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La Gazette nº 7 - Middlebury College

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C’est d’ailleurs parce qu’il estimait<br />

que «les Français étaient directement<br />

concernés» par la ratification de la<br />

Constitution, que le Président Chirac<br />

a choisi la voie du référendum, malgré<br />

tous les risques qu’un tel processus<br />

représente.<br />

<strong>La</strong> bataille du référendum s’annonçait<br />

donc délicate : or, les responsables<br />

politiques favorables à la ratification<br />

du traité, de gauche comme de droite,<br />

n’ont pas su réellement trouver les<br />

mots pour rassurer les Français. Reconnaissons<br />

à leur décharge qu’il est<br />

plus difficile de parler des avantages<br />

de l’Europe que des contraintes multiples<br />

qu’elle impose – et cela d’autant<br />

plus que, depuis un quart de siècle,<br />

tous les gouvernements brandissent<br />

la «contrainte européenne» pour faire<br />

passer les pilules les plus amères ! Il<br />

faut aussi ajouter que la France, comme<br />

beaucoup de grandes démocraties<br />

occidentales, subit actuellement une<br />

crise politique assez profonde, due en<br />

partie à des modes de gouvernance qui<br />

ne sont sans doute plus adaptés à la<br />

vie d’aujourd’hui. Finalement, le débat<br />

référendaire, qui aurait pu être riche<br />

et enthousiasmant, fut au contraire<br />

assez stérile, et en tout cas particulièrement<br />

morose. Je regrette surtout<br />

que les tenants du «oui» aient trop<br />

souvent oublié de revenir aux fondamentaux<br />

de l’Europe : à ce qu’elle nous<br />

a apporté, et nous apporte encore.<br />

Car l’Europe, c’est avant toute chose<br />

la paix, une paix durable que bien peu<br />

de nations dans le monde connaissent.<br />

Les jeunes hommes de notre génération<br />

sont les premiers Français à ne<br />

pas avoir été appelés à combattre sous<br />

le drapeau tricolore. Mon grand-père<br />

a connu deux guerres : il s’est couché<br />

dans les tranchées de Verdun et, un<br />

peu plus de vingt ans après, il a combattu<br />

dans les Ardennes, où il a laissé<br />

la vie, comme tant d’autres Français.<br />

L’Europe s’est construite sur un charnier<br />

séculaire : le «plus jamais ça» est<br />

notre ciment le plus solide.<br />

Bien avant la seconde guerre mondiale<br />

qui, malgré ou à cause de son<br />

cortège d’atrocités, a été le véritable<br />

déclencheur de la construction européenne,<br />

la fédération des nations était<br />

une sorte d’utopie, que les États-Unis<br />

d’Amérique avaient réalisée. Les nations<br />

d’Europe ont longtemps porté<br />

en leur sein ce désir fédéraliste. <strong>La</strong><br />

France l’a exprimé dès 17 1, devant<br />

l’Assemblée législative, à l’occasion<br />

de la révision de sa Constitution. Et<br />

plus tard, en 1849, lors du Congrès<br />

de la paix de Paris, Victor Hugo a<br />

prononcé un discours vibrant sur les<br />

États-Unis d’Europe : «Un jour viendra<br />

où les armes vous tomberont des<br />

mains, à vous aussi !». En Allemagne,<br />

ce désir s’est exprimé avec L’Essai sur<br />

la paix perpétuelle (179 ) de Kant,<br />

qui est sans doute l’expression la plus<br />

profonde de cette utopie : pour la première<br />

fois, une grande voix clamait<br />

que l’action politique doit être guidée<br />

par des valeurs universellement partageables.<br />

Il aura fallu deux siècles et<br />

de douloureux conflits, dont deux qui<br />

ont engagé les forces du monde entier<br />

et ont fait des dizaines de millions de<br />

morts, pour que cette idée se concrétise<br />

enfin.<br />

Grâce à la volonté de quelques hommes<br />

qui avaient vécu l’horreur indescriptible<br />

de la guerre, avec l’accord<br />

tacite de peuples qui n’aspiraient<br />

qu’à une paix durable, l’Europe a<br />

donc enfin vu le jour. D’abord avec<br />

un traité instituant la Communauté<br />

européenne du charbon et de l’acier<br />

(la CECA), signé à Paris en 19 1.<br />

Puis avec l’acte fondateur de la Communauté<br />

économique européenne<br />

(CEE), signé à Rome en 19 7 par<br />

l’Allemagne, la France, l’Italie et les<br />

trois pays du Bénélux. Le même jour,<br />

les mêmes pays ont signé le traité de<br />

l’Euratom (la Communauté européenne<br />

de l’énergie atomique). L’Europe<br />

de l’économie existait désormais. Elle<br />

s’est vite dotée d’instances institutionnelles<br />

complémentaires pour gérer<br />

la Politique étrangère et de sécurité<br />

(PESC), la Justice et les affaires intérieures<br />

(JAI). C’est l’entrée en vigueur<br />

en 1993 du Traité de Maastricht, dont<br />

la ratification en France a été autorisée<br />

par référendum (avec 1% des voix),<br />

qui marqua le passage de la Communauté<br />

à l’Union Européenne. Il lança<br />

également l’Union économique et<br />

monétaire (UEM) qui conduisit à la<br />

création de l’euro en 2001. Enfin, au<br />

tout début des années 1990, les pays<br />

de l’Union ont commencé à appliquer<br />

la convention de Schengen (signée<br />

par les États membres en 198 ), qui<br />

supprime les contrôles d’identité aux<br />

frontières entre les pays signataires.<br />

Ce sont aujourd’hui des centaines de<br />

millions d’Européens qui partagent<br />

une même monnaie, voyagent, étudient<br />

et même travaillent en toute<br />

liberté dans l’ensemble des pays qui<br />

composent l’Union. Petit à petit, nos<br />

différences (à commencer par celle des<br />

niveaux de vie) s’amenuisent, tandis<br />

que grandit l’idée d’une communauté<br />

de destin, fondée sur l’amitié entre des<br />

peuples qui se sont déchirés dans des<br />

conflits que d’aucuns pensaient inexpiables.<br />

Être Européen a aujourd’hui<br />

un sens concret. C’est un sentiment<br />

d’appartenance que nous serons de<br />

plus en plus nombreux à partager : six<br />

fondateurs en 19 7, neuf membres en<br />

1973, douze en 1986, quinze en 199<br />

et vingt-cinq depuis l’élargissement<br />

de 2004. Le «rêve européen» (Jeremy<br />

Rifkin) d’une Europe s’étendant, comme<br />

l’avait prédit le Général de Gaulle,<br />

de l’Atlantique à l’Oural, n’est plus<br />

tout à fait une utopie.<br />

Dans leur histoire récente, plusieurs<br />

de ces nouveaux pays européens ont<br />

connu des dictatures, la plupart ont<br />

mené ou subi des guerres, mais tous<br />

aspirent maintenant à la paix. C’est<br />

d’ailleurs une condition préalable à<br />

l’adhésion à l’Union. Car les nations<br />

de l’Union partagent les mêmes va-<br />

(suite à la page 13)<br />

sept<br />

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