SoRCIERS Et SoRCIèRES AU LUXEMboURg - Jos A. Massard

Ainsi, dans le petit village d’Enscherange deux personnes ont été brûlées comme sorcières
en 1615; de même deux sorcières ont exécutées en 1621 dans le hameau d’Entrange. Tous
les ans, ou presque, Echternach a été le théâtre de l’une ou de l’autre exécution; et en 1680,
quatre femmes y ont été même brûlées comme sorcières. Dans la seigneurie de Wiltz trois
sorcières ont été brûlées en 1614 et deux en 1615. D’après Breisdorff, la terreur a atteint
son point culminant vers la fin du 16e siècle, bien qu’au début du 17e siècle la tempête ne
se fût pas encore calmée. 3 Le dernier procès retrouvé par Breisdorff a eu lieu en 1692
contre Thérèse Welzbach (Velzbach) d’Echternach qui a été acquittée sur ordre du Conseil
provincial. 4
En tout, Breisdorff a traité quelque soixante procès de sorcellerie. Une documentation
nettement plus riche — plus de mille actes de procès — a été à la base des travaux de
l’historien Nicolas van Werveke 5 dont la quintessence se retrouve dans le chapitre
« Hexenprozesse » du premier tome de sa « Kulturgeschichte des Luxemburger Landes »
publié en 1923 à Luxembourg (réimprimé en 1983).
Van Werveke a montré que l’apparition des procès de sorcellerie est bien antérieure au
règne de Philippe II, le premier procès ayant eu lieu d’après lui en l’an 1372. Son prochain
repère est l’année 1456 où il y a eu deux procès de sorcellerie dans la prévôté de
Luxembourg: en février, celui de Jean Steffen, qui a été brûlé comme sorcier, et, en
septembre, celui d’une certaine Hebbel (Helena) qui s’est suicidée dans sa prison après
avoir été torturée. En 1468 Elsa de Wiltz, demeurant à Hivange, est exécutée comme
sorcière. En 1487 les comptes de la ville de Luxembourg mentionnent trois femmes
accusées de sorcellerie. En 1488, cinq sorcières sont brûlées à Thionville. 6
Atten (1986) apporte des touches complémentaires au tableau du début de la sorcellerie au
Luxembourg. Le premier cas qu’il cite se situe en l’an 1451 où une femme accusée de
s’être comportée de manière étrange dans l’église est incarcérée dans la prison de
Luxembourg. Elle y sera retrouvée morte après avoir été soumise, en cinq jours, à la
torture à trois reprises. La pauvre est enterrée subrepticement, la nuit, dans un coin non
béni du cimetière du « Knodeler ». Deux ans plus tard la jeune fille d’un juif de Sierck se
retrouve dans la prison de Luxembourg. On l’accuse de sorcellerie parce qu’elle a eu des
propos étranges au sujet de la religion catholique. Le verdict ne tardera pas: la jeune juive
sera baptisée, puis brûlée. En 1455, trois sorcières originaires d’Esch-sur-Alzette sont
incarcérées à Luxembourg. La première se pend quelques jours après, la deuxième réussit à
prendre la fuite, la troisième est d’abord libérée, puis de nouveau arrêtée, et elle finit sur le
bûcher. En 1461, trois femmes sont accusées de sorcellerie à Luxembourg; l’une d’entre
elles sera brûlée, le sort final des deux autres, qui ont résisté à la torture, n’est pas connu.
Vers la fin du 15e siècle, la persécution des sorcières va en augmentant, notamment dans
les régions voisines du Luxembourg, avec un paroxysme à Metz en 1481, et surtout en
1488 où 35 sorcières y seront brûlées. 7
3 Breisdorff 1861, p. 148.
4 Breisdorff 1861, p. 144.
5 Nicolas van Werveke (1851-1926), professeur d’histoire à l’Athénée puis à l’Ecole industrielle du
Limpertsberg (actuel LGL). Citons dans le contexte de la sorcellerie ses articles antérieurs suivants: « Ein
Hexenprozess zu Echternach, 1642 » (1883) ainsi que « Die Hexenprozesse im Luxemburger Lande » (1900).
6 van Werveke 1923, p. 288.
7 Atten 1986, p. 18; Atten 1995, p. 414.
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