du</strong>s, incomplets ou illisibles. Elles<br />
con<strong>du</strong>is<strong>en</strong>t à préciser la morbidité, représ<strong>en</strong>tant le nombre<br />
de cas <strong>en</strong>registrés dans les structures sanitaires, c’est-à-dire<br />
la sollicitation des services de santé par les victimes d’accid<strong>en</strong>t<br />
d’<strong>en</strong>v<strong>en</strong>imation. La morbidité est donc l’expression des<br />
besoins minimaux <strong>en</strong> terme de prise <strong>en</strong> charge des morsures<br />
ou piqûres v<strong>en</strong>imeuses. En outre, il est possible d’évaluer<br />
l’effici<strong>en</strong>ce de cette prise <strong>en</strong> charge par le taux de létalité,<br />
nombre de décès parmi les pati<strong>en</strong>ts traités dans les formations<br />
sanitaires.<br />
Les <strong>en</strong>quêtes auprès des ménages fourniss<strong>en</strong>t trois autres indicateurs<br />
complém<strong>en</strong>taires et sans doute plus exacts :<br />
– l’incid<strong>en</strong>ce, c’est-à-dire le nombre de morsures ou piqûres<br />
v<strong>en</strong>imeuses au sein d’une communauté, quels que soi<strong>en</strong>t le<br />
recours thérapeutique et l’issue ;<br />
– le recours thérapeutique et, év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t, ses motivations<br />
;<br />
– la mortalité qui est le nombre de décès par <strong>en</strong>v<strong>en</strong>imation<br />
dans une population donnée.<br />
Les <strong>en</strong>quêtes auprès des ménages nécessit<strong>en</strong>t une méthodologie<br />
rigoureuse et peuv<strong>en</strong>t être mis <strong>en</strong> défaut soit par un<br />
mauvais échantillonnage, soit par l’imprécision des données<br />
ou le manque de relation <strong>en</strong>tre numérateur (évènem<strong>en</strong>t) et<br />
dénominateur (période couverte et population de référ<strong>en</strong>ce).<br />
Ainsi, à Thiès, le nombre de villages <strong>en</strong>quêtés peut paraître<br />
très faible (deux villages totalisant 1 120 habitants). Mais,<br />
d’une part, l’<strong>en</strong>quête a mis l’acc<strong>en</strong>t sur les c<strong>en</strong>tres de santé,<br />
tous explorés, et d’autre part, la proximité géographique de<br />
Niakhar dont les similitudes géographiques sont très grandes<br />
permet de comp<strong>en</strong>ser cet échantillonnage ré<strong>du</strong>it. À Banda-<br />
Évaluation de l'incid<strong>en</strong>ce des morsures de serp<strong>en</strong>ts au Sénégal.<br />
fassi, nous avons délibérém<strong>en</strong>t restreint l’effectif <strong>en</strong> raison<br />
de l’exist<strong>en</strong>ce d’une <strong>en</strong>quête réc<strong>en</strong>te plus approfondie (8, 10,<br />
13, 14) que la notre visait surtout à compléter. Les résultats<br />
de ces deux <strong>en</strong>quêtes, m<strong>en</strong>ées selon des méthodes différ<strong>en</strong>tes,<br />
se valid<strong>en</strong>t mutuellem<strong>en</strong>t. La discussion et l’explication<br />
d’év<strong>en</strong>tuelles différ<strong>en</strong>ces, d’ailleurs non significatives, sont<br />
publiées par ailleurs (9). Une telle comparaison permet de<br />
souligner la fiabilité de la mémoire indivi<strong>du</strong>elle et collective<br />
des personnes interrogées sur les morsures de serp<strong>en</strong>t. Certes,<br />
l’information se dilue avec le temps et les évènem<strong>en</strong>ts très<br />
anci<strong>en</strong>s ont t<strong>en</strong>dance à s’estomper voire à s’oublier. De même,<br />
certains facteurs culturels doiv<strong>en</strong>t être pris <strong>en</strong> compte comme<br />
l’omission, volontaire ou inconsci<strong>en</strong>te, d’accid<strong>en</strong>ts surv<strong>en</strong>ant<br />
chez les <strong>en</strong>fants (9). Cep<strong>en</strong>dant, la robustesse de l’information<br />
concernant les décès con<strong>du</strong>it à privilégier cette méthode pour<br />
évaluer la mortalité dans une communauté.<br />
Les indicateurs épidémiologiques montr<strong>en</strong>t une nette augm<strong>en</strong>tation<br />
