22.07.2013 Views

PARTITIONS URBAINES - Artishoc

PARTITIONS URBAINES - Artishoc

PARTITIONS URBAINES - Artishoc

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

SITUATIONS D’ÉCOUTE<br />

De Times Square, à New York, œuvre en mouvement perpétuel<br />

de Max Neuhaus, aux Audio Walks de Janet Cardiff, certains<br />

artistes travaillent sur l’environnement urbain et mettent en jeu<br />

d’un « art sonore en espace libre ».<br />

Au cœur de Times Square, à New York, à l’angle de<br />

Broadway et de la 7 e Avenue, là où les néons publicitaires<br />

dominent la foule grouillante, se cache un des secrets les<br />

plus étranges de la ville. Les piétons qui s’y ruent ne remarquent<br />

souvent rien, mais si l’on est moins pressé, où tout<br />

simplement si l’on a les oreilles mieux entraînées, on<br />

distingue un ronronnement curieux, un lointain brassage<br />

mécanique. Ceci n’est pas un piège acoustique particulier,<br />

comme les recoins des villes en comptent beaucoup si l’on<br />

se donne la peine de les découvrir. Ici, il s’agit bien d’un<br />

process, une œuvre en mouvement perpétuel élaborée à<br />

partir de 1974 et définitivement construite et produite de<br />

1977 à 1992 par Max Neuhaus. Elle se nomme tout<br />

simplement Times Square. Demandant un constant monitoring,<br />

elle ne dut son interruption qu’au départ de Max<br />

Neuhaus pour l’Europe. Après une première vie étalée sur<br />

une génération presque entière, Times Square manquait<br />

aux riverains. Elle fut recommissionnée en 2002 par le très<br />

sérieux Time Square Street Business Improvement District,<br />

et aujourd’hui encore, elle émet 24 heures sur 24.<br />

Neuhaus, consentant à révéler quelques secrets de fabrication,<br />

nous dit que « le son doit juste paraître plausible ».<br />

Il est difficile d’en déterminer l’agent, et les auditeurs qui<br />

n’en trouvent pas la cause pensent que le son vient du<br />

métro. Ils n’ont pas tout à fait tort, puisque les fréquences<br />

d’origine se logent dans un entrelacs de tunnels qui se<br />

croisent entre les 42 e et 46 e Rues. Les résonances y sont<br />

particulièrement importantes. Neuhaus, lui, les amplifie et<br />

les module pour les distribuer depuis son dispositif. « J’ai<br />

passé des mois à écouter ces résonances, il n’y a pas<br />

d’autres sons que ceux déjà existants, c’est pourquoi je<br />

préfère parler de mon travail comme d’une “construction<br />

sonore” et non d’une “composition”. »<br />

Times Square est bien plus qu’une sensation auditive. Elle<br />

est un art sonore en espace libre qui doit autant au regard<br />

qu’à l’écoute. Il n’y a pas d’autres composants plastiques<br />

que le décor qui l’insuffle : « Des néons, des centres d’affaires,<br />

des théâtres, des boutiques porno, des salles de<br />

jeux. Et aussi, des touristes, la clientèle de Broadway, des<br />

commerçants, des maquereaux, des dealers et des<br />

employés de bureau. Quand l’un d’eux découvre mon environnement<br />

sonore, il cesse d’être observé pour devenir<br />

observateur. Il pense que le phénomène qu’il écoute est sa<br />

propre découverte. » Alors, le plus peuplé des espaces<br />

publics new-yorkais devient un espace privé. Une expérience<br />

personnelle partagée par tous.<br />

ART SONORE EN ESPACE LIBRE<br />

La formulation d’un « art sonore en espace libre », que l’on<br />

doit au compositeur électroacoustique français Michel<br />

Risse (1) , appelle une relecture des relations entre la musique,<br />

les sons écoutés pour eux-mêmes et l’environnement.<br />

Instrument/Monument est un projet qu’il inaugure à Paris<br />

en 1997. Risse commence par exploiter les potentialités<br />

sonores réelles d’un site, d’une structure, d’un lieu public.<br />

Postulant que toute forme et tout matériau ont un son, il<br />

stipule : « Il ne manque que des musiciens pour leur donner<br />

un statut d’instrument et, bien entendu, les moyens de se<br />

faire entendre. » Ceci est accompli par la pose de microphones<br />

de contact. Grâce à eux, les vibrations ne sont plus<br />

captées dans l’air mais directement sur la matière, avant<br />

d’être amplifiées. « L’espace défini par le site est exploité<br />

comme scénographie naturelle, avec un apport extérieur de<br />

structures et d’éléments techniques limité au minimum. »<br />

Ainsi le Tambour-Beaubourg, performance d’ouverture des<br />

2 e Rendez-Vous Electroniques, pour laquelle trois percussionnistes<br />

explorent les ascenseurs et parcourent les structures<br />

du Centre (garde-corps, rampes, haubans). Dans un<br />

ordre calculé et suivant un système d’écriture précis, ils<br />

font résonner le verre, le métal et l’espace.<br />

Avec des procédés similaires, le New-Yorkais Stephen<br />

Vitiello s’est aussi fait une spécialité des enregistrements<br />

de structures. Sa plus célèbre réalisation a aujourd’hui<br />

valeur de symbole puisqu’elle fut conduite dans, ou plutôt<br />

sur les Twins Towers en 1999. Le 91 e étage des tours était<br />

alors réservé à des artistes en résidence. L’objectif premier<br />

de Vitiello était d’enregistrer les événements sonores qui<br />

entouraient les tours – ballets d’hélicos, cris d’oiseaux et<br />

autres sonorités naturelles. Mais devant l’impossibilité<br />

d’ouvrir les fenêtres scellées par une triple épaisseur de<br />

verre, il oriente son dispositif différemment et propose une<br />

Michel Risse, Instrument/Monument « Dehors/Dedans », pour le Manège de Reims, septembre 2004. Photo : Alain Julien. www.lefourneau.com/decorsonore.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!