SoRCIERS Et SoRCIèRES AU LUXEMboURg - Jos A. Massard
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mendiantes. Certaines de ces femmes tentaient d’avoir un revenu supplémentaire en<br />
exerçant comme sage-femme. Le métier de sage-femme jouissait de peu d’estime dans la<br />
société de l’époque; en plus on attribuait souvent à la sage-femme des connaissance<br />
suspectes dans le domaine des moyens anticonceptionnels et abortifs.<br />
Les causes de la chasse aux sorcières<br />
Glaesener (1885) nous apprend comment le 19e siècle a vu les causes du phénomène de la<br />
sorcellerie. Il l’a formulé de la manière suivante: « Le sentiment du merveilleux et du<br />
surnaturel est indestructible dans l'âme humaine et varie seulement dans ses<br />
manifestations selon les temps, les lieux et les races. Les Grecs, race poétique et artiste,<br />
habitant une contrée pittoresque, ont peuplé leurs campagnes, leurs forêts et leurs fleuves<br />
de nymphes, de dryades, de syrènes, de faunes et de satyres; leur belle nature servait de<br />
lieu d'ébats aux amours de ces créations de leur imagination. La superstition d'aujourd'hui<br />
veut entrer en communication avec le monde des esprits, avec les âmes des trépassés au<br />
moyen du magnétisme et du spiritisme. A l'époque de la Réformation l'imagination du<br />
peuple, surexcitée par le fanatisme religieux, voyait partout l'adversaire éternel du genre<br />
humain, le prince des ténèbres avec ses légions de démons. Le fanatisme était égal de part<br />
et d'autre: si pour les catholiques Luther était le fils du diable, pour les réformés Rome<br />
était la Babel de l'Apocalypse et le pape était l'Antéchrist. Luther lui-même voyait le diable<br />
et luttait contre lui. Avec un esprit public ainsi prédisposé, à une époque de guerres<br />
intestines, cruelles comme toutes les guerres religieuses, remplies d'horreurs et de<br />
dévastations, à une époque où la découverte d'un nouveau monde ouvrait au loin dans<br />
l'Occident de fantastiques perspectives aux yeux de la vieille Europe, peut-on s'étonner<br />
que la croyance au merveilleux et au surnaturel ait été générale et qu'elle ait eu surtout<br />
pour objet le monde de la magie noire, les larves, les lémures, les démons incubes et<br />
succubes, etc. ? » 27<br />
L’analyse d’Antoinette Reuter complète et précise ces réflexions. Elle fait remarquer que<br />
la chasse aux sorcières était plus développée dans la partie germanophone du duché de<br />
Luxembourg (régions de Bitbourg, Echternach, Remich, Thionville, Luxembourg, Arlon,<br />
etc.) que dans le « quartier wallon » (Virton, Bastogne, Marche, Durbuy, La Roche, Ivoix).<br />
Elle fait remarquer que le quartier wallon appartenait au diocèse de Liège, alors que le<br />
reste du Luxembourg relevait de l’autorité spirituelle de l’évêque de Trèves. Dans les deux<br />
évêchés le mouvement de la contre-réforme se manifestait de manière différente. Dans<br />
l’évêché de Liège, on visait en premier lieu les ecclésiastiques locaux dont il s’agissait<br />
d’améliorer la formation. Dans l’évêché de Trèves, par contre, l’attention des autorités de<br />
l’église se portait directement sur les fidèles. Elle organisait de vastes missions populaires<br />
dont elle chargea l’ordre des jésuites nouvellement fondé. La conséquence de cette action<br />
directe était que les idées de la contre-réforme se propageaient plus rapidement dans la<br />
population de l’évêché de Trèves que dans celui de Liège.<br />
D’après Reuter (1986) les thèmes abordés par la contre-réforme ont favorisé la chasse aux<br />
sorcières:<br />
1) La méfiance à l’encontre des sages-femmes et des femmes guérisseuses a été attisée.<br />
2) Une morale sexuelle beaucoup plus restrictive a été prônée, puisqu’on croyait que le<br />
diable profitait souvent de la sexualité pour subjuguer les gens.<br />
27 Glaesener 1885, p. 148.<br />
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