<strong>du</strong> risque de morsures de serp<strong>en</strong>t de l’ouest vers<br />
l’est. Deux facteurs peuv<strong>en</strong>t expliquer ce gradi<strong>en</strong>t géographique.<br />
D’une part, la population humaine et ses activités,<br />
lorsque la pression démographique est forte, peut limiter le<br />
développem<strong>en</strong>t des populations ophidi<strong>en</strong>nes. D’autre part,<br />
l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t influe sur le peuplem<strong>en</strong>t ophidi<strong>en</strong> et opère<br />
une sélection des espèces dont la dangerosité va différer<br />
selon les biotopes. Le premier facteur se tra<strong>du</strong>it au niveau<br />
de l’incid<strong>en</strong>ce. La corrélation négative <strong>en</strong>tre l’incid<strong>en</strong>ce et la<br />
d<strong>en</strong>sité de population est fortem<strong>en</strong>t significative à Niakhar<br />
(r = -0,52, d.d.l. = 29, p < 10-2 ). Une d<strong>en</strong>sité élevée de population<br />
humaine semble ré<strong>du</strong>ire le risque de morsure, ce qui peut<br />
s’expliquer par une ré<strong>du</strong>ction de la population ophidi<strong>en</strong>ne. À<br />
Nioro <strong>du</strong> Rip, où il ne nous a pas été possible de mesurer la<br />
d<strong>en</strong>sité de population, il existe une corrélation négative significative<br />
<strong>en</strong>tre le nombre d’habitants et la mortalité (r = -0,43,<br />
d.d.l. = 32, p < 10-2 ), ce qui peut s’interpréter comme une<br />
conséqu<strong>en</strong>ce mécanique de l’incid<strong>en</strong>ce. Le second facteur joue<br />
un rôle important sur la sévérité des <strong>en</strong>v<strong>en</strong>imations mesurée<br />
approximativem<strong>en</strong>t par la mortalité. Si celle-ci est proportionnelle<br />
à l’incid<strong>en</strong>ce, l’id<strong>en</strong>tité des espèces ophidi<strong>en</strong>nes <strong>en</strong><br />
cause est évidemm<strong>en</strong>t déterminante. Dans la région de Thiès<br />
et de Niakhar, outre les espèces peu dangereuses sinon non<br />
v<strong>en</strong>imeuses, la prés<strong>en</strong>ce de populations dispersées de Bitis<br />
arietans explique une mortalité non négligeable (proche de<br />
deux décès pour 100 000 habitants) malgré la faible incid<strong>en</strong>ce.<br />
Cette vipère est par ailleurs responsable de nécrose et gangrène<br />
importante (11). En revanche, à Bandafassi, l’abondance<br />
d’Echis ocellatus (13, 14), explique sans aucun doute une très<br />
forte mortalité, évaluée à 11 décès pour 100 000 habitants et<br />
confirmée à 14 pour 100 000 habitants par des études plus<br />
précises (8, 10). Cette petite vipère, dont la fréqu<strong>en</strong>ce semble<br />
égalem<strong>en</strong>t correspondre à un gradi<strong>en</strong>t ouest-est, possède un<br />
v<strong>en</strong>in fortem<strong>en</strong>t hémorragique.<br />
À l’ouest <strong>du</strong> Sénégal, il apparaît que la population à risque est<br />
composée de sujets jeunes (10-20 ans principalem<strong>en</strong>t), alors<br />
qu’au Sénégal ori<strong>en</strong>tal, ce sont les a<strong>du</strong>ltes actifs (20-59 ans)<br />
qui sont majoritairem<strong>en</strong>t touchés. En revanche, dans toutes<br />
les régions où nous avons <strong>en</strong>quêté, les hommes sont plus fréquemm<strong>en</strong>t<br />
mor<strong>du</strong>s que les femmes.<br />
À partir de ces élém<strong>en</strong>ts, il nous a été possible de construire<br />
une carte de distribution de l’incid<strong>en</strong>ce et de la mortalité au<br />
Sénégal (figure 5). La morbidité dans les régions n’ayant pas<br />
fait l’objet d’<strong>en</strong>quêtes a été estimée à partir de celle observée<br />
dans des zones similaires à la fois par l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t (climat,<br />
végétation, faune sauvage, notamm<strong>en</strong>t herpétologique)<br />
et les activités humaines (d<strong>en</strong>sité de population, agriculture et<br />
élevage). Ainsi, la Casamance a été comparée au sud et c<strong>en</strong>tre<br />
Bull Soc Pathol Exot, 2005, 98, 4, 277-282 